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Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847)

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Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847) Empty Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847)

Message par Her Mar 12 Avr - 8:16

Sœur Marie Lataste
(1847-05-10)


Marie Lataste, mystique française, est née le 21 février 1822, à la ferme du Grand Cassou (du grand chêne) au village de Mimbaste, dans les Landes, à 10 km à l’est de Dax. Une trentaine d’années avant sa naissance, durant la Grande Révolution, sa famille avait aménagé au centre de la ferme familiale du Grand Cassou une pièce secrète, un couloir de 1 mètre de large par 4 de long, sans porte ni fenêtre, et dans laquelle on accédait en y descendant depuis le grenier, par une trappe cachée sous la paille.
Durant la Terreur révolutionnaire, la famille y cacha un prêtre réfractaire, religieux barnabite de Dax et curé du lieu, le Père Joseph Sentetz. Comme il avait prêté serment à la Constitution Civile du Clergé, le district de Dax le nomma curé de Mimbaste et Saugnac, où était curé M. Domec, prêtre insermenté ? C’était peut-être par délicatesse qu’il n’avait pas apparu dans ses paroisses. Un peu plus tard, le Père Sentetz vint à Dax à un rassemblement de prêtre jureurs. M. Domec alla le voir à Dax et l’invita à se rétracter. Il le fit solennellement devant le Père Laurensan, prémontré, prieur de l’abbaye de Divielle, vicaire-général et insermenté. Il répéta cette rétractation à Mimbaste, le jour de Notre Dame du 15 Août 1795, et le dimanche suivant à Saugnac, pendant la messe. Pendant de longs mois, caché au « Grand Cassou » chez les Lataste, il poursuivit son ministère dans la clandestinité, célébrant l’office, dans les granges, les caves et les greniers. Il édifia par là et toucha jusqu’aux larmes beaucoup de ses paroissiens. Dénoncé et arrêté par les "patriotes", il fut conduit le 22 mars 1880, à la citadelle de Saint-Martin de Ré. Mais, dès le mois suivant, il s’évada. Et l’on ne retrouve plus trace lui, nulle part. Certains pensent qu’il s’est noyé, d’autres croient qu’il a rejoint les royalistes des guerres de Vendée où il mourut martyr.
La famille Lataste conserve encore aujourd’hui de ce saint prêtre, une précieuse relique : le verre à pied qui servait de vase sacré pour les célébrations clandestines de l’Eucharistie au grand Cassou.
C’est sûrement grâce à la sainteté de ce prêtre martyr, que le Seigneur favorisa de grâces exceptionnelles la jeune Marie, une enfant de la maison.

Une vingtaine d’années plus tard, Marie Lataste naquit de parents paysans très pieux dans cette ferme hautement sanctifiée. Selon ses indications, elle nous dit qu'ils étaient modestes. Son savoir ainsi que celui de ses deux soeurs se limitait à lire, écrire, coudre et filer. Leur maman leur avait également légué la foi chrétienne et ses vertus. Jésus-Christ avait décidé de lui révéler son enseignement afin de le transmettre à tous. La communion faite à l'âge de 12 ans a été un tournant de sa vie. Un an plus tard, il lui semblera voir sur l'autel, au moment de l'élévation une lumière brillante.
Avant même d’être entrée en religion et à partir de 1839, Marie Lataste fut gratifiée de visions, de communications célestes qui remplirent cette belle âme de la conscience divine et infuse, surtout lors de ses visites au Saint-Sacrement de l’église paroissiale de Mimbaste où elle eut de fréquentes rencontres mystiques avec le Christ.
Sur ordre de son directeur spirituel, Monsieur l’Abbé Darbins, curé de Mimbaste, elle écrivit ses mémoires. Ses locutions ne sont pas sans rappeler les célèbres "Dialogues" de sainte Catherine de Sienne, sont une suite de révélations dont nous avons de nombreux témoignages établis à partir de sa correspondance. Ils témoignent d'une ferveur spirituelle tout à fait exceptionnelle :

« Fervente, tant dans l'explication du dogme que de la morale, cette paysanne illettrée à l'origine, par sa piété, et son don de l’écriture s'est élevée à la hauteur de la littérature théologale hors du commun ».

À la lutte incessante contre les tentations dont Marie était soumise, la jeune fille redoublait de vigilance. Puis à l'âge de 17 ans, les tentations disparurent :

« Le tabernacle de Jésus est le lieu où j'aime à me retirer, à me cacher, à prendre mon repos. J'y trouve une vie que je ne saurais définir, une joie que je ne puis faire comprendre, une paix telle qu'on n'en trouve pas sous les toits hospitaliers des meilleurs amis... »

À la fin de l'année 1839, alors qu'elle entrait dans l'église de Mimbaste, Notre Seigneur lui apparut sur l'autel :

« Il était environné de ses anges, mais comme voilé par un nuage lumineux qui empêchait de le distinguer parfaitement ».

Au cours des différentes rencontres, Jésus l'instruisit des divers mystères, des souffrances de sa passion, lui présenta la très Sainte Vierge. Jésus la soutenait, l'aidait, mais également la dirigeait, et à l’occasion la réprimandait avec sévérité :

« Je vis alors, dit-elle son visage devenir sérieux et ses yeux me regarder fixement. Il s'arrêta, et me dit d'un ton irrité : "Qui es-tu pour recevoir avec tant de négligence les paroles que Je t'adresse ? Fille pleine d'orgueil, te connais-tu bien toi-même ? Tu n'es que néant, péché et corruption, et c'est ainsi que tu prêtes l'oreille à ma voix ? Penses-tu que ce soit à cause de tes mérites que Je viens converser avec toi ? C'est par un effet de ma Miséricorde que Je viens t'instruire. Cette instruction ne t'est point due. Garde-toi de la mépriser, garde-toi de t'enorgueillir, garde-toi de t'élever pour cela au-dessus d'autrui. Ma parole ne te sauvera pas seule, il faut ta coopération. Ma parole ne te donnera pas de mérite, ton mérite sera de correspondre à ce qu'elle te dira... »

Son confesseur, homme de grande sagesse et curé de la paroisse, la guida durant les premières années, M. l'abbé Darbos, puis ce fut M. l'abbé Pierre Darbins qui vient le remplacer. Jésus avait recommandé à Marie de ne rien cacher au directeur qu'il lui avait choisi. Il soumit Marie Lataste à différentes épreuves d'obéissance et d'humiliation.
L'abbé Darbins sollicita le directeur et professeur de théologie au grand séminaire de Dax. Ils lui demandèrent de mettre par écrit tout ce qu'elle avait vu et entendu par le passé et de tout ce qu'elle verrait, entendrait et éprouverait à l'avenir.
Malgré cette tâche très difficile pour une jeune fille sachant à peine écrire, mais avec le soutient de Jésus Christ, Marie Lataste, relata en dehors de son travail à la ferme, d’une très belle écrite sur des cahiers qui ont permis à M. l'Abbé Darbins de publier, avec l'accord de Monseigneur l'Évêque d'Aire et de Dax. Elle aimait à écrire à l’ombre d’une fraîche tonnelle de laurier qui existe encore aujourd’hui. L’hiver, Marie rédigeait ses cahiers dans sa chambre où elle fut aussi favorisée d’apparitions du Sacré-Cœur.
À l'âge de 22 ans, elle confia différents manuscrits à son curé, l'abbé Darbins. Les révélations reçues y étaient consignées. Ses écrits furent publiés en même temps que son journal et sa correspondance, entre 1862 et 1872, "La vie et des oeuvres de Marie Lataste".
Des difficultés, des doutes, des épreuves nombreuses ont jalonné le chemin de Marie Lataste. Mais, Jésus était présent pour l'aider :

« Les paroles que vous entendez ne sont pas de vous, elles m'appartiennent ; vous ne faites que les écrire. Vous n'êtes rien, vous ne pouvez rien par vous-même ; mais je suis tout, je puis tout, je règle tout, je prends soin de tout, et les plus grandes choses comme les plus petites entrent dans les desseins et l'économie de ma sagesse, de ma providence et de ma miséricorde... »

Le 21 février 1844, Marie Lataste donne la propriété pleine et entière de ses écrits à son directeur l'abbé Darbins :

« C'est à vous, disait-elle le même jour à son directeur, de juger comment, de quelle manière et en quel temps vous pourrez vous servir de mes cahiers pour faire le bien ou s'il ne vaut pas mieux les détruire ».

Jésus lui a dit qu’elle devait se faire religieuse dans la Société du Sacré Cœur de Sainte Sophie Barat. Marie savait aussi par Jésus qu'elle n'atteindra pas son 26ème anniversaire. Après beaucoup de retard, elle a obtenu la permission de partir pour Paris le 21 avril 1844. Au mois de mai, Marie Lataste entra au couvent du Sacré-Cœur de Paris rue de Varennes, en qualité de sœur coadjutrice. Ce fût pour elle une grande joie : l'aboutissement de sa vocation voulue par Jésus-Christ.
On peut résumer sa nouvelle vie toute en : obéissance, humilité, modestie, recueillement, patience, charité. Elle ne laissera auprès des autres soeurs que de profonds souvenirs de respect et d'admiration.
En dehors de celle qui la dirigeait, personne ne savait les grâces exceptionnelles qu'elle avait obtenues et qu’elle continuait de recevoir jusqu’à sa mort.
Elle ira ensuite au noviciat de à Conflans-Sainte-Honorine puis à Rennes dans l'espoir qu'un changement d'air améliorerait sa santé.
Le 4 mai 1846, elle quitte Conflans, avec quelques religieuses, sous la conduite de la Révérende de Mère de Charbonnel, pour la fondation du Sacré-Cœur de Rennes.
Le 9 mai, devenue soudainement très malade, Marie Lataste reçu l'autorisation de prononcer ses voeux. Le lendemain, elle décède à Rennes à l'âge de 25 ans en odeur de sainteté, le 10 mai 1847, à l'âge de 25 ans, deux mois et dix-huit jours, en réalisation littérale de la révélation que lui fit Notre Seigneur, alors qu'elle n'avait que dix-neuf ans en lui disant : "... tu verras ta vingt-cinquième année dans son entier,mais tu mourras avant d'avoir achevé la vingt-sixième" ».
Sa cause fut introduite à Rome, mais ayant demandé à Jésus de rester inconnue après sa mort :

« Ce que je demande au bon Dieu, c'est d'être oubliée des hommes après ma mort, comme pendant ma vie ».

Cette demande fut exaucée en tous points, et sa cause pour la reconnaissance de ses vertus héroïques, connue de nombreuses péripéties par différents curieux évènements, telle la perte de l’emplacement de sa tombe à Rennes durant de nombreuses années, jusqu’à l’ouverture de sa cause, ou encore l’exil de sa communauté et de ses reliques pour l’Angleterre, suite aux lois contre les communautés religieuses et à l’expulsion des congrégations sous le gouvernement Combes. Ses reliques reposent aujourd’hui sous l’autel dans le silence de la chapelle du Sacré-Cœur dans sa communauté de Roehampton, dans le Sud-ouest de la banlieue de Londres, oubliée de tous, car Sœur Marie Lataste reste inconnue des Anglais, car son œuvre n’a jamais été traduite en anglais, ce qui devrait se faire très prochainement. Ne doutons pas qu’au jour choisi, le Seigneur relèvera Marie Lataste de son vœu d’incognito post-mortem, et que ses restes seront ramenés en triomphe vers sa chère église de Mimbaste.
Durant la guerre, toute la zone de cette banlieue au sud-ouest de Londres avait été presque entièrement détruite sauf la chapelle du Sacré-Cœur qui fut miraculeusement préservée des bombardements allemands.
Nous devons rendre un hommage particulier au Père Emile Marlas, du diocèse d’Agen, un grand dévot de Marie Lataste, grâce auquel les oeuvres ont pu être rééditées depuis trente ans.

Notre-Seigneur parle à Marie Lataste de son Amour et de celui de son Père pour chacun de ceux qui l’interroge :

« Dites à celui qui m'interroge que je l'aime et qu'il est aimé par mon Père... »

Notre-Seigneur, au cours de ses longs colloques avec Marie Lataste, fait l’éloge de Marie, sa Mère et Notre mère, et évoque ainsi son rôle dans le plan de Dieu, pour le Salut du monde, par mission de sauver l’humanité à la Fin des Temps :

« Je suis comme la source immense de la réparation du monde, comme la source infinie des grâces données au monde. Mais cette source ne coule pas directement sur le monde, elle passe par Marie, et ma mère est cette créature que j'ai choisie en union avec Dieu le Père et Dieu le Saint-Esprit, pour répandre tous les biens du ciel sur la terre ».

« Oui, ma fille, tout vient de moi pour le bonheur et la sanctification des hommes, mais tout passe par Marie ; je n'accorde rien que ce qu'accorde Marie ; et jusqu'à la fin des temps, je bénirai, je rachèterai, je sauverai les hommes parce que Marie les bénira, les rachètera, les sauvera par moi ».

« Pour être Fils de l'homme, pour être Sauveur, il fallait ma volonté, il faillait aussi la volonté de Marie ; pour rendre les hommes fils de Dieu, frères du Sauveur, il fallait aussi la volonté de Marie ; elle a donné son consentement à Nazareth, elle l'a donné sur le Calvaire, et ce consentement dure encore dans le ciel ».

« Voilà donc ce à quoi Marie était éternellement destinée par Dieu : à opérer, par moi et par elle, le salut du monde ».

« La paix reviendra visiter la terre. La Sainte Vierge calmera les orages. Son nom sera loué et béni pour toujours. Les prisonniers et les esclaves seront remis en liberté. Les exilés rentreront chez eux, et les malheureux retrouveront la paix et le bonheur ».

« Entre la Très Auguste Vierge Marie et ses fidèles enfants, s’écoulera un flot mutuel de grâces. De l’Orient à l’Occident, comme du Septentrion au Midi, tous proclameront le Saint Nom de marie, Ô Marie conçue sans péché, Ô Marie Reine du ciel et de la terre. Amen ».

Elle eut aussi des révélations sur le rôle des Anges, nos plus précieux alliés en ces temps difficiles, et leurs relations avec les hommes :

« Je veux vous parler de deux choses que produisent les Anges sur les hommes. La première, c'est l'illumination de l'intelligence, la seconde le mouvement de la volonté (...). Les Anges, ma fille, éclairent les hommes de trois manières : en leur annonçant les divins mystères, en les instruisant, en les exhortant ; ils les éclairent en se manifestant à eux visiblement ou invisiblement (...) Invisiblement, lorsqu'ils ne se servent d'aucun objet sensible pour se manifester à l'homme, quand ils agissent directement avec l'âme sur l'âme, quand ils lui parlent comme un esprit à un esprit, comme un Ange à un Ange ; et cela, soit que celui à qui ils s'adressent soit éveillé, soit qu'il soit endormi, comme ils s'adressent à tous ceux à qui ils portent un intérêt et qui leur sont confiés en leur inspirant de bonnes pensées. (...) Ce mouvement ne ressemble pourtant pas à un mouvement, comme celui par exemple que vous communiqueriez à un objet quelconque ; non, ma fille, car la volonté demeure toujours libre, et comme libre, ni les Anges, ni Dieu ne peuvent lui donner mouvement vers le bien si elle ne veut pas. Ce mouvement est une disposition vers le bien, une aptitude, une facilité à faire le bien. À cet effet, les Anges enlèvent, font disparaître ou diminuent les obstacles qui empêcheraient la volonté et l'arrêteraient, et en ce sens, ils lui donnent encore le mouvement.

Ma fille, Dieu gouverne, dirige et mène tout immédiatement par sa providence. Rien ne Lui échappe, comme Il a tout créé, ainsi Il conserve tout, ainsi Il veille sur tout et porte ses yeux sur toutes choses. Néanmoins, Il lui a plu de confier l'exécution des actes de sa providence à des ministres qu'Il s'est donné. Ces ministres sont les Anges. [...] Il a fait le monde et l'a confié à ses Anges, Il a fait l'homme et Il le leur a confié aussi. Ils sont toujours à ses côtés, ils sont toujours avec lui, ils veillent sur lui, ils le gardent, et c'est pour cela qu'ils sont appelés Anges gardiens. Tous les hommes ont un Ange gardien [...] car telle est la volonté de mon Père du ciel, faisant tout pour le bien et le salut de l'homme. Les Anges gardiens n'ont point été seulement donnés aux hommes depuis ma venue en ce monde, mais depuis le commencement, tous les hommes ont reçu de Dieu un Ange pour veiller sur eux.

Voici ce que fait pour vous l'Ange gardien et ce que vous devez faire pour lui. L'Ange gardien éloigne de vous les maux du corps et de l'âme ; il lutte contre vos ennemis, il vous excite à faire le bien ; il porte à Dieu vos prières et inscrit sur le livre de vie vos bonnes œuvres ; il prie pour vous, il vous suit jusqu'à la mort, et vous portera dans le sein de Dieu, si vous vivez dans la justice pendant que vous serez sur terre. [...] Un rien peut affliger notre corps pour jamais, un accident peut pour jamais aussi vous ravir la vie de votre âme. Vous n'êtes point assez avisée pour écarter et éloigner tous les dangers ; et quand vous le seriez assez, souvent vous ne le pourriez pas vous-même. Ce que vous ne voyez pas, votre Ange gardien le peut pour vous, et il protège votre corps et votre âme en éloignant tout ce qui pourrait lui être préjudiciable ; il le fait sans que vous vous en aperceviez. Si quelque fois vous y réfléchissiez, et que vous vous demandassiez comment vous avez échappé à tel accident, à tel malheur, vous toucheriez du doigt l'action de votre bon Ange. [...] Enfin, ma fille, votre Ange gardien vous suivra partout ; il vous suivra tous les jours de votre vie, et quand Dieu vous retirera de ce monde, il vous présentera à Lui ».

Notre Seigneur fait l’éloge de Marie Lataste. Il manifeste aussi sa volonté de faire connaître au monde entier, les écrits et la valeur doctrinale de l’ensemble de l’œuvre de Marie Lataste ; enfin, Il promet sa sanctification :

« Donnez toujours vos soins à Marie, vous ne savez point à qui vous les donnez. Marie sera un jour la mère spirituelle des pauvres pécheurs, Marie sera la consolatrice des affligés et la lumière des ignorants.
La voix de Marie retentira comme la voix d'un grand docteur et sa voix combattra les ennemis de ma religion sainte. Marie, comme une étoile brillante, sortira de dessous les nuages qui la couvent et sera donnée en spectacle à sa patrie et aux contrées lointaines.
Les nuages qui recouvrent son œuvre seront un jour levés, …
Les habitants du ciel la regarderont et seront éblouis de sa beauté. Marie deviendra la terreur des démons, et un objet de haine et de confusion pour les ennemis de ma doctrine. Marie sera persécutée, elle éprouvera toutes sortes de déboires ; mais tout tournera à sa sanctification. Elle est à la veille d'entrer dans la retraite profonde que je lui destine... »

Notre Seigneur parle à Marie Lataste de sa colère contre l’humanité corrompue et pécheresse :

« Je l'avais entendu le dimanche précédent ; sa voix, au lieu d'être douce, bonne et toute paternelle, me semblait être la voix de Dieu irrité contre les pécheurs. Sa bouche était pleine de menaces, il s'exprima à peu près ainsi : "Mon peuple, je viens vous faire entendra ma voix et vous reprocher vos iniquités. La terre n'est qu'un foyer de corruption. J'ai regardé à droite et je n'ai vu que vanité et mensonge ; j'ai regardé à gauche et je n'ai vu que turpitudes et infamies qui font horreur. J'ai regardé dans le passé, et l'histoire des siècles n'est qu'un long mémoire de cruautés affreuses ; je regarde le présent et je vois tous les hommes s'élever contre Dieu, blasphémer son nom et violer ses lois. Mais je m'élèverai contre ces superbes pécheurs, je ferai gronder mon tonnerre au dessus de leur tête et ma foudre ébranlera la terre sous leurs pieds. J'éclairerai leurs yeux du feu de mes éclairs et les envelopperai dans le brouillard impénétrable de mes nuages. Ainsi je jetterai la consternation parmi eux. Hommes vindicatifs, sachez-le bien, la main de Dieu seul doit s'armer pour la vengeance. Si vous avez reçu une injure, plaignez-vous à Dieu. Périssent votre or et votre argent, hommes avares ; et si vous demeurez attachés à vos richesses, vous périrez comme elles. Hommes voluptueux, quelle vie est la vôtre ? ne savez-vous donc pas que rien d'impur n'entrera jamais dans le royaume des cieux ? Hommes superbes, qui êtes-vous devant le fils de Dieu qui s'est fait humble jusqu'à la mort de la croix ? Mon Père, si ma voix n'est pas écoutée par les hommes, exterminez tous ceux qui vient et qui on les mains souillées de sang, le coeur rempli d'iniquités, l'âme esclave de Satan. Mon Père, créez-moi un peuple nouveau, et que ce peuple glorifie votre nom dans le temps et dans l'éternité."
La voix du Sauveur Jésus était terrible et me glaçait d'effroi ; mais au moment de la bénédiction, je me remis un peu, car je vis sa figure reprendre son air habituel de douceur et de bonté ».

Notre Seigneur explique à Marie Lataste les mystères de la relation entre Dieu et les hommes pécheurs :

« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus... portez votre attention sur l'homme en société, sur les peuples, sur les nations.
Qui a fait l'homme individu particulier ?
Qui a fait l'homme vivant en famille ?
Qui a fait l'homme attaché à une nation, à un empire ?
N'est-ce pas Dieu qui attache l'homme par ces liens mystérieux ?
Oui, c'est Dieu, car l'homme de lui-même est ennemi du joug ; il aime ce qu'il nomme la liberté, et cette liberté le détacherait de sa patrie et de son prince. Une loi existe pour régir les nations et les empires ; cette loi est un joug qui semble briser la liberté de l'homme. Mais au-dessus des volontés des hommes se trouve la volonté de Dieu qui soumet les hommes à ceux qu'il a établis pour les gouverner.

La voix de Dieu s'élève : il soumet les peuples aux princes et aux rois. La voix de Dieu s'élève : il se fait obéir des monarques et des potentats. La voix de Dieu s'élève : il fait trembler les têtes couronnées, comme un enfant dans son berceau. La voix de Dieu s'élève : il proclame sa bonté, sa miséricorde ou sa justice sur les peuples et les rois. La voix de Dieu s'élève : il donne la prospérité aux nations et à leurs rois. La voix de Dieu s'élève : il préserve de tout mal les peuples et leurs souverains. La voix de Dieu s'élève : il brise les monarques et fait disparaître leur empire comme un nuage que le vent chasse du ciel.

L'homme vit, se remue, marche, s'agite, se débat ; mais c'est Dieu qui le mène et le conduit. Il en est de même des nations. Tout a été fait par Dieu, et rien ne résiste à sa volonté. Tout a été fait par Dieu, et tout sert d'instrument à Dieu dans l'exécution de ses desseins et de ses jugements. Il pourrait les exécuter seul ; mais il lui plaît de se servir des instruments qu'il a créés, et il n'indique à personne ni la manière de parvenir à ses desseins, ni lé moment où il atteindra son but, ni le motif pour lequel il avance ou retarde l'accomplissement de sa volonté.

Insensé qui ne reconnaît pas Dieu dans gouvernement des hommes !... »

« ... Les rois devraient avoir une seule vue, une seule idée, celle de soutenir parmi leurs peuples l'ordre et la justice ; or, cet ordre et cette justice ne peuvent exister, ni être soutenus que par la conformité à l'ordre souverain, à la justice éternelle, Dieu.

Le Seigneur a tracé aux princes et aux rois ses commandements, comme il les a donnés à Moïse et à Josué. S'ils les font observer comme eux, ils rendront leurs peuples heureux et feront couler dans tout leur empire le lait et le miel en abondance, c'est-à-dire que Dieu bénira le roi et les sujets, et les comblera de biens, comme les Israélites dans la terre promise. Les bons rois font les bons peuples et les pervers les pervertissent.

« Ma fille, me dit un autre jour le Sauveur Jésus... ne soyez jamais du nombre de ces insensés qui attribuent au hasard, au destin, à la volonté ou à la combinaison des hommes les événements heureux qui réjouissent, ou les malheurs qui affligent. Ne voyez en tout que la Providence de Dieu, réglant, gouvernant et dirigeant tout ici-bas.
L'âme juste voit la Providence dans tous les événements du monde, et ne cesse de la louer et la bénir.
L'âme juste n'attribue point le gain d'une bataille à la valeur, au courage, au nombre des soldats, à l'habileté des capitaines; elle l'attribue à la Providence de Dieu, qui donne la victoire à qui il lui plaît.
L'âme juste n'attribue point la prospérité d'un empire au gouvernement du prince de cet empire; elle l'attribue à la Providence de Dieu, lumière, conseil, puissance et soutien de ce prince.
L'âme juste n'attribue point la chute d'une dynastie royale à la faiblesse ou à l'incurie des membres de cette dynastie ; elle l'attribue à la Providence de Dieu, qui fait et défait les rois de la terre pour sa gloire et le bonheur des peuples ou leur châtiment.
L'âme juste n'attribue point les fléaux, les inondations, la fureur des flots des mers, l'irritation du tonnerre, la famine, la peste, la guerre, les maladies, la mort, à des causes naturelles ; elle attribue tout à Dieu, qui commande à l'océan comme à la foudre, qui donne l'abondance ou la stérilité, qui conserve la paix ou permet le trouble parmi les hommes, et leur envoie, quand il lui plaît, la maladie ou la santé ».

«... En un mot, l'âme juste voit en tout et partout le doigt de Dieu... »

Notre Seigneur parle à Marie Lataste des pécheurs :

« Je l'avais entendu le dimanche précédent ; sa voix, au lieu d'être douce, bonne et toute paternelle, me semblait être la voix d'un Dieu irrité contre les pécheurs. Sa bouche était pleine de menaces, il s'exprima à peu près ainsi :

"Mon peuple, je viens vous faire entendre ma voix et vous reprocher vos iniquités. La terre n'est qu'un foyer de corruption. J'ai regardé à droite et je n'ai vu que vanité et mensonge ; j'ai regardé à gauche et je n'ai vu que turpitudes et infamies qui font horreur. J'ai regardé dans le passé, et l'histoire des siècles n'est qu'un long mémoire de cruautés affreuses ; je regarde le présent, et je vois tous les hommes s'élever contre Dieu, blasphémer son nom et violer ses lois. Mais je m'élèverai contre ces superbes pécheurs, je ferai gronder mon tonnerre au-dessus de leur tête, et ma foudre ébranlera la terre sous leurs pieds. J'éclairerai leurs yeux du feu de mes éclairs, et les envelopperai dans le brouillard impénétrable de mes nuages. Ainsi je jetterai la consternation parmi eux. Hommes vindicatifs, sachez-le bien, la main de Dieu seul doit s'armer pour la vengeance. Si vous avez reçu une injure, plaignez-vous à Dieu.

Périssent votre or et votre argent, hommes avares ; et si vous demeurez attachés à vos richesses, vous périrez comme elles. Hommes voluptueux, quelle vie est la vôtre ? Ne savez-vous donc pas que rien d'impur n'entrera jamais dans le royaume des cieux ? Hommes superbes, qui êtes-vous devant le Fils de Dieu, qui s'est fait humble jusqu'à la mort de la croix ? Mon Père, si ma voix n'est pas écoutée par les hommes, exterminez tous ceux qui vivent et qui ont les mains souillées de sang, le coeur rempli d'iniquités, l'âme esclave de Satan. Mon Père, créez-moi un peuple nouveau, et que ce peuple glorifie votre nom dans le temps et dans l'éternité". — La voix du Sauveur Jésus était terrible et me glaçait d'effroi ».

Notre Seigneur annonce à Marie Lataste la proclamation du Dogme de l’Immaculée Conception :

« Un jour de la fête de l'Immaculée-Conception, j'étais venue prier devant l'autel de Marie, longtemps avant la célébration de la sainte messe. J'avais rendu mes hommages à Marie conçue sans péché. J'avais félicité Notre Seigneur Jésus-Christ d'avoir une créature si privilégiée pour mère. Je m'associai de tout coeur à la croyance de l'Église et m'unis à tous les fidèles qui, en ce jour, rendaient honneur à Marie. J'eus le bonheur de communier.
Quand Jésus fut dans mon coeur, il me dit ainsi : "Ma fille, vos hommages ont été agréés par ma Mère et aussi par Moi. Je veux vous remercier de votre piété par une nouvelle qui vous fera plaisir.

Le jour va venir où le ciel et la terre se concerteront ensemble pour donner à ma Mère ce qui lui est dû dans la plus grande de ses prérogatives. Le péché n'a jamais été en Elle, et sa conception a été pure et sans tache, et immaculée comme le reste de sa vie. Je veux que sur la terre cette vérité soit proclamée et reconnue par tous les Chrétiens. Je me suis élu un Pape et j'ai soufflé dans son coeur cette résolution. Il aura toujours clans sa tête cette pensée pendant qu'il sera Pape. Il réunira les évêques du monde pour entendre leurs voix proclamer Marie immaculée dans sa conception, et toutes les voix se réuniront dans sa voix. Sa voix proclamera la croyance des autres voix, et retentira dans le monde entier.

Alors, sur la terre, rien ne manquera à l'honneur de ma Mère. Les puissances infernales et leurs suppôts s'élèveront contre cette gloire de Marie, mais Dieu la soutiendra de sa force, et les puissances infernales rentreront dans leur abîme avec leurs suppôts. Ma Mère apparaîtra au monde sur un piédestal solide et inébranlable ; ses pieds seront de l'or le plus pur, ses mains comme de la cire blanche fondue, son visage comme un soleil, son coeur comme une fournaise ardente. Une épée sortira de sa bouche et renversera ses ennemis et les ennemis de ceux qui l'aiment et l'ont proclamée sans tache.
Ceux de l'Orient l'appelleront la Rose mystique, et ceux du Nouveau Monde la Femme forte. Elle portera sur son front, écrit en caractères de feu : "Je suis la ville du Seigneur, la protection des opprimés, la consolation des affligés, le rempart contre les ennemis.
Or, l'affliction viendra sur la terre, l'oppression règnera dans la cité que j'aime et où j'ai laissé mon coeur. Elle sera dans la tristesse et la désolation, environnée d'ennemis de toutes parts, comme un oiseau pris dans les filets. Cette cité paraîtra succomber pendant trois ans et un peu de temps encore après ces trois ans.
Mais ma Mère descendra dans la cité ; elle prendra les mains du vieillard assis sur un trône, et lui dira : "Voici l'heure, lève-toi. Regarde tes ennemis, je les fais disparaître les uns après les autres, et ils disparaissent pour toujours. Tu m'as rendu gloire au ciel et sur la terre, je veux te rendre gloire sur la terre et au ciel. Vois les hommes, ils sont en vénération devant ton nom, en vénération devant ton courage, en vénération devant ta puissance. Tu vivras, et je vivrai avec toi. Vieillard, sèche tes larmes, je te bénis.

La paix reviendra dans le monde, parce que Marie soufflera sur les tempêtes et les apaisera ; son nom sera loué, béni, exalté à jamais. Les captifs reconnaîtront lui devoir leur liberté, et les exilés la patrie, et les malheureux la tranquillité et le bonheur. Il y aura entre Elle et tous ses protégés un échange mutuel de prières et de grâces, et d'amour et d'affection; et de l'Orient au Midi, du Nord au Couchant, tout proclamera Marie, Marie conçue sans péché, Marie Reine de la terre et des cieux" ».

Notre Seigneur demande à Marie Lataste de prier pour l’Église :

J'ai entendu un jour la voix du Sauveur Jésus prononcer ces paroles :
"Je me souviendrai de mon alliance avec l'Église dans tous les siècles.
L'Église est mon Épouse : la croix est notre lit nuptial. C'est sur la croix que j'ai engendré mes enfants par l'effusion de mon sang ; c'est sur la croix que le sein de l'Église est devenu fécond par la grâce du Saint-Esprit.
Elle est belle, mon Epouse, et je suis toujours auprès d'Elle pour la soutenir et la consoler ; Elle souffrirait trop de mon absence si je m'éloignais d'Elle.
Comme son Epoux, Elle est en butte à la persécution. Satan s'élève de dessous les pieds de l'Église; il arme contre Elle ses propres enfants pour lui déchirer le sein, et les enfants dénaturés de mon Epouse écoutent la voix de Satan.
Elle élève sa voix et tourne vers moi ses yeux mouillés de larmes. Non, je ne permettrai pas que ses ennemis aient le dessus.
Ma fille, je vous le dis en vérité, il est quelquefois assez d'une âme qui se présente devant Dieu dans la crainte et le tremblement, et qui lui adresse ses supplications, pour arrêter son bras vengeur déjà levé contre une nation tout entière ».

Notre Seigneur parle à Marie Lataste de la France punie à cause du péché :

« Ah ! les pécheurs n'y font point attention, ma fille. Ils continuent à vivre dans le péché, à commettre le péché. Ils s’efforcent de rendre inutiles les mérites et la vertu de mon incarnation et de ma passion. Malheur à eux, malheur à eux !
Voyez comme Dieu a puni le péché des anges, comme il a puni le péché d’Adam, comme dans tous les temps, il a puni les péchés des peuples par des fléaux terribles. Voyez comme dans un temps bien rapproché de vous il a puni les crimes de votre France par des guerres qui l’ont désolée, et quels malheurs encore sont près de fondre sur elle. Dieu punira également le péché mortel dans chacun des pécheurs, s'ils ne se convertissent pas, pour vivre de la vie véritable, il les condamnera au feu de l’enfer et les privera du bonheur du ciel ».

Notre Seigneur parle à Marie Lataste de la France :

« Ma fille, je vous le dis en vérité, il est quelquefois assez d’une âme qui se présente devant Dieu dans la crainte et le tremblement, et qui lui adresse ses supplications, pour arrêter son bras vengeur déjà levé contre une nation tout entière.
Priez, ma fille, priez beaucoup pour la France : le nombre de ses iniquités s’accroît de jour en jour; priez pour elle, et désarmez le courroux de mon Père. Joignez-vous aux âmes pieuses et saintes qui lui adressent leurs incessantes supplications. Si Dieu veille sur la France et la protège malgré ses iniquités, ce n'est qu’en vue des prières et des supplications nombreuses qui lui sont adressées, et qui montent jusqu’à lui pour le fléchir ».

« …Puis le Sauveur Jésus ajouta : "Mon fils, priez pour la France ; je l'ai déjà dit et je me plais à vous le répéter, si les coups de la justice de mon Père ne sont point tombés sur elle, c'est Marie, la Reine du Ciel, qui les a arrêtés. Satan rugit de rage au fond des enfers contre un royaume qui lui a porté, à la vérité, de rudes coups ; il frémit de rage en voyant le bien qui se fait dans cette contrée ; il fait tous ses efforts pour augmenter le mal et irriter davantage la vengeance divine.
Mais une chaîne qu'il ne peut briser le captive ; car ma Mère a un droit spécial sur la France qui lui est consacrée, et, par ce droit, elle arrête le bras courroucé de Dieu et répand sur ce pays, qui lui est voué, les bénédictions du ciel pour le faire croître dans le bien. C'est pourquoi je ne cesse d'avertir pour prévenir d'immenses calamités.
Ô France ! ta gloire s'étendra au loin ; tes enfants la porteront au-delà de la vaste étendue des mers, et ceux qui ne te connaîtront que de nom prieront pour ta conservation et ta prospérité.
Mon fils, je viens de vous parler avec la familiarité d'un ami et la bonté d'un père. Ne vous étonnez pas si je vous ai ainsi entretenu sans que vous vous attendissiez aux paroles que je vous ai adressées ; souvent les confidences d'un ami renferment des choses qu'on n'aurait point devinées.
Écoutez maintenant mes recommandations : Chaque fois que vous célébrerez la sainte messe, priez pour le bien et la conservation de la France. Recevez avec patience et soumission toutes les épreuves qu'il me plaira de vous envoyer. Détachez-vous de plus en plus des créatures et faites-vous de moi l'ami le plus intime... Mimbaste, 22 novembre 1843 ».

« ... Je vis clairement et distinctement ce que je puis exprimer ainsi : il y a en France beaucoup de bien et beaucoup de mal aussi.
Si le bien était proportionné au mal, nous n'aurions pas autant à redouter les coups de la justice de Dieu, parce qu'elle serait autant apaisée par le bien qu'irritée par le mal qui se commet. Or, il n'en est pas ainsi : le bien est inférieur au mal, et il n'est pas suffisant pour détourner les vengeances de Dieu. Il faut encore plus de bien. Heureusement que la Sainte Vierge intercède pour nous et empêche la justice de Dieu de tomber sur nos têtes. Mais Marie veut qu'on l'implore et qu'on recoure à Elle. Elle se place entre Dieu et nous, nous regarde et attend nos prières et nos supplications. Son coeur est plein de bonté et de tendresse. Une seule parole adressée à Marie nous obtient des grâces immenses. Dieu se laissera fléchir si nous implorons Marie.

Marie nous mendie nos prières tant elle a la volonté et le désir de nous venir en aide ».

Marie Lataste vit un jour L'Ange Exterminateur planer sur la Grande Ville, Paris :

« Il me semble être dans une grande place de Paris. Au milieu de cette place, je vis un jeune homme sur une petite colonne. Il était revêtu d'une robe rouge, il portait un diadème sur la tête ; il tenait son sabre dans le fourreau et un arc entre les mains. Ses regards étaient foudroyants et sa bouche prête à lancer des menaces. Je vis inscrit au-dessus de sa tête en caractères de feu : l'Ange exterminateur.
Paris, ville exécrable, depuis longtemps tu mérites mon indignation, et si je n'ai point fait tomber sur toi les flots de ma colère, c'est par un effet de ma Miséricorde. J'ai arrêté mon bras vengeur déjà prêt à s'appesantir sur toi. J'ai épargné la multitude innombrable des pécheurs pour ne point frapper les justes. Tes habitants te maudiront un jour, parce que tu les auras saturés de ton air empesté, et ceux à qui tu as donné asile te jetteront leurs malédiction, parce qu’ils ont trouvés la mort en ton sein. »

Au sujet de la malédiction en suspens sur Paris, Jésus fait écrire à Marie Lataste :

« Paris, ville exécrable, depuis longtemps tu mérites mon indignation, et si je n’ai fait point tomber sur toi les flots de la colère, c’est par un effet de Ma Miséricorde. J’ai arrêté Mon bras vengeur déjà prêt à s’appesantir sur toi. J’ai épargné la multitude innombrable des pécheurs pour ne point frapper les justes. Tes habitants te maudiront un jour, parce que tu les auras saturés de ton air empesté, et ce à qui tu as donné asile te jetteront leurs malédictions, parce qu’ils auront trouvé la mort en ton sein ».

Marie Lataste eut aussi des révélations sur Rome, la ville éternelle, et sur le Saint-Père :

« Pendant plus de trois ans, cette ville où règnera un pontife âgé, semblera perdue. »

« Or, l’affliction viendra sur la terre, l’oppression règnera dans la cité que j’aime et où j’ai laissé mon cœur. Elle sera dans la tristesse et la désolation ; elle sera environnée d’ennemis de tous côtés, comme un oiseau pris dans les filets. Cette cité paraîtra succomber pendant trois ans et un peu de temps encore après ces trois ans. Mais ma Mère descendra dans cette cité ; Elle prendra les mains du vieillard qui siège sur le trône, et lui dira : "Voici l’heure, lève-toi. Regarde tes ennemis, je les fais disparaître les uns après les autres, et ils disparaissent pour toujours. Tu m’as rendu gloire au ciel et sur la terre, je veux te rendre gloire au ciel et sur la terre. Vois les hommes, ils sont en vénération devant ton nom, en vénération devant ton courage, en vénération devant ta puissance. Tu vivras et Je vivrai avec toi. Vieillard, sèche tes larmes. Je te bénis" ».

Notre Seigneur révèle à Marie Lataste ces paroles dans lesquelles la raison et la théologie n’ont rien à reprendre :

« La guerre aura été une miséricorde. On le reconnaîtra plus tard et ceux qui auront souffert seront dans la joie d’avoir contribuer à faire une France nouvelle en laquelle "Dieu prendra ses complaisances". Une fois que la France aura payé sa dette, elle sera récompensée par une telle abondance de grâces et de bénédictions qu’en peu de temps, elle aura tout oublié de ses douleurs. Pour les puissances qui auront à combattre avec tant de générosité, de courage et d’intrépidité, elles recevront de la France la plus grande récompense, celle de venir prendre place au sein de l’Église catholique, apostolique et romaine. Et l’Église, elle-même, sortira de ce baptême de sang, rajeunie et renouvelée. Je vais mettre fin au règne de l’impiété, je vais briser tous les obstacles et renverser tous les projets de ceux qui empêchent la lumière de se faire.

La France sera sauvée par des moyens en dehors de toute connaissance, Dieu s’en réservant le secret jusqu’au dernier moment. "Je me joue des projets des hommes, ma Droite prépare des merveilles, mon nom sera glorifié par toute la terre ; je me plairai à confondre l’orgueil des impies et plus le monde sera hostile au surnaturel, plus merveilleux et extraordinaires seront les faits qui confondront cette négation du surnaturel".

À la place du trône de la Bête s’élèveront deux trônes glorieux : celui du Sacré-Cœur de Jésus et celui du Cœur immaculé. Il sera reconnu que ce ne sera ni la force des hommes, ni la puissance des canons, ni le génie des industriels qui mettra fin à cette guerre. Mais elle se terminera que lorsque l’expiation sera achevée ; ayant hâte d’en finir avec l’impiété et de voir la France telle que la désire, j’abrègerai la durée par l’intensité !...
Prenez courage et soyez convaincu qu’une fois la France victorieuse, je ne la laisserai pas au pouvoir des impies ; le règne de Dieu est proche. Il va s’ouvrir par un fait aussi éclatant qu’inattendu ».


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Message par Her Mar 12 Avr - 8:17

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique

Livre 1
Dieu, la Sainte Trinité

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LIVRE PREMIER, Dieu, la Sainte Trinité.

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

Chapitre 1

Le Sauveur Jésus m’a ainsi parlé de la divinité : « Dieu est un en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Les trois personnes sont Dieu et ne forment pourtant qu’un seul Dieu. Le Père est le principe du Fils et du Saint-Esprit, mais non leur créateur, parce qu’ils sont éternels comme le Père et qu’ils n’ont jamais eu de commencement. De toute éternité, le Père engendre son fils par la connaissance qu’il a de lui-même. Le Père se comprend, et cette intelligence de Dieu le Père, c'est Dieu le Fils. Le Saint-Esprit n’est point engendré par le Père et le Fils, mais il procède de l’un et de l’autre. Dieu le Père se comprend, et se plaît dans son intelligence qu'il aime et dans laquelle il trouve son repos : cet amour du Père pour son intelligence, c'est le Saint-Esprit, union du Père et du Fils.
« Le Père est souverainement parfait et communique ses perfections au Fils, qui les communique avec le Père au Saint-Esprit. Ainsi le Fils est semblable au Père, le Saint-Esprit au Père et au Fils, les trois personnes semblables entre elles. Le Père est distinct du Fils, le Saint-Esprit distinct du Père et du Fils. Le Père est la première personne de la Trinité ou la personne sans principe autre qu’elle-même; le Fils est l’intelligence du Père ou la deuxième personne; le Saint-Esprit, l’union amoureuse du Père et du Fils, ou la troisième personne; et ces trois personnes ne font qu’un seul Dieu parce qu’elles n’ont qu’une même nature divine.
« Le Père est éternel, le Fils est éternel, le Saint-Esprit est éternel, et cette trinité d’éternités ne forme qu’une éternité, l’éternité de Dieu.
« Le Père est saint, le Fils est saint, le Saint-Esprit est saint, et cette trinité de saintetés ne forme qu’une sainteté, la sainteté de Dieu.
« Le Père est infiniment sage, le Fils infiniment sage, le Saint-Esprit infiniment sage, et cette trinité de sagesses ne forme qu’une sagesse, la sagesse de Dieu.
« Le Père est tout-puissant, le Fils tout-puissant, le Saint-Esprit tout-puissant, et cette trinité de toutes-puissances ne forme qu’une toute-puissance, la toute-puissance de Dieu.
« Le Père est miséricordieux, le Fils miséricordieux, le Saint-Esprit miséricordieux, et cette trinité de miséricordes ne forme qu’une miséricorde, la miséricorde de Dieu.
« Le Père est juste, le Fils juste, le Saint-Esprit juste, et cette trinité de justices, ne forme qu’une justice, la justice de Dieu.
« Le Père a une volonté, le Fils une volonté, le Saint-Esprit une volonté, et cette trinité de volontés ne forme qu’une volonté, la volonté de Dieu.
« Quant le Père veut une chose, le Fils et le Saint-Esprit la veulent aussi, et chacune des trois personnes divines coopère à toute action de la Divinité.
« Il n’y a point de lieu ni d’espace pour les trois personnes divines : elles occupent l’immensité. Elles sont partout au ciel et sur la terre; mais elles manifestent plus particulièrement dans le ciel leur gloire et leur majesté aux êtres intelligents et raisonnables qu’elles ont créés. »

LIVRE PREMIER, chapitre 2

« Le Père est le principe du Fils et du Saint-Esprit, il est aussi le principe de tout ce qui a été fait, il doit en être, il en est aussi la fin.
« L’âme humaine vient de ce principe; elle doit se le proposer pour dernière fin, diriger par conséquent vers lui ses pensées, ses désirs, ses affections, ses actions, ses prières, et ne rien désirer dans toutes ses œuvres que le parfait accomplissement de la volonté de Dieu le Père. En agissant ainsi, l'âme rend hommage au Père, au Fils et au Saint-Esprit, parce qu’en faisant la volonté du Père, elle fait aussi la volonté du Fils et du Saint-Esprit. »
Ces dernières paroles firent impression sur mon esprit qui cherchait, mais inutilement, à en connaître le sens. Le Sauveur Jésus s’en aperçut, et voyant ce qui se passait en moi, il ajouta :
« Après le péché de l'homme, Dieu envoya son Fils au monde pour le sauver. Le Fils, pendant sa vie, accomplit en tout la volonté du Père. Le Père veut que l'homme suive l’exemple de son Fils et qu'il lui rende hommage en l’imitant. Le Fils veut que l'homme suive la volonté du Père, comme il l’a suivie lui-même, et se trouve honoré de ce que l'homme marche sur ses traces quand il était sur la terre. Le Saint-Esprit, premier opérateur du bien dans les âmes, donne le mouvement à la volonté, éclaire l’esprit par ses lumières, et désire que l'homme corresponde à tout ce qu'il fait pour lui, en suivant l’exemple du Fils et se soumettant à la volonté du Père, par l’observation de ses commandements. Il se trouve honoré de ce que l'homme ne résiste pas à ce qu'il opère en lui. C'est ainsi que les trois volontés du Père, du Fils et du Saint-Esprit ne forment qu’une volonté, et en accomplissant celle du Père, on accomplit aussi celle du Fils et du Saint-Esprit. »
Telles sont les pensées qui, de la bouche du Sauveur Jésus, sont venues en mon esprit; je les ai conservées par le souvenir; mais je dois faire remarquer dès ce commencement que je ne puis exprimer tout ce qu'il m’a dit, tout ce qu'il lui a plu de me montrer, tout ce qu'il a voulu me faire sentir. Jésus est vraiment la parole de Dieu, et tout est parole en lui. Ce n’est point seulement quand il parle que je l’entends; je l’entends aussi et le comprends dans son regard, dans son maintien, dans ses marques d’affection, de près, de loin, au ciel, sur la terre, dans mon cœur, partout. Cette parole n’est point comme la parole de l'homme; voilà pourquoi la parole des hommes est insuffisante pour exprimer la parole de Jésus; je tacherai pourtant de l’exprimer de mon mieux et aussi bien qu'il me le permettra.

LIVRE PREMIER, chapitre 3

J’entendis un jour sa voix. Elle s’exprimait avec force et vigueur : « Laissez tous le secret de vos maisons. Accourez, enfants et vieillards, jeunes gens et hommes faits, princes et sujets, riches et pauvres, savants et illettrés, grands et petits, venez reconnaître et admirer les perfections de votre Dieu dans ses œuvres. Les œuvres de Dieu sont parfaites, parce qu'il est parfait lui-même, parce que ses jugements sont parfaits et que ses vues sont parfaites aussi. Les vues des hommes, leurs pensées, leurs intentions, leurs jugements, sont loin de ressembler aux vues, aux pensées, aux intentions, aux jugements de Dieu. Car il est écrit que la justice et la vérité éclatent dans les œuvres du Très-Haut, tandis que le cœur de l'homme est endurci, qu'il chérit la vanité et cherche le mensonge. L'homme voudrait pénétrer les perfections intimes de Dieu. L’insensé! Ne voit-il donc pas que son esprit est trop borné, et que ses connaissances ont des limites trop étroites? Que serait Dieu, si l'homme pouvait le comprendre? Que serait l’infini, s’il était pénétré par le fini? Que serait le Créateur, si la créature était à son niveau? C’est par bonté pour l'homme que Dieu a fait le monde; c'est par bonté qu'il y conserve l’ordre, l’harmonie; par bonté pour l'homme qu’il a fait tout ce qui a été fait, et l'homme méconnaît cette bonté pour scruter les desseins de Dieu qu'il ne scrutera jamais. C'est par sa toute-puissance que Dieu a fait le monde et le conserve, par sa providence et sa sagesse qu'il le fait marcher d'une manière si admirable, et l'homme méconnaît cette bonté, cette providence, cette sagesse, pour se perdre en de vains raisonnements qui l’éloignent de Dieu ou le lui font oublier. Cette perfection dans la création inanimée, animée, raisonnable, ne proclame-t-elle pas un créateur parfait au-dessus de la créature? Contentez-vous donc de reconnaître Dieu, enfants des hommes, amis ne cherchez pas à le comprendre. Car, chercher à comprendre Dieu, c'est le comble de la présomption ou la preuve assurée de la plus grande incrédulité. C'est le comble de la présomption de vouloir renfermer Dieu en l'homme, l’éternel dans le temporel, l’infini dans le fini; c'est la preuve assurée de la plus grande incrédulité, car c'est dire que Dieu ne peut pas plus que l'homme, puisque la puissance de Dieu consiste dans l’intelligence qu'il a de lui-même, et que l'homme comprend Dieu autant que s’il était Dieu.
« Hommes présomptueux et incrédules, sachez qu’il est écrit que Dieu résiste aux superbes, et qu’il donne sa grâce aux humbles, que celui qui s’abaisse sera élevé, et que celui qui s’élève sera abaissé. Sachez que j’ai dit, lorsque j’étais sur la terre, que celui qui observe ma parole et croit à Celui qui m’a envoyé, sera sauvé. Il ne suffit pas de savoir, il faut croire.
« JE NE CONDAMNE PAS L’EXAMEN DES CHOSES POUR CONSOLIDER LA FOI, AFIN QUE CETTE FOI SOIT UNE FOI PLEINE DE CONVICTION. QU’ON CHERCHE LA SOLUTION AUX DIFFICULTÉS QUI SE PRÉSENTENT À L’ESPRIT, ON LE PEUT; QU’ON ESSAIE DE FAIRE DISPARAÎTRE UN DOUTE POUR CROIRE ENSUITE PLUS FERMEMENT, C'EST PRUDENCE ET SAGESSE; MAIS IL FAUT FAIRE CELA AVEC UN CŒUR DROIT, AVEC BONNE VOLONTÉ ET UN DÉSIR SINCÈRE DE TROUVER LA VÉRITÉ POUR S’Y ATTACHER. AUJOURD'HUI ON VEUT TOUT COMPRENDRE QUAND IL S’AGIT DE DIEU. PAUVRES ESPRITS, QUI VOUDRAIENT UNE LUMIÈRE DONT L'ÉCLAT LES RENVERSERAIT; QUI VOUDRAIENT COMPRENDRE DIEU ET NE SE COMPRENNENT PAS EUX-MÊMES! QUELLE FIERTÉ REPOUSSANTE DANS CES HOMMES, QUEL SOT ORGUEIL, QUELLES FOLLES PRÉTENTIONS! ILS SE CROIENT SAVANTS ET SONT DES IGNORANTS. LA VRAIE SCIENCE A FUI LOIN D’EUX POUR SE RETIRER PARMI LES HOMMES SIMPLES QUI ADORENT SANS VOIR ET CROIENT SANS COMPRENDRE. LA SCIENCE N’EST POINT L’APPUI DU JUSTE. LE JUSTE RENONCE VOLONTIERS À LA SCIENCE POUR S’APPUYER SUR LA VÉRITÉ ET LA JUSTICE DE DIEU, QUI PARAISSENT DANS SES ŒUVRES. AUSSI SON CŒUR EST TRANQUILLE; IL MET SON ESPÉRANCE DANS LE SEIGNEUR, ET ATTEND LE MOMENT OÙ IL SERA EXALTÉ AU-DESSUS DE SES ENNEMIS. »

LIVRE PREMIER, chapitre 4

« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, vous n’ambitionnez point la science des savants, ni la sagesse des sages selon le monde; mais je veux vous donner un livre qui vous rendra plus sage et plus savante que tous les savants et tous les sages. Ce livre sera toujours ouvert pour vos yeux, et la lumière du ciel, qui brillera sur ce livre, vous permettra de le parcourir chaque jour et à chaque instant du jour. Venez avec moi, ma fille, placez-vous sur un lieu élevé et regardez. La création tout entière se présente à vos regards. Considérez les cieux au-dessus de votre tête, le soleil qui parcourt à pas de géant sa route dans l’espace, et le firmament qui, chaque nuit, déploie sa magnificence toujours ancienne, toujours nouvelle. Puis, abaissez vos regards sur la terre ferme et solide sous vos pieds, parsemée de plantes et de fleurs, couverte de mille espèces différentes d’arbustes et d’arbrisseaux dans vos jardins, de chênes et de cèdres dans vos forêts. Parcourez les campagnes : quelle infinité prodigieuse d’insectes, de reptiles et d’animaux de toutes sortes! Contemplez la mer : quelle immense réunion d’eau! quelle profondeur! Ne pouvez-vous point reconnaître à ces œuvres la puissance de Dieu qui les a faites, et les conserve encore chaque jour par une puissance égale à celle de la création? Eh bien! Cela n’est rien encore auprès de l'homme, qui est la créature la plus parfaite sortie des mains de Dieu. L'homme! ah! ma fille, la composition de son être seul est capable de fournir une matière indéfinie de considérations et de réflexions. En lui se trouvent un corps et une âme; un corps fait de matière, une âme qui est le souffle de Dieu. Quel art dans la disposition de ce corps, quelle perfection! Que de merveilles dans les facultés de l’âme, dans l’entendement, dans la volonté, dans la mémoire! Quelle union entre les diverses parties du corps! Quelle union entre les diverses facultés de l’âme! L’ouvrier qui a fait l'homme n’est-il point un ouvrier divin? n’est-il point Dieu?
« De l'homme en particulier, portez votre attention sur l'homme en société, sur les peuples, sur les nations. Qui a fait l'homme individu particulier? Qui a fait l'homme vivant en famille? Qui a fait l'homme attaché à une nation, à un empire? N’est-ce pas Dieu qui attache l'homme par ces liens mystérieux? Oui, c'est Dieu, car l'homme de lui-même est ennemi du joug; il aime ce qu'il nomme la liberté, et cette liberté le détacherait de sa patrie et de son prince. Une loi existe pour régir les nations et les empires; cette loi est un joug qui semble briser la liberté de l'homme mais au-dessus des volontés des hommes se trouve la volonté de Dieu qui soumet les hommes à ceux qu’il a établis pour les gouverner.
« La voix de Dieu s’élève : il soumet les peuples aux princes et aux rois. La voix de Dieu s’élève : il se fait obéir des monarques et des potentats. La voix de Dieu s’élève : il fait trembler les têtes couronnées comme un enfant dans son berceau. La voix de Dieu s’élève : il proclame sa bonté, sa miséricorde ou sa justice sur les peuples et les rois. La voix de Dieu s’élève : il donne la prospérité aux nations et à leurs rois. La voix de Dieu s’élève : il préserve de tout mal les peuples et leurs souverains. La voix de Dieu s’élève : il brise les monarques et fait disparaître leur empire comme un nuage que le vent chasse du ciel.
« L'homme vit, se remue, marche, s’agite, se débat; mais c'est Dieu qui le mène et le conduit. Il en est de même des nations. Tout a été fait par Dieu, et Dieu conserve tout. Tout a été fait par Dieu, et rien ne résiste à sa volonté. Tout a été fait par Dieu, et tout sert d’instrument à Dieu dans l’exécution de ses desseins et de ses jugements. Il pourrait les exécuter seul; mais il lui plaît de se servir des instruments qu'il a créés, et il n’indique à personne ni la manière de parvenir à ses desseins, ni le moment où il atteindra son but, ni le motif pour lequel il avance ou retarde l’accomplissement de sa volonté.
« Insensé qui ne reconnaît pas Dieu dans le gouvernement des hommes! Insensé qui ne reconnaît pas Dieu dans ses œuvres du ciel et de la terre! Insensé qui a sous ses yeux le grand livre de la création et n’y trouve point à chaque page ce nom : Dieu!
« Ils sont insensés, ils sont aveugles aussi, et leur folie et leur aveuglement les détournent de Dieu pour qu'ils ne pensent qu’aux choses de la terre.
« Ils sont aveugles et insensés et ne voient et ne cherchent point Dieu, parce qu’ils sont séparés de Dieu, parce qu'ils sont révoltés contre lui, parce que le péché règne dans leur cœur.
« S’ils étaient justes et saints, ils pénètreraient jusqu’à Dieu, jusque dans son cœur; ils verraient avec admiration ses œuvres et ne cesseraient de louer sa puissance, sa bonté, sa miséricorde, sa providence. Ils comprendraient partout, que Dieu dirige tout. La création serait pour eux le premier livre où ils apprendraient la science véritable de la dépendance universelle de toutes choses à l’égard de Dieu, parce que tout a été fait par Dieu. »

LIVRE PREMIER, chapitre 5

Deux amis véritables, éloignés l’un de l'autre, ne se contentent pas de penser chacun à son ami; ils veulent aussi se voir de temps en temps, s’entretenir, et ces visites et ces entretiens augmentent leur affection réciproque. J’aime bien le Sauveur Jésus, mais je sens que je pourrais l’aimer davantage ; et l'aimer de plus en plus est le désir le plus intime de mon cœur. C'est pourquoi je vais, aussi souvent que je le puis, le visiter dans le sacrement de son autel. Là, je lui ai longtemps parlé toute seule. Je lui disais peu de choses, je ne savais lui dire que ces paroles : O mon Jésus, je vous aime; ou bien : Jésus, je vous donne mon cœur! Ou encore : Sauveur Jésus, augmentez mon amour pour vous. Puis, quand je le quittais, je lui disais pour adieu : Mon Sauveur, bénissez votre très-humble servante!
Le Sauveur Jésus m’a longtemps écoutée sans me faire entendre sa voix d’une manière sensible, mais j’entendais pourtant comme une voix intérieure qui ne prononçait pas de paroles, et cette voix pleine de douceur et de suavité me disait aussi : « Ma fille, je vous aime; ma fille, j’accepte l'offrande de votre cœur; ma fille, je vous bénis, » et je me retirais contente.
Depuis qu'il a voulu me permettre d’entendre sa parole, j'ai remarqué que c’était toujours dans le lieu saint, pendant l’offrande du sacrifice de l’autel. Souvent il attend d’être descendu dans mon cœur; c'est alors qu'il commence à m’entretenir; quelquefois aussi c'est au moment de mon action de grâces. Il m’a rarement parlé avant la sainte messe, il l’a fait pourtant quelquefois. Quand je l’entends, je le vois face à face. Alors, il s’opère en moi comme un changement subit que je ne saurais exprimer. Il me semble que je suis seule avec le Sauveur Jésus; je ne vois plus autre chose, je n’ai plus d’œil ni d’oreille pour les objets sensibles qui sont près de moi, je ne sens rien. Mes yeux ne voient que le Sauveur Jésus; mes oreilles n’entendent que le Sauveur Jésus; mon cœur n’aime que le Sauveur Jésus; tout mon être n’a de sentiment que pour le Sauveur Jésus.
Voici ce qu'il m’a dit un pour en me parlant de l'homme :
« Dieu a créé l'homme. Le corps de l'homme a été fait de terre par les mains de Dieu. L’âme de l'homme a été produite par le souffle de Dieu, souffle plein de vie qui a animé le corps. Au commencement donc l'homme n’existait pas; c'est Dieu qui l'a tiré du néant, et quand il a commencé, l'homme est encore demeuré semblable au néant; car il n’a pu exister, il n’a pu se mouvoir, il n’a pu agir qu’autant que Dieu lui a continué l’existence, lui a donné le mouvement, lui a prêté l’action. Voilà pourquoi l'homme ne devrait jamais se fier sur soi-même, compter sur soi-même, espérer quelque chose de soi-même; voilà pourquoi l'homme ne devrait vouloir que ce que Dieu veut, opérer que ce que Dieu commande. Ainsi l'homme tournerait son œil vers Dieu et non vers la terre; ainsi l'homme marcherait vers Dieu qui l'attend et l’a fait pour lui, et non vers le mensonge et la vanité qui seront sa perte. L'homme vient de Dieu et doit retourner à Dieu. Il y a deux mouvements en l'homme : de son être créé par Dieu vers l’existence et de son être existant vers Dieu. Ces deux mouvements sont donnés à l'homme par Dieu; et par ces deux mouvements, l'homme, s’il le veut, retournera infailliblement à Dieu. Je dis s’il le veut, parce que l'homme peut changer la direction de ce mouvement.
« Dieu, au commencement, avait fait l'homme : il l’avait fait grand et heureux. Il lui avait donné un monde dont il était le roi, un paradis dont il était le maître. Il l’avait fait son représentant sur la terre, il l’avait fait Dieu visible dans le monde pour rendre hommage au Dieu invisible du ciel. Il l’avait fait l’âme du monde, et son âme était celle par laquelle le monde donnait à Dieu son amour, et son esprit était celui par lequel le monde connaissait son auteur et son Dieu. Il devait en être ainsi, car l’ordre était là. Cet ordre a été dissous. Le second mouvement que Dieu avait donné à l'homme pour qu'il retournât à lui, l'homme le changea pour recevoir le mouvement du prince des ténèbres. Dès lors, l'homme ne marcha plus dans la voie de Dieu qui est la vérité, il marcha dans la voie de Satan qui est le mensonge. Le second mouvement donné à l'homme par son créateur devait être à jamais anéanti, mais la miséricorde de Dieu vint s’opposer au triomphe de Satan. Je vins arrêter le mouvement de l’enfer en offrant à l'homme la force et le pouvoir de quitter ce mouvement. Je montrai de nouveau à l'homme la vérité, je montrai de nouveau à l'homme la voie; je fis plus, je lui redonnai la vie qu'il avait perdue.
« Aujourd'hui, tout homme reçoit, comme au commencement, le premier mouvement, qui le lance dans la vie; mais le second mouvement, qui relance l'homme vivant vers Dieu, ne lui est plus donné avec le premier mouvement. Le second mouvement le lance vivant dans la mort; mais je suis là pour ressaisir l'homme par le baptême et le remettre sur le chemin qui mène à Dieu. Alors tout est réparé : l'homme est régénéré; il marchera, s’il le veut, vers Dieu ou retournera à Satan, dont je l’ai délivré; il marchera dans la vérité ou le mensonge.
« Voyez jusqu’où va la bonté de Dieu : il n’a pas voulu que je retirasse une seule fois l'homme de la voie de perdition; il a voulu encore qu’à chaque heure du jour où l'homme criera vers Dieu, j’accourusse vers l'homme pour lui redonner la vie et le mouvement vers son Créateur par le sacrement de pénitence.
« Voilà ce que Dieu a fait pour l'homme, ce qu'il fait encore chaque jour : et l'homme, que fait-il pour Dieu? Peut-on comprendre l’ingratitude de l'homme pour son créateur et son Dieu? Dieu est le bienfaiteur continuel et quotidien de l'homme, et l'homme un ingrat qui oublie chaque jour ce que Dieu fait pour lui. »

LIVRE PREMIER, chapitre 6

Le lendemain du jour où le Sauveur Jésus m’adressa ces paroles, j'étais revenue auprès de lui. Pendant la sainte messe, je me rappelais ce qu'il m’avait dit la veille des deux mouvements de la créature, l’un de Dieu à l’existence, l’autre de l’existence vers Dieu. Afin de donner plus de force au mouvement qui me porte vers Dieu, je lui fis après la consécration l’offrande de mon corps, de mon âme, de mes facultés, de mes affections, de tout ce qui était en moi. Après cela, je vis le Sauveur Jésus au milieu de l’autel, assis sur un trône d’or. Sa figure était plus resplendissante que le soleil; j’en étais éblouie. Il daigna voiler son éclat en ma faveur. Un ange sous une forme humaine s’approcha de moi, me prit par la main et me conduisit près de l’autel. Je restai là jusqu’à la fin de la messe, à genoux devant le Sauveur Jésus. L’ange était à ma droite, aussi à genoux. Il se leva, et je me levai avec lui pour aller vers Jésus qui me dit : « Vous avez présenté à Dieu une offrande qui lui a été agréable. Je vous accepte pour ma servante; ma fille, réjouissez-vous! »
Puis il ajouta : « Vous vous êtes reconnue la servante de Dieu : cette reconnaissance est pleine de vérité et de justice, car l'homme est et doit être le serviteur de Dieu. Il doit vivre sous la servitude de Dieu, et pas un ne doit être exempt de cette servitude. Voyez l'homme! Qu’est-il? est-il quelque chose par lui-même? s’est-il donné l’existence lui-même? a-t-il formé son corps et les membres de son corps? leur a-t-il donné la force, la vigueur, le mouvement, l’action? est-ce de l’intime de son être qu'il a tiré son âme? de quelle manière a-t-il donné à son âme l’intelligence? où a-t-il pris pour son âme la puissance de vouloir? Comment a-t-il doué son âme de souvenir? Est-ce l'homme qui conserve par sa propre vertu et son corps et son âme? est-ce l'homme qui, par lui-même, et de lui-même, se donne le jour? est-ce l'homme qui fixe et règle l’heure de sa mort? L'homme, de qui dépend-t-il dans sa naissance, dans son existence, dans sa mort? N’est-ce pas de Dieu son créateur? La création de l'homme par Dieu, voilà la première servitude envers Dieu; et nul homme ne peut s’en exempter, parce que nul homme ne peut se créer lui-même.
« O servitude admirable, servitude pleine de gloire, servitude infiniment heureuse, et combien peu comprennent cette servitude! Dieu est Dieu, et par conséquent maître tout-puissant; sa souveraineté n’a pas de bornes. Elle s’étend sur le corps et sur l’âme, sur toutes les actions possibles de l'homme, sur toutes ses pensées, même les plus secrètes. Elle s’étend sur sa vie, elle s’étend sur sa mort, elle va même au-delà du trépas. Cette souveraineté dure par delà le temps, et pendant l’éternité Dieu sera encore le souverain de l'homme.
« Dieu est souverain de l'homme et souverain plein de bonté, plein d’amour, plein de tendresse. Pourquoi a-t-il créé l'homme? est-ce pour les mérites de l'homme qui n’existait pas, ou par pure bonté? Comment Dieu exerce-t-il sa souveraineté sur l'homme? n’est-ce pas avec l’affection la plus tendre qu'un père puisse avoir pour son enfant? Ne semble-t-il pas que ce souverain de l’éternité se fasse l’esclave de l’œuvre de ses mains? À chaque instant du jour il veille sur son existence, il pourvoit à ses besoins, il le protège contre ses ennemis, il vient à lui quand il l’appelle, il lui accorde ce qu'il lui demande, il reçoit le nom de Père, il traite l'homme comme son fils, il s’abaisse vers sa créature infiniment plus que la créature ne le pourra jamais comprendre.
« Dieu créateur est le souverain tout-puissant et tout aimant de l'homme. L'homme vit-il de bon cœur ou par force sous cette servitude? l'homme est-il sujet soumis de Dieu? l'homme accepte-t-il ce joug de Dieu? Non; l'homme se révolte contre Dieu, méprise les commandements de Dieu, oublie Dieu et s’écrie même : Il n'y a point de Dieu.
« Il n’y a point de Dieu! parole insensée d’un serviteur coupable. Il n'y a point de Dieu! Amis il y aura pour celui qui parle ainsi une main puissante qui brisera la parole sur ses lèvres; il y aura pour celui qui parle ainsi un bras vigoureux qui le terrassera et l’empêchera de se relever; il y aura pour celui qui parle ainsi un lien, que les doigts de l'homme n’auront point tressé, qui enveloppera tous ses membres, le retiendra pendant l’éternité, et lui fera éprouver la justice de celui dont il n’a point voulu recevoir la miséricorde et l’amour. Il n'y a point de Dieu! Il a dit vrai : pour cet homme, il n'y aura point de Dieu, félicité et bonheur suprême; il n’y aura point de Dieu, souverain éternellement bon, éternellement aimable; mais il y aura un Dieu éternellement offensé, un Dieu éternellement redouté, un Dieu éternellement juste, un Dieu éternellement vengeur de l’offense qui lui aura été faite.
« C'est là la seconde servitude de l'homme; servitude dans la gloire, par laquelle participant au bonheur de la vue de Dieu il le louera éternellement; ou bien servitude dans la malédiction, par laquelle éprouvant les effets de la justice de Dieu il lui rendra hommage dans les flammes de l’éternité.
« Ainsi Dieu sera toujours le souverain éternel de l'homme; ainsi l'homme sera toujours le serviteur de Dieu. L'homme appartient à Dieu, parce que Dieu est son créateur; l'homme appartient à Dieu, parce que c'est de lui qu'il a tout reçu; l'homme appartient à Dieu parce qu'il n'est rien sans lui. Ces là le souverain domaine de Dieu sur l'homme : jamais personne n’en dessaisira Dieu. Les hommes l’oublient, mais Dieu ne l’oubliera pas.

LIVRE PREMIER, chapitre 7

« Ma fille, me dit un autre jour le Sauveur Jésus, Dieu connaît toute chose, et rien n’arrive que par son ordre et selon sa volonté. Conservez cette pensée dans votre cœur; elle est pleine de vérité et de consolation. Elle est pleine de vérité; car Dieu, créateur et maître du monde et de tout ce qui est dans le monde, a, pour tout diriger, pour tout régler, pour tout conduire, une puissance égale à celle qui fit tout sortir du néant. Le Dieu qui a créé une première fois est le Dieu qui conserve tout, et, par cette conservation, semble tout créer de nouveau. Ainsi le ciel, la terre, les éléments sont soumis à la volonté de Dieu depuis le commencement des temps, comme ils lui furent soumis alors qu'il leur dit d’exister. Ainsi l'homme marche sous l’impulsion de la volonté de Dieu, naît, vit et meurt, s’agite et se remue, parce que Dieu lui dit de naître, de vivre, de mourir, et lui permet de s’agiter et de se mouvoir.
« Cette pensée est pleine de consolation pour ceux qui la possèdent et l’entretiennent dans leur cœur, parce que, dans quelque situation, dans quelque danger, dans quelque épreuve qu'ils se trouvent, sachant que c'est Dieu qui le veut ou le permet, ils peuvent mettre en lui leur espérance, et, loin de s’alarmer, lui dire, pleins de confiance : Mon Dieu, que votre volonté soit faite et non la mienne!
« Ne soyez jamais du nombre de ces insensés qui attribuent au hasard, au destin, à la volonté ou à la combinaison des hommes les événements heureux qui réjouissent, ou les malheurs qui affligent. Ne voyez en tout, ma fille, que la providence de Dieu, réglant, gouvernant et dirigeant tout ici-bas.
« L’âme juste voit la Providence dans tous les événements du monde, et ne cesse de la louer et la bénir.
« L’âme juste n’attribue point le gain d’une bataille à la valeur, au courage, au nombre des soldats, à l’habileté des capitaines; elle l’attribue à la providence de Dieu qui donne la victoire à qui il lui plaît.
« L’âme juste n’attribue point la prospérité d’un empire au gouvernement du prince de cet empire; elle l’attribue à la providence de Dieu, lumière, conseil, puissance et soutien de ce prince.
« L’âme juste n’attribue point la chute d’une dynastie royale à la faiblesse ou à l’incurie des membres de cette dynastie; elle l’attribue à la providence de Dieu, qui fait et défait les rois de la terre pour sa gloire et le bonheur des peuples ou leur châtiment.
« L’âme juste n’attribue point les fléaux, les inondations, la fureur des flots des mers, l’irritation du tonnerre, la famine, la peste, la guerre, les maladies, la mort, à des causes naturelles; elle attribue tout à Dieu, qui commande à l’Océan comme à la foudre, qui donne l'abondance ou la stérilité, qui conserve la paix ou permet le trouble parmi les hommes, et leur envoie, quand il lui plaît, la maladie ou la santé.
« Si elle échappe à un danger, à un péril, à une mort imminente, l’âme juste reconnaît qu’elle a été protégée, délivrée, sauvée par son Dieu.
« Si elle réussit dans une entreprise, l’âme juste en remercie le Dieu du ciel qui lui a donné ce succès.
« En un mot, l’âme juste voit en tout et partout le doigt de Dieu; et, toute pleine de reconnaissance et d’admiration, de soumission et de respect pour la Providence divine, elle bénit celui qui veille avec tant de soin sur elle et sur toute créature, qui pourvoit à tous les besoins spirituels et temporels de l’humanité, comme une mère à ceux de ces enfants, et dispose tout de manière à augmenter la couronne du juste et à ramener le pécheur à résipiscence.
« Voilà bien, en effet, ma fille, à quoi se résume l’action de Dieu sur les hommes : à rendre plus juste celui qui est dans la justice, et surtout à ramener dans la voie droite celui qui l’a quittée.
« L’homme souvent oublie Dieu pour s’appuyer sur des bras de chair : Dieu se retire un instant pour lui faire comprendre la faiblesse de l’appui qu'il a choisi, et l'homme revient à Dieu, qui lui tend les bras avec bonté. Le premier soutien de l'homme doit être Dieu; c'est à sa providence qu'il doit s’abandonner et ne compter que sur elle.
« Néanmoins, il ne faut pas tellement tout attendre de Dieu qu’on néglige d’accomplir ce que la raison ou la nécessité prescrivent, car agir ainsi, serait agir avec témérité et tenter Dieu. Or, Dieu ne cherche point à favoriser les téméraires; il ne récompense que la foi de ceux qui espèrent de lui ce qu'ils doivent ou peuvent espérer.
« Oui, confiance en Dieu, confiance pleine et entière. Son bras n’est pas raccourci; il fera plutôt un miracle, s'il est nécessaire, pour vous délivrer de vos ennemis ou empêcher la ruine de votre âme, que de laisser votre espérance déçue et frustrée. N’espérez donc qu’en Dieu et dans sa providence, et quelque chose qui vous arrive, sachez que tout vient de Dieu, et que pas même un cheveu ne tombera de votre tête sans permission.

LIVRE PREMIER, chapitre 8

« Le ciel des cieux est pour le Seigneur, me dit un jour le Seigneur Jésus; mais il a donné la terre aux enfants des hommes.
« Dieu a fait le ciel et la terre; le ciel que vous voyez au-dessus de votre tête, la terre que vous foulez sous vos pas. Dieu a fait le ciel qui porte aux hommes la lumière pour le travail du jour, et les ténèbres pour le repos de la nuit; il a fait aussi la terre qui leur donne la nourriture du corps et les vêtements pour le couvrir; et ainsi le ciel et la terre que Dieu a faits et qui appartiennent à Dieu, sont pour l'homme; et quand la terre disparaîtra pour l'homme, un nouveau ciel lui apparaîtra pour le recevoir; non plus un ciel matériel, dans lequel se font le jour et la nuit, la lumière et les ténèbres, le calme et la tempête, mais un ciel spirituel, un ciel tout plein de Dieu, un ciel qui montre à découvert Dieu et sa gloire, qui permet à l'homme de le voir, de le contempler, de le comprendre; de le voir assez pour n’avoir pas besoin d’autre lumière, de le contempler assez pour ne désirer pas d’autre satisfaction, de le comprendre assez pour que son intelligence trouve en Dieu son repos. Voilà le ciel qui est aussi pour l'homme le ciel que Dieu veut lui donner, comme il lui a donné la terre, le ciel dont il veut le faire sujet, comme il l’a fait sujet de la terre, le ciel qui sera la félicité suprême que l'homme cherche vainement sur la terre.
« Ce ciel appartient à Dieu; il est la résidence particulière de Dieu, le lieu de sa manifestation aux créatures, le trône de sa majesté et de sa gloire : voilà pourquoi il est dit que le ciel est à Dieu et la terre pour les enfants des hommes. Le ciel est le temple de Dieu, comme la terre est le temple de l'homme; le ciel est le lieu de la glorification éternelle de Dieu, comme la terre celui de la glorification éternelle de Dieu, comme la terre celui de la glorification temporelle de l'homme. Dieu est roi du ciel, l'homme roi de la terre. Dieu pourtant n’a reçu le ciel de personne, mais l'homme a reçu la terre de Dieu. La terre n’est point donnée à l'homme à perpétuité, parce que la terre est insuffisante pour l'homme. L'homme n'est pas seulement terrestre, il est aussi céleste. L'homme a été d’abord fait de terre, puis un souffle céleste lui a donné la vie. Le ciel est descendu sur cette terre, chair de l'homme, pour la prendre et l’élever au ciel. La terre n'est que le marchepied sur lequel l'homme prend position pour s’élever au ciel. La terre, c'est un lieu élevé d’où l'homme prend son élan vers le ciel. La terre, c'est une haute montagne que l'homme gravit et dont le sommet permet à l'homme d’entrer au ciel. La terre, c'est un arc bandé fortement vers le ciel et dans lequel l'homme doit se placer pour être envoyé au ciel. La terre n’a été donnée à l'homme que pour le mettre à même de posséder un jour le ciel, qui est à Dieu. C'est Dieu qui a donné la terre aux enfants des hommes, c'est Dieu qui veut aussi leur donner le ciel.
« Mais voyez les hommes : ils montent sur le marchepied de la terre, non pour s’élever au ciel, mais pour se précipiter dans l’abîme; ils gravissent le lieu élevé et cette haute montagne, qu’elle figure, non pour gagner le ciel, mais pour tomber plus sûrement dans les ténèbres éternelles; ils se placent sur l’arc bandé vers le ciel, mais ils détournent la direction de cet arc dans le sens opposé, comme pour montrer qu'ils ne veulent point du ciel et qu'ils sont tout à la terre. Malheureux! Dieu est le tout de l'homme et la terre n'est rien pour eux, et ils disent à la terre : Vous êtes tout pour nous; ils disent à Dieu : Pour nous, Seigneur, vous n’êtes rien, laissez-nous à la terre.
« N’agissez-vous point ainsi, jeunes hommes et jeunes filles? Au lieu de vous rappeler que vous êtes faits pour le ciel, au lieu de consacrer à Dieu le printemps de vos années, au lieu de lui faire abandon de tout ce qui vous appartient, au lieu de vous avancer de plus en plus dans le chemin de la vertu, au lieu de vous rapprocher du ciel, vous ne désirez que la terre; eh bien! vous ne recevrez pas autre chose, et la terre se changera pour vous en un supplice éternel.
« N'est-ce point ainsi que vous agissez, pères et mères, cherchant à accroître le domaine de vos enfants, à leur acquérir de plus grandes richesses, à les attacher de plus en plus à la terre. Au lieu de les attacher de plus en plus au ciel, au lieu d’augmenter et d’accroître leurs vertus, ces trésors que la rouille et les voleurs ne peuvent faire disparaître, vous ne désirez pour vous et pour eux que la terre; eh bien! vous ne recevrez pas autre chose, et la terre se changera pour vous en un supplice éternel.
« N’est-ce point ainsi que vous agissez, hommes d’affaires et de négoce, qui n’avez qu’une probité apparente, qu’une justice fausse et mensongère, qu’une prudence fondée sur l’or et sur l’argent? Au lieu de vous rappeler le travail seul nécessaire, qui doit vous donner les trésors du ciel, vous ne désirez que la terre; eh bien! vous ne recevrez pas autre chose, et la terre se changera pour vous en un supplice éternel.
« N’est-ce pas ainsi que vous agissez, magistrats, juges, ministres et potentats? vous êtes l’image du gouvernement de Dieu, l’image des jugements de Dieu, l’image de la puissance de Dieu, et vous l’oubliez pour agir comme si vous deviez à jamais administrer la terre, à jamais juger la terre, à jamais commander à la terre; eh bien! vous ne recevrez pas autre chose, et la terre pour vous se changera en un supplice éternel.
Je vous le dis, ma fille, avec toute la force de la vérité qui demeure éternellement, les hommes se flattent en vain de pouvoir continuer avec impunité et leurs injustices, et leurs rapines, et leurs trahisons, et leurs iniquités qui croissent chaque jour de plus en plus. Ils se trompent en pensant que Dieu, qui ne se venge pas sur la terre, ne se vengera jamais. Qu’ils avancent encore, qu'ils marchent toujours; ils avanceront et marcheront vers l’éternelle justice de Dieu, à laquelle nul, ne pourra échapper. Quand viendra l’heure de la justice, Dieu mettra sous les yeux de chaque homme en particulier toutes ses actions, et alors tous recevront la terre qu’ils auront cherchée.
« Cette terre matérielle disparaîtra pour eux; l’enfer sera la terre nouvelle et éternelle que Dieu donnera aux réprouvés. Le ciel sera la terre nouvelle et éternelle que Dieu donnera aux réprouvées. Le ciel sera la terre nouvelle et éternelle que Dieu donnera aux élus. La terre de l’humanité sera la possession ou la privation de Dieu : Dieu avec les hommes, Dieu loin des hommes.
« O ma fille, pensez toujours à la nouvelle terre que vous devez habiter un jour, pensez au ciel que Dieu veut vous donner, à cette terre où Dieu habite, où Dieu se manifeste, où Dieu se donne, où Dieu se livre à ses élus. Fuyez au contraire toujours la terre où Dieu n’habite que par sa justice et ses vengeances, ne se manifeste, ne se donne, ne se livre aux réprouvés que comme Dieu vengeur et souverainement juste. »

LIVRE PREMIER, chapitre 9

Après ces paroles, le Sauveur Jésus ajouta : « Vous comprenez, ma fille, comment l'homme trouvera ce qu'il cherche dans la terre que Dieu lui a donnée; vous voyez quelle bonté Dieu témoigne à l'homme de vouloir lui donner une place dans le ciel, qui est à Dieu. Je veux vous faire remarquer une chose à laquelle vous n’aviez point pensé.
« Le ciel est le lieu de la récompense des justes; il est à Dieu et Dieu le donne à ses élus. Mais il est un ciel supérieur à celui que Dieu donnera à l'homme, un ciel qui s’appelle avec vérité et qui est véritablement le ciel du ciel, c’est-à-dire le ciel de Dieu, le ciel qui appartient à Dieu. Ce ciel c'est le sein de Dieu dans lequel le Saint-Esprit unit le Père et le Verbe; ce ciel c'est Dieu même. Ce ciel n'est pas comme celui qui sera donné aux élus. Un ciel créé; c'est un ciel incréé, qui n’a jamais eu de commencement et n’aura jamais de fin, qui existait avant l’origine des choses, qui existera toujours. Ce ciel était en Dieu, ce ciel était Dieu. C'est le ciel du ciel; c'est le bien éternel en lui-même, la félicité éternelle en elle-même, la toute-puissance, la souveraine sagesse, la souveraine perfection, Dieu. »

LIVRE PREMIER, chapitre 10

Voici ce que m’a dit un jour le Sauveur : « L’homme sur la terre ressemble à un corps qui n’a plus de vie, ou à un malade qui a besoin de recouvrer la santé. Dieu dans le ciel est pour l'homme un médecin qui tue pour vivifier, qui frappe pour guérir. Écoutez le sens de ces paroles.
« L'homme ressemble à un corps sans vie. Quelle est la vie de l'homme après celle de l’union de l’âme avec le corps? C'est la contemplation de la vérité, la marche dans la voie de la vérité, la demeure dans la vérité. L'homme a-t-il la vérité? Non, il l’a perdue par le péché, par sa révolte contre Dieu, et il lui était impossible de la retrouver jamais, et sans la vérité, l'homme est semblable à un corps sans vie.
« L'homme est semblable à un malade. En quoi consiste la santé de l'homme, après la proportion dans ses membres et la force adhérente à chacun de ses membres? Elle consiste dans la rectitude et le facile exercice de ses facultés. L'homme a-t-il la rectitude dans ses facultés? a-t-il un facile exercice de ses facultés? Non, l'homme a été blessé jusque dans le plus intime de son être intellectuel et moral par le péché. La rectitude n'est plus en lui; ses facultés ne suivent plus la ligne droite. Il a l’exercice de ses facultés, mais c'est un exercice plein de labeur et qui n'est point conforme à la sagesse. L'homme est donc un malade qui a besoin de recouvrer la santé.
« Un principe de vie sera donné à ce mort, ce sera le Fils de Dieu fait homme, et ce mort reviendra à la vie. Un remède plein d’efficacité sera donné à ce malade, ce sera le sang du Fils de Dieu fait homme, et ce malade recouvrera la santé.
« Le médecin de l'homme qui possède l’existence et qui cependant est mort, qui possède la santé et qui cependant est malade, ce médecin, c'est Dieu. Or, Dieu tuera cet homme pour le vivifier; il le frappera pour le guérir.
« Vous allez comprendre, ma fille, et vous adorerez l’œuvre et les desseins bien admirables de la Providence.
« Dieu est un médecin qui tue pour vivifier. Quelle est la vie de l'homme? La vie de l'homme est une vie dans le péché, dans le crime, dans l’injustice, dans l’impiété; vie dans la fornication, vie dans le vol, vie dans les meurtres, vie dans l’oppression du faible, vie dans le parjure, vie dans le blasphème, vie dans la révolte contre Dieu. Dieu s’approche de cet homme, tue en lui l'homme de l’iniquité et lui donne la vie de la justice; il tue cet homme à la concupiscence du mal et le fait vivre dans l’amour des vertus; il tue l'homme adultère et impie pour faire vivre l'homme chaste et vertueux. Telle est l’œuvre par excellence de Dieu sur l'homme.
« Dieu est un médecin qui frappe pour guérir. Il frappe les hommes par ses commandements pour les guérir de leurs vices; il les frappe par ses menaces pour les guérir de leurs révoltes; il les frappe par la vue de l’enfer pour tourner leurs regards vers le ciel; il les frappe en leur découvrant les artifices de Satan pour leur faire observer les œuvres de sa divine miséricorde.
« Acceptez, ma fille, le principe de vie qui vous sera donné par mon Père; acceptez le remède qu'il vous offrira. Je ne vivifie que ceux qui veulent être vivifiés, je ne guéris que ceux qui veulent être guéris; mais la guérison que j’opère n'est pas une guérison passagère, elle est pleine d’efficacité et conserve la santé à jamais; et la vie que je rends n'est pas une vie d’un jour, c'est une vie qui mène à l’éternité de la vie.
« Celui qui refusera la vie que je veux lui donner, restera éternellement dans la mort; et celui qui refusera la santé que je veux lui rendre, l’aura perdue pour l’éternité. »


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Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847) Empty Re: Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847)

Message par Her Mar 12 Avr - 8:18

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Livre 1
Dieu, la Sainte Trinité

LIVRE PREMIER, chapitre 11

Je me tenais un jour attachée d’esprit et de cœur à Jésus dans le sacrement adorable de l’autel; j'étais heureuse si près de mon Dieu et j’attendais qu'il me fit entendre sa parole, toujours pleine de douceur pour mon âme.
Bientôt j’entendis la voix de Jésus, elle me dit : « Prends un livre, ouvre-le et lis ce qui se présentera sous tes yeux. » Je pris mon livre et je lus ce verset du psaume : « Le Seigneur est infiniment élevé, il regarde cependant les humbles avec complaisance et ne voit que de loin les orgueilleux. »
« Je veux vous expliquer aujourd'hui ces paroles. Écoutez-moi, ma fille :
« Le Seigneur est infiniment élevé; car il est éternel, immuable, immense, tout-puissant, souverainement sage et juste; il connaît tout, il sait tout, il commande à tout, il est maître de tout. Toute grandeur devant sa grandeur est bassesse; toute puissance, faiblesse devant sa puissance; tout savoir, ignorance devant son savoir. Il est la seule bonté véritable et réunit seul toutes les perfections. Il a tout créé par sa volonté, et il a conservé le souverain domaine de toutes choses pour lui seul.
« Au commencement, il créa le ciel et la terre; puis il créa l'homme. Après avoir formé son corps de terre, il souffla sur lui et l’anima. Ce souffle de vie est l'âme de l'homme. Dieu doua l âme de nobles facultés : la raison, l’entendement, la volonté et la mémoire. Par ces facultés, il rendit l'âme capable de le connaître et de connaître ses devoirs envers son créateur et bienfaiteur. Il établit la volonté reine et maîtresse de toutes les autres facultés et de l'homme tout entier. Il donna à la volonté la raison pour guide et pour compagne. L’entendement fut donné à l'homme comme un flambeau, comme une lumière pour diriger ses pas et lui montrer la voie qu'il devait suivre. Enfin, pour sa gloire et aussi pour celle de l'homme, Dieu ne voulut point que l'homme lui fût soumis par force. Aussi, avec les facultés qui lui faisaient connaître ses devoirs envers son auteur, Dieu lui donna-t-il la liberté de les lui rendre ou de les lui refuser, voulant que l’accomplissement de ses devoirs devint pour l'homme un sujet de mérites, tandis qu'il n’aurait dû être qu’une obligation de stricte justice. Quelle ne fut pas l’ingratitude et l'audace de l'homme lorsque, par son péché, il se révolta contre Dieu et tourna contre lui, en l’offensant, les dons et les bienfaits qu'il en avait reçus! La justice divine criait vengeance, mais Dieu ne pouvait se résoudre à détruire le plus noble ouvrage de ses mains et à perdre cette âme sortie de lui et faite à son image. Dans ce combat de la justice et de la miséricorde, celle-ci l’emporta. Dieu, dont la bonté est infinie, envoya son Fils pour sauver l'homme, et le Fils, par sa mort et ses mérites vint satisfaire à la justice éternelle et donner la réparation que l'homme ne pouvait donner.
« Dieu regarde cependant les humbles avec complaisance. »
À l’occasion de ces paroles, le Sauveur Jésus me traça le portrait de l'homme humble et m’indiqua les sentiments qui le caractérisent. « Voyez, me dit-il, voyez cet homme d’une humilité parfaite, combien il est agréable à Dieu! Considérez ses sentiments envers son Créateur, envers son prochain, envers lui-même. Premièrement, envers son Créateur. Il reconnaît ses infinies perfections, il le proclame auteur et souverain maître de toutes choses, son Dieu, son conservateur et bienfaiteur perpétuel. Il s’abaisse profondément devant lui, il lui offre et lui consacre l’être qu'il tient de lui seul, et lui rend hommage en lui témoignant sa reconnaissance pour toutes les grâces, tous les dons, tous les biens, tous les talents, toutes les qualités, toutes les perfections du corps et de l’âme qu'il a reçus. Bien loin de se rien approprier, il rend à Dieu grâces de tout, comme ayant reçu tout de lui, remercie sa bonté et sa miséricorde, et désire que tous les hommes avec lui offrent à Dieu toute sorte d’actions de grâces.
Deuxièmement, envers lui-même. Il reconnaît ce qu'il est par lui-même, néant et péché. Il reconnaît qu'il a tout reçu de Dieu, qu'il est indigne de paraître devant lui à cause de sa misère, de son peu de fidélité à correspondre aux grâces d’en haut, de sa négligence à accomplir la volonté de son Père qui règne au ciel, et surtout de ses défauts et de ses péchés. Voyant néanmoins que Dieu ne cesse pas de l’aimer et de le combler de ses bienfaits, et ne sachant comment lui témoigner assez sa reconnaissance, il s’abandonne tout entier à lui avec tout ce qu'il est, avec tout ce qu'il a. Se reconnaissant indigne et incapable de tout bien, digne au contraire et capable de tout mal, il met sa confiance en Dieu, et attend de sa bonté tous les secours qui lui sont nécessaires pour vaincre ses ennemis, éviter le péché et pratiquer le bien. Quand il se verrait comblé de tous les dons du ciel, il ne perdrait jamais de vue qu'il ne peut rien par lui-même et que, sans le secours perpétuel de Dieu, il tomberait à chaque instant dans le péché. C'est pour cela qu'il se tient toujours étroitement uni à Dieu, implorant sans cesse sa grâce et son secours.
Troisièmement, envers le prochain. L'homme humble se regarde comme le dernier des hommes et les place tous au-dessus de lui. Il voit Dieu en chacun de ses semblables et lui rend en leur personne l’honneur qui lui est dû. Il ne s’arrête pas à ce qu'il y a de matériel en eux, mais reconnaissant l’image de Dieu dans son prochain, il est pour lui plein d’égards et lui rend tous les honneurs et services qui sont en son pouvoir. Pour lui, se reconnaissant indigne de toute prévenance et de tout honneur, il croit mériter au contraire, avec l’oubli de tous, toute sorte d’affronts, d’outrage, de souffrances et d’afflictions, l’abandon de toute créature, la mort même, à cause de son néant et de ses péchés; il croit mériter, en un mot, que la création entière s’élève contre lui, parce qu'il s'est élevé contre le Créateur. Aussi, éprouvé par Dieu ou par les hommes, sachant qu'il mérite plus encore, demeure-t-il soumis, conserve-t-il la joie dans son âme et remet-il entre les mains de Dieu, tout ce qui le concerne. Combien cet homme est agréable à Dieu, combien il lui rend gloire, combien il lui plaît, en remplissant ses devoirs avec des sentiments si convenables et si saints!
« Dieu ne voit que de loin les orgueilleux. Il y a deux sortes d’orgueilleux : l’orgueilleux impie qui s’élève contre Dieu, se révolte contre lui, lui refuse l’honneur et l’hommage qui lui sont dus, et ne reconnaît d’autre Dieu que son plaisir, d’autre loi que sa satisfaction. Cet orgueilleux, Dieu ne le voit que de loin, mais pour la ruine de l’orgueilleux, car cette vue sera sa condamnation. L’autre orgueilleux, c'est celui qui, sous le voile de la vertu, cache un cœur gâté par l’orgueil.
« Un homme est dans la bonne voie, il veille sur soi, il s’observe sur tout et déteste le péché. Voici comment de juste il peut devenir coupable, et de fils de Dieu, fils de Satan. L’ennemi de son salut ne lui proposera pas, dès le commencement, des fautes graves, il lui inspirera pas de mauvaises pensées, il sait qu’agir ainsi serait s’exposer à une défaite. Non, le Démon laisse cet homme en repos pendant quelque temps, il le soutient même dans sa dévotion, bien loin de l’en détourner; il lui inspire dans l’oraison des pensées sublimes, qui sont pour lui pleines de consolations, et auxquelles il s’attache aux dépens de la gloire de Dieu, qu'il devrait uniquement chercher. Alors le Démon suggère à cet homme une vaine complaisance pour lui-même, lui persuade qu'il est quelque chose et même plus que les autres, et cet homme, au lieu de repousser ces pensées pour tourner ses regards vers Dieu et lui rapporter tout ce qu'il a, écoute la voix du séducteur, reçoit avec calme ses malignes inspirations, et, par une criminelle injustice, ravit à Dieu, en se l’appropriant, un bien qu'il tenait de sa miséricorde. Ainsi, cet homme pratique la vertu non en vue de Dieu, mais pour sa propre satisfaction, croyant être aussi bon qu'il se le persuade à cause de la paix et des consolations qu'il éprouve. Le Démon profite de cela pour endormir sa vigilance, il l’amuse par de vaines imaginations, lui persuade qu'il jouit de Dieu et lui fait négliger la garde de son cœur. Dès lors il rallume les passions dans le cœur de ce malheureux, qui, aveuglé par son amour-propre, ne s’en aperçoit pas. Voyez pourtant comme l’abîme s’entr’ouvre sous ses pas. S’il reçoit la moindre injure, lui qui se croit un saint, il la supporte avec grande peine et ne peut guère l’oublier ni la pardonner. Il ne peut souffrir ni un reproche ni une représentation quelconque, parce qu'il se croit plus sage et plus éclairé que nul autre; tout l’offense, un mot, une parole, un rien. Il finit par n’avoir plus qu’un désir, celui d’être loué et honoré par tout le monde. »

LIVRE PREMIER, chapitre 12

Pour que je comprisse mieux ces paroles, Jésus sut passer sous mes regards les divers mouvements du cœur humain et tout ce que le cœur éprouve par ces mouvements. Et je vis l’aveuglement, la folie, l’injustice de l'homme, l’injure qu'il fait à Dieu en le perdant de vue pour s’attacher aux choses de la terre, satisfaire ses passions et leur tout sacrifier.
« Voyez, me dit ensuite le Sauveur Jésus, voyez cet homme tout occupé des choses de la terre, il oubli que Dieu est le créateur de tout et que rien ne doit lui être préféré; il oublie qu'il a reçu tous ses biens de Dieu, il les regarde comme une chose qu’on ne peut lui ravir, qu'il ne peut perdre, et il fait tous ses efforts pour les accroître. Aussi son cœur s’endurcît sur la misère des pauvres, il les voit de mauvais œil, il préférerait qu'il n’y en eut point, et s’il vient à leur aide, ce n'est qu’avec regret. Dieu, voulant ramener à lui cet homme en le détachant des biens de la terre, lui envoie des afflictions et des épreuves. Mais, ne comprenant pas l'action de Dieu, cet homme se trouble, s’agite, se révolte contre Celui de qui il a tout reçu, tourne sa haine contre son prochain, et cherche dans son esprit, parmi ses semblables, celui qui a pu causer son malheur. Sil est devenu pauvre en réalité, il ne cesse pas d’être riche d’esprit et de cœur, en s’attachant encore au peu qui lui reste, ou s'il le dépense, ce ne sera que pour satisfaire ses passions.
« Voyez, au contraire, l'homme vertueux, possède-t-il des richesses? Il reconnaît que Dieu en est le maître, tandis que lui n’en est que l’économe, le conservateur, le gardien au nom de Dieu. Il entre vis-à-vis des pauvres dans les desseins de la Providence, en leur donnant une part de ce qu'il possède. Si quelqu'un veut lui ravir une partie de son bien ou lui susciter un procès, il remet tout entre les mains de Dieu, il prend selon sa divine volonté toutes les mesures nécessaires à la conservation de ce qui lui appartient, sans rien négliger; mais il ne perd jamais Dieu de vue et demeure en paix avec celui à qui il a affaire. Réussit-il? Il rend grâce à Dieu; s'il échoue, il l’attribue à ses défauts, qui ont détourné la bénédiction de Dieu, et ne conserve pour personne ni animosité ni ressentiment. Est-il pauvre? Il ne regarde pas d’un œil jaloux le riche; il est content de sa pauvreté et se soumet à la volonté de Dieu dont il fait toute sa richesse. Est-il souffrant, malade, infirme? Il offre à Dieu ses infirmités, sa maladie, sa souffrance il lui fait même le sacrifice de sa vie. Est-il bien portant? Il en remercie Dieu et emploie sa force et sa vigueur à le mieux servir, à le mieux honorer.
« Ainsi l'homme vertueux rapporte tout à Dieu richesses ou pauvreté, bien-être ou épreuves, maladie ou santé, et se repose uniquement en celui qu'il nomme son père et son Dieu. »

LIVRE PREMIER, chapitre 13

« Le Dieu du ciel et de la terre, m’a dit un jour le Sauveur Jésus, est un Dieu de paix. Il y a en Dieu trois personnes, mais ces trois personnes sont si étroitement unies entre elles, qu’elles ne forment qu’un seul Dieu, et qu'il existe entre elles une paix souveraine et éternelle. Le trouble ou la discorde ne se peut concevoir entre les trois personnes, car elles sont l’ordre et la tranquillité de l’ordre par essence et par nature.
« Aussi ce que Dieu aime le plus sur la terre, ce sont les âmes pacifiques; ce qu'il déteste le plus, ce sont les âmes qui se plaisent dans la discorde et sèment la zizanie parmi leurs frères.
« Une âme pacifique est celle qui a la paix avec Dieu, la paix avec le prochain, la paix avec elle-même. Elle a la paix avec Dieu, parce qu’elle est soumise en tout à sa volonté sainte, et que cette soumission entretient l’harmonie entre le Créateur et sa créature. Elle a la paix avec Dieu, parce qu’elle suit et exécute ponctuellement tout ce que Dieu lui commande, et que cette obéissance l’unit à lui de plus en plus. Elle a la paix avec Dieu, parce qu’elle l’aime de tout son cœur, de toutes ses forces, et que rien comme l’amour ne peut mettre la paix entre elle et Dieu.
« Elle a la paix avec son prochain, parce qu’elle ne fait jamais rien qui lui puisse déplaire, parce qu’elle oublie le mal qu’elle en peut recevoir et ne lui fait que du bien, parce qu’elle excuse les défauts de tous et qu’elle cherche à corriger de plus en plus les siens.
« Elle a la paix avec elle-même, parce qu’elle est toute à Dieu et que Dieu lui rend au centuple ce qu'elle lui donne. La récompense des âmes dans le ciel sera la paix éternelle; sur la terre, quoiqu’elle ne soit pas une paix parfaite et entière, la situation d’une âme pacifique est comme l'avant-goût de ce qui l’attend au ciel.
« Voilà les âmes que Dieu chérit et affectionne; celles qui sont et demeurent dans l’ordre qu'il a établi et constitué : dans l’ordre vis-à-vis de lui-même par l’accomplissement de sa volonté, dans l’ordre vis-à-vis du prochain en vivant avec lui dans la charité, dans l’ordre vis-à-vis d’elles-mêmes en faisant le bien, en évitant le mal; et Dieu n’aime d’un amour de prédilection que ces âmes, parce qu’elles sont véritablement pacifiques.
« L’âme des impies n'est point une âme pacifique; c'est en vain qu'ils étouffent le remords en eux-mêmes; ils sentent que Dieu est là, ils le voient prêt à les frapper, la conscience les torture affreusement. Ils n’ont point la paix avec Dieu, ils ne l’ont point avec eux-mêmes, ils ne l’ont point avec le prochain, parce que l’impiété n'est pas seulement une lutte contre Dieu, elle est aussi une lutte contre le prochain et contre soi.
« L’âme tiède qui, par le nombre de ses infidélités, en est venue au point de n’éprouver guère de remords, et de résister sans peine au souffle de la grâce et du Saint-Esprit, n'est point une âme pacifique. Elle sent que Dieu a droit de plus exiger d’elle; elle comprend que se familiariser dans l’offense contre Dieu n’est point agir selon l’ordre. Sa conduite envers Dieu dirigera sa conduite envers son prochain, et, en opposition avec Dieu, elle sera aussi en opposition avec le prochain.
« L’âme qui n’agit que par des vues humaines, et qui, pour cela, ne craint point de pactiser avec le monde, avec ses maximes, avec ses doctrines, n'est point une âme pacifique. Le monde ne repose point sur l’ordre, il est l’opposé de l'ordre, et par conséquent de la paix.
« Entre ces trois sortes d’âmes, il y a une grande différence; mais pourtant un rien les sépare, et l’âme qui vit dans la tiédeur peut tomber et mourir dans l’impiété; plus facilement encore l’âme qui vit selon les maximes du monde : car le monde est l'empire de Satan; et vivre selon le monde, c'est vivre selon Satan, et la vie de Satan est la vie de l’iniquité.
« Aussi, de même que les âmes pacifiques sont aimées de Dieu, de même les âmes qui ne le sont point sont aimées de Satan. Dieu est l’ordre souverain, il aime ce qui est dans l’ordre ou les âmes pacifiques; Satan est le désordre, il aime ce qui est dans le désordre, les âmes non pacifiques.
« Être pacifique, c'est ressembler à Dieu, c'est imiter Dieu, c'est suivre les inclinations qui, des trois Personnes divines, passent dans les facultés de l’âme et produisent l’union, la concorde, par l’ordre. N’être point pacifique, c'est ressembler à Satan, c'est imiter Satan, c'est suivre les inclinations qui, de Satan, passent dans les facultés de l'âme et produisent la désunion, le trouble, par le désordre.
« Malheur à ceux qui n’aiment point la paix avec Dieu, la paix avec le prochain, la paix avec eux-mêmes, la paix dans les familles, la paix dans les cités, la paix dans les empires; ils marchent au souffle de Satan, ils sont fils de Satan.
« Bonheur et félicité à jamais à ceux qui veulent la paix avec Dieu, la paix avec le prochain, la paix avec eux-mêmes, la paix dans les familles, la paix dans les cités, la paix dans les empires; ils marchent au souffle de Dieu, ils sont fils de Dieu. »

LIVRE PREMIER, chapitre 14

Je pensais un jour à la rédemption de l'homme, et à la miséricorde de Dieu qui nous avait donné son divin Fils pour nous sauver. Je remerciais Dieu dans le fond de mon âme, et remerciais aussi le Sauveur Jésus qui s’immolait en ce moment sous mes yeux entre les mains de son ministre. « Ma fille, me dit alors le Sauveur, Dieu veut le salut de tous les hommes et il le veut sincèrement. Que n’a-t-il pas fait pour cela? Que ne fait-il pas encore? Il le veut, mais d'une volonté conditionnelle, pourvu que l'homme fasse ses efforts pour profiter des moyens de salut qu'il lui donne, pourvu qu'il corresponde à ses grâces, qui ne lui manqueront jamais. Si l'homme se perd, ce n'est point faute de connaissance, car Dieu a gravé dans le cœur de chacun des hommes une loi, la loi naturelle, et la connaissance de cette loi avec sa pratique suffit à tout homme pour être sauvé, s'il n’a pas la connaissance de la loi de grâce que j’ai établie sur la terre. Ce n’est point faute de secours, Dieu appelle à lui tous les hommes par l’offrande et le don de sa grâce. Quand une personne est tentée, Dieu lui offre une grâce proportionnée à sa tentation; à elle de recevoir cette grâce et d’y correspondre. De cette correspondance dépend l’opération du bien et par suite le salut; et la grâce est plus ou moins grande, plus ou moins pressante, selon le jugement de justice ou de miséricorde que Dieu porte; et nul ne doit ni ne peut trouver mauvais la distribution que Dieu fait de ses grâces. Car il ne doit sa grâce à personne; il est maître de ses dons, il en dispose comme il lui plaît, nul n'y a droit par son propre mérite. Trouveriez-vous injuste un roi qui aurait choisi l’enfant d’une famille pauvre et nombreuse pour faire sa fortune, quand même il n’en ferait pas autant pour ses frères, et quand cet enfant, seul et à l’exclusion de tout autre, devrait jouir de la fortune que le roi lui a faite? De même, Dieu a des vues de prédilection sur quelques âmes, et veut leur faire éprouver la grandeur de ses miséricordes par des grâces plus abondantes qu'il donnera à l’heure qui lui plaira. Mais qui se flattera de pareille prédilection? Qui, dans l’incertitude où sont tous les hommes, n’opérera pas son salut avec crainte et tremblement, s’il n’est insensé? Qui, dans cette incertitude, fut-il le plus juste des hommes, ne se sentira humilié et couvert de confusion? Qui, surtout, osera condamner un pécheur, fut-il le plus grand pécheur du monde? Vous êtes juste à cette heure et votre frère mériterait la réprobation; qui vous a dit que, demain, vous ne serez pas réprouvé, parce que Dieu ne vous donnera plus que les grâces suffisantes et que vous ne correspondrez pas à cette grâce; et votre frère sauvé, parce que Dieu lui accordera des grâces abondantes qui le retireront de l’abîme, pour le placer au nombre des saints? Celui qui est bien pénétré de ces vérités ne néglige rien de ce qui peut être agréable à Dieu et fuit avec soin tout ce qui peut l’offenser ou lui déplaire. »

LIVRE PREMIER, chapitre 15

« La gloire de Dieu ne dépend nullement du salut de l'homme. il est à lui-même sa propre gloire. Il veut néanmoins que l'homme lui rende gloire, mais il lui laisse la liberté de la lui refuser. S’il rend gloire à Dieu, l'homme sera sauvé; s'il la lui refuse, il sera réprouvé. Mais que l'homme soit sauvé ou damné, Dieu ne perdra rien de sa gloire; les élus rendront gloire éternellement à sa miséricorde et les réprouvés à sa justice. C'est là, du reste, la destination de tous les hommes. Dieu, dans ses jugements secrets et impénétrables, a voulu qu’une partie de l’humanité glorifiât sa miséricorde dans l’éternité, et l’autre, sa justice. »

LIVRE PREMIER, chapitre 16

Ces dernières paroles avaient fait une profonde impression sur mon esprit; je ne les comprenais pas, je ne savais les expliquer. Aussi, quand on me demanda quelle signification j’avais voulu leur donner, je dus répondre seulement qu’elles s’étaient gravées dans mon esprit comme le Sauveur Jésus les avait prononcées. Mais un jour que j’avais le bonheur de le posséder en moi par la sainte communion, je me mis à genoux près de lui, comme un enfant près de sa mère, et, avec la simplicité d’un enfant, je le suppliai aussi de m’expliquer le sens de ces paroles, si telle était sa volonté. Alors le Sauveur Jésus me dit : « Ma chère fille, Dieu, dans ses jugements secrets et impénétrables, a destiné les uns pour glorifier sa miséricorde et les autres pour glorifier sa justice. Voici l’explication de ces paroles :
« Dieu, étant souverainement parfait, connaît tout? » Je répondis : « Oui, Seigneur, — Le passé, le présent et l’avenir ne sont pour Dieu qu’une seule et même chose; pour lui, l’avenir et le passé sont toujours présents? » Je répondis : « Oui, Seigneur. — Or, Dieu avait résolu de toute éternité de créer le monde et de créer l'homme. il savait de toute éternité que l'homme pêcherait; il savait de toute éternité quels seraient les péchés des hommes. Aussi, quand il est dit dans les livres saints que Dieu se repentit d’avoir créé le monde à cause des péchés des hommes, vous ne devez point l’entendre en ce sens que Dieu, avant la création du monde, n’avait point prévu les péchés des hommes. Car s’il en eut été ainsi, Dieu ne serait pas parfait. Dieu, dans sa prescience, connaissant les iniquités de tous les hommes, savait donc le véritable nombre des élus et des réprouvés; en sorte que pas un ne sera damné ou sauvé que Dieu ne l’ai prévu de toute éternité. Mais ne pensez pas pour cela que Dieu refuse aux réprouvés les grâces qui leur sont nécessaires pour se sauver. Dieu les leur accorde, mais ils n’y correspondent pas; et c'est pour cela qu'ils sont réprouvés, et c'est pour cela aussi que Dieu a prévu leur réprobation. Or, cette prévision de Dieu n’influe en rien sur la réprobation des hommes, car elle n’a aucune action sur l'homme qui conserve toute sa liberté, et peut abuser ou non des grâces de Dieu. Si la prévision de Dieu influait sur la réprobation de quelqu’un, Dieu ne voudrait pas le salut de celui-là. Or, il est certain que Dieu veut le salut de tous, et qu’il donne à tous les grâces nécessaires pour qu'ils opèrent leur salut. C'est parce que l'homme se perd que Dieu le prévoit, et non parce Dieu le prévoit que l'homme se perd et se damne. Dieu donne des grâces, mais il laisse avec elles la liberté, et l'homme, en donnant ou refusant sa correspondance à ces grâces, se damne ou se sauve librement.
« Quand Dieu créa l'homme, il lui donna une âme douée de nobles qualités et capable de le connaître, de l’aimer et de le servir. Il lui donna la liberté de le servir ou de lui être infidèle, de lui obéir ou de se révolter contre lui; car il veut une servitude libre et volontaire. Il fit l'homme roi de la nature et lui permit de manger du fruit de tous les arbres, excepté d’un seul, le menaçant de mort s'il en mangeait, mais ne lui enlevant pas pour cela la liberté d’en manger s'il le voulait.
« L'homme, usant de sa liberté, mangea du fruit défendu, et Dieu, qui est souverainement juste, dut le punir. Dès lors la justice de Dieu éclata sur l'homme tant spirituellement que temporellement. Cette offense de Dieu demandait séparation radicale et éternelle entre l'homme, péché, et son Créateur, sainteté par excellence; ou bien il fallait à Dieu une réparation de l’offense de l'homme. L’homme ne pouvait donner cette réparation, il ne pouvait que demeurer victime de l’éternelle malédiction. La miséricorde de Dieu pourtant, touchée de compassion pour l'homme, qui était son ouvrage, ne put se résoudre à le détruire, à le perdre pour jamais. Elle me proposa de donner la satisfaction que l'homme ne pouvait donner. J’acceptai le rôle de réparateur, et, en donnant à Dieu réparation, j’obtins non-seulement le pardon de l’offense de l'homme, mais encore les grâces qui lui étaient nécessaires pour opérer son salut. Car le péché du premier homme l’avait tellement dégradé et entraîné, lui et toute sa postérité, vers le mal que, de lui-même, il lui était impossible de résister au mal et d’opérer le bien. C'est moi qui, par ma mort, ai procuré à l'homme la résistance au mal et l’opération du bien. Ainsi, l'homme se sauve et obtient la grâce de Dieu par moi seul, depuis que je suis venu sur la terre; et avant que je me fusse incarné, par la foi en ma réparation, en mes mérites de Rédempteur et de Sauveur, foi fondée sur la promesse que Dieu fit à Adam, immédiatement après sa faute, de lui donner un réparateur dont la mort effacerait le péché des hommes.
« La grâce, avant comme après ma naissance et ma mort, est offerte à l'homme à cause de mes mérites. Tous les hommes la reçoivent, et tous ont la liberté d’y correspondre ou d’y résister : ils obtiennent le salut par leur correspondance, et se perdent par leur résistance à cette même grâce. Ainsi, si l'homme se perd, ce n'est pas parce que Dieu ne lui a pas donné assez de grâces pour se sauver, ni parce que la grâce de ma rédemption n’a pas été suffisante ou ne s’est pas appliquée à tous; non, la grâce donnée à chaque homme lui suffit pour opérer son salut, et la grâce de ma rédemption aurait seule pu sauver mille mondes. L'homme ne correspond pas à la grâce et se perd.
« Or, il est certain qu'il y a des hommes qui résistent et résisteront encore à la grâce, et qui par conséquent seront damnés. Il est certain que Dieu sait tout de toute éternité, et qu'il connaît par conséquent quels sont ceux qui seront rebelles. Il est certain que Dieu aurait pu sauver tous les hommes. Pourquoi donc, prévoyant quels sont ceux qui seraient damnés, les a-t-il créés? Pourquoi, pouvant les sauver tous ne l’a-t-il point fait? C'est là un chose que l’esprit de l'homme ne peut pénétrer et devant laquelle il doit abaisser et soumettre sa raison, pour adorer profondément les conseils et les jugements secrets de Dieu, qu'il n’est point permis à l'homme d’approfondir. Il doit suffire à l'homme de savoir qu'il peut et qu'il doit se sauver, qu'il a les grâces nécessaires pour cela, et que, s’il se perd ou se sauve, ce sera parce qu'il l’aura voulu, et non parce que Dieu, pour qui tout est présent de toute éternité, aura toujours prévu que l'homme serait sauvé ou damné. Il suffit à l'homme de savoir que Dieu aurait pu ne pas lui donner un Sauveur, et que, ne le lui donnant pas, il aurait été souverainement juste en punissant éternellement tous les hommes. Il suffit à l'homme de savoir que si Dieu a voulu lui donner un Sauveur, ce n’a été que pour lui permettre de glorifier éternellement sa miséricorde, s'il correspond à la grâce de son salut; et pour l’obliger à glorifier sa justice si, après s’être révolté contre Dieu son Créateur, il se révolte aussi contre Dieu son Sauveur. »
Après ces paroles, que le Sauveur Jésus m’adressa à peu près ainsi, autant que je me le rappelle, il m’interrogea de la manière suivante : « Ma fille, l'homme est-il libre de faire le bien ou le mal? » Je répondis : Oui, Seigneur. — Peut-il faire le bien? — Oui, Seigneur, avec la grâce de Dieu. — De qui attend-il la grâce? — De Dieu. — L'homme peut-il, à cause de lui-même, attendre cette grâce de Dieu? — Non, Seigneur, c'est en votre considération, par vos mérites et par la miséricorde de Dieu qu’elle lui est donnée. — Que faut-il pour être sauvé ou damné? Correspondre à la grâce ou bien y résister. — L'homme peut-il de lui-même correspondre à la grâce? — Non, Seigneur, il faut encore pour cela une grâce nouvelle, la grâce de la correspondance. — Dieu est-il obligé de la donner? — Dieu n'est pas obligé de la donner mais il s’est engagé à l’accorder à tous ceux qui la lui demandent. — Dieu la donne-t-il toujours à ceux qui la lui demandent? — Oui, Seigneur, à ceux qui la lui demandent comme il faut. — Comment Dieu veut-il le salut de tous les hommes? — Il le veut d’une volonté conditionnelle, c’est-à-dire en ce sens que les hommes feront ce qu'il leur demande, et non d’une volonté absolue, parce qu'il veut laisser aux hommes la liberté de se sauver. — Pourquoi Dieu veut-il que l'homme ait la liberté de se sauver? — Seigneur, parce qu'il le veut. Je ne puis en dire davantage.
— « Très bien, ma fille. Ainsi rappelez-vous toujours ce que vous venez de me dire, que ce n'est point la grâce qui fait les saints, mais la correspondance à la grâce; que cette correspondance est une grâce et pour ainsi dire la grâce des grâces; que cette grâce n'est pas au pouvoir de l'homme, mais qu’elle vient de Dieu; que Dieu ne la doit à personne, mais qu'il ne la refuse jamais quand on la lui demande.
« Dieu a-t-il besoin de l'homme? — Non, Seigneur. — Qu’a mérité l’homme par son péché? — La mort éternelle. — Dieu est-il le maître de l'homme? — Oui, Seigneur. — Qu’est-ce que l'homme? — Une créature raisonnable, dépendante de Dieu, son Créateur. — Qu’a fait dès le commencement cette créature que vous dites dépendante de Dieu? — Elle s’est révoltée contre Dieu. — Était-il juste que Dieu infligeât une punition à l'homme? — Oui, Seigneur. — Pourrait-on trouver injuste que Dieu, après le péché de l'homme, n’eût voulu sauver qu’une partie des hommes? — Non, Seigneur, mais il a voulu les sauver tous, et il veut que tous soient sauvés. — Comment se fait-il que Dieu voulant le salut de tous les hommes, tous ne soient pas sauvés? — C'est que la volonté des hommes est opposée à celle de Dieu. — La volonté de Dieu ne pourrait-elle donc pas triompher de la volonté des hommes? — Elle le pourrait, mais elle ne le veut pas, parce que Dieu a fait l'homme libre. — Dieu abandonne-t-il les âmes, ou bien les âmes abandonnent-elles Dieu? — Ce sont les âmes, Seigneur, qui abandonnent Dieu; elles ne correspondent plus à la grâce, perdent l’amitié de Dieu et tombent dans le péché. — Est-ce volontairement que l’âme commet le péché et avec une entière liberté? — Oui, Seigneur; sans cela il n'y aurait point de péché. — Serait-il impossible à Dieu de l’empêcher de pécher? — Non, Seigneur. — Que fait donc Dieu en n’empêchant point une personne de l’offenser? — Il la laisse user de sa liberté. — Et quand cette âme a parcouru le cours de son existence sur la terre, que fait Dieu? — Il fait ce qu'il doit faire; il exerce sur elle un jugement de justice. — Comment Dieu exerce-t-il sur cette âme un jugement de justice? — En lui rendant selon ses œuvres, c’est-à-dire en la punissant. — Dieu a-t-il le droit de la punir — Oui, Seigneur. — Est-il injuste s’il le fait? — Non, Seigneur parce qu'il ne lui donne que ce qu’elle a cherché, et la justice de Dieu apparaît dans la peine qu'il lui inflige.
— « Pensez-vous que Dieu ne trouve jamais de correspondance à sa grâce? — Non, Seigneur; je crois qu'il y a des âmes qui correspondent aux grâces de Dieu. — Ces âmes correspondent-elles volontairement? — Oui, Seigneur. — Que doit faire Dieu pour les âmes qui correspondent à sa grâce? — Les récompenser, et ne point rendre inutile la miséricorde que vous leur avez procurée par votre mort. — Quel sera donc le jugement de Dieu sur ces âmes? — Un jugement de miséricorde. — Et sur les âmes rebelles — Seigneur, ce sera au contraire un jugement de justice.
— « Que fera donc pendant l’éternité l’âme qui aura résisté à la grâce de Dieu? — Elle servira de témoin à la justice divine qui punit le mal et l’iniquité. — Que pensez-vous de ce témoignage? — Seigneur, il me semble qu'il sera la manifestation de la justice de Dieu. — Et la manifestation de la justice de Dieu, est-ce autre chose que la glorification de cette même justice? — Non, Seigneur; car rendre témoignage à Dieu, c'est le glorifier.
— « Que fera pendant l’éternité l’âme qui aura correspondu à la grâce de Dieu? — Elle servira de témoin à la miséricorde divine qui récompense le bien et la vertu. — Que pensez-vous de ce témoignage? — Seigneur, il me semble qu'il sera la manifestation de la miséricorde de Dieu. — Et la manifestation de la miséricorde de Dieu, est-ce autre chose que la glorification de cette même miséricorde? — Non, Seigneur; car rendre témoignage à Dieu, c'est le glorifier. — Or, croyez-vous qu'il ait fallu que Dieu attendit l’existence des hommes pour savoir s’ils seraient fidèles ou infidèles à sa grâce? — Non, Seigneur. — Pourquoi? — Parce que Dieu est éternel, que le passé n’existe pas pour lui, et qu'il voit en une seule vue le passé, le présent et l'avenir. — Si la vue de Dieu est éternelle, sa connaissance de toutes choses n’est-elle pas éternelle aussi? — Oui Seigneur. — Si Dieu voit et connaît de toute éternité, quel doit être le complément de cette vue et de cette connaissance éternelle? — Seigneur, un jugement éternel. — Quel sera ce jugement en faveur des âmes fidèles? — Un jugement de bonheur éternel. — Et pour les âmes infidèles? — Un jugement de malheur éternel. — Comment nommez-vous ce dernier jugement? — Celui de la justice de Dieu contre l'homme qui a repoussé sa miséricorde divine. — Et le second? — Celui de la miséricorde en faveur de l'homme qui, par Jésus-Christ, a apaisé la justice divine. — Pourquoi appelez-vous un de ces deux jugements, jugement de justice, et l’autre jugement de miséricorde? — J’appelle le premier jugement de justice, parce que c'est la justice de Dieu qui seule m’apparaît dans ce jugement; j’appelle le second jugement de miséricorde, parce que dans ce jugement, c'est surtout la miséricorde de Dieu qui apparaît. — Dans ce second jugement n’y a-t-il que jugement de miséricorde? — Seigneur, il y a en même temps aussi jugement de justice; mais de justice miséricordieuse ou de justice étroitement unie à la miséricorde dont les élus jouiront éternellement, tandis que les réprouvés n’auront jamais plus de miséricorde de la part de Dieu. — Si Dieu voyait, connaissait, jugeait tout de toute éternité et avant l’existence de l'homme, qu’êtes-vous en droit de conclure des paroles que je vous avais adressées précédemment; savoir : Que Dieu, dans ses jugements secrets et impénétrables, a destiné les uns pour glorifier sa justice et les autres pour glorifier sa miséricorde? — Je conclus, Seigneur, que ces paroles, comme toutes celles qui sortent de votre bouche, sont pleines de vérité.
Après cela, je remerciai le Sauveur Jésus de m’avoir parlé; avec tant de familiarité, et le priai de me bénir. Il leva sa main au-dessus de ma tête, me bénit et je goûtai dans mon âme une félicité inénarrable.

LIVRE PREMIER, chapitre 17

Un jour, le Sauveur Jésus me parla ainsi : « Les vues de Dieu, ma fille, sont différentes de celles des hommes; nul ne peut les pénétrer, il fait tout tourner à l'accomplissement de ses desseins et au bien des âmes.
« Il appesantit sa main sur les justes et sur les pécheurs : sur les justes, afin de leur faciliter l’acquisition de plus grands mérites; sur les pécheurs, pour les châtier dans leur corps et sauver ainsi leur âme par une sincère pénitence. La mère la plus tendre ne donne pas toujours du sucre et du lait à son enfant, cela serait contraire à la santé du fruit de ses entrailles. Quand son enfant est malade, elle lui fait prendre les remèdes les plus amers pour le guérir. Personne n’accusera pourtant cette mère de dureté; tous au contraire la blâmeraient si, par une affection mal conçue, elle avait laissé mourir son fils pour ne lui avoir point administré les remèdes que demandait sa maladie. Dieu agit de la même manière, et les hommes ont la folie de regarder comme un effet de sa colère ce qui est plutôt l’effet de sa miséricorde. Ah! prenez toujours les maux que Dieu vous enverra avec respect et soumission, comme venant de la main si douce et si paternelle de Dieu.
« Voyez encore combien est admirable l'action de Dieu sur les justes et les pécheurs.
« Dieu répandra quelquefois sur une personne l’abondance de ses grâces et de ses bénédictions; il la comble de ses dons les plus parfaits, il en fait un prodige par les merveilles qu'il opère en elle, et après l’avoir ainsi élevée à un très-haut degré de sainteté et de vertu, il la donne en spectacle aux hommes, et chacun admire en elle la bonté, la miséricorde de Dieu et la puissance de ses œuvres.
« Quand un homme méchant persécute un homme juste, Dieu le permet pour éprouver la vertu du juste. L'homme juste regarde son persécuteur comme l’instrument dont Dieu se sert pour le punir. Il considère moins la verge qui le frappe que la main souveraine qui la tient, et reçoit chaque coup avec patience et soumission. Aussi, touché bien souvent de la conduite de celui qu'il a persécuté avec tant d'injustice, le méchant se converti et fait pénitence. Voilà comment la persécution du méchant tourne à la perfection du juste, et la patience du juste à la conversion du méchant, tout pour la gloire de Dieu.
« Parfois aussi Dieu frappe le pécheur au milieu de son crime et de son impiété, pour montrer aux hommes l’éclat de sa justice et de ses vengeances et leur inspirer la crainte et la frayeur.
« Quelle que soit la conduite de Dieu à l’égard des hommes, nul n’a le droit de l’examiner ou d’en demander raison; nul d'ailleurs ne peut comprendre les jugements de Dieu; ils sont infinis, par conséquent cachés et incompréhensibles; ils sont jugements de Dieu, par conséquent justes et équitables. Ne cherchez donc pas la raison de la conduite de Dieu, mais soumettez-vous à lui entièrement; parce que la justice et l’équité lui appartiennent, et quand de pareilles pensées se présenteront à votre esprit, dites avec foi et humilité : « Vos jugements, Seigneur, sont aussi justes qu'ils sont secrets et impénétrables. »
Gloire à Jésus au sacrement de son autel!

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Message par Her Mar 12 Avr - 8:21

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Livre 2
Le Verbe de Dieu fait Homme

LIVRE DEUXIÈME, chapitre 1 – Le verbe de Dieu fait homme.

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, je suis la voie, la vérité et la vie.
« Je suis la voie; celui qui me suit ne s’égarera point; je suis la vérité, celui qui croit en moi ne sera point trompé; je suis la vie, quiconque n'est point uni à moi par la charité est dans la mort.
« Je suis la voie et non point toutes les voies. Le temps mène à l’éternité par trois voies; mais ces trois voies ne sont point miennes, car il n’y a en moi qu’une voie bien différente des deux autres, parce que seule elle a été tracée par mes mains divines.
« Je veux, ma fille, vous faire connaître ces trois voies, et distinguer entre elles celle qui m’appartient et que doivent suivre ceux qui veulent venir à moi.
« La première voie est large, commode et très-pratiquée. Satan en a tracé le sillon dans le paradis terrestre, et le pécheur, esclave de Satan, marche dans cette voie. Elle est bordée de fleurs; mais ces fleurs, que fait germer l'enfer et non le ciel, cachent des épines qui donnent la mort. L'homme s’y nourrit d’un miel sauvage dont le goût paraît suave, mais qui, en vérité, sert de poison à ceux qui le mangent et les laisse sans vie. Le terme de cette voie sont les abîmes éternels.
« La seconde voie est moins large, moins commode, moins agréable. Ce n'est point Satan qui l’a tracée, mais il l’a inspirée pour appeler ensuite les hommes dans la sienne. Les fleurs qui couvrent cette voie sont plus petites que les autres et moins nombreuses; leurs épines aussi, moins dangereuses et moins aiguës, ne vont point jusqu’au cœur et n'y font point de plaies mortelles. Ceux qui marchent dans cette voie conservent la vie, s'ils ne la quittent point pour entrer dans la première. Ils marchent, et trouvent au terme de cette voie le purgatoire et ses supplices passagers, mais effrayants et terribles.
« La troisième voie ne ressemble nullement aux deux premières; elle est très-étroite, très-difficile et peu pratiquée. C'est moi qui l’ai tracée sur le Calvaire, et le chrétien, qui est un autre moi-même, marche dans cette voie. Elle est couverte d’épines; mais ces épines abritent des fleurs venues du ciel, dont le parfum réjouit l'âme et fait disparaître les blessures faites par les épines. Ces blessures, loin d’être mortelles, enlèvent tout ce qu'il y a de corrompu dans l'homme et respectent tout ce qui est bon en lui. Celui qui marche dans cette voie n'y trouve pour se refaire de sa fatigue qu'une absinthe très-amère; mais, dès qu'il est abreuvé, l’amertume se change en suavité.
« C'est moi qui suis cette voie, qui mets les fleurs sous les épines, la suavité dans l’amertume, le ciel après le voyage. Je suis le conducteur de cette voie; je guide ceux qui veulent la suivre, par moi-même ou par d’autres moi-même, c’est-à-dire par des hommes qui sont plus avancés et qui ont plus d’expérience; mais le guide principal, c'est moi.
« Je suis la vérité. La vérité est une, la vérité est ferme, la vérité ne trompe point, la vérité ne succombe jamais : elle dure éternellement. L’opposé de la vérité est le mensonge, comme l’opposé du bien, c'est le mal; et le mensonge se dit vérité, et le mal se dit bien, pour battre le bien et la vérité. La grâce de Dieu aide la raison de l'homme et lui permet de distinguer sûrement le bien du mal ou la vérité du mensonge.
« La vérité, c'est moi, comme le mensonge, c'est Satan. La vérité, c'est moi, et la manifestation de cette vérité éternelle est dans cette parole : « Je suis celui qui est! » Le mensonge, c'est Satan, et la manifestation première du mensonge est dans cette parole : « Je m’élèverai et deviendrai semblable à Dieu. »
« Je suis la vérité; j’éclaire la voie étroite dont je vous ai parlé. Satan est le mensonge; il éclaire la voie large que je vous ai fait connaître.
« Satan est le conducteur de la voie large, riante, agréable et parsemée de fleurs; il promet des biens, des plaisirs, le bonheur à ceux qui la suivent; il leur promet la vie; mais parce que Satan est le mensonge, il ne leur donnera que misère, peines, afflictions et mort éternelle.
« Je suis le conducteur de la voie étroite; je promets des biens éternels et non passagers; je promets le bonheur de l’éternité et non celui du temps; je promets la vie du ciel, non celle de la terre; et, parce que je suis la vérité, je donnerai les biens éternels, le bonheur de l’éternité, la vie du ciel.
« La vie, c'est moi! Je suis la vie. Celui qui marche dans la voie large trouve la mort. Celui qui marche dans la voie étroite trouve la vie. Celui qui s’attache à Satan, va avec Satan au lieu de l’éternelle malédiction. Celui qui s’attache à m
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Message par Her Mar 12 Avr - 8:22

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Livre 3
La Sainte Vierge Marie, Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

LIVRE TROISIÈME, La Sainte Vierge Marie, Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

LIVRE TROISIÈME, chapitre 1
J’aime le Sauveur Jésus de toute mon âme, de tout mon cœur, de tout mon esprit, de toutes les forces qui sont en moi. J’aime Marie comme lui. J’aime le Sauveur Jésus, parce qu'il est Fils de Dieu et mon Rédempteur. J’aime Marie, parce qu'elle est la Mère du Fils de Dieu, mon Rédempteur, et ma mère. J’aime Jésus, parce qu'il s’est sacrifié pour moi par amour. J'aime Marie, parce qu'elle a sacrifié Jésus pour les hommes et par amour pour moi. Jésus est Dieu, et par cela seul, au-dessus de toutes choses; et je l’adore. Marie est mère de Jésus, et par cela seul, au-dessus de toutes les créatures. Je ne l’adore point parce qu’elle n'est point Dieu, mais je lui rends tous les honneurs, tous les devoirs que peut recevoir une créature et qui ne sont point dus à Dieu seul. Jésus, Fils de Dieu, Marie, mère de Dieu! Je distingue l’un de l’autre, et je ne les distingue pas. Je les vois séparés et unis. Je vois un Dieu éternel et une créature mère de ce Dieu éternel fait homme, et, dans cette maternité, j’unis le Fils à la Mère, la créature au Créateur. Je vois Dieu créant Marie, et je distingue l’œuvre de l’ouvrier. Cependant, les relations sont si grandes entre ce Dieu fait homme et cette Vierge, mère de Dieu; l’unité d’action dans le monde des âmes est si frappante et si visible entre Jésus et Marie, que je ne sais ce qu'il faut le plus admirer de Jésus opérant dans cet univers surnaturel et invisible placé dans l’univers naturel et visible, ou de Marie sans laquelle Jésus n’opère rien et ne veut rien opérer. Dieu fait homme! merveille admirable pour la terre et les cieux. Dieu fait homme, ou l’infini devenu fini, sans cesser d'être infini; devenu mortel, sans cesser d’être la justice par excellence et la sainteté sans tache. Marie, mère de Dieu! merveille aussi admirable pour la terre et les cieux. Marie, mère de Dieu, ou le fini engendrant l’infini et demeurant fini malgré cette génération; Marie, mère de Dieu, femme mortelle engendrant l’Éternel! O prodige au-dessus de tout! Je ne vous adore point, mais je vous donne ma vénération, et j’adore en vous Celui que vous avez conçu, engendré, mis au monde, et livré pour le salut du monde en union avec le Dieu, Père éternel du Verbe fait homme en vous.
Mon âme surabonde de joie quand Jésus me parle de lui ou qu'il se montre à moi; et ma joie n'est pas moindre quand il me parle de sa Mère, quand elle apparaît à mes yeux ou qu'elle vient me parler elle-même. Lorsque Jésus me parle de Marie, il me parle de lui-même; quand je vois Marie, je vois Jésus; quand Marie, je vois Jésus; quand Marie m’entretient et me fait entendre sa voix, il me semble que c'est Jésus qui parle. Je ne mets point de différence entre la voix de Jésus et celle de Marie. Si j’avais les yeux du corps ou de l’âme fermés, et que j’entendisse Jésus ou Marie, sans les voir, je ne saurais dire quelle est cette voix. J’ai remarqué pourtant que la voix de Marie est toujours pleine de douceur, de bonté, de tendresse, et que la voix de Jésus est quelquefois sévère et prend un accent de justice ou de menace que je n’ai jamais reconnu en Marie. La voix de Marie est toujours la même, d’une douceur inexprimable envers les justes comme envers les pécheurs. Pourquoi cela? Je ne sais; mais ce que je sais, c'est que Marie est mère du Fils de Dieu mort sur la croix, et qu'elle est notre mère. Marie, mère de Dieu et ma mère, c'est Marie et sa douceur, Marie et sa bonté, Marie et sa tendresse, Marie et sa commisération! O Marie! Mère de Jésus et ma mère, je vous aime, je vous bénis, je vous loue, je me donne à vous.

LIVRE TROISIÈME, chapitre 2

Le Sauveur Jésus m’avait souvent parlé de lui, et jamais encore il ne m’avait parlé de Marie. « Ma fille, me dit-il un jour, désirez-vous voir ma mère? — Seigneur, lui répondis-je, je n’ai aucun désir, ma volonté sera la vôtre. Je ne veux avoir d’autre volonté que votre volonté. » Jésus leva les yeux au ciel et s’écria : « Ma Mère, apparaissez à ma fille; je le désire, et, pour conformer son désir au mien, elle le désire aussi. — Le désirez-vous, ma fille? — Oui, Seigneur. » Aussitôt j’aperçus des yeux de l’âme Marie devant l'autel. Je me trouvais dans l’église (c'était un dimanche matin avant la sainte messe). Je la considérai attentivement. Son visage était resplendissant comme le soleil; ses mains brillaient comme des rayons de soleil; sa robe était blanche et parsemée d’étoiles, un large manteau de couleur de feu enveloppait ses épaules, il était aussi parsemé d’étoiles; sa chevelure retombait en arrière, couverte d'un voile en dentelle magnifiquement travaillé; enfin une couronne de diamants, plus beaux et plus éclatants que tous les astres des cieux, ceignait son front. Cette lumière qui était en Marie n'est comparable à aucune autre lumière, celle du Sauveur Jésus exceptée. La lumière du soleil aurait pâli devant celle qui sortait de Marie; et cependant mes yeux ne peuvent regarder en face le soleil, et je regardais Marie dont l'éclat ne m’éblouissait pas à ce point de m’empêcher de la regarder. Je regardais Marie et je ne pouvais ne la point regarder. Sa vue donnait à mon âme la félicité. Lorsque j’eus longtemps considéré Marie, elle prix mes deux mains; je m’élevais sans savoir où j’allais; mais je ne craignais point, mes mains étaient dans les mains de Marie, mes yeux arrêtés sur ses yeux. Je me regardais comme un enfant entre les bras de sa mère, où nul danger ne peut l'atteindre. Nous arrivâmes dans un temple magnifique dont le pavé était en or, les colonnes extrêmement élevées, et l’intérieur éclairé par des milliers de lampes allumées en l’honneur de la sainte Vierge. Une multitude innombrable y chantait ses louanges. Elle me conduisit devant un trône d’or d'une grandeur immense, qui ressemblait à un autel. « C'est là, ma fille, me dit-elle, le trône de la divinité. C'est de là que partent tous les effets de la justice de Dieu. » Elle se plaça ensuite sur un trône magnifique préparé près du premier, et des vierges sans nombre, vêtues de blanc, vinrent se ranger autour d’elle. Elles étaient d'une beauté ravissante, de beaucoup néanmoins inférieure à celle de Marie. Combien je me sentis pauvre, dénuée, en comparaison de tout ce que je voyais! Ma misère pénétra jusqu’au plus intime de moi-même, et je me mis à pleurer. La sainte vierge me cacha alors dans son manteau; mes pleurs cessèrent, et je vis la lumière de Marie passer en moi comme la lumière du jour à travers un cristal. Je ne me possédais pas de joie. Les yeux de mon corps s’ouvrirent alors; je vis le prêtre à l’autel. J’entendis sa voix dire distinctement ces paroles : Sanctus, sanctus, sanctus, et je fus comme toute pénétrée par la sainteté de Dieu; mes yeux se fermèrent, mes oreilles n’entendirent plus rien, je me trouvai encore sous le manteau de Marie. La sainte Vierge se leva, retira son manteau qui me couvrait, s’approcha du trône de la divinité, et me remit entre les mains de Dieu. Je n’avais point vu Dieu sur son trône, même avec les yeux de mon âme; mais, dès que Marie m’eût placée sur le trône où Dieu réside, je sentis mon âme tout embrasée d’amour s’unir à Dieu en unité de la sainte Trinité. Dieu le Père me bénit, le Verbe de Dieu mit sa main sur mon cœur, et le Saint-Esprit se reposa sur ma tête comme une rosée pleine de fraîcheur qui me faisait à la fois vivre et mourir. Je me rapprochai de plus en plus du Verbe de Dieu et par lui de Dieu son Père. Enfin, il me sembla que je finis par reposer dans le sein de Dieu le Père, que Dieu le Fils vint reposer sur mon cœur, et que le Saint-Esprit présenta à Dieu le Père Dieu le Fils reposant en moi. O moment de félicité, de joie, de transports inexprimables! Était-ce le ciel et son bonheur que j’éprouvais en ce moment? Pour une éternité, ce bonheur m’aurait suffi, et je l’eusse accepté de Dieu pour jamais, si telle avait été sa volonté. Marie vint me retirer de ce repos que je goûtais en Dieu; elle me prit entre ses bras et me dit : « Ma fille, vivez sur la terre en pensant au ciel; vivez sur la terre en pensant à Jésus; vivez sur la terre en pensant à moi. »
En ce moment Jésus descendit du ciel en terre; c'était le moment de la consécration. Je descendis du ciel avec lui.
Je me préparai à faire la sainte communion. Quand j’eus en moi le Sauveur Jésus, je crus être encore sur le trône de Dieu, voir le Verbe reposer sur mon cœur, et le Saint-Esprit nous présenter ainsi à Dieu le Père.
Je remerciai le Sauveur Jésus de tant de grâces et de bontés à mon égard; je remerciai Marie aussi bien que je le sus faire, et je me retirai.

LIVRE TROISIÈME, chapitre 3

Pendant toute la journée, il me semblait être au ciel et non sur la terre, je ne sentais pas mon corps; il me semblait n’avoir que mon âme, ne voir rien de ce monde, voir au contraire toutes les merveilles du ciel. J’avais hâte de revenir près de Jésus. Je devançai l'heure de vêpres et vins au plus tôt adorer le Sauveur dans son tabernacle. Dès que je fus en adoration devant lui, il vint à moi et me dit : « Ma fille, c'est par ma mère que vous avez obtenu aujourd'hui la faveur la plus considérable dont la divinité puisse gratifier une âme qu'elle aime. Vous avez vu Marie, vous avez reposé sur son trône et sur son cœur, elle vous a menée sur le trône de Dieu, les trois personnes divines vous ont reçue dans leur retraite impénétrable, vous avez pénétré dans le sein de Dieu, j'ai pénétré dans le vôtre, et par moi mon Père vous a accueillie. Ah! j’ai voulu vous laisser comprendre que les relations de Dieu avec les hommes n’existent que par ma mère et avec ma mère. Ma fille, je vous ai parlé de la rédemption du monde. De toute éternité, je savais que je m’incarnerais, parce que je savais que l'homme pécherait, que l'homme ne pourrait se relever seul de son péché et que je ne voulais pas l’abandonner dans son malheur si grand. De toute éternité, j’avais choisi celle que je voulais pour ma mère; de toute éternité, en union avec mon Père et le Saint-Esprit, je travaillais à la sanctification, à la perfection de ma mère. Tous les trésors de la divinité avaient été mis éternellement en moi par mon Père, et ces trésors me permettaient de racheter l'homme en les rendant à mon Père. Or, je ne pouvais les lui rendre comme Dieu, étant entièrement semblable à lui; mais je pouvais les lui rendre en les faisant passer par Marie, en les enfermant en Marie, en m’enfermant moi-même en elle, et mon Père par Marie devait les accepter. Et ce que j’avais résolu dans l’éternité devait s’accomplir dans le temps, non au commencement, mais au milieu des temps. Ce délai, pourtant, n’enlevait rien de la force de cet acte réparateur, et la vertu de cette réparation devait s’étendre sur le commencement des temps, comme elle devait après son exécution se continuer jusqu'à la fin. Or, si je n’ai voulu rien faire au milieu des temps sans Marie, si les trésors de ma divinité ont été déposés en elle au milieu des temps; l’efficacité de ce dépôt agissant au commencement comme au milieu et à la fin des temps, cette efficacité vient de Marie comme de moi.
« Je suis comme la source immense de la réparation du monde, comme la source infinie des grâces données au monde. Mais cette source ne coule pas directement sur le monde, elle passe par Marie, et ma mère est cette créature que j’ai choisie en union avec Dieu le Père et Dieu le Saint-Esprit, pour répandre tous les biens du ciel sur la terre.
« Oui, ma fille, tout vient de moi pour le bonheur et la sanctification des hommes, mais tout passe par Marie; je n’accorde rien que ce qu’accorde Marie; et jusqu'à la fin des temps, je bénirai, je rachèterai, je sauverai les hommes parce que Marie les bénira, les rachètera, les sauvera par moi.
« Pour être Fils de l'homme, pour être Sauveur, il fallait ma volonté, il fallait aussi la volonté de Marie; pour rendre les hommes fils de Dieu, frères du Sauveur, il fallait aussi la volonté de Marie; elle a donné son consentement à Nazareth, elle l’a donné sur le Calvaire, et ce consentement dure encore dans le ciel.
« Voilà donc ce à quoi Marie était éternellement destinée par Dieu : à opérer, par moi et par elle, le salut du monde. »

LIVRE TROISIÈME, chapitre 4

Un jour de la fête de l’Immaculée Conception, j'étais venue prier devant l’autel de Marie longtemps avant la célébration de la sainte messe. J’avais rendu mes hommages à Marie conçue sans péché, j'avais félicité Notre-Seigneur Jésus-Christ d’avoir une créature si privilégié pour mère. Je m’associai de tout cœur à la croyance de l’Église et m’unis à tous les fidèles qui, en ce jour, rendaient honneur à Marie. J’eus le plaisir de communier. Quand Jésus fut dans mon cœur, il me dit ainsi : « Ma fille, vos hommages ont été agréés par ma Mère, et aussi par moi. Je veux vous remercier de votre piété par une nouvelle qui vous fera plaisir. Le jour va venir où le ciel et la terre se concerteront ensemble pour donner à ma Mère ce qui lui est dû dans la plus grande de ses prérogatives. Le péché n’a jamais été en elle, et sa conception a été pure, et sans tache, et immaculée comme le reste de sa vie. Je veux que sur la terre cette vérité soit proclamée et reconnue par tous les chrétiens. Je me suis élu un Pape et j’ai soufflé dans son cœur cette résolution. Il aura dans sa tête cette pensée toujours, pendant qu'il sera Pape. Il réunira les évêques du monde pour entendre leurs voix proclamer Marie immaculée dans sa Conception et toutes les voix se réuniront dans sa voix. Sa voix proclamera la croyance des autres voix, et retentira dans le monde entier. Alors, sur la terre, rien ne manquera à l’honneur de ma Mère. Les puissances infernales et leurs suppôts s’élèveront contre cette gloire de Marie, mais Dieu la soutiendra de sa force, et les puissances infernales rentreront dans leur abîme avec leurs suppôts. Ma Mère apparaîtra au monde sur un piédestal solide et inébranlable; ses pieds seront de l’or le plus pur, ses mains comme de la cire blanche fondue, son visage comme un soleil, son cœur comme une fournaise ardente. Une épée sortira de sa bouche et renversera ses ennemis et les ennemis de ceux qui l’aiment et l’ont proclamée sans tache.
« Ceux de l’orient l’appelleront la rose mystique, et ceux du nouveau monde la femme forte. Elle portera sur son front écrit en caractères de feu : « Je suis la ville du Seigneur, la protectrice des opprimés, la consolatrice des affligés, le rempart contre les ennemis. » Or, l’affliction viendra sur la terre, l’oppression régnera dans la cité que j'aime et où j'ai laissé mon cœur. Elle sera dans la tristesse et la désolation, environnée d’ennemis de toutes parts, comme un oiseau pris dans les filets. Cette cité paraîtra succomber pendant (trois ans) et un peu de temps encore après ces trois ans. Mais ma Mère descendra dans la cité; elle prendra les mains du vieillard assis sur un trône, et lui dira : « Voici l'heure, lève-toi. Regarde tes ennemis, je les fais disparaître les uns après les autres, et ils disparaissent pour toujours. Tu m’as rendu gloire au ciel et sur la terre, je veux te rendre gloire sur la terre et au ciel. Vois les hommes, ils sont en vénération devant ton nom, en vénération devant ton courage, en vénération devant ta puissance. Tu vivras et je vivrai avec toi. Vieillard, sèche tes larmes, je te bénis. »
« La paix reviendra dans le monde parce que Marie soufflera sur les tempêtes et les apaisera; son nom sera joué, béni, exalté à jamais. Les captifs reconnaîtront lui devoir leur liberté, et les exilés la patrie, et les malheureux la tranquillité et le bonheur. Il y aura entre elle et tous ses protégés un échange mutuel de prières et de grâces, et d'amour et d’affection, et de l’orient au midi, du nord au couchant, tout proclamera Marie, Marie conçue sans péché, Marie reine de la terre et des cieux. » Amen! ! !

LIVRE TROISIÈME, chapitre 5

« Ma fille, je veux vous parler aujourd'hui de ma Mère, me dit un jour le Sauveur Jésus. Sa conception a été immaculée. Il devait en être ainsi pour qu'elle fût digne de moi. Je suis la sainteté même, comment aurais-je pu m’incarner dans un corps qui eût été souillé par le péché? Toute la substance de mon corps a été prise du corps de Marie; par conséquent, si Marie avait eu une chair même un seul instant, souillée par le péché, ma chair eût été une chair sur laquelle le péché aurait eu un instant empire, ce qui ne pouvait compatir avec ma divinité et ma sainteté. C'est pour cela que Marie, destinée à être ma mère, a été exempte du péché originel; c'est pour cela que, dès le premier instant de sa conception, Marie reçut de moi la sainteté en partage, et avec cette sainteté originelle toutes les prérogatives qui pouvaient y être attachées. Elle reçut une telle abondance de grâce en ce moment, que vous chercheriez en vain dans la création une semblable merveille. Elle resta neuf mois voilée et cachée pour la terre, comme moi-même je devais plus tard rester neuf mois voilé et caché en elle. En ce temps son âme douée d’intelligence et de raison s’unissait de plus en plus à Dieu, pendant qu'elle était encore inconnue au monde et qu'elle ne voyait pas le monde, afin qu’à l’heure de sa naissance et durant toute sa vie, son regard ne fût fixé que sur Dieu, ne cherchât que Dieu, ne se plût qu’en Dieu. La naissance de ma mère fut ignorée de la terre, méconnue de la terre, mais non du ciel. Dieu, dès lors, put s'arrêter avec complaisance sur une créature pleine de justice et de sainteté, et, en sa faveur, accomplir l’œuvre de miséricorde qu'il avait promise au monde. Dieu ne regardait que Marie, ne vivait qu’avec Marie, ne se plaisait qu’en Marie. Il ne regardait point les grands, les puissants, ni les rois de la terre; son œil ne s’arrêtait que sur l’humble Marie, sur Marie inconnue, sur Marie enfant, qu'il aime comme sa fille, comme son épouse, comme sa mère, comme son temple. Du sein de son éternité, il veille sur Marie, il la dirige, il la conduit, il la regarde comme celle qu'il veut faire participer aux plus étonnants mystères qu'il doit opérer dans le temps. Chaque jour il augmente les grâces dans son âme, chaque jour il la fait croître en âge, en vertus, en mérites à ses yeux.
« Bientôt Marie fut tellement élevée en sainteté, que le monde ne fut plus digne de la posséder; et Dieu, malgré qu'elle fût bien jeune, l’appela dans son temple, où elle se consacra à lui pour toujours : offrande spontanée, offrande sainte, offrande sans retour! Dieu l'accepta afin que Marie voulût accepter un jour aussi son offrande. Dieu lui donna son temple pour retraite, afin qu'elle lui donnât son sein virginal, où il voulait habiter corporellement. Temple de Dieu et solitude de Marie! Dieu et Marie! Ma fille, pensez souvent à ces grandes choses, à ces admirables relations de la divinité avec cette créature dont le nom est Marie. Votre âme s'y perdra comme dans un abîme sans fin, et dans cet abîme, qui ne l’entraînera pas à sa perte, elle goûtera un bonheur inexprimable. Marie se retira près de Dieu, et Dieu vint près de Marie; Marie se plaça sous la garde de Dieu, et Dieu veilla sur Marie; il déploya toute sa puissance, toute sa force, toute sa vertu pour entourer Marie, pour environner son âme, éclairer son esprit, enflammer son coeur. Il fut tellement occupé de Marie, tellement agissant en Marie, que Marie sembla ne pas vivre, mais Dieu vivre en elle. Marie, c'était une créature manifestant l’action de Dieu. Cette manifestation était toute secrète, c’est-à-dire qu'elle n’était qu’entre Dieu et elle. La terre ne la connaissait point et ne pouvait la connaître, parce que la terre était séparée de Dieu, parce que la terre avait tellement perdu le souvenir de l’influence de Dieu et de son action, qu'elle ne l’aurait point aperçue, quand elle eût été extérieure en Marie. Marie, trésor du ciel, inconnue sur la terre, Dieu la voile dans sa simplicité, dans son humilité, dans son abaissement; mais il la tient sous ses yeux, il la tient dans sa main, il la tient dans son esprit, il la tient dans sa grâce, et quand viendra l'heure fixée éternellement, elle sera prête, elle sera disposée. Dieu aura Marie en Marie, c’est-à-dire sa Mère dans la Vierge annoncée par les prophètes, attendue par les patriarches, et promise au premier homme après sa chute. »

LIVRE TROISIÈME, chapitre 6

Un jour de l’Annonciation, je lisais dans mon livre l’évangile de la messe; je le lisais doucement, avec attention, pour y chercher le fruit du mystère que nous célébrions. Vainement je voulus m’arrêter sur les paroles enfermées dans ce passage de l’évangéliste saint Luc; je demeurai sans pensées, sans réflexion, sans sentiment. J’appelai Jésus à mon aide; je me prosternai à genoux à ses pieds devant le tabernacle, et le suppliai de m’éclairer sur le mystère de l’Annonciation. Le Sauveur Jésus vint à moi et me dit : « Ma fille, vous aimez que je vous parle de ma Mère, moi aussi je l’aime. Pour vous éclairer sur le mystère de ce jour, je veux vous emmener avec moi. Venez, ma fille, suivez-moi. » Jésus me prit par la main. Dès qu'il m’eut touchée, je me sentis élevée en l’air, la terre disparut à mes yeux, je ne vis plus rien, si ce n'est Jésus. Nous arrivâmes à une immense plaine. Ce n’était ni une plaine ni une campagne de la terre; c'était comme cela, mais ce n’était point cela, et je ne sais le dire autrement. Autour de cette plaine, je vis neuf degrés ou neuf enceintes superposées. Chacune de ces enceintes était immense et occupée par une multitude de jeunes gens vêtus de blanc. Leur robe descendait jusqu’aux genoux; leurs bras étaient nus, leurs cheveux longs, retroussés en arrière, séparés sur le milieu du front. Ils avaient tous deux ailes sur leurs épaules. Chacun de ces jeunes hommes était brillant comme le soleil; mais plus l’enceinte était élevée et plus les jeunes hommes de cette enceinte étaient éclatants de lumière. Ceux de la dernière enceinte l’emportaient sur tous les autres.
Au-dessus de ces enceintes je vis un trône magnifique, de l’or le plus fin et le plus brillant. Ce trône n’était que lumière, et cette lumière descendait sur tous les jeunes hommes qui me semblaient réfléchir la lumière de ce trône. Autour du trône, je vis, prosternés à genoux, sept jeunes hommes, plus brillants que ceux de toutes les enceintes, parce qu’ils approchaient de plus près le trône de la lumière.
Alors, du trône de la lumière, une voix se fit entendre. Tous ceux qui étaient dans les neuf enceintes et les sept qui se trouvaient devant le trône de la lumière prêtèrent l’oreille; puis le premier des sept monta sur le trône, se prosterna trois fois, quitta cette plaine et passa par les endroits que nous avions parcourus.
« Venez avec moi, ma fille, » me dit alors le Sauveur Jésus. Il me prit encore par la main, et nous arrivâmes, avec celui qui avait quitté la plaine d’en haut, dans une petite cellule. Là, une jeune fille, d’une quinzaine d’années, les mains croisées sur la poitrine, priait, les yeux levés au ciel. Le jeune homme se prosterna devant elle et lui dit : « Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes. » À ces mots, la jeune fille me parut troublée dans la parole qu’elle venait d’entendre. Elle se demandait quel pouvait être ce salut. Alors le jeune homme lui dit : « Ne craignez point, Marie; vous avez trouvé grâce devant Dieu. Voici que vous concevrez dans votre sein et vous enfanterez un Fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand. Son nom sera le Fils du Très-Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David, son Père, et il régnera éternellement, et son règne n’aura point de fin. » Alors la jeune fille répondit : « Comment cela s’opèrera-t-il, car je ne connais point d’homme? » Il lui fut répondu : « Le Saint-Esprit descendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira, et ce qui naîtra de vous est saint et sera appelé le Fils du Très-Haut. Voici que votre parente Élisabeth a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et c'est le sixième mois de la grossesse de celle qui est appelée stérile, parce qu'il n'y a point de promesse irréalisable pour Dieu. » La jeune fille, levant les yeux au ciel, s’écria : « Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. »
Alors tout disparut, le jeune homme venu avec le Sauveur Jésus et moi de la plaine d’en haut, et la jeune fille que nous avions trouvée en prière. Je ne vis plus que le Sauveur Jésus; il était en face de l'autel. Je me mis à genoux devant lui; il me bénit, me releva et me dit : « Ma fille, j’ai voulu parler à vos yeux avant de parler à votre intelligence, parce que votre intelligence comprendra mieux maintenant ce que vos yeux auront aperçu, ce que vos oreilles auront entendu. Cette plaine que vous considériez, ma fille, c'est le ciel; les neuf enceintes et ceux qui les occupaient, les neuf chœurs des anges; le trône de lumière, le trône de Dieu; les sept jeunes hommes qui entouraient ce trône, les sept anges qui sont toujours devant mon Père; celui qui s’est levé, qui est venu avec vous dans la cellule où nous sommes entrées, c'est l’ange Gabriel; celle à qui il a parlé, c'est Marie.
« Vous allez maintenant, ma fille, pénétrer plus facilement le mystère sur lequel vous vouliez méditer. Je vous parlerai avec la simplicité d’une mère; écoutez-moi avec la docilité d’un enfant.
« Mon incarnation était le chef-d’œuvre des manifestations extérieures de Dieu au ciel et sur la terre. Toute l’éternité Dieu a préparé cette œuvre. Quand l’heure sonna, au milieu des temps, il envoya son ange, l’un des sept qui se trouvent toujours en adoration en sa présence et à qui il confie l’exécution de ses commandements, celui qui s’appelle Gabriel, c’est-à-dire force de Dieu ou bien Dieu et homme. Ce n'est pas sans dessein qu'il porte ce nom, force de Dieu, parce qu'il devait être le héros annonçant la grande manifestation de la force et de la puissance qui est en Dieu; Dieu et homme, parce qu'il devait annoncer la grande merveille d’un Dieu fait homme. Ce n'est pas sans dessein qu'il porte ce nom, force de Dieu, parce qu'il devait être le héros annonçant la grande manifestation de la force et de la puissance qui est en Dieu; Dieu et homme, parce qu'il devait annoncer la grande merveille d’un Dieu fait homme.
« Il est ange et l’un des plus puissants de la cour de mon Père, et il vient dans la cellule de Marie, que mon Père avait choisie pour me donner le jour sur la terre. C'est le ciel qui apprend cette grande nouvelle à la terre; c'est un ange qui l’apprend à une vierge; c'est le plus beau des anges qui l'apprend à la plus sainte des créatures; c'est l'ange de Dieu qui l’apprend à la mère de Dieu. La terre et le ciel, Dieu et sa justice et sa miséricorde étaient en même temps dans la cellule de Marie. Marie priait, demandait la délivrance du monde, soupirait après la venue du Messie, et Dieu vient à elle par son ange; Dieu vient lui dire que les temps sont accomplis, que le Messie va naître d’elle; l’ange la salue et se prosterne devant elle.
« Vous avez contemplé ce spectacle ravissant, admirable, l'ange venant au nom de Dieu, Marie n’ayant point ses yeux fixés sur l’ange, mais toujours sur Dieu, l'ange saluant Marie pleine de grâce, temple de Dieu, femme bénie parmi les femmes, Marie se disant la servante de Dieu. Ce langage n'était point un langage de la terre, c'était plus qu’un langage angélique, il était de Dieu, porté par un ange et reçu par Marie. Or, ma fille la parole de Dieu est lumière, et cette lumière n'est point une lumière créée, mais incréée, qui ne sort pas de Dieu, qui reste en Dieu, mais dont les rayons viennent et descendent jusqu’à la créature pour lui montrer les choses de Dieu et l’élever jusqu'à lui.
« Marie écouta la parole de Dieu transmise par l'ange et demeura en silence. Son esprit, éclairé aussitôt par cette lumière de la parole, pénètre jusqu’au sein de la Divinité pour y contempler ses desseins éternels. Elle contemple, et cette contemplation est pour elle pleine d’intelligence. L’ange, pénétré de respect, vénérant le silence de Marie et sa contemplation, demeure en silence devant elle.
« N’avez-vous point remarqué cela, ma fille? — Oui, Seigneur. —Qu’avez-vous vu en Marie? — Seigneur, je ne saurais m’exprimer, mais il me semble que c'était un ravissement céleste, et puis comme un trouble produit par la parole de l’ange et ce ravissement. — Ne pensez-vous point que ce soit la présence de l'ange qui l'ait troublée? — Non, Seigneur, car j'ai vu clairement et d'une manière sensible la vérité du récit évangélique qui dit que Marie fut troublée dans le discours de l'ange.
« Il en a été ainsi, ma fille. Marie était sainte et pleine de grâces, la pureté de son âme surpassait la pureté de tous les esprits célestes; la présence d’un ange sous une forme humaine ne pouvait la troubler. Marie était si éclairée, son intelligence si ouverte et si pénétrante, qu'elle eût reconnu un artifice, si l'ange des ténèbres avait voulu se changer pour elle en ange de lumière. Marie n'était pas seulement gardée par un ange, mais par Dieu; car Dieu était avec elle, et, sous la garde de Dieu, elle ne pouvait ni craindre ni se troubler. Marie fut troublée dans la parole de l'ange. Il y eut combat entre son humilité et la parole du messager céleste. Le combat produisit le trouble de Marie, qui se demanda quelle pouvait être cette salutation et la signification de ces paroles. Ah! ma fille, l’humilité était si grande en Marie qu'elle ignorait les grandeurs qui étaient en elle. Dieu voulait élever Marie, et Marie ne pensait qu’à s’humilier devant Dieu; et son humilité lui enlevait la parole, et elle se confondait dans son néant au moment même où Dieu allait l'exalter par sa divinité, qui devait s’unir si intimement à elle. Son humilité devint sa force; l’ange ajouta : « Ne craignez point, Marie, vous avez trouvé grâce devant Dieu. »
« Savez-vous, ma fille, quelle est cette grâce que Marie a trouvée devant mon Père? — Non, Seigneur. — Écoutez l’ange, il va vous l’apprendre : « Voici, lui dit-il, que vous concevrez dans votre sein et que vous enfanterez un Fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. »
« La grâce que Marie a trouvée devant mon Père, est moi. Je suis la grâce de Dieu le Père, je suis la splendeur de sa gloire, et Marie m’a trouvé par sa sainteté, par sa vertu, par sa virginité. Elle m’a trouvé et je viendrai en elle, et je me donnerai à elle, et elle se donnera à moi. Ma divinité descendra en son humanité, son humanité voilera ma divinité; ma divinité remplira son humanité; vierge, elle deviendra mère; vierge mère, elle sera mère de Dieu, elle sera ma mère.
« Voilà la dignité que l'ange annonce à Marie, et cette dignité étonnante pour le ciel et pour la terre le fut aussi pour Marie. Elle s’écria : « Comment cela pourra-t-il s’opérer, je ne connais point d’homme? »
« Je désire, ma fille, que vous compreniez bien ces paroles; écoutez-moi avec plus d’attention. Il n’y a point un doute sur la parole de l'ange: Marie savait que je devais naître d'une vierge, et son âme était pleine de foi dans les promesses de Dieu. Mais elle ne savait point de quelle manière je devais naître d’elle. Être vierge et mère en même temps, c'est là un mystère que nul ne comprendra jamais, et Dieu n’avait point révélé la manière dont il devait opérer cette étonnante maternité. Aussi Marie s’écrie : « Comment cela s’opèrera-t-il, je ne connais point d’homme? » Loin d’être une parole de doute, cette parole est pleine de croyance et de foi; une parole de croyance au pouvoir de Dieu, à sa maternité et aussi à la conservation de sa virginité. C'est une parole de vénération pour le pouvoir de Dieu, de remerciement pour la maternité promise, d’action de grâces pour sa virginité conservée. Quel est ce mode nouveau que Dieu emploiera pour opérer son oeuvre? Quelle est cette nouvelle faveur que Dieu me réserve? Telle était la pensée de Marie.
« Vous devez remarquer aussi que cette parole n'est pas une parole uniquement de Marie, c'est une parole de Dieu, comme les paroles de l'ange étaient aussi paroles de Dieu. Dieu voulait par cette parole et sa conservation dans l’Évangile faire éclater la vérité de sa promesse, faire observer la réalisation des prophéties, tout en relevant la dignité, la pureté, la sainteté de la créature qu'il avait choisie pour être sa mère.
« Marie, par sa virginité, a attiré Dieu en elle. Il fallait que cette virginité apparût toute brillante aux yeux de tous les hommes; et que cette vertu, manifestée en elle d'une manière si éclatante, demeurât parmi les hommes comme l’expression de ce qui pouvait être le plus agréable à Dieu. Dieu ne voulait pas seulement que j’habitasse en Marie, il voulait aussi que je vinsse habiter dans les enfants des hommes; il voulait que parmi les enfants des hommes je choisisse un peuple, un peuple privilégié, dont la pensée s’élevât au-dessus de la terre et des sens, méditât, dans une chair sujette à la corruption et captivée par les sens, le mystère de l’union incorruptible entre Dieu et l'homme, que ce peuple se demandât toujours : Comment, dans ma faiblesse, dans ma misère, dans mon indignité, arriverai-je à unir Dieu à ma chair? Et qu'il comptât comme Marie sur les paroles de l'ange : Le Saint-Esprit descendra en vous, la vertu du Très-haut vous couvrira, et ce qui naîtra de vous est saint et sera appelé le Fils du Très-Haut.
« Oui, ma fille, dans l’œuvre de mon incarnation en Marie, il n'y a eu que l’œuvre de Dieu. Les hommes n'y ont point eu de part. Tout a été divin dans cette nouvelle création. Le Saint-Esprit est venu lui-même opérer en Marie cette merveille, la vertu de mon Père a soutenu Marie dans la création de mon humanité en elle; mon humanité unie à la divinité a été sainte comme ma divinité, et j'ai été appelé parmi les hommes du nom que je portais dans le sein de mon Père, du nom qui désigne et exprime ce que je suis, le Fils de Dieu.
« Voilà le prodige merveilleux, dont l’explication est donnée à Marie, que les femmes stériles devenues mères dans l’ancienne loi avaient annoncé, qu’Élizabeth sa cousine, devenue mère aussi malgré sa stérilité, annonçait également, non pas dans sa totalité, mais comme signe de l’efficacité de la puissance de Dieu, dont pas une promesse n'est irréalisable.
« Heureuses les âmes qui, comme Marie, suivent, dès leur enfance l'attrait que Dieu met dans leur âme, qui se consacrent à lui et ne désirent d’autre union que son union! En vérité, je vous le dis, ma fille, ces âmes deviendront ma mère comme Marie; je reposerai en elles, non-seulement neuf mois, mais toute leur vie, et pendant l’éternité elles reposeront en moi. J’aurai pour elles, comme j’en ai eu pour Marie, des faveurs spéciales sur la terre et dans le ciel. Ma fille, je vous appelle à moi, dites avec Marie : « Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. » Prononcez souvent ces mots, prononcez-les comme Marie, les yeux levés au ciel, votre cœur tout entier abandonné à Dieu, votre esprit et votre âme ne demandant, ne désirant, ne cherchant que la volonté de Dieu.
« Ma fille, quand l’ange eut fini de parler, il avait achevé sa mission et n’attendait que la réponse de Marie. J’étais à même de m’incarner en Marie, mais il fallait le consentement de Marie. Dieu allait renouveler son alliance avec les hommes, mais cette alliance devait être acceptée par Marie, et Dieu, et l'ange, et moi qui vous parle nous attendions la réponse de Marie. O puissance, ô grandeur communiqué à Marie! Jamais, Dieu ne s’était soumis à l'homme, et il se soumet à Marie; jamais Dieu n’avait consulté l'homme, et il consulte Marie; jamais Dieu n’avait fait dépendre son action de l'homme, et il fait dépendre la plus admirable de ses actions de Marie. O parole de Marie! Ma fille, n’en avez-vous point distingué l’accent? N’était-ce point ma parole que vous avez distinguée dans la parole de Marie? Je suis la parole éternelle de Dieu, j’allais m’incarner dans Marie, et déjà ma parole était en elle comme un essai de ce que j’allais produire par elle dans le monde : « Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. »
« Le résumé de mon incarnation est dans cette parole. Il n'y a que deux choses en elle : humilité et puissance : l’une et l’autre existent séparément, mais il semble que la seconde ne se manifeste que par la première. Ce n’a été que par mon humiliation jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la croix, que j’ai voulu manifester ma puissance sur la mort, sur l’enfer, et sur l'homme pécheur à qui je rendais la grâce et la liberté.
« Marie, au moment où le messager du ciel proclame ses grandeurs, s’humilie jusque dans le plus intime de son être : « Voici la servante du Seigneur. » Mais cette humilité acquît une force toute divine, qui m’attire et m’incarne en elle par la puissance d'un commandement auquel je ne résiste point : « Qu’il me soit fait selon votre parole »!
« L’œuvre de mon incarnation fut accomplie par cette parole. J’habitai dès lors corporellement en Marie, et le ciel adora ce mystère de l’abaissement du Fils de Dieu, de sa miséricorde et de son amour pour les hommes, et de la dignité, de la grandeur, de la puissance de la Vierge que j’avais choisie pour être ma mère. »
Voilà ce que je me rappelle de mon entretien avec le Sauveur sur le mystère de l’Annonciation. Je n’ai point parlé comme le Sauveur, mais comme j’ai su et comme il me l’a permis. Ce que je ne puis et ne sais point dire, c'est le bonheur que l’onction de sa parole mit dans mon âme. Je le remerciai de l’instruction qu'il m’avait donnée et le priai de me faire participer aux sentiments de Marie au jour de l’Annonciation.
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Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847) Empty Re: Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847)

Message par Her Mar 12 Avr - 8:23

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Livre 3
La Sainte Vierge Marie, Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

LIVRE TROISIÈME, chapitre 7

Quelques jours après, je pensais aux grâces si privilégiées que Dieu avait données à Marie; je félicitais Marie d’avoir été choisie pour mère de Dieu; je félicitais Jésus d’avoir Marie pour sa mère. Ce furent les seuls sentiments que je pus former dans ma méditation. Selon la recommandation de Jésus, je me tenais silencieuse en sa présence, mon cœur et mon esprit attachés à lui. Il me semblait que mon âme s’embrasait de plus en plus d’amour pour le Sauveur. Il vint à moi du fond du tabernacle et me dit : « Ma fille, je vous ai parlé sur le mystère de l’Annonciation de ma naissance à Marie et de Marie, aujourd'hui je veux vous parler de ma vie en Marie pendant les neuf mois que j'ai passés en elle, et des mystères opérés par ma présence en son sein virginal.
« J’étais Dieu, Fils de Dieu, Verbe de Dieu, lumière de Dieu, splendeur de la gloire de Dieu, vivant dans Marie, femme mortelle, femme vierge, sainte, immaculée dans sa conception, dans sa naissance et dans sa vie, femme mère de Dieu. J’étais en Marie comme homme, comme Fils d’Adam, Fils de David, en tout semblable aux autres hommes, hormis la similitude du péché. J’étais en Marie, ayant ma vie comme Dieu, et ma vie comme homme; en elle il y avait ma divinité et mon humanité, et les deux natures divine et humaine se réunissaient dans ma personnalité de Sauveur. J’étais en Marie un Dieu soumis à Dieu le Père, un Dieu incarné, un Dieu fait homme pour offrir à mon Père le sacrifice qui seul pouvait lui être agréable.
« J’étais en Marie, Dieu et homme tout ensemble; Dieu-Homme s’immolant et se donnant continuellement à Dieu, et lui répétant à chaque moment cette parole : Mon Père, vous n’avez point voulu les holocaustes ni les sacrifices des hommes, mais vous m’avez donné un corps, et voici que je viens, ô mon Dieu, pour faire votre volonté.
« J’étais Dieu, et je m’adressais à Dieu; je reconnaissais qu'il m’avait donné le corps dont était revêtue ma divinité; je le proclamais l’auteur de mon incarnation et je lui offrais tout ce qu'il m’avait donné; je le lui offrais à l’état de victime, comme un serviteur à son maître, afin de faire sa volonté qui était de sauver le monde.
« N’était-ce pas, en effet, être victime, que de resserrer ma divinité dans le sein de Marie? N’était-ce pas être soumis comme un serviteur, que de plier et de voiler ma divinité dans l’humanité? N’était-ce pas être à la fois serviteur et victime, que de m’offrir à Dieu en reconnaissant son domaine sur moi? N’était-ce pas venir pour sauver le monde, puisque je prenais l’humanité en ma divinité et que je présentais cette humanité sanctifiée par moi à mon Père, afin qu’il l’agréât, qu'il vît dans son Fils éternel ce même Fils fait homme, devenu frère des hommes, et qu'il acceptât tous les hommes comme mes frères en tant qu’Homme-Dieu?
« Ma vie dans le sein de Marie, c'était une parole continuelle à Dieu mon Père; c'était une parole de soumission, d’obéissance, d’humilité; c'était une parole de prière et de supplication; c'était la parole éternelle, qui est dans le sein du Père, incarnée dans le sein de Marie, et qui, du sein de Marie, s’élevait à Dieu mon Père; c'était la parole du nouvel Adam conversant avec son Créateur, nous plus dans l’orgueil et la superbe du cœur, mais dans la plus profonde humilité, et ce nouvel Adam n’était pas homme seulement, il était Dieu et homme. Aussi, par son humilité et sa divinité, il ne devait point perdre l'homme, mais le racheter et le sauver, car c'était la volonté de Dieu, et j’étais en Marie pour accomplir cette volonté.
« Ma vie en Marie était donc ma vie pour Dieu, c'était aussi ma vie pour ma mère. En vivant dans Marie, je rendais gloire à mon Père, je lui ramenais l’humanité coupable, je satisfaisais sa justice, et tout cela dans un entretien plein d’humilité et de soumission. En vivant en Marie, je rendais aussi gloire à Marie, et jamais nulle créature n’a eu de gloire pareille à cette gloire. Ce n’étaient point les hommes que je lui soumettais, mais ma divinité; ce n'était point une œuvre de justice, mais de miséricorde que j’accomplissais à son égard; et de même que j’avais préparé son âme par la parole de ma grâce, de même que je lui avais fait annoncer mon incarnation par la parole de mon ange, je voulais par ma propre parole achever l’œuvre de sanctification et de grandeur qui devait s’opérer en elle. Ma parole à Marie n'était qu'un écho de ma parole à mon Père; mais Marie recevait cette parole et la conservait en son cœur; par ma parole à mon Père je complétais de plus en plus l’œuvre de la rédemption du monde; par ma parole à Marie, je complétais l’œuvre de son union avec moi. J'étais Dieu, en cette qualité je lui donnais la vie; j'étais Fils de l'homme, en cette qualité je recevais d'elle ma vie, et, par cet échange réciproque, je l’unissais plus à moi et je m’unissais plus à elle en même temps. J'étais Dieu, et comme Dieu reposant en une créature, Marie était pour moi le seul lieu où je pusse me plaire. Marie étant sainte, toute donnée à Dieu, tout absorbée en moi, elle ne voyait que moi, elle ne soupirait qu’après moi, elle ne désirait que moi, j'étais sa vie, son mouvement, sa richesse, son Dieu; elle était ma mère et je l’attirais à moi, je me faisais le centre de sa vie. Dieu, dans l’éternité, a été, est et sera toujours l’objet des contemplations de son Verbe. Dans le temps, le Verbe de Dieu fait homme était le continuel objet des contemplations de Marie, et Marie aussi, après mon Père, mais avec mon Père, le continuel objet de mon humanité unie à la divinité.
« Aimez à me contempler dans vos méditations, vivant en Marie; c'est là une dévotion qui m’est très-agréable et qui est peu en usage. Attachez-vous-y, et plus vous vous y attacherez, plus elle aura pour vous d’attraits. Vous ne la comprendrez jamais parfaitement. Sur la terre, ma vie en Marie demeurera comme un livre fermé; néanmoins je l’ouvrirai pour vous si vous me le demandez. Je vous montrerai le Fils de l'homme occupé en Marie de Dieu et de l’humanité tout entière, et Marie dans toute l’humanité seule occupée de la divinité; je vous montrerai Celui qui est la vie, tirant la vie d’une créature; je vous montrerai Celui qui est la lumière, enfermé dans les ténèbres et dans le sein d’une créature; je vous montrerai Celui qui est Dieu, devenu homme; l’Éternel, mortel; le Saint, fait comme pécheur, je vous montrerai une Vierge devenue mère, une Vierge mère portant un Dieu dans son sein, une créature vivifiant le Créateur, le Dieu du ciel et de la terre dépendant de l’œuvre de ses mains; je vous montrerai la vie divine et la vie humaine ne faisant plus qu’une vie, la vie du Fils de Dieu fait homme. Contemplez-moi vivant en Marie, et vous pourrez recevoir dans votre esprit une idée de mon humiliation et de la grandeur de Marie, une idée de mon amour pour Marie, et de l’amour de Marie pour moi, de mon union à Marie, et de l’union de Marie avec moi. Contemplez-moi vivant en Marie, et vous aurez une idée des relations ineffables que cette vie établit entre mon Père et Marie; Dieu m’engendrant de toute éternité et seul dans son sein, Marie seule aussi m’engendrant dans son sein par la vertu de Dieu, Dieu m’appelant son Fils et Marie me donnant le même nom.
« Vous me verrez Fils de Dieu et fils de Marie, unissant Marie à Dieu et Dieu à Marie, reposant dans le sein de Dieu et dans le sein de Marie, regardant Dieu le Père pour l’aimer comme mon Père, regardant Marie pour l’aimer aussi comme ma mère, ne faisant qu'un avec mon Père, ne faisant qu'un non plus avec ma mère sur la terre, commençant à donner Dieu à l’humanité en Marie, commençant à donner l’humanité à Dieu en lui donnant Marie.
« Je vous laisse, ma fille, à ces pensées, je vous les abandonne; conservez-les dans votre cœur comme un stimulant précieux qui vous fera désirer de plus en plus que je vienne habiter en vous, vivre avec vous et vous faire goûter les douceurs de ma présence et de mon amour. »

LIVRE TROISIÈME, chapitre 8

« Une nuit de Noël, je faisais avant la messe de minuit ma méditation sur la naissance de Jésus dans l’étable de Bethléem. Je n'étais point devant l'autel du tabernacle. Un attrait particulier m’avait attirée près de l'autel de Marie. Je ne m’étais point adressée à Jésus, j’avais recouru à Marie. J’avais oublié le Sauveur pour ne penser qu’à sa Mère. Cet oubli n'était pourtant pas un oubli, car, en m’adressant à Marie, je pensais aussi à Jésus; je veux dire seulement que mon premier regard dans cette nuit avait été pour Marie, et que par Marie je voulais arriver à Jésus. L’autel de Marie n'était point illuminé, mais cela m’importait peu. Je voyais Marie, sinon avec les yeux du corps, du moins avec les yeux de mon âme; j'étais avec elle et saint Joseph dans l’étable, et avec elle et saint Joseph j’adorais Jésus enfant.
Bientôt la vue que j'avais de Marie fut plus claire, plus brillante; elle devint la lumière de son autel qui était sans lumière; elle m’appela avec bonté. L’enfant Jésus, enveloppé de langes, était dans ses bras. J’aurais bien voulu le prendre entre les miens, le presser sur mon cœur, le caresser, mais je n’osais le demander à Marie; elle le comprit, car, sans m’interroger, elle plaça son divin enfant entre mes mains, puis elle me rapprocha d’elle, comme pour me prendre avec Jésus sous sa protection. L’enfant Jésus était avec moi, mais il était sans parole. Je le regardais, puis je regardais Marie; j’embrassais Jésus et je remerciais Marie. Je voulais interroger Jésus et je n’osais interroger Marie. Néanmoins, je m’enhardis peu à peu et je dis à Marie : Vierge sainte, parlez-moi de la naissance du Sauveur Jésus. « Ma fille, me dit Marie, je veux satisfaire votre désir. Mon Fils Jésus étant enfant ne vous parle point, je vais vous entretenir en sa place.
« Ma fille, c'est à cette heure, en une nuit anniversaire de cette nuit, que je mis au monde mon Fils Jésus. Cette naissance est le mystère d’une triple volonté au ciel et sur la terre : la volonté de Dieu le Père, qui chérissait les hommes à ce point qu'il leur donnait son Fils; la volonté du Verbe de Dieu, qui chérissait à ce point la volonté de son Père qu’il voulait l'accomplir au moment fixé par lui; la volonté du Saint-Esprit, qui avait tout disposé pour opérer cette naissance étonnante, et dont l’opération devait manifester la sagesse et la puissance. Voilà la triple volonté du Ciel qui se manifeste en cette naissance. Cette volonté est une dans sa triplicité, elle n’a qu'un objet, la naissance de mon Fils; elle repose éternellement au sein de la divinité.
« La naissance de mon Fils Jésus renferme encore le mystère d’une triple volonté sur la terre : la volonté de Dieu le Père, de Dieu le Fils et de Dieu le Saint-Esprit, qui s’est formée dans le ciel et qui opère sur la terre; la volonté du Fils de Dieu fait homme, qui est mon Fils, et ma volonté. Ces trois volontés ne font qu'une volonté; elles étaient en moi, et opérèrent la naissance de mon Fils. Les trois personnes divines voulaient la naissance de Jésus, et Jésus est né; Jésus voulait naître, et Jésus est né; je voulais la naissance de Jésus, et Jésus est né.
« Cette naissance s'est opérée dans ces admirables relations entre les trois personnes divines et moi, mère de Jésus. Les trois personnes divines donnaient mon Fils au monde; je le donnais aux trois personnes divines. Les trois personnes divines me regardaient comme mère de Jésus; moi, je me regardais comme l’humble servante des trois personnes divines. Dès ce moment je me trouvai plus puissante et je sentis en moi la puissance même de Dieu; car Jésus fut mon Fils non-seulement en moi, mais hors de moi, et Celui qui commande au ciel et sur la terre me fut soumis. Je lui commandais; il faisait ma volonté comme la volonté de son Père, et ainsi quand la volonté des trois personnes divines était la règle et le mouvement de ma volonté, ma volonté était aussi la règle et le mouvement de la volonté divine de mon Fils.
« O ma fille! comprenez bien l’exemple qui ressort pour vous de la naissance de Jésus. C'est un exemple de soumission, un exemple de volonté exécutée et suivie, un exemple de subordination, et cet exemple vient du Ciel, vient de Dieu. Dieu a voulu, et j'ai voulu avec Dieu. Dieu le Père a voulu, et Dieu le Fils s’est soumis à volonté de son Père. Dieu le Père et Dieu le Fils ont voulu, et Dieu le Saint-Esprit a voulu avec eux, et il a disposé la réalisation et l'accomplissement de leur volonté. Ma volonté a toujours été conforme à la volonté de Dieu. Dieu a voulu que le Fils s’incarnât en moi, naquit en ce jour, et en tout j’ai conformé ma volonté à la volonté de Dieu. Ne l’oubliez pas, ma fille, le péché de l'homme a été une opposition à la volonté de Dieu; pour réparer ce péché, il a fallu une soumission à la volonté divine. Voici le commencement de cette soumission, soumission dans la naissance de mon Fils. Portez vos regards plus loin, vous trouverez cette soumission dans sa mort. De Bethléem au Calvaire, tout en Jésus, tout en moi unie à Jésus est soumission à la volonté de Dieu.
« Eh bien, ma fille, soyez soumise aussi à la volonté de Dieu, que votre volonté soit toujours liée à la sienne et ne fasse qu’une avec elle; rappelez-vous la naissance de mon Fils, sa soumission et ma soumission; et, quelque pénible que soit ce qui pourra vous être demandé, pensez que la soumission augmentera votre justice et vous unira plus à Jésus et à sa mère.

LIVRE TROISIÈME, chapitre 9

Un jour de l’Épiphanie, j'avais eu le bonheur de faire la sainte communion. Après avoir reçu Jésus dans mon cœur, je le lui offris avec tout ce que j'avais et tout ce que j’étais pour le reconnaître comme mon Roi, mon Dieu et mon Sauveur. Alors je vis, non des yeux du corps mais de mon âme, un jeune homme qui me paru être un ange; il se mit en adoration devant le tabernacle, puis il vient à moi et me dit : « Marie, suivez-moi. » Je me levai et je le suivis. Nous passâmes derrière l’autel. Là, une immense campagne s'offrit à mes regards, et au loin apparaissait une colline sur laquelle était assise une petite ville. Nous marchâmes très-vite et nous atteignîmes en quelques minutes la cité. Nous dirigeâmes vers le bas de la colline qui portait la ville du côté de l’orient. Nous arrivâmes près d’une grotte taillée dans le roc : « Arrêtez-vous, Marie; c'est ici la maison du Seigneur et le lieu où il a pris naissance pour sauver les hommes. » Cette grotte, qui avait servi d’étable, était vaste, spacieuse, et couverte de chaume. Elle avait été disposée en habitation, là habitaient réellement Jésus, Marie et Joseph.
L'ange, s’adressant à Jésus enfant, lui dit : « Seigneur, vous m’avez ordonné de conduire près de vous votre servante Marie, la voici. » Jésus, en me voyant, me sourit avec bonté et puis regarda sa mère qui le tenait par la main. Je me prosternai devant Jésus, que je reconnus avoir tenu entre mes bras la nuit de Noël. Je l’adorai de nouveau comme mon Roi, mon Dieu et mon Sauveur. Il quitta la main de Marie et vint à moi. Je le reçu quelques instants dans mes bras et puis je le rendis à Marie, et je m’assis près d'elle sur un escabeau que me présenta saint Joseph.
« Ma fille, me dit alors la mère de Jésus, ne perdez jamais de vue la grâce qui vous est faite en ce jour. Dieu vous a donné un ange, et cet ange est l'ange de votre salut. Vous avez cherché avec lui mon Fils Jésus, vous avez été amenée en ce lieu où il habite, et je vous ai permis de la recevoir dans vos bras. Ainsi, ma fille, chaque fois que vous chercherez mon Fils avec un grand désir, soyez sûre de le trouver. Vous ne le trouverez pas seul, vous me trouverez toujours avec lui; il ne se donnera pas lui-même à vous, ce sera moi qui vous le donnerai, qui vous le livrerai, qui lui ordonnerai d’aller à vous. Il ne vous parlera point si je ne lui dis de vous parler; mais s’il ne vous parle pas, je vous parlerai à sa place. Dieu a donné à mon Fils tout pouvoir sur la terre et dans le ciel; mais, parce que je suis sa mère, il veut ne le point exercer sans mon ordre. Unissez donc toujours mon nom au nom de mon Fils; cherchez-moi toujours, en cherchant Jésus; ne nous séparez jamais et vous nous trouverez toujours unis, et nous vous donnerons place dans notre famille, dans nos épreuves, dans nos souffrances sur la terre, pour vous attirer à nous un jour auprès de Dieu. »
La parole de Marie était pleine de douceur et de bonté. J’aurais voulu l’entendre encore, mais elle s’arrêta.
L'ange qui m’avait conduite, et qui se tenait à l’entrée de la grotte vint se prosterner devant Jésus en disant : « Seigneur, les mages d’Orient ont vu votre étoile, ils viennent vous adorer. » L’enfant Jésus ne répondit rien; mais il regarda Marie, et les mages entrèrent.
Le premier avait une robe qui descendait jusqu’à ses pieds, une couronne sur la tête, et, dans les mains, de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Il se prosterna jusqu’à terre et déposa sa couronne aux pieds de Jésus en disant : « Je vous adore, Fils de Dieu; je vous adore, Fils de Dieu fait homme; je vous adore, roi des Juifs. »
Le second était vêtu et couronné comme le premier, et, comme lui aussi, portait dans ses mains de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Il se prosterna jusqu'à terre et déposa sa couronne aux pieds de Jésus en disant : « Je vous adore, Fils de Dieu; je vous adore, Fils de Dieu fait homme; je vous adore, roi des Juifs. »
Le troisième était vêtu et couronné comme les deux premiers, et, comme eux aussi, il portait dans ses mains de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Il se prosterna jusqu'à terre et déposa sa couronne aux pieds de Jésus en disant : « Je vous adore, Fils de Dieu; je vous adore, Fils de Dieu fait homme; je vous adore, roi des Juifs. »
Quand ils furent tous trois à genoux devant Jésus, ils lui offrirent chacun leurs présents.
Jésus leva sa main sur eux comme pour les bénir.
Marie s’entretint longtemps avec les mages sur le péché originel, sur la promesse du Rédempteur, sur la sainte Trinité, sur le changement qui allait s’opérer dans le monde par l’Incarnation.
Je vis les mages écouter la parole de Marie avec le plus profond respect, et porter tour à tour leurs regards de Marie sur Jésus et de Jésus sur Marie, sans pour cela paraître distraits aux paroles de Marie.
Quand Marie eut fini de parler, elle mit l’enfant Jésus entre les bras de chacun des mages. Ils furent heureux au-dessus de toute expression de cette faveur signalée.
Les mages se retirèrent; je remerciai Marie, je lui demandai d’embrasser encore le Sauveur enfant; et l'ange, qui m’avait conduite dans la grotte, me ramena derrière l'autel. Je revins à ma place et je me retirai.

LIVRE TROISIÈME, chapitre 10

Trois jours après, je me sentis attirée près du Saint-Sacrement, je suivis cet attrait et j’arrivai près de Jésus. Je n’avais point la permission de le recevoir sacramentellement, mais je m’unis à lui par un grand désir de communier. Je voulus entrer dans mon cœur pensant y trouver Jésus sur son trône, comme je l’y trouve souvent. Jésus n’y était point. Je craignis de l'avoir offensé. Je revins dans mon cœur pour y chercher encore Jésus. Jésus était absent; mais j'y trouvai mon ange gardien : « Marie, me dit-il, ne vous attristez point, je vais vous conduire à Jésus. » Alors mon ange me mena par le chemin que j’avais suivi trois jours auparavant. Je reconnus Bethléem, mon âme fut tranquille, et je me dis à moi-même : Nous allons à la grotte du Sauveur Jésus.
Mon ange était silencieux. Je lui demandai : Allons-nous à la grotte du Sauveur? Il me répondit : « Le Sauveur n'est plus dans l’habitation où vous l’avez vu naguère. »
Aussitôt j’entendis des voix de femmes désolées qui pleuraient, et poussaient des gémissements à me fendre le cœur. Ces voix venaient de Bethléem. L'ange me dit alors : « Les voix que vous entendez sont les voix de pauvres mères à qui on arrache leurs enfants pour les livrer à la mort par ordre du roi Hérode qui, craignant la naissance du nouveau roi des Juifs, fait tuer à Bethléem et dans les environs tous les enfants de deux ans et au-dessous. Hâtons nos pas, Marie; Jésus a fui en Égypte avec sa mère; pressons-nous, nous le trouverons dans le désert. »
Les campagnes de la Judée disparurent rapidement et nous aperçûmes au loin Jésus, Marie et Joseph. Cette vue me donna de la force; j’en avais grand besoin, la chaleur du désert m’avait exténuée de fatigue. L'ange m’encourageait aussi, et je marchais toujours.
Nous atteignîmes enfin la sainte famille; elle reposait sous un arbre couvert de fruits et au pied duquel coulait une source d’eau fraîche. Marie tenait l’enfant Jésus dans ses bras. Je m’approchai de Jésus et lui dis : Seigneur, voici bien longtemps que je vous cherchais et je ne vous trouvais point. Il me tendit les bras et je le pressai sur mon cœur.
Marie s’adressa à moi et me dit : « Ma fille, si vous voulez établir le royaume de Dieu dans votre cœur, vous trouverez des obstacles immenses; mais ne vous découragez point. Fuyez le monde, fuyez le Démon, fuyez loin de vous-même. Vous vous trouverez alors peut-être dans un désert, mais ce désert ne sera pas sans avoir des charmes pour vous. Dans ce désert, vous trouverez Dieu et ses consolations, qui vous sont figurées par cet arbre qui vous abrite des rayons du soleil et porte des fruits pour vous nourrir, et par cette source d’eau où vous pourrez vous désaltérer. Vous y trouverez Jésus et vous m’y trouverez avec lui. Alors ce désert ne sera plus pour vous un désert, mais une douce oasis, où vous vous reposerez après le combat, après une longue course, après de rudes épreuves. Ma fille, allez en paix. »
Je revins à travers le désert et la campagne que j’avais parcourue, en me félicitant d’avoir trouvé Jésus.

LIVRE TROISIÈME, chapitre 11

Un jeudi soir de la semaine sainte, je me transportai par la pensée sur le haut du Calvaire. Là, je vis le Sauveur Jésus en croix et Marie debout au pied de la croix.
Je n’ai jamais vu de spectacle qui m’ait émue de compassion comme celui que j’eus alors sous les yeux. J’aurais voulu être en croix à la place de Jésus qui souffrait pour moi; j’aurais voulu consoler Marie qui venait de sacrifier son Fils pour moi.
Je m’approchai de Marie, et je vis ses yeux s'arrêter sur mes yeux. Son regard m’arracha des pleurs. Elle vint à moi, essuya mes larmes et me dit : « Ma fille, j’ai voulu vous montrer l'état dans lequel m’avait mise la passion de mon Fils et vous faire comprendre tout ce qu’a souffert mon cœur de mère.
« En ce moment s’est réalisée la parole du saint vieillard Siméon, m’annonçant qu’un glaive de douleur percerait mon âme. J’avais vu mon Fils livré par un de ses disciples, conduit par une soldatesque barbare, flagellé, couronné d’épines, dépouillé de ses vêtements; je le voyais à cette heure cloué sur la croix élevée entre le ciel et la terre. Ah! vous ne comprendrez jamais l’excès de mes souffrances en ce moment de la passion de mon Fils; je souffrais tout ce qu'il souffrait de la part des soldats, de ses juges, de ses bourreaux; j'étais crucifiée avec lui. Oui, mon âme et ma bouche disaient bien haut à Dieu : « Mon Dieu, que ce calice, s'il est possible, passe loin de moi! » Mais, sachant que par la mort de mon Fils le monde devait être sauvé, j’ajoutai : « Que votre volonté soit faite et non la mienne. »
« Combien douloureux a été pour moi le glaive de la justice de Dieu perçant le cœur de mon Fils, et perçant aussi mon cœur! Sera-t-il jamais douleur pareille à cette douleur? Combien les âmes rachetées au prix du sang de mon Fils m’ont coûté cher, ma fille; combien ce rachat m’a fait souffrir! Il ne m’a point coûté la vie, mais il a coûté la vie de mon Fils, et, en ce moment, la vie m’était plus douloureuse que ne l’eût été la mort.
« Telle n'était point la volonté de Dieu; il voulait la mort de mon Fils et non ma mort, et j'ai vu mourir mon Fils, j'ai supporté, j'ai conservé ma vie avec soumission à sa sainte volonté.
« Ma fille, vous aurez beaucoup à souffrir dans votre vie; vous aurez beaucoup de tribulations à supporter : quand vous n’aurez plus ni force ni courage, venez dans mon cœur, il vous relèvera et vous soutiendra. Venez dans mon cœur, il vous donnera patience et soumission; venez dans mon cœur, il vous consolera; venez dans mon cœur, il guérira toutes vos blessures et vous fera croître par la patience en mérite devant mon Fils. La souffrance est le chemin du salut, le sentier qui mène à la patrie, le combat qui assure la couronne; c'est le signe de ralliement avec mon Fils, c'est le drapeau des soldats qui marchent sous ses ordres. »

LIVRE TROISIÈME, chapitre 12

Un jour du mois de mai, Marie me dit : « C'est avec raison, ma fille, qu'on m’appelle la consolation des affligés, le refuge des pécheurs, le salut des infirmes.
« Je suis la consolation des affligés. Il est des afflictions qui souvent abattent le cœur de l'homme et lui enlèvent toute sa force. Heureux ceux qui tournent leurs regards vers moi, parce qu'ils sont consolés! Pour consoler un affligé, il faut avoir été soi-même dans l’affliction, parce qu’alors on compatit à sa douleur, et que la compassion est la clef de la consolation; il faut encore trouver en soi un objet ou une parole qui soit capable non-seulement de faire diversion avec le motif de l’affliction, mais qui enlève complètement l’affliction elle-même.
« Or, ma fille, toutes les afflictions ont été en moi, hormis celle du péché; et bien que celle-ci n’ait point été en moi personnellement, le péché des autres a été une affliction pour moi, parce qu'il offense Dieu et qu'il a fait mourir mon Fils. J'ai été exilée de ma patrie; j'ai perdu le peu que j’avais; j'ai vu mon Fils mourir sur la croix, et dans ce moment j'ai reçu en moi toutes les afflictions qu’un coeur puisse éprouver ou supporter. Je saurai donc compatir à la douleur des amis que la mort sépare, de ceux que la persécution poursuit, de ceux qui conservent secrètement leur affliction dans leur cœur sans la manifester, je saurai compatir à toutes les douleurs.
« Je saurai faire disparaître l'affliction en donnant la soumission à la volonté de Dieu, en éclairant l’esprit et montrant que toutes choses passent et disparaissent; que les épreuves, loin d’être un sujet d’affliction, sont au contraire un sujet de gloire et de bonheur. Puis, ma parole sera tellement douce, maternelle, affectueuse, qu'il n’y aura rien de comparable à elle, et qu’elle calmera toute peine et toute douleur. Elle sera, comme un baume salutaire, d'une efficacité instantanée qui non-seulement guérira la plaie, mais fortifiera celui qui souffre.
« Je lui donnerai ma parole, je lui donnerai aussi mon Fils, source de toute joie et principe de tout bonheur sur la terre et dans le ciel.
« Je suis le salut des infirmes. Il y a deux sortes d’infirmités : les infirmités du corps et celles de l’âme. Je guéris également les unes et les autres. Ces deux infirmités ont eu pour principe le péché de l'homme. Le péché a été la cause de toutes les infirmités corporelles ou morales. Le péché a assujetti l'homme à la mort et aux diverses maladies qui torturent son corps dans le cours de la vie; il a tristement incliné l'âme vers le mal, et ce penchant de l'âme pour le mal est ce qui s’appelle l’infirmité de l'âme.
« Je n'ai jamais commis le péché; jamais le péché n'a eu d’accès dans mon coeur. J'ai donné, au contraire, naissance à Celui qui s’appelle Saint; il est venu en moi; il s’est fait chair en mon sein, et cette habitation m’a accordé d’immenses prérogatives, celle, par exemple, de guérir ce que l’opposé de la sainteté avait apporté dans l’homme. J’ai donné au monde son Sauveur, Celui qui l’a racheté du péché, et j’ai gardé le pouvoir de guérir des suites du péché.
« Je guéris les corps infirmes. Voyez dans le monde, depuis dix-huit siècles, combien d’infirmes, désespérant du salut de leur vie, ont recouvré la santé en recourant à moi. Il n'est pas de jour où ma bonté pour les hommes n’opère ainsi parmi eux des prodiges sur leur corps; mais j’aime surtout à faire éclater ma puissance sur l'âme. Combien de jeunes gens et de jeunes filles, combien d’hommes mûrs et avancés en âge sentent en eux l’infirmité de leur âme, et l’inclination qui les porte au mal. Ils implorent mon secours, mon assistance, ma protection, mon appui, et, brisant cette inclination perverse, je les incline au contraire vers le bien. Au lieu de regarder la terre, ils regardent le ciel; au lieu d’écouter Satan, ils écoutent Jésus; au lieu de prêter l’oreille au monde, ils la prêtent à ma voix, ils marchent dans le bien.
« Je suis le refuge des pécheurs. Les hommes avaient établi autrefois des villes où les criminels pouvaient se retirer, et l’entrée de ces villes les rendait inviolables. Je suis aussi une cité de refuge. Tous les pécheurs, même les plus grands pécheurs, peuvent venir à moi. Je n’en rejette aucun; je permets à tous d’habiter dans cette cité qui est moi-même.
« Là, ma fille, ils sont aussi abrités, non pas contre les hommes, mais contre Dieu; là, ils peuvent se dépouiller et ils se dépouillent complètement de leurs vices, de leurs crimes, de tout ce qu'il y a de souillé en eux. Aussi Dieu, qui ne veut pas la mort des pécheurs, mais leur vie, les respecte parce qu'ils sont sous ma protection. Sa justice ne les frappe pas; au contraire, il abaisse sur eux des regards de miséricorde, et voyant qu'ils reviennent à lui dans la sincérité de leur âme, il les aime de nouveau comme ses enfants, et les comble de bénédictions.
« Oh! venez tous à moi, vous qui êtes affligés, je vous consolerai; venez à moi, vous tous qui êtes infirmes, je vous guérirai; venez à moi, vous tous qui êtes pécheurs, je vous sanctifierai. »

LIVRE TROISIÈME, chapitre 13

Un autre jour du mois de mai, Marie me dit : « Ma fille, je suis la mère de tous les hommes et la porte du ciel.
« Je suis la mère de tous les hommes. La première femme qui sortit des mains de Dieu a été appelée la mère de tous les hommes; mais elle a été leur mère en les engendrant dans la mort. La première femme de la seconde création a produit un effet tout contraire : cette femme, c'est moi. J’engendre tous les hommes à la vie; ceux qui sont venus avant moi comme ceux qui sont venus après. Ma force génératrice a une étendue telle, que je puis dire en vérité que pas un n’a eu de vie qu'il ne l’ait reçue de moi. Si la première femme a recouvré la vie, après l’avoir perdue, c'est à moi qu’elle l’a due. Ainsi, j'ai été la mère de la première femme elle-même. Je puis jeter les yeux sur toutes les générations passées, présentes et à venir, et dire à toutes : je vous ai donné la vie. Je ne parle pas seulement de la vie spirituelle, de la vie de l'âme, mais encore de la vie du corps. Vous allez me comprendre. Ma reconnaissez-vous la qualité de mère? Je répondis : ;Oui, Marie. — De qui suis-je la mère? De Jésus-Christ. — Qu’est-ce que Jésus-Christ? — Le Fils de Dieu. — Suis-je la mère du Fils de Dieu? — Oui Marie. — Qu’est-ce que le Fils de Dieu? — L’origine et la cause de toutes choses. — A-t-il créé les hommes? — Oui, Marie. —Suis-je la mère du Fils de Dieu, créateur des hommes? — Oui, Marie. — Ne suis-je donc pas la mère des hommes, puisque je suis la mère de Celui qui les a créés? — Oui, Marie.
« Vous comprenez donc, ma fille, comment je puis dire avec vérité que je suis la mère de tous les hommes.
« C'est moi qui ai engendré, qui ai produit le Sauveur Jésus, source, origine, et principe de la génération du monde. Je suis donc moi-même la source, l’origine, le principe de cette seconde naissance du monde. Je suis après Dieu, sous Dieu et avec Dieu, la cause efficiente de cette régénération, puisque j’ai produit le régénérateur. Je suis mère de Jésus, et Jésus, Fils de Dieu le Père, qui le produit de toute éternité dans son sein, est aussi mon Fils, car je l’ai produit dans le temps en mon sein. C'est le même Jésus, qui est Fils de Dieu et mon Fils et qui, en qualité de Fils de Dieu et de mon Fils, a régénéré le monde. Ce n'est pas seulement en tant que Fils de Dieu qu'il a régénéré, mais aussi en tant que mon Fils. Comme Fils de Dieu, il ne pouvait produire la régénération par la souffrance; mais je lui ai donné un corps, qui, uni à la divinité, a eu la puissance régénératrice qu'il a exercée sur les hommes. Or, vous le savez, ma fille, les hommes régénérés sont les fils de Dieu le Père, parce qu'ils sont frères de Jésus, et que Jésus est son Fils. Ne suis-je donc pas aussi la mère des frères de Jésus, puisque Jésus me reconnaît pour sa mère?
« Oui, je suis mère de tous les hommes; j'ai donné à tous la vie, en leur donnant l’auteur de la vie qui les a retirés de la mort. Toutes les nations me proclameront bienheureuse, parce que j'ai été mère de Jésus. Moi, je me reconnais bienheureuse aussi, parce que j’ai été mère de tous les hommes. Je suis leur mère, et tous doivent me ressembler, et je leur ai donné l’exemple pour qu'ils m’imitent dans leurs pensées, dans leurs paroles, dans leurs actions; dans leurs pensées, afin que, redonnées à Dieu par la régénération, ils ne pensent plus qu’à lui et ne se reposent qu’en lui; dans leurs paroles, afin que leurs paroles ne soient que des hommages à Dieu; dans leurs actions, afin que leurs actions ne soient que l’expression de leur soumission à la volonté de Dieu.
« Je suis la mère de tous les hommes. Je leur donne à tous dans la régénération ressemblance avec moi, et je reconnaîtrai pour mes enfants ceux qui conserveront cette ressemblance; tous les autres, mon Fils les repoussera au loin, et ils ne verront jamais la figure de leur mère.
« Ma fille, je suis la porte du ciel. Ce titre ne peut et ne doit pas être séparé de celui de mère de tous les hommes.
« Quel est le but d'une porte dans une cité ou dans une habitation? N’est-ce pas d’y laisser introduire, ou d’en laisser sortir ce qui peut tourner à l'avantage de cette habitation ou de cette cité?
« S’il en est ainsi, je suis en vérité la porte du ciel; car toutes les grâces qui sont descendues du ciel sur la terre sont passées par moi, et pas une n'a été donnée sans qu'elle soit venue de moi.
« Je suis la porte du ciel, car tous ceux qui sont entrées au ciel n'ont pu y entrer que par moi.
« Je suis la porte du ciel, car j’en ferme l’entrée à tout ce qui est impur et souillé.
« Je suis la porte du ciel, c'est par moi que la sagesse incréée en est sortie revêtue d’une chair que je lui ai donnée pour apparaître dans le monde.
« Je suis la porte du ciel; c'est par moi que cette même sagesse, conservant la chair qu'elle avait prise en moi, est rentrée dans le ciel.
« Ma fille, c'est par moi que vous recevez toutes ces grâces que mon Fils Jésus vous accorde. Demeurez toujours unie à moi, et par moi vous viendrez au ciel remercier Jésus des grâces qu'il vous aura accordées sur la terre. »

LIVRE TROISIÈME, chapitre 14

Le dernier jour du mois de mai, Marie me parla ainsi : « Ma fille, je suis la sainte Vierge des vierges. Le croyez-vous? Je répondis : Oui, Marie. — Comprenez-vous comment je suis sainte Vierge des vierges? — Non, Marie. — Savez-vous ce que cela signifie? — Non, Marie. — Voulez-vous que je vous l’explique? — Oui, Marie, je vous écouterai avec reconnaissance.
— « Supposez, ma fille, que votre roi, Père de plusieurs enfants, leur donne à tous un royaume, et qu'il conserve pourtant avec son royaume son autorité sur les rois ses enfants : quel titre pourrez-vous lui donner? — Je ne sais, Marie. — Ne pouvez-vous pas l’appeler roi des rois qu'il a établis? — Oui, Marie.
— « Supposez encore qu'il soit puissant à ce point qu'il commande à tous les rois de l’Europe, dont il a conquis les royaumes, et qu'il leur a laissés pourtant, pourvu qu'ils se reconnussent ses tributaires : pouvez-vous l’appeler roi des rois? — Oui, Marie.
— « De même je suis sainte Vierge des vierges, parce que j’ai donné naissance à toutes les vierges et que je les surpasse toutes en mérite et en grandeur.
« Je suis la mère de toutes les vierges, car c'est moi qui, la première, ai pratiqué la virginité et me suis consacrée à Dieu comme vierge, sans avoir à ce sujet ni commandement, ni conseil, ni exemple. La virginité avant moi était un opprobre; j’ai enlevé cet opprobre et j’ai, par mon exemple, engagé depuis une multitude innombrable de vierges à la pratiquer. C'est donc mon exemple qui les a engendrées à cette vie. Je puis donc me regarder comme leur mère et me dire Vierge des vierges.
« J’ai surpassé toutes les vierges en mérites et en grandeurs. Je les ai surpassées toutes par ma pureté. Jamais il n'y a eu en moi de tache originelle, jamais dans le cours de ma vie je n'ai commis le moindre péché, jamais je ne me suis rendue coupable de la moindre imperfection. Je les ai surpassées par la fécondité de ma virginité, car seule parmi les vierges j'ai été fécondée, et ma fécondité n'a point troublé ma virginité. J'ai enfanté en demeurant vierge, et le fruit de mes entrailles n'a point été un homme mais un Homme-Dieu.
« Voilà pourquoi, ma fille, je suis appelée la sainte Vierge des vierges. Suivez mon exemple, ma fille, demeurez toujours vierge dans votre esprit, je vous donnerai rang parmi les âmes les plus chères à mon Fils Jésus et à mon cœur. Me promettez-vous de toujours garder la virginité? Je lui répondis : avec la grâce de Dieu et votre secours, ô Marie, je le promets. »
Le mois consacré à Marie allait finir. Elle me donna sa bénédiction, me recommanda à Jésus et je la remerciai.

LIVRE TROISIÈME, chapitre 15

Le mois de mai était terminé; les fidèles ne se réunissaient plus autour de l’autel de Marie chaque soir à la fin de la journée. Cet autel était néanmoins plein d’attraits pour moi, et jamais je n’ai quitté l’église sans avoir fait une prière devant l’image de Marie. Je demeurais longtemps si mes occupations me le permettaient; je me contentais d’un Ave Maria quand j'étais pressée. Marie ne venait pas toujours à moi d’une manière sensible, mais toujours elle faisait éprouver à mon âme certaine impression de bonheur, de paix et de tranquillité que je sens, mais que je ne puis exprimer.
Elle me dit un jour : « Ma fille, vous savez combien grande est ma dignité, puisqu’au titre de Vierge je joins celui de Mère de Dieu. Ces faveurs si grandes, je ne les ai point méritées. Je les ai reçues par la pure bonté de Dieu. Aussi, alors même que je me sentais accablée par les grandeurs que Dieu déposait en moi, je conservais toujours le souvenir et la pensée de mon néant. Cette pensée me donnait de la force pour accomplir tout ce que Dieu demandait de moi, et cette force se soutenait par l’amour qui était dans mon âme.
« Ma fille, si vous voulez m'être agréable, imitez mon humilité, mon courage et ma charité.
« Imitez mon humilité. Dieu m’avait donné des privilèges bien précieux, entre tous celui de conserver ma virginité par un miracle de sa grâce en devenant mère de Dieu. Je ne me laissai point éblouir par ce merveilleux privilège ni aller à la vaine complaisance envers moi-même. Je me rappelai, au contraire, que je tenais tout de Dieu, et que plus il m’avait donné, plus je lui devais de reconnaissance et de soumission. Vous êtes honorée, vous aussi, ma fille, de grâces toutes spéciales. Bien loin de vous en enorgueillir, reconnaissez que vous tenez tout de la bonté de Dieu, que vous devez tout lui rapporter, qu'il pourrait vous enlever tout ce qu'il a mis en vous, et que vous n’auriez point le droit de vous plaindre ni de l’accuser d’injustice. L’injustice serait de vous attribuer ce qu'il vous a donné.
« Imitez mon courage. Ma fille, mes épreuves ont égalé la grandeur des grâces que Dieu a mises en moi. Il m’avait rendue mère de Dieu, son Fils; il m’avait donné pour lui une tendresse de mère : mon Fils, c'était ma grandeur; mon Fils, c'était ma richesse; mon Fils, c'était mon tout. Or, depuis le commencement de la vie de Jésus, je savais que je devais le perdre un jour, je savais qu'il devait être livré aux mains de ses ennemis et crucifié comme un criminel, je savais qu'il devait mourir au milieu des plus affreux tourments. La pensée de la passion de mon Fils était toujours présente à mon esprit. Quand je caressais son front, je pensais qu'un jour il serait couronné d’épines; quand je regardais ses mains et ses pieds, je pensais qu’un jour ils seraient percés de clous; quand je sentais battre son cœur, je pensais à la lance du soldat romain. Je le voyais en croix, en proie aux plus vives douleurs, abreuvé de fiel et de vinaigre, insulté et tourné en dérision par le peuple, et, dans cet état, remettre son esprit entre les mains de Dieu son Père. Mon cœur de mère était toujours percé par un glaive de douleur à la pensée de ces souffrances de mon Fils. Néanmoins, je ne me laissai pas abattre. Je savais que telle était la volonté de Dieu, que telle était la volonté de mon Fils; j’unissais ma volonté à leur volonté, et je demeurais ferme et pleine de courage dans ce martyre quotidien de mon amour maternel.
« Quel que soit le sacrifice que Dieu demandera de vous, quelque pénible qu'il puisse être pour votre corps, pour votre cœur ou pour votre esprit, faites-le avec courage, en pensant qu'il pourrait vous demander plus encore et que vous ne sauriez jamais lui donner assez.
« Imitez ma charité. Mon amour pour Dieu s’accroissait chaque jour pendant que j'étais sur la terre, et chaque jour je faisais de nouveaux efforts pour l’augmenter davantage.
« Mon amour pour les hommes a été si grand, que j’ai sacrifié pour eux ce que j'avais de plus cher, mon Fils Jésus.
« Aimez Dieu toujours de plus en plus, aimez votre prochain comme vous-même, et faites tout ce qui dépendra de vous pour être agréable à votre Dieu et à votre prochain.
« Si vous m’imitez ainsi, je vous donnerai ma protection et mon amour. »

LIVRE TROISIÈME, chapitre 16

Je me présentai un jour, selon ma coutume, à Jésus pour recevoir ses instructions. Il demeura sans parole. J’attendis avec patience et soumission à sa volonté, mais inutilement. Je me sentis alors attirée vers l’autel de Marie. Elle me dit : « Ma fille, vous n’entendrez pas aujourd’hui la voix de Jésus, mais vous entendrez celle de sa Mère. J’ai, ma fille, deux recommandations à vous faire.
« La première, c'est d’être toujours fidèlement soumise à la volonté de mon Fils. Faites tout ce qu'il vous dira, et soyez persuadée que l'accomplissement de sa volonté tournera à votre avantage et à la gloire de Dieu. Écoutez sa parole avec attention, conservez-la fidèlement dans voter cœur comme je le faisais quand j’étais sur la terre. Voyez quelle disproportion il existe entre vous et lui pour la perfection de vos pensées, de vos sentiments et de vos actes. Cherchez à vous rapprocher de lui le plus possible, à l’imiter, à le copier, à vous transformer en lui. Vous n’atteindrez jamais sa perfection, parce qu'il est Dieu et que vous êtes créature; mais vous devez tâcher de vous élever aussi haut qu'il voudra vous le permettre.
« La seconde recommandation que j'ai à vous faire, ma fille, c'est de vous rappeler toujours que je suis votre mère, que j’ai pour vous un amour véritablement maternel. Soyez à mon égard pleine de confiance. Venez à moi dans vos besoins, dans vos nécessités, dans vos peines, dans vos afflictions, dans toutes vos épreuves; venez à moi et j’accourrai vers vous. Vous savez, ma fille, que je ne me fais pas longtemps attendre, que je ne demande pas de longues prières, qu'un seul mot parti du coeur me suffit. Venez à moi, comme un enfant, avec simplicité, candeur, confiance; traitez-moi comme votre mère, je vous traiterai comme ma fille; aimez-moi comme votre mère, je vous aimerai comme mon enfant. Ne m’appelez désormais que votre mère, je ne vous appellerai que ma fille; donnez-moi tout ce qui vous appartient, je vous donnerai tous mes trésors du ciel.
« Soyez soumise à mon Fils, ayez confiance en moi et vous marcherez sûrement dans la perfection. Ma fille, je vous aime et vous bénis, allez en paix. »
Gloire à Jésus pour toujours au saint sacrement de l’autel. Amen.

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Livre 4
Les Anges et Les Hommes

LIVRE QUATRIÈME, Les anges et les hommes.

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

LIVRE QUATRIÈME, chapitre 1

Le Sauveur Jésus me dit un jour : « Ma fille, l'homme a été créé le dernier parmi les êtres de la création, ce n'a pas été sans un dessein particulier de Dieu; car Dieu a voulu achever son œuvre tout entière et la résumer dans la création de l'homme. Voyez l'homme, il est composé d'un corps et d’une âme, il grandit, il a l'être ou l’existence, il a la sensation ou l’usage des sens. Par son âme il se rattache aux anges; par la sensation, aux animaux; par l'être ou l’existence, aux divers éléments de la nature qui n'ont ni intelligence ni vie; par son développement aux plantes qui croissent et se développent. Voilà comment l'homme se rattache à toute la création : à la création spirituelle ou angélique par son âme, à la création matérielle par son corps. Cette union de l'homme avec toute la création n'est pas quelque chose de purement imaginaire, c'est, au contraire, une réalité telle qu'il participe à ce qu'il y a de bon et de mauvais dans ces deux créations, par l’influence que l'une et l'autre exercent sur lui.
« L’union la plus intime de l'homme est avec les anges, parce que cette union doit durer toujours et jusque dans l’éternité. L’union avec la créature matérielle est d’un degré beaucoup inférieur, parce que cette union n'est que transitoire et ne dure que dans le temps pour finir à l’entrée de l’éternité. De plus, ma fille, l'union de l'âme avec l'ange est plus forte, parce que cette union n'est pas une union passive, mais une union opérante et pleine d’activité. Il y a communication entre l'âme de l'homme et les anges; il y a entente, et cette communication, cette entente deviennent telles que l'homme finit par ressembler à l'ange et prendre position avec lui. S’il fait alliance avec les bons anges, s'il les suit, s'il combat avec eux, l'homme sera bon; s'il fait alliance avec les mauvais anges, l'homme sera mauvais et leur deviendra semblable. La bonté de l'homme lui donnera place parmi les bons anges, sa malice parmi les anges mauvais. Ah! ma fille, attachez-vous aux anges qui sont bons, parce qu'ils ont été fidèles à mon Père, et fuyez ceux qui se sont révoltés contre lui et voudraient vous entraîner dans leur révolte. »

LIVRE QUATRIÈME, chapitre 2

Un autre jour, le Sauveur Jésus me dit : Ma fille, les anges sont envoyés par Dieu pour le service de ceux qui doivent prendre part à l’héritage du salut. Vous vous rappelez ce que je vous ai dit des communications entre les anges et l'âme des hommes. Écoutez bien ceci; c'est fort important. Je veux vous parler de deux choses que produisent les anges sur les hommes. La première, c'est l’illumination de l'intelligence, la seconde, le mouvement de la volonté.
« Les anges, ma fille, peuvent éclairer et éclairent véritablement les intelligences. Je suis le chef des anges, je leur commande et ils m’obéissent. Je suis le chef des anges et la seule lumière véritable, et par cette lumière j’éclaire et la terre et les cieux. Mais comme un roi ne commande pas toujours par lui-même, et qu'il commande le plus souvent par ses ministres, je me plais à ne pas éclairer directement par moi-même et j’envoie mes anges qui sont mes ministres du ciel sur la terre. Ils ont pour chef la lumière incréée, et pour fonction de répandre la clarté de cette lumière.
« Les anges, ma fille, éclairent les hommes de trois manières : en leur annonçant les divins mystères, en les instruisant, en les exhortant; ils les éclairent en se manifestant à eux visiblement ou invisiblement.
« Visiblement, quand ils apparaissent aux hommes sous une forme humaine et qu'ils viennent leur parler comme un égal à son égal. Ainsi l’ange Gabriel apparut à Marie et remplit vis-à-vis d’elle, sous une forme humaine, les trois fonctions d’annonciation des divins mystères, d’instruction sur ces mystères, et d’exhortation à l’occasion de ces mystères. Il lui annonça le mystère de l’Incarnation en elle : « Voici que vous concevrez un Fils. » Il l’instruisit sur ce mystère : « Le Saint-Esprit descendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous ombragera. » Il l’exhorta à l’occasion de ce mystère : « Ne craignez point, Marie. »
« Visiblement, lorsque, sans avoir pris une forme humaine, ils font entendre une voix semblable à la voix des hommes. Ainsi un ange fit entendre sa voix, au nom de Dieu, à Samuel, pour lui révéler la colère de Dieu contre les enfants d’Héli.
« Visiblement, lorsque, sans avoir pris une forme humaine, ni une voix humaine, ils ont recours à quelque signe sensible qui frappe les yeux des hommes de manière à ce qu'ils ne puissent s’y tromper. Ainsi un ange se manifesta à Balthazar, au milieu d’un festin, par une main qui écrivit sur le mur de la salle du festin des caractères que le roi ne put comprendre, mais qui lui furent expliqués par le prophète de Dieu.
« Ainsi les anges remplirent leurs fonctions d’annonciation des desseins de Dieu, d’instruction sur ces desseins et d’exhortation à l'occasion de ces desseins. Ils annoncèrent la vengeance que Dieu allait tirer de la conduite d’Héli et de Balthazar, ils instruisirent Samuel et le peuple de Dieu sur les motifs de cette vengeance, et par cette instruction les exhortèrent à n’imiter point Héli ni Balthazar.
« Invisiblement, lorsqu'ils ne se servent d’aucun objet sensible pour se manifester à l'homme, quand ils agissent directement avec l'âme et sur l'âme, quand ils lui parlent comme un esprit à un esprit, comme un ange à un ange; et cela, soit que celui à qui ils s’adressent soit éveillé, soit qu'il soit endormi, comme ils s’adressent à tous ceux à qui ils portent intérêt et qui leur sont confiés en leur inspirant de bonnes pensées, comme ils s’adressèrent à Joseph et aux mages pendant leur sommeil.
« Ce que je viens de vous dire des anges du ciel pour les hommes, afin de leur faire opérer le bien, je le dis aussi des anges rebelles qui agissent sur les hommes pour leur faire opérer le mal.
« Il y a néanmoins une différence autre que la différence des actions de ces anges; la voici, ma fille. Dieu envoie les anges du ciel, mais il n’envoie pas ceux de l’enfer. Il leur permet seulement d’agir sur l'homme, et il le leur permet, non pour que l'homme fasse le mal, mais pour éprouver l'homme et le faire lutter, pour accroître ses mérites et lui donner une plus belle couronne dans le ciel. Aussi les mauvais anges n'ont que le pouvoir qui leur est donné par Dieu, et jamais Dieu ne leur permet de tenter quelqu'un au-dessus des forces de celui qu'ils tentent.
« Les mauvais anges, ma fille, annoncent aussi les mystères de l’iniquité, ils instruisent sur ces mystères et exhortent à l’accomplissement de ces mystères.
« Ils se manifestent également d’une manière visible, ou invisible, et cherchent à opérer pour l'enfer ce que les bons anges cherchent pour le ciel et pour Dieu.
« Les anges éclairent l’intelligence; ils donnent aussi le mouvement à la volonté; c'est une conséquence de la lumière qu'ils donnent à l’intelligence. montrer le bien, instruire sur le bien, exhorter à faire le bien, c'est une action directe sur la volonté, et cette action je l’appelle le mouvement donné à la volonté. Ce mouvement ne ressemble pourtant pas à un mouvement, comme celui par exemple que vous communiqueriez à un objet quelconque; non, ma fille, car la volonté demeure toujours libre, et comme libre, ni les anges ni Dieu ne peuvent lui donner mouvement vers le bien si elle one le veut pas. Ce mouvement est une disposition vers le bien, une aptitude, une facilité à faire le bien. À cet effet, les anges enlèvent, font disparaître ou diminuent les obstacles qui empêcheraient la volonté et qui l’arrêteraient, et en ce sens encore ils lui donnent le mouvement.
« Les mauvais anges agissent en sens contraire des anges bons; ils poussent, ils meuvent vers le mal, mais ce mouvement peut être repoussé, et il ne reçoit d’activité qu’autant que la volonté de celui qui est tenté veut le recevoir et l’accepter.
« Repoussez toujours, ma fille, la lumière et le mouvement que voudraient vous donner les mauvais anges; acceptez au contraire, en toute circonstance, la lumière et le mouvement de mes anges. Vous distinguerez les unes des autres par la vue du bien ou du mal qui vous sera montré ou inspiré. Les démons vous proposeront le mal, les bons anges vous proposeront le bien. »

LIVRE QUATRIÈME, chapitre 3

Le Sauveur Jésus me dit un jour : « Ma fille, Dieu gouverne, dirige et mène tout immédiatement par sa providence. Rien ne lui échappe; comme il a tout créé, ainsi il conserve tout, ainsi il veille sur tout et porte ses yeux sur toutes choses. Néanmoins il lui a plu de confier l’exécution des actes de sa providence à des ministres qu'il s’est donnés. Ces ministres sont les anges; il leur a confié l’administration des mondes, et les a faits les exécuteurs de ses volontés. Tous lui rendent gloire, les uns par leur assistance perpétuelle autour de son trône, les autres par leur assistance au gouvernement de ses œuvres.
« Il a fait le monde et l’a confié à ses anges, il a fait l'homme et il le leur a confié aussi. Ils sont toujours à son côté, ils sont toujours avec lui, ils veillent sur lui, ils le gardent, et c'est pour cela qu'ils sont appelés anges gardiens.
« Tous les hommes ont chacun un ange gardien, ceux qui sont justes comme ceux qui ne le sont pas; les justes pour conserver leur justice, les pécheurs pour devenir justes; ceux qui seront sauvés, comme ceux qui seront damnés; car telle est la volonté de mon Père du ciel, faisant tout pour le bien et le salut de l'homme.
« Les anges gardiens n'ont point été seulement donnés aux hommes depuis ma venue en ce monde, mais depuis le commencement tous les hommes ont reçu de Dieu un ange pour veiller sur eux. Cet ange veille sur celui qui lui est confié dès le premier instant de sa naissance, et il demeure avec lui jusqu’à sa mort.
« Chaque homme a un ange gardien, et cet ange est d’une dignité en rapport ave la dignité de celui dont la garde lui est confiée. Les simples chrétiens ont un ange de degré inférieur; mais parmi les simples chrétiens, il y a des positions, des nécessités différentes, et chacun a un ange en rapport avec l’état dans lequel il se trouve.
« Les religieux ont un ange gardien d’un degré supérieur a`ceux des simples chrétiens; les prêtres un ange d’un degré supérieur à ceux des religieux; les missionnaires un ange d’un degré supérieur à ceux des simples prêtres; les évêques un ange d’un degré supérieur à ceux des prêtres; le Pape a pour gardien l’un des plus puissants esprits de la cour céleste. Il en est de même des magistrats, des princes et des rois de la terre. Ils ont chacun un ange d'un pouvoir et d’une force égale à la nécessité de celui sur qui ils veillent.
« Les hommes en particulier n'ont pas seuls des anges gardiens : chaque cité, chaque royaume, chaque famille, chaque paroisse, chaque communauté a son ange gardien; c'est ainsi que mon Père a voulu tout disposer, tout diriger par ses anges.

LIVRE QUATRIÈME, chapitre 4

« Voici ce que fait pour vous l'ange gardien et ce que vous devez faire pour lui.
« L'ange gardien éloigne de vous les maux du corps et de l'âme; il lutte contre vos ennemis, il vous excite à faire le bien; il porte à Dieu vos prières et inscrit sur le livre de vie vos bonnes œuvres; il prie pour vous, il vous suit jusqu'à la mort, et vous portera dans le sein de Dieu, s vous vivez dans la justice pendant que vous serez sur la terre.
« L'ange gardien éloigne de vous les maux du corps et de l'âme. Vous êtes composée, ma fille, d'un corps et d'une âme. Or, l’un et l’autre se trouvent exposés à chaque instant à mille dangers qui pourraient occasionner leur ruine. Un rien peut affliger votre corps pour jamais, un accident peut vous ravir pour jamais aussi la vie de votre âme. vous n’êtes point assez avisée pour écarter et éloigner tous les dangers; et quand vous le seriez assez, souvent vous ne le pourriez pas par vous-même. Ce que vous ne voyez pas, votre ange gardien le voit pour vous; ce que vous ne pouvez pas, votre ange gardien le peut pour vous, et il protège votre corps et votre âme en éloignant tout ce qui pourrait leur être préjudiciable; il le fait sans que vous vous en aperceviez. Si quelquefois vous y réfléchissiez, et que vous vous demandassiez comment vous avez échappé à tel accident, à tel malheur, vous toucheriez du doigt l’action de votre bon ange; vous verriez aussi que par lui vous avez évité telle occasion dangereuse; par lui, conservé la patience; par lui résisté à une tentation. Ainsi, par la protection de l’ange gardien, vous échappez aux dangers de l’âme et du corps.
« L'ange gardien lutte contre vos ennemis. Vos ennemis, ma fille, sont : le Démon, le monde, vos passions, vous-même. Il lutte contre le Démon et l’empêche de vous tenter au-dessus de vos forces, d’exciter en vous de mauvaises pensées et de vous offrir l’occasion de pécher. S’il ne prévient pas l'attaque, il double vos forces, chasse les pensées mauvaises par des pensées bonnes et vertueuses, et vous fait fouler aux pieds les pièges tendus pour vous entraîner au mal. Il lutte contre le monde : le monde, c'est l'empire, le royaume du Démon. Il vous éloigne du monde, vous le fait mépriser et tourne vos regards vers le ciel, royaume de Dieu. Il lutte contre vos passions mauvaises, effets du péché originel; il leur enlève toute force, il les amortit, et, s’il leur permet de se relever quelquefois, ce n'est que pour vous assurer une victoire de plus. Il lutte contre vous-même; toutes les facultés de l'homme quelquefois font alliance contre l'homme pour l’entraîner au mal; l'ange gardien dissout l’alliance de ces facultés. Elles s’allient de nouveau pourtant, mais c'est pour opérer le bien, non pour faire le mal.
« L'ange gardien vous excite à faire le bien, en illuminant votre intelligence, en lui montrant la volonté et le désir de Dieu, en lui faisant comprendre l’avantage du bien et le danger du mal. Il vous engage à faire le bien en vous le rendant facile, en enlevant tous les obstacles ou du moins en les diminuant. Il vous engage à faire le bien en vous donnant force, courage et amour pour le bien.
« L’ange gardien porte à Dieu vos prières, et il vous le rend propice; il les lui présente comme un encens d’agréable odeur, comme le sacrifice de votre cœur, comme la marque de votre amour, comme le désir qui est en vous d'opérer le bien, de suivre sa loi, de vous attacher à lui, de demeurer en lui. Pour qu'il reçoive vos prières, il lui offre toutes vos bonnes actions, il les inscrit sur le livre de vie, et alors Dieu vous écoute pour que vous viviez de plus en plus en lui, par lui et avec lui.
« L'ange gardien prie pour vous. Vous priez, ma fille, parce que vous connaissez vos besoins et l’impuissance dans laquelle vous vous trouvez pour agir par vous-même. Vous priez parce que Dieu vous en a fait un devoir, parce que vous connaissez la bonté de Dieu et le désir qu'il a de vous venir en aide. Mais votre ange connaît bien mieux que vous votre faiblesse et votre impuissance, bien mieux que vous la bonté de Dieu et le désir qu’il a de vous secourir; bien mieux que vous aussi votre bon ange sait de quelle manière il faut prier. Il prie pour vous et demande jusqu'à ce que sa prière soit exaucée.
« Enfin, ma fille, votre ange gardien vous suivra partout; il vous suivra tous les jours de votre vie, et quand Dieu vous retirera de ce monde, il vous présentera à lui et vous placera dans le ciel si vous êtes juste, si vous avez complètement satisfait à la justice divine. Si vous devez passer par les flammes du purgatoire, il priera et fera prier aussi pour vous, puis il vous délivrera et vous portera pour l’éternité dans le séjour des élus.

LIVRE QUATRIÈME, chapitre 5

« Voici à présent ce que vous lui devez.
« Vous lui devez respect, obéissance et amour. Vous lui devez respect, car c'est un des princes de la cour céleste, c'est le représentant de Dieu, c'est son ministre près`de vous. Honorez donc sa dignité, respectez son caractère d’envoyé de Dieu.
« Vous lui devez obéissance. Dieu l’a établi votre protecteur, votre gardien; il est aussi votre supérieur. Vous devez avoir pour lui la docilité d’un enfant pour son Père, et en vous montrant docile à votre ange gardien, vous montrerez votre docilité vis-à-vis de Dieu. Car obéir à votre ange gardien, c'est obéir à Dieu qui vous l’a donné.
« Vous lui devez amour. Votre ange gardien est votre protecteur, votre bienfaiteur; or, un bienfait demande la reconnaissance, et la reconnaissance se témoigne par l'amour. Vous lui devez amour parce qu'il vous aime, et que l'amour se reconnaît par l'amour. Vous lui devez amour parce qu’en l’aimant vous haïrez Satan, et qu’en haïssant Satan vous aimerez Dieu.
« Ainsi, tout se lie, tout s’enchaîne dans votre vie : votre pensée, votre mouvement, votre action, tout votre être, votre ange gardien, votre Dieu, votre éternelle félicité. »

LIVRE QUATRIÈME, chapitre 6

Voici ce que me dit un jour le Sauveur Jésus : « Ma fille, je vous ai parlé de l'ange gardien, je veux vous parler aujourd'hui de Lucifer.
« Lucifer était le plus parfait des esprits célestes; il a péché par orgueil, il a entraîné les autres anges rebelles, il veut entraîner tous les hommes.
« Le nom de Lucifer signifie porte-lumière. Ce nom indique la grandeur de la perfection et la beauté parfaite de cet ange. Il appartenait au degré le plus près de Dieu, et parmi les anges de ce degré supérieur il était un des plus parfaits. Je dis un des plus parfaits, par qu'il y en avait dont la perfection n'était pas inférieure à la sienne. Je dis un des plus parfaits aussi, parce qu'il n'y en avait pas qui eussent une perfection plus grande que la sienne. »

LIVRE QUATRIÈME, chapitre 7

Lucifer, ainsi que tous les anges du ciel, fut soumis à un temps d’épreuve. Au lieu de reconnaître Dieu pour son créateur et d’accepter l'épreuve à laquelle il voulut le soumettre, Lucifer se leva contre lui en disant : « Je m’élèverai, je deviendrai semblable au Très-Haut. » Il ne fut pas seul dans sa révolte, il entraîna avec lui un nombre considérable d'anges des neuf degrés établis parmi eux. C'était le plus parfait de tous, et par sa révolte, par l’entraînement qu'il donna aux autres, il devint le plus coupable et le chef des révoltés. Il devint par son crime roi de tous les Fils de la superbe et de l’orgueil; mais il ne règnera plus dans le ciel et ses hauteurs; il est, avec tous ses anges, dans les abîmes et les profondeurs de l'enfer. Le nombre de ceux qu'il entraîna fut immense, inférieur néanmoins à celui des anges fidèles. Il aurait voulu les entraîner tous, mais les autres se levèrent contre lui en disant : « Qui est semblable à Dieu? »
« Écrasé par le poids de cette parole et le regard vengeur du Très-Haut, Lucifer fut précipité dans l’éternelle malédiction.
« N’ayant pu entraîner tous les anges avec lui, il cherche à entraîner les hommes. Il a séduit Adam, il l’a mis en révolte contre Dieu, il veut agir de même vis-à-vis de tous les enfants d’Adam. C'est pourquoi il donne à chacun un tentateur pour combattre l’action de l’ange gardien, pour détourner chaque homme de la voie du bien, pour faire de lui une victime de la vengeance de Due et un révolté éternel contre sa divine volonté.
« Pour cela, il emploie ruses et artifices; il combine toutes choses, promet le bien et donne le mal, montre la vie et entraîne dans la mort, fait goûter le plaisir et ce plaisir se change en une amertume qui éloigne de Dieu.
« Ma fille, craignez de vous laisser séduire par Satan; il veut votre ruine et la ruine de tous les chrétiens. Depuis que je suis venu au monde pour battre en brèche son empire, il redouble d’efforts pour réduire mes conquêtes. Vains efforts, jamais il n’aura de pouvoir, d’autorité, d’entraînement que sur ceux qui voudront se donner à lui, se livrer à lui, marcher avec lui. Ma grâce repousse Satan, ma force l’épouvante, mon drapeau le met en fuite. Mon drapeau, c'est la croix; attachez-vous à elle, et Satan fuira loin de vous. Ma force est la force de la croix, qui a vaincu la mort et l’enfer; armez-vous de ma croix, et vous épouvanterez Satan. Ma grâce descend de la croix, puisez-y comme dans une source intarissable, et vous repousserez Satan.
« Je suis avec vous, je suis pour vous; marchez, ma fille, et demandez : Qui donc sera contre moi? »

LIVRE QUATRIÈME, chapitre 8

Le Sauveur Jésus m’avait ainsi parlé des anges et des démons. Or, quelques jours après, il me sembla qu'une voix voulait se faire entendre au-dedans de mon cœur et me dire des choses sublimes. Aussitôt, le trouble s’empara de mon âme, et craignant d’être trompée, je me réfugiai bien vite près de Jésus, le conjurant de ne pot permettre que je fusse trompée. Je vis des yeux de mon âme Satan furieux de n’avoir pu me tromper. « Ma fille, me dit Jésus, voici l'heure du combat. » Mon cœur commença à battre avec force. « Eh quoi! Ajouta le Sauveur, vous craindriez, fille pusillanime? » Quand Jésus eut prononcé ces paroles, je me vis environnée d’une multitude de spectres honteux à voir. Je souffrais plus que je ne pourrais l’exprimer. La tentation devenait de plus en plus violente. Ma force augmentait en proportion. Je luttais seule, mon ange s’était retiré un peu plus loin et me regardait. Je luttais toujours, et pleine de mépris pour mes ennemis, je protestai à haute voix que j’aimerais mieux mourir que d’offenser mon Dieu. Pendant cette lutte, je chantais quelques versets du cantique :

Le monde, en vain, par ses biens et ses charmes, etc.

Choisissant les paroles qui me convenaient le plus.
Après quelques moments de combat, je m’enfuis vers Jésus, et je le conjurai de purifier mon esprit de ces images déshonnêtes qui avaient voulu souiller mon âme. Mes ennemis ne se tinrent point pour battus; ils ne tardèrent pas à revenir à la charge.
Vains efforts : mon ange, une verge à la main, les repoussait vigoureusement. Je ne combattais lus, mon ange combattait pour moi.
À l’heure de ma prière du soir, ces spectres affreux revinrent en nombre plus considérable; mais pour favoriser le calme de mon esprit, une multitude d’anges vinrent se ranger en cercle autour de moi. Je n’ai jamais mieux prié qu’en ce moment.
La tentation dura quelques jours encore et de diverses manières. J'étais tentée par orgueil, par sensualité, par gourmandise, et chaque fois mon ange éloignait le Démon, soit par un coup de verge, soit par une menace; un regard même suffisait pour le mettre en fuite. Voyant cette faiblesse du démon, j'avais envie de rire; mon ange m’en empêchait en plaçant sa main sur ma bouche. En ce moment, j’entendis mon ange et le Démon se disputer à cause de moi.
Le Démon disait : « Je la veux. » Mon ange répondait : « Tu ne l'auras pas! » Le Démon : « Je la prendrai malgré toi. » Mon ange : « Je t’empêcherai de la prendre. » Le Démon : « Retire-toi dans le ciel, je m’en emparerai. » Mon ange : « Le Seigneur m’a commandé de veiller sur elle, je dois lui obéir. » Le Démon : « Eh! Que m’importe ton obéissance; à quelque prix que ce soit, je l'aurai en mon pouvoir. » Mon ange : « Le Seigneur l’a prise sous sa protection. Qui est-du donc, superbe audacieux, pour prétendre la lui ravir?… » Le Démon : « J’emploierai tout pour cela, et la force et la ruse. » Mon ange : « Tu n’auras sur elle que le pouvoir que te donnera le Seigneur. » Le Démon : « Je la ferai succomber. » Mon ange : « Non, je la soutiendrai. » Le Démon : « Je troublerai sa paix. » Mon ange : « Tu peux essayer, tu n’y parviendras point. » Le Démon : « Je l’aurai, sinon pendant sa vie, du moins à l’heure de sa mort. » Mon ange : « Sa mort te mettra en fuite. » Le Démon : « Je la veux dès ce moment. » Mon ange : « Dès ce moment, retire-toi. » Le Démon se retira plein de malice et mon ange demeura près de moi.

À jamais amour au Sauveur Jésus dans le saint sacrement de l’autel! Amen.

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Message par Her Mar 12 Avr - 8:26

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Livre 5
De la religion en général et de la religion chrétienne en particulier.


LIVRE CINQUIÈME, De la religion en général et de la religion chrétienne en particulier.

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 1

Le Sauveur Jésus m’a souvent parlé de la religion; il m’a dit ce que c'était que la religion et quelle était la vraie religion; il m’a montré la nécessité de la religion; il m’en a donné ensuite un résumé complet; enfin, en une autre circonstance, il me montra comment la religion intérieure ne suffisait pas au chrétien. Il m’a parlé aussi de diverses choses qui ont rapport à la religion. Je le dirai à peu près dans l'ordre qu'il a suivi et selon que ma mémoire me le rappellera.
« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, la religion est la réunion de tous les devoirs que la créature doit rendre au Créateur. On peut considérer la religion de deux manières : en elle-même, telle qu’elle est fixée, décrétée, voulue par Dieu; en celui ensuite qui pratique cette religion par l’accomplissement des devoirs qui lui sont prescrits. Dans le chrétien, on peut la considérer de deux manières : comme acte par lequel il remplit ses devoirs de religion, et comme facilité, comme inclination, comme habitude surnaturelle que Dieu met en lui par sa grâce afin qu'il accomplisse ses devoirs de religion.
« Si on la considère en elle-même, telle qu'elle est fixée, décrétée, voulue par Dieu, on doit examiner quelle est la religion qu'il a ainsi voulue, décrétée, fixée, parce que celle-là seule peut être et est réellement la religion véritable. Voici les signes auxquels on peut reconnaître la vraie religion, celle qui, par conséquent a été donnée par Dieu lui-même : elle est une, sainte, apostolique, universelle. Or, de toutes les religions du monde, la catholique seule les renferme tous.
« Cette religion, ma fille, n'a pas commencé seulement avec moi quand je vins sur la terre, mais dès l’origine des choses au paradis de délices. Vous savez qu'au commencement Dieu fit l'homme, qu'il le plaça dans le jardin de délices, que l'homme reconnut Dieu pour son Créateur et le Créateur de toutes choses. L'homme, par cette connaissance de Dieu, avait aussi celle des devoirs que la créature doit au Créateur. Il avait aussi la connaissance que Dieu lui donna de respecter et de ne pas toucher aux fruits de la science du bien et du mal. Connaître Dieu, l’adorer, lui obéir, telle était la religion de l'homme sur la terre, dans son paradis, et cette religion du premier homme jusqu'à vous à toujours été la même, car aujourd'hui que faites-vous dans la religion catholique, si ce n'est connaître Dieu, l’adorer et lui obéir. Vous le connaissez comme Adam, vous l’adorez comme Adam; l’obéissance que vous donnez à Dieu seule a changé, comme elle changea pour les patriarches, comme pour le peuple que je me choisis, comme quand je vins enlever la loi de crainte pour lui substituer la loi d’amour. Mais ce n'est point l’obéissance en elle-même qui a changé, c'est l’obéissance par rapport aux actes que Dieu vous demande. Dieu lui-même a voulu changer les prescriptions qu'il avait données à Adam, changer celles qu'il avait données aux patriarches, changer celles qu'il avait données à Moïse. Mais c'est lui qui les a changées. L'homme a dû obéir, et la religion est toujours la même, malgré ces changements quant à l’obéissance due à Dieu. Les persécutions se sont élevées contre elle; mais depuis Adam, Père du genre humain, depuis Abel, fidèle serviteur de Dieu, jusqu'aux martyrs les plus récents, jamais la persécution n'a détruit la religion, elle lui a donné au contraire plus de force et de vigueur. Savez-vous pourquoi, ma fille? C’est que Dieu lui-même a institué la religion, et qu'il la conserve et l’étend par les moyens qu'il a choisis, et contre lesquels les puissances du monde et de l’enfer ne peuvent rien. Quand l'homme perdit la connaissance de son Dieu et qu'il se fit des dieux, ouvrage de ses mains, afin de se livrer à tous les entraînements de ses passions, la religion ne fut point perdue. N'y eût-il eu qu’un seul homme fidèle, il eût suffi pour la perpétuer. Or, il y eut plus qu’un homme, il y eut une grande famille, un peuple immense qui conserva la religion. Dieu avait donné au premier chef de cette famille et de ce peuple un signe qui le devait distinguer des autres peuples, la circoncision. Quand ce peuple eut grandi et se fut multiplié, Dieu lui donna sa loi, comme moyen de conserver sa religion. Entre la religion de ce peuple et la religion catholique, il n'y a pas de différence; seulement, la religion judaïque n'était que le symbole et la figure de la religion chrétienne que devait établir le Messie, promis à Adam dans le paradis terrestre, attendu par les patriarches et annoncé par les prophètes. Tout fut prédit par rapport à mon avènement : ma naissance d'une Vierge, le lieu de ma naissance, ma vie obscure, ma vie publique, ma mort et ma résurrection.
« Pendant ma vie, je prouvai ma divinité par mes miracles, et ma mission de Dieu par des œuvres supérieures à celles de tous les prophètes ensemble. Je choisis douze apôtres, je leur enseignai ma doctrine, je leur donnai ma loi, je leur fixai la religion que je venais établir sur la terre, et je les envoyai dans le monde entier prêcher la bonne nouvelle du Messie promis et venu, du Rédempteur attendu, mort et ressuscité, du sacrifice nouveau qui devait s’offrir dans le monde entier et que j’avais offert moi-même le premier sur le Calvaire. Et ces hommes, qui étaient de pauvres pécheurs, ignorants et sans instruction, se dispersèrent dans le monde et accomplirent la mission que je leur avais donnée, faisant eux-mêmes des miracles supérieurs à mes miracles, ressuscitant les morts, rendant l’ouïe aux sourds, la vue aux aveugles, le mouvement aux paralytiques, confondant les faussaires et les envoyés de Satan, et donnant leur vie pour confirmer la vérité de leur doctrine. La religion qu'ils répandaient dans le monde, si parfaite et si difficile dans la pratique au premier abord, si relevée dans ses mystères à jamais incompréhensibles, fut reçue partout, et elle se répandit dans le monde entier avec une immense rapidité.
« Or, cette religion que je donnai aux apôtres est la vraie religion, parce que seule elle renferme les signes dont je vous ai parlé plus haut.
« Elle est une : une dans la foi, une dans la morale, une dans sa durée. Une dans la croyance à un seul Dieu, à un seul Rédempteur, à un seul baptême. Une dans sa morale qui n'a qu'un commandement, l’amour de Dieu et du prochain. Une dans sa durée : c'est la seule qui ait traversée tant de siècles, la seule qui soit restée debout, toujours forte et pleine de vigueur, la seule qui doivent demeurer jusqu'à la consommation des siècles.
« Elle est sainte : c'est elle qui unit l'homme à Dieu et le sépare des choses de la terre; c'est elle qui enseigne à éviter le mal, à pratiquer la vertu; c'est elle qui possède les sacrements, boucliers puissants pour défendre les vertus, armes mortelles contre le mal et le péché.
« Elle est apostolique : ce sont mes apôtres qui l’ont transmise au monde, qui ont chargé leurs successeurs de la répandre et de la conserver, et on peut remonter aisément d’âge en âge jusqu'aux apôtres, entre les mains de qui on la retrouvera déposée par moi, qui était envoyé par mon Père.
« Elle est universelle : dans tous les pays du monde on trouve des chrétiens, ou des hommes qui ont une même foi, une même loi, les mêmes sacrements.
« Elle est divine : c'est moi qui l'ai instituée, moi, Fils de l'homme et aussi Fils de Dieu; elle est divine, car elle résiste à tout, aux persécutions des tyrans, aux persécutions des autres religions, aux passions des hommes, aux tentatives continuelles de Satan. Quelle religion a produit des héros comme la religion catholique? quelle autre religion a transformé les femmes les plus timides, les enfants les plus faibles, à ce point de ne pouvoir trouver nulle part un courage supérieur à leur courage? La mort n’a point effrayé ceux qui ont pratiqué cette religion, ils ont été au devant d'elle, ils l'ont reçue à bras ouverts, ils ont béni Dieu dans les tourments les plus affreux, et pas une plainte n'est sortie de leur bouche.
« Quelle religion osera se comparer à la religion catholique? quelle religion laissera apercevoir comme elle les signes d'une vraie religion? quelle religion unira l'homme à Dieu comme la religion catholique? Sera-ce la religion de divinités faites par les mains des hommes, ou qui n'a d’autres dieux que de vils animaux, ou qui ne favorise que les passions?
« Quelle folie de ne pas reconnaître la vérité dans la religion catholique! quelle folie de ne pas voir le mensonge dans toute autre religion!
« Donc, ma fille, ceux-là n'ont pas la vraie religion qui n'ont pas une religion ayant les signes d’unité, de sainteté, d’apostolicité et d’universalité dont je vous ai parlé. »
Le Sauveur Jésus m'a encore parlé ainsi : « Si vous considérez la religion comme acte par lequel vous remplissez vos devoirs envers la Divinité, cet acte peut se présenter à vous comme bon ou comme mauvais.
« Cet acte de religion est bon quand il est l’accomplissement d'un devoir envers le Dieu véritable qui est au ciel; il est mauvais s'il se rapporte à d'autres dieux. Voilà pourquoi tous les actes de religion des païens étaient mauvais; il est mauvais encore quand, se rapportant à Dieu, cet acte n'est pas selon la manière dont Dieu l'a prescrit. Ainsi aujourd'hui les actes de la religion judaïque sont mauvais, parce qu'ils sont prohibés par la religion que j'ai établie. »

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 2

Un autre jour, il s’exprima ainsi : « Il est nécessaire à l'homme d’avoir une religion et d’avoir la vraie religion. L’homme sans religion n'est pas un homme. Qu’est-ce qu'être un homme? C’est être vivant avec un corps et une âme raisonnable, et accomplir les devoirs qui sont inhérents à cette existence par rapport à toutes choses.
« Or, quels sont les premiers devoirs que l'homme a à remplir? Ce sont les devoirs vis-à-vis de Celui de qui il a tout reçu, l’existence, la vie, le mouvement, la raison. Ce sont les devoirs vis-à-vis son créateur, son bienfaiteur et son Dieu. Ne pas rendre à Dieu les devoirs qu'on lui doit, c'est se séparer de lui, c'est n’être plus uni à lui, c'est l’offenser. L'homme est fait pourtant pour vivre uni à Dieu, pour lui appartenir, pour le servir. Ne pas agir ainsi, c'est manquer sa fin, c'est n'être pas homme, c'est devenir l'être le plus vil, le plus bas qu'on puisse trouver, c'est l’ingratitude la plus noire et la plus flétrissante envers Dieu.
« Quels sont les seconds devoirs de l'homme? Les devoirs envers lui-même. Or, un homme sans religion ne remplit pas ses devoirs envers lui-même. Il ne se rend pas Dieu propice, il n’attire pas sur lui ses bénédictions, il ne travaille point pour l’éternité, il n’embellit pas son âme de vertus, il ne résiste point à ses passions, il ne marche pas dans la voie du salut, il marche vers l’éternelle damnation. Un homme sans religion n'est pas un homme, car il ne vit point pour perfectionner sa vie, mais pour la détruire à jamais.
« Quels sont les troisièmes devoirs de l'homme? Les devoirs envers ses semblables. Or, un homme sans religion, comment s’acquittera-t-il de ses devoirs par rapport à la société? Seront-ils dictés par la charité? Non. Par la justice? Non. Il trompera, il travaillera avec égoïsme et se séparera de ses frères. Un homme sans religion n'est pas un homme; car l'homme est fait pour vivre en société, et l'homme sans religion, loin d’entretenir et de vivifier la société, travaille à sa perte. Oui, ma fille; et vainement parmi les hommes se persuade-t-on qu’un homme sans religion a de la probité, qu'il est juste, honnête, charitable, bon; il n’en est rien, la religion seule donne force à ces vertus. Là où il n'y a point de religion, il n'y a en général que duplicité, égoïsme, mensonge.
« La religion, ma fille, est seule le véritable lien de la société, non-seulement visible, mais encore invisible. Elle est le lien entre Dieu comme je vis en société avec mon Père en l’unité du Saint-Esprit. Elle est le lien entre l'homme et les anges, ministres de Dieu pour le service et le bonheur de l'homme. Elle est le lien entre l'homme et l'homme sur la terre, et cette société se continuera dans l'éternité, et ces trois sociétés n’en feront plus qu'une, la société du Créateur avec ses créatures.
« Pour opérer cette société, il faut la religion : la religion seule en effet peut l’opérer; de là vous pouvez juger combien elle est nécessaire.
« Vous allez encore mieux comprendre sa nécessité par ce que Dieu opère dans les hommes par rapport à la religion. Il ne veut pas seulement que la religion consiste dans l’accomplissement des devoirs fixés par lui-même. Il a voulu faire de la religion une inclination, un mouvement du cœur, une habitude de l'âme qui pousse l'homme à accomplir ses devoirs de religion. Cette habitude, cette inclination, cette vertu de religion est donnée à toute âme avec la grâce sanctifiante, elle lui facilite l’accomplissement de ses devoirs, elle demeure en elle autant que la grâce sanctifiante, croissant, diminuant ou disparaissant avec elle, pour revenir croître et grandir encore avec le retour, l’accroissement et le développement de cette même grâce. »

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 3

Un autre jour, j’entendis la voix du Sauveur Jésus : « Je romprai mon silence, dit-il, j’élèverai ma voix; que tous les hommes entendent les paroles de vérité qui sortent de ma bouche : Peuples de la terre, rassemblez-vous, prêtez l’oreille, écoutez ce que dit le Seigneur votre Dieu; princes, roi et sujets, approchez-vous, prêtez l’oreille, écoutez ce que dit le Seigneur votre Dieu; grands et petits, riches et pauvres, savants et ignorants, accourez, prêtez l’oreille, écoutez ce que dit le Seigneur votre Dieu. Voici ses paroles, elles sont paroles de vérité : Je suis un en trois personnes; chacune de ces trois personnes est Dieu; ces trois personnes ne font qu’un seul Dieu. Je me suis fait homme, en prenant un corps et une âme auxquels j'ai uni ma divinité, et par cette union j'ai été Dieu et homme tout ensemble. Il y a en moi deux natures : la nature divine et la nature humaine; mais il n'y a qu'une personne, la personne du Fils de Dieu fait homme. Il était nécessaire que je me fisse homme, pour rendre réparation à Dieu de l'offense de l'homme. Dieu a trouvé cette réparation dans le sacrifice de ma vie que je lui ai offerte sur le Calvaire. Je suis ressuscité trois jours après ma mort par la puissance de ma divinité; après ma résurrection, je suis monté au ciel. Je suis encore sur la terre d’une manière invisible par le très-saint sacrement de l’autel dans lequel je suis véritablement présent avec mon corps, mon sang, mon âme et ma divinité. La sainte Vierge Marie conçue sans péchés est ma mère. Elle m’a conçu dans son chaste sein par l’opération du Saint-Esprit; elle n'a jamais connu d’homme; elle a toujours été vierge avant, pendant et après ma conception. Vous mourrez tous, et quand le monde sera fini vous ressusciterez. Après la mort, vous serez jugés sur votre vie; si elle est bonne, juste et sainte, vous jouirez du bonheur du ciel; si vous êtes surpris dans l’injustice et l'iniquité, vous serez condamnés au feu éternel. Le paradis est le lieu de la récompense des saints, l'enfer celui de la punition des pécheurs. Le purgatoire est destiné à l’expiation complète des péchés de ceux qui meurent en état de grâce, mais qui n'ont point satisfait complètement à la justice divine.
« Voilà les principales vérités de la religion. Pourquoi luttez-vous contre ses vérités que toute la terre a reconnues? Ne vous laissez pas conduire par votre jugement, vos caprices ni vos passions. Si vous avez des doutes, des difficultés, soumettez-les à l’Église, votre mère et mon épouse; écoutez sa voix comme ma voix, c'est moi qui parle par sa bouche. Elle résoudra toutes vos difficultés et dissipera tous vos doutes. Enfants, ne vous séparez jamais de votre Père du ciel : celui qui se sépare de lui, quitte la maison paternelle et n’aura point de part à l’héritage promis. L’ennemi du père de famille est venu dans son champ pour y semer l’ivraie; gardez-vous de ramasser l’ivraie; elle serait pour vous l’occasion d’une mort éternelle. Malheur et trois fois malheur à celui qui écoute la voix de l’ennemi du père de famille! bonheur et trois fois bonheur à celui qui écoute ma parole! La parole de l’ennemi du père de famille est une parole de mort; ma parole est une parole de vie. »
Puis le Seigneur Jésus se retourna vers moi et me dit : « Ma fille, aimez votre religion, elle vous mènera à Dieu; pratiquez votre religion, elle vous obtiendra le bonheur de posséder Dieu éternellement; aimez Dieu, honorez-le, rendez-lui vos devoirs du fond de votre cœur et du plus intime de votre cœur; mais témoignez à Dieu votre amour, rendez-lui vos devoirs par la pratique des œuvres extérieures qu'il demande de vous. Ne séparez jamais complètement la religion intérieure de la religion extérieure. La religion extérieure alimente la religion intérieure du cœur, et la religion intérieure est l'âme, la vie de la religion extérieure. Joindre l’une à l'autre c'est avoir la vraie religion, c'est accomplir la volonté de mon Père, c'est édifier son prochain, c'est vivre pour Dieu, vivre pour soi, vivre pour ses frères. Ma fille, gardez ces instructions, allez en paix, je vous bénis. » Je me prosternai sous la main du Sauveur Jésus, et lui fis l’offrande de mon cœur comme garant de ma gratitude et de ma soumission à sa volonté.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 4

J’avais lu un jour cette parole de nos saints Livres : Le Seigneur est le Dieu des sciences. Le Sauveur Jésus vint à moi et me dit : « Ma fille, la science n'est autre chose que la connaissance de ce que Dieu a fait. Lui qui connaît le mieux les œuvres de Dieu au ciel, sur la terre et dans l'homme, celui-là est l'homme le plus savant. Or, comme Dieu a fait toutes choses, et qu'il les connaît, il est appelé avec raison le Dieu des sciences. La science est une chose fort utile; elle peut être, elle est souvent très-dangereuse et très-funeste. Elle est fort utile quand elle élève l'esprit vers Celui de qui tout est sorti; elle est dangereuse et funeste quand l'esprit, au lieu de s’élever à Dieu, demeure attaché à la terre pour ne considérer que les choses visibles. Parmi les sciences, il n'y en a qu'une seule de nécessaire. Cette science surpasse toute autre science. Celui qui la possède est assez savant quand il ignorerait toutes les autres, et celui qui ne la possède pas, fût-il le plus savant des hommes, n'est qu'un ignorant.
« La seule science nécessaire, c'est la science de Dieu, la science de sa volonté, la science de ses commandements, la science de la voie qui mène vers lui, la science des moyens qui vous attachent à lui. Voilà ma doctrine, ma fille, elle est opposée à celle du monde.
« Demandez aux hommes : Quelle est de toutes les sciences la plus utile, la plus intéressante, la plus belle? Celui-ci vous dira est la science du mouvement des astres, celui-là la science des phénomènes physiques; l’un la science des travaux des champs, l'autre la science du gouvernement des peuples; d’autres enfin la science des diverses maladies qui affligent le corps et des remèdes qui les font disparaître. Ainsi chacun vous répondra selon l’inclination de son esprit, et pas un ne nommera la seule véritable science, la science du salut.
« Interrogez un petit enfant instruit des principales vérités de la religion, demandez-lui : « Que deviendront les astres à la fin du monde? Il répondra; Les astres ne donneront plus leur lumière, ils perdront leur mouvement et seront anéantis. Demandez-lui : Que deviendront le jour et la nuit, les éclairs et les tonnerres, la grêle et les vents? Il répondra; Tous ces phénomènes disparaîtront et seront anéantis. Demandez-lui : Que deviendront les champs et leurs moissons, les jardins et leurs fruits, les habitations des hommes et les palais des rois? Il répondra : Ils seront anéantis. Demandez-lui : Que deviendront les peuples, les nations et ceux qui les gouvernent? Il répondra : Il n'y aura plus de peuples, il n'y aura plus de nations, il n'y aura plus de gouvernements, il n'y aura que le ciel et l’enfer, Dieu et ses élus, Satan et ses damnés.
« Oui, tout ce qui est au monde passera, et savoir ces choses, c'est avoir la science de ce qui doit avoir un terme, une fin.
« La science qui ne passera pas, c'est la science de Dieu, la science de ce que Dieu a fait pour vous, la science des moyens qui vous portent vers lui. Car Dieu est éternel, et une fois unie à lui, vous le posséderez à jamais. Cherchez, ma fille, à acquérir cette science, cherchez à l’augmenter, à la perfectionner. Cette science ne passera pas, elle demeurera toujours en vous, et quand votre âme sera dépouillée de votre corps et qu’elle comprendra mieux par cette séparation de quelle manière elle doit tout juger, vous vous estimerez heureuse d’avoir eu la seule science véritable, parce qu'elle vous a fait connaître Dieu et vous a unie à lui. Oui, ma fille, vous vous estimerez heureuse de n'avoir même eu que cette science, et vous plaindrez ces hommes qui ont constamment occupé leur esprit de sciences naturelles ou physiques, et qui jamais par la création n'ont su remonter au Créateur. »

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 5

« Un autre jour, après la sainte communion, je me tenais à la porte de mon cœur, prosternée profondément, attendant que Jésus vient me parler. Il vient à moi, me prit par la main et s’assit sur son trône. Je restai à genoux à ses pieds, confuse et humiliée du peu de dévotion que j'avais eu ce jour-là. J’attendais en silence. Jésus me parla ainsi : « Le sage et l'insensé, ma fille, trouveront l’un et l'autre la vérité, mais d’une manière différente. Beaucoup d’hommes sont réputés sages; ils le sont, en effet, selon le monde; mais leur sagesse s’évanouira, et ils seront trouvés insensés auprès de Dieu. Beaucoup d’autres sont jugés comme des insensés, mais leur folie disparaîtra, et Dieu trouvera que la véritable sagesse était en eux, parce qu'ils avaient la folie de ma croix. Cet insensé est humble, je l’élèverai; j’abaisserai au contraire ce sage qui est orgueilleux, et il ne se relèvera point.
« Cet homme sage selon le monde recherche la gloire et la grandeur. Il sacrifie pour cela son repos, il se livre à l'étude, il s’expose à toutes sortes de dangers, il ne craint rien, il ferait tout pour obtenir un nom illustre et glorieux. Eh bien! ma fille, cet homme qui ne néglige rien pour arriver à son but, qui prévoit tous les embarras et les évite, cet homme est un insensé, et malgré sa folie, il trouvera la vérité. Il la trouvera à l'heure de la mort. Alors il verra son aveuglement, son illusion. La gloire et l’estime du monde ne seront plus rien pour lui; il comprendra la vanité des honneurs et des louanges. Malheureux que je suis, s’écriera-t-il, que me sert d'avoir fidèlement rempli mes devoirs selon le monde, d'avoir été un homme juste, un homme savant, un homme dont le nom passera à la postérité, à cause de mes recherches, de mes travaux, de mes lumières? J’ai tout fait pour le monde et rien pour Dieu! De quoi me servent ces peines, ces fatigues, cette gloire, cette illustration? Tout cela est vanité, et mes mains sont vides pour me présenter à Dieu.
« Cet homme insensé, selon le monde, recherche l’humilité, recherche l'abaissement. Il fuit l’ostentation : il ne travaille point pour se faire un nom illustre, mais pour plaire à Dieu. Il n'a en vue que les intérêts de Dieu. Quand une croix se présente sur le chemin de sa vie, il ne la rejette pas, il la saisit avec empressement; il rend le bien pour le mal, il aime ses ennemis, il prend même leur défense. Il se détache des biens de la terre pour s’attacher à Dieu. Et cette conduite, le monde l’appelle folie. Elle est folie, en effet; folie de ma croix, folie de ma croix qui humilie, folie de ma croix qui abaisse, folie de ma croix qui pardonne, folie de ma croix qui embrasse tous les hommes, folie de ma croix qui unit à Dieu. Cette folie c'est la vraie sagesse, ma fille, et ce fou, trouvé sage aux yeux de Dieu, viendra prendre part dans le royaume de ma gloire.
« Quelle différence entre ces deux hommes, dont l'un est guidé par la sagesse humaine et l’autre par la sagesse divine. Le premier juge, voit, combien, règle toutes choses d’après les lumières de sa raison; et le second, d'après les lumières de la foi. Le premier n’aura que l’estime des hommes, ce sera là sa récompense. Le second aura l’estime des anges et de Dieu, et cette estime durera toujours. Le premier aura bâti son édifice sur le sable mouvant et il sera ruiné. Le second l’aura élevé sur la pierre ferme, il restera debout pendant les siècles des siècles.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 6

Le Sauveur Jésus m’a encore dit dans une autre circonstance : « Ma fille, je vous ai parlé de la religion; il suffit de la connaître, ce semble, pour l’aimer; car on aime naturellement ce qui est beau, ce qui est bien, ce qui est parfait, et quoi de plus beau, quoi de meilleur, quoi de plus parfait que ma religion? Voyez cependant les hommes. Ils n’ont d’yeux pour contempler ce chef-d’œuvre du Très-Haut, ils n’en ont que pour la terre. Ils n'ont point d’yeux pour considérer quels sont leurs devoirs envers leur Créateur, et ils rampent terre à terre près de certaines créatures. Ils n’en ont point pour s’arrêter à la vue de leurs intérêts de l'éternité, ils n’en ont que pour leurs intérêts matériels et passagers de ce monde. Quel aveuglement! Oublier Dieu, ne pas lui rendre les hommages qu'il mérite, préférer l’or, l’argent, les richesses, les plaisirs, les honneurs, la gloire de la terre aux richesses du ciel, à la félicité du ciel, à la gloire du ciel! Et combien est grand le nombre de ceux qui agissent ainsi! Plusieurs pourtant croient pratiquer leur religion. Que font-ils pour cela? Ils consultent leurs goûts, leurs inclinations, suivent même quelquefois l’entraînement de leurs passions. Combien qui prient, mais seulement du bout des lèvres; combien qui prient, mais sans attention, sans respect pour Dieu, sans amour pour lui. Voyez-les dans le lieu saint. L’église est une maison de prières; l’église est le lieu de ma résidence, celui où j’habite corporellement, celui que je remplis de ma gloire et où les anges tremblants viennent m’adorer en silence; le lieu où je m’immole chaque jour de nouveau pour le salut du monde; le lieu de la naissance spirituelle de l'homme; le lieu où son âme vient puiser de nouvelles forces; le lieu où il reçoit le pain de la parole; le lieu où après sa mort il sera transporté, afin de recevoir une dernière bénédiction. L’église, c'est bien la maison de Dieu, c'est aussi la maison du chrétien, c'est le lieu de la réunion de la grande famille, du père avec ses enfants. Comment agissent la plupart des hommes dans l’Église? Ils entrent dans ce lieu sans se demander où ils vont; sans se demander qui ils vont visiter et honorer; ils sont distraits, se mettent à genoux machinalement, sans attention, prononçant quelques prières et tout est là. Pendant qu'ils sont dans ce lieu, leur esprit n'est nullement occupé de ce qui s'y passe; ils parlent entre eux, ils s’occupent de leurs affaires temporelles, et tandis que tout leur parle de l’éternité, ils ne songent qu’à la vie du temps. Pour eux, assister aux offices divins, c'est avoir accompli les devoirs de la religion, et souvent ils n'y viennent que pour se faire voir, pour voir leurs amis, comme en un lieu de réunion, pour entendre une belle parole, par habitude. Leur cœur n'a été nullement touché. En quittant le lieu saint, ils iront se livrer à leurs divertissements, à leurs jeux, à leurs distractions qui souvent sont divertissements, jeux et distractions dans le péché.
« Pensez-vous qu’agir ainsi c'est pratiquer sa religion? Non, ma fille; c'est être indifférent pour elle; c'est plus que de l’indifférence, c'est un oubli complet de sa religion.
« Que dire donc de ceux qui se contentent de ne point violer les commandements que la loi des hommes elle-même ne permet pas de violer? Ah! ma fille, c'est de l’impiété, et l’impie est repoussé par Dieu au jour de sa justice; l’impie est privé de la vue de Dieu au jour du jugement; l’impie reçoit ce qu'il mérite, c'est l’enfer; ce qu'il mérite, c'est le courroux et la malédiction de Dieu dont le poids l’accablera à jamais.
« N’imitez pas ces hommes indifférents, ces hommes coupables, ces hommes impies; comprenez mieux votre religion. Que la pratique de la religion soit un hommage parti de votre cœur pour aller à Dieu, et Dieu l’agréera, Dieu le recevra et vous préparera une récompense digne de sa magnificence souveraine et de sa libéralité infinie. »

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 7

« Le Sauveur Jésus m'a dit un jour : « Dieu, ma fille, a fait l'homme roi. Le royaume de l'homme, c'est son propre cœur. Ce roi n'est pas indépendant. Il est de sa nature roi tributaire; car il a toujours au-dessus de lui la puissance de Dieu ou celle de Satan, et il est toujours soumis à l’une ou à l’autre. Il est soumis à celui auquel il paie le tribut de son cœur, de son âme, de ses facultés, de tout lui-même. Voyez l'homme : il est en face de Dieu et de Satan; Dieu et Satan veulent être son maître et se présentent à l'homme. Que fait l'homme? Il délibère sur le choix qu'il doit faire du prince des ténèbres, ou du monarque éternel des cieux.
« Dieu lui rappelle tout ce qu'il a fait pour lui, lui promet, s'il s’engage dans son service, les secours nécessaires pour vaincre ses ennemis et lui assure, s'il est fidèle, une récompense sans bornes, un bonheur qui ne finira jamais. S’il l’abandonne, au contraire, pour suivre le parti de Satan, avec son inimitié, il lui réserve une peine éternelle.
« De son côté, Satan promet à l'homme biens, honneurs, gloire, estime du monde, plaisirs, amusements, vie commode et aisée, tandis que s'il prend le parti de Dieu, lui, Satan, jure à l'homme haine implacable, et lui promet persécutions et peines de toute sorte.
« Alors, celui qui veut rendre gloire à Dieu et se donner à lui (est-il rien de plus juste?) s’enrôle sous sa bannière, le reconnaît pour roi, se consacre et se dévoue tout entier à son service, lui ouvre son cœur comme les portes d’une ville à un souverain, et jure d’en interdire l’entrée à Satan qu'il combattra toujours, dont il repoussera toute proposition d’infidélité, afin de demeurer à jamais fidèle à Celui qu'il a choisi pour son seigneur et maître.
« Celui, au contraire, qui plie sa tête sous le joug de Satan, ne craint point de renoncer à Dieu et de lui préférer l’ange rebelle des enfers. Quel outrage et quelle injure ne fait-il pas à Dieu en agissant ainsi? De quelle injustice ne se rend-il pas coupable en méprisant les promesses et les menaces de Dieu, en oubliant tout ce qu’il a fait pour lui, en choisissant Satan pour son roi? Comment appeler surtout la conduite de celui qui ayant choisi d’abord le Seigneur pour son maître et souverain, se révolte contre lui, lui refuse obéissance et soumission, le détrône de son cœur, le chasse pour mettre à sa place Satan, qui l’a trompé par ses mensonges et ses suggestions perverses et malignes?
« Admirez pourtant la bonté de Dieu. Il ne punit pas immédiatement cet ingrat; il le rappelle à lui, l’avertit avec douceur, lui offre son pardon et sa grâce, lui parle au cœur tantôt par sa voix secrète et intime, tantôt par celle de sa conscience, tantôt enfin par celle de ses ministres. Quand le pécheur n’est pas sourd à cette voix, Dieu l’accueille avec bonté, le reçoit avec amour, le presse dans ses bras, oublie tout le passé. O charité et charité de Dieu pour l'homme! Quand le pécheur résiste à Dieu, Dieu l’attend encore jusqu’au jour de sa justice, et combien de pécheurs résistent à Dieu! O ingratitude et ingratitude de l'homme pour Dieu! »

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 8

« Ma fille, il est juste, m'a dit le Sauveur Jésus, de servir Dieu dès sa jeunesse et de lui consacrer ses premières années, car il est le Maître de la vie, et il n'est aucun temps où l'homme ne doive le servir. Il en arrive pourtant tout autrement, et comme si Dieu ne méritait pas qu'ils lui donnassent le plus beau temps de leur existence, les hommes la donnent au monde, au péché, au désordre. Dès que le monde peut les recevoir dans son sein, ne voyez-vous pas les jeunes gens se livrer à toutes sortes d’iniquités, en donnant un libre cours à leurs passions et ne faisant rien pour les maîtriser? Que donneront-ils à Dieu? Une vieillesse décrépite et caduque, une vieillesse dont ce monde ne voudra plus, un corps usé par le vice; mais la vieillesse, qui donc la leur a promise? Et si Dieu les surprend, si Dieu les arrête, si Dieu les frappe au milieu de leurs désordres et de leurs crimes, que répondront-ils à Dieu? Quelle excuse peut-on apporter? La violence des passions? Il n'y a pas de passion qui puisse lutter contre ma grâce, et ma grâce est donnée à tous. Ma grâce brise les passions comme un cristal lancé contre un rocher de la mer.
« Quelle excuse peut-on apporter? La jeunesse? Mais c'est précisément dans la jeunesse qu'on doit servir Dieu; c'est alors qu'on doit consacrer à Dieu ses premières affections, parce qu'il est l’auteur et le conservateur de la vie. N’est-ce pas lui faire injure que de lui ravir ces prémices de l’existence, ces jours où l’on a plus de force et de vigueur pour le servir? Comment trouverait-on une excuse, dans la jeunesse? N'est-ce pas alors plus que jamais qu'on doit se rappeler les promesses faites à Dieu au baptême de renoncer au monde, à ses pompes et à ses œuvres, de renoncer au Démon et à ses inspirations pour s’attacher à Dieu? Est-ce que dans le baptême on réserve pour soi, c’est-à-dire pour le péché, le temps de la jeunesse? Ne s’engage-t-on pas sans réserve par le baptême à donner sa vie à Dieu, à obéir à ses commandements? Et s'il n'y a pas de réserve dans la promesse, ne doit-on pas la tenir dans son entier? Il n'y a pas de raison pour ne point servir Dieu dans sa jeunesse. Il faut que jeunesse passe. Il le faut, ma fille, il est vrai; c'est une nécessité; et qu'on le veuille ou non, elle passe avec rapidité. Mais faut-il qu'elle passe dans le crime, dans le péché, dans la corruption, dans l’éloignement de Dieu, dans son inimitié? Parler ainsi, c'est blasphémer! Est-ce que le mal pourrait être excusé dans n’importe quel temps de la vie? Et pourquoi donc serait-il plus permis d’offenser Dieu dans la jeunesse que dans l’âge mûr? dans l’âge mûr que dans la vieillesse? Dieu ne saurait-il donc pas fournir à ceux qui sont jeunes un aliment suffisant à la force et à la vivacité de la jeunesse? Le vice mérite-t-il, pour l’emploi des forces qu'on a, le pas sur la vertu? ou Dieu, pendant la jeunesse, vaut-il moins que le monde! Dieu ne peut-il être apprécié et le monde perdre toute valeur que dans la vieillesse de celui qui les considère l’un et l’autre? Insensés sont ceux qui pensent ainsi? Être chrétien, c'est être comme j'étais pendant que j’habitais la terre. N’ai-je point honoré mon Père pendant ma jeunesse? J'étais Dieu et ne pouvais agir autrement. Marie n’a-t-elle pas honoré Dieu pendant sa jeunesse? Saint Jean-Baptiste ne l’a-t-il pas honoré aussi? Et tant de saints dont la jeunesse n’a été qu'un continuel hommage à Dieu et à ses perfections? Tous doivent agir ainsi : servir Dieu pendant le jeune âge, afin de se le rendre favorable pour la vieillesse. Tous doivent servir Dieu quand ils peuvent le servir, ne pas renvoyer à un temps éloigné qui ne leur appartient pas. N’oubliez jamais cette parole : L’homme suivra dans sa vieillesse le chemin qu'il aura pratiqué dans sa jeunesse.
« Quelle excuse peut-on apporter? Les occasions de la vie? Considérez ces occasions, ma fille; il y en a de trois sortes : les unes sont nécessaires, les autres de circonstance, et les dernières dangereuses ou défendues. Or, je vous le demande, peut-on s’excuser sur une occasion qu'on avait ordre de fuir à cause du danger ou du mal qui était en elle? Cette occasion est dangereuse, elle est mauvaise; vous êtes faible, vous êtes passionnée, ne méritez-vous pas condamnation si vous vous y exposez? Vous vous exposez, vous succombez; cette chute vous entraîne dans une autre, et ainsi vous tombez dans l’abîme. Du fond de cet abîme remontez au principe de votre perte, et vous verrez que cette occasion dangereuse à laquelle vous vous êtes exposée a été la cause de votre malheur. Les occasions de nécessité ne vous seront nuisibles qu’autant que votre cœur sera mauvais, c’est-à-dire autant qu'il voudra faire le mal. Les occasions de circonstance ne peuvent vous nuire non plus, parce que vous avez toujours, en ces circonstances, la grâce de Dieu pour soutien et pour appui. Plus la tentation est forte, plus la grâce est considérable; plus le danger est grand et plus grand aussi devient le secours de Dieu. Comment donc les occasions pourraient-elles servir d’excuse? Est-ce que tous les saints ne se sont pas trouvés en toutes sortes d’occasions sans les chercher? Que font-ils alors? Ils prient, ils gémissent, ils invoquent Dieu, et Dieu vient à leur aide pour les rendre victorieux et triomphants.
« La jeunesse doit servir Dieu, ou bien malheur aux familles, aux cités, aux empires dont la jeunesse s’éloigne de Dieu. La malédiction céleste tombe sur ces empires, ces cités, ces familles. Voyez cette famille dont les jeunes gens sont irréligieux, débauchés, libertins, que de chagrins ils causent à leurs parents par leur désobéissance et leur indocilité; que de peines par la dissipation de leur fortune! Ne sont-ils pas souvent la cause d’une ruine complète et des malheurs les plus graves? Ainsi, la mauvaise conduite des enfants attire sur les parents, qui ne les ont pas corrigés, la colère de Dieu. Souvent même Dieu attendait là les parents dont la jeunesse s'était passée dans le crime et le désordre.
« Et quand cette inconduite, cette irréligion, cet abandon de Dieu est général parmi la jeunesse d’une cité; quand on n'y voit que crimes et abominations; quand les assemblées nocturnes succèdent aux rendez-vous clandestins; quand, à la faveur de l’ombre des nuits on s’est familiarisé avec le vice; quand on ne craint plus de faire le mal en plein jour, alors qui pourra dire les désastres produits dans cette cité par la jeunesse qui s’est détournée de la voie de Dieu, qui a oublié ses promesses du baptême, ses promesses de la communion première à mon corps et à mon sang, ses joies dans le service de mon Père, joies sans trouble et sans remords. La corruption devient générale : de la jeunesse elle passe à l’enfance, qui est excitée au mal par la vue du mal; elle passe à l’âge mûr et à la vieillesse, qui, revenant par le souvenir au temps de la jeunesse, se complait dans sa corruption d’autrefois et la renouvelle par la pensée et le désir. Comment cette cité pourra-t-elle recevoir les bénédictions de Dieu? Tous ses habitants se sont élevés contre lui. Le feu du ciel est prêt à tomber sur eux, et si la miséricorde de Dieu retient les foudres des sa justice dans le temps, elle ne les retiendra pas dans l’éternité.
« Quel bonheur et quelle félicité, au contraire, pour une famille dont les jeunes gens et les jeunes filles vivent selon Dieu en le servant fidèlement. Servir Dieu, c'est servir son Père et sa mère, c'est se servir sois-même, c'est servir les intérêts de cette vie et ceux de la vie future. C'est servir son Père et sa mère; c'est les honorer, les respecter, leur être soumis, les aimer, c'est faire leur joie, c'est être leur couronne sur la terre. Pourrait-on plaire à Dieu et déplaire à ses parents? Pourrait-on faire ce que Dieu commande et désobéir à ses parents? Non, ma fille, car Dieu ordonne à chacun d’honorer son père et sa mère, d’obéir à son père et à sa mère, de les respecter, de les aimer.
« Servir Dieu, c'est se servir sois-même. Quel est le service que les jeunes gens ou les jeunes filles doivent se rendre à eux-mêmes? C’est de travailler à leur bonheur ici-bas et dans le ciel. Or, le bonheur, la tranquillité, ne sont que dans le service de Dieu ici-bas; il en est de même pour l’autre vie. Car le ciel n'est que la récompense de la fidélité à Dieu.
« Servir Dieu, c'est servir ses intérêts pour cette vie et ceux de la vie future. Les jeunes gens, attachés à Dieu, marchent dans le chemin de l'ordre. Or, l’ordre, c'est le travail; l’ordre, c'est l'économie; l’ordre, c'est la paix avec tous; l’ordre, c'est le bien en tout, c'est la fuite du mal, c'est la fuite des dépenses folles ou inutiles; et là où règne l’ordre, là règne toujours l'abondance; c'est là une conséquence nécessaire de l’ordre. Ajoutez à cela la bénédiction de Dieu qui féconde le travail, qui favorise en tout ceux qui le servent, et vous comprendrez bien que servir Dieu, c'est servir ses intérêts, même temporels. C'est servir surtout ses intérêts spirituels. Les intérêts spirituels d’une âme, c'est la grâce ici-bas; la participation par la grâce à la vie divine; et, après la mort, la possession de Dieu. Or, cela ne s’obtient que par le service fidèle de Dieu, et celui qui, dans sa jeunesse, sert Dieu fidèlement, celui qui s’attache à lui de plus en plus, augmente chaque jour ses trésors pour l’éternité.
« Heureuse la famille qui possède une jeunesse ainsi fidèle à Dieu, ainsi dévouée à Dieu, ainsi attachée à Dieu! La paix est dans cette famille. Elle goûte combien il est heureux pour des frères de vivre unis ensemble par une même volonté, une même pensée, une même loi, un même but, unis en Dieu.
« Heureuses les cités qui possèdent une jeunesse nombreuse qui sert Dieu fidèlement! Cette jeunesse est comme une semence féconde qui portera au centuple; cette jeunesse est comme un abri qui protégera la cité contre la colère de Dieu; cette jeunesse est comme une voix toute-puissante qui monte vers Dieu, touche son cœur, et obtient de lui bénédiction pour la cité qu'elle habite; cette jeunesse est un spectacle admirable pour le ciel et pour la terre, et la terre s’écrie : Bonheur à cette cité! Et le ciel dit à son tour : Gloire à cette cité! Cette jeunesse est un objet d’effroi pour l'enfer et les démons. Devant elle, la corruption épouvantée s’enfuit. Les paroles déshonnêtes ne se font plus entendre; l’entraînement vers les plaisirs défendus est arrêté, et la force du bon exemple rend vaines les tentations de Satan.
« Jeunesse amie de Dieu, jeunesse fidèle à Dieu, jeunesse dévouée à Dieu, réjouissez-vous, vous grandirez en âge et en vertu; vous croîtrez pour combattre les combats du Seigneur; vous vivrez pour augmenter vos mérites; vous passerez ensuite du séjour de l'espérance à celui de la possession.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 9

Le Sauveur Jésus, un jour, s’exprima ainsi : « J’ai élevé ma voix et j'ai dit aux enfants des hommes : O hommes! que cherchez-vous? Une voix unanime, venue des quatre coins de la terre, se fit entendre en disant : Le bonheur!… Je leur demandai : Où cherchez-vous le bonheur? Et chacun répondit selon les inclinations de son cœur. Je m’adressai à l'avare et lui dis : O homme! où cherchez-vous le bonheur? Il répondit : Dans la possession de l'or et de l’argent. – Non, non, détrompez-vous, lui dis-je, le bonheur n'est point dans la possession de l’or et de l’argent.
« Je m’adressai au vindicatif, à l'ambitieux, à l’orgueilleux, au voluptueux, au mondain de tout âge et de toute condition, et je leur dis : Détrompez-vous, le bonheur n'est pas dans la vengeance, ni dans les biens, les honneurs, les gloires de la terre, ni dans les aises et les commodités de la vie, ni dans les satisfactions et les plaisirs de la chair, ni dans les amusements et les joies du monde.
« Alors, une voix immense se fit entendre et dit : Où donc est le bonheur?
« Je m’adressai à un jeune homme et à une jeune fille, qui l’un et l’autre servaient Dieu fidèlement, observaient ses commandements, marchaient en sa présence et lui offraient l’hommage de leur cœur. Je leur demandai : Que cherchez-vous? Ils répondirent aussi : Le bonheur. – L'avez-vous trouvé? – Oui, Seigneur. – Où? – Dans le service de Dieu, la fidélité à ses commandements, l’amour que nous avons pour lui. – En vérité, leur dis-je, vous avez bien cherché, et vous avez trouvé. Le bonheur est dans le service de Dieu, dans l’observation de ses commandements, dans le don qu'on lui fait de tous les mouvements de son propre cœur.
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Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847) Empty Re: Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847)

Message par Her Mar 12 Avr - 8:27

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Livre 5
De la religion en général et de la religion chrétienne en particulier.


LIVRE CINQUIÈME, chapitre 10

Un jour le Sauveur Jésus me parla ainsi : « Ma fille, ce ne sont pas ceux qui écoutent ma parole qui seront justifiés, mais ceux qui la pratiquent. Vous vous rappelez la parabole de la semence et l’explication que j’en ai donnée, là se trouve la vérité rendue sensible de ce que je vous dis à cette heure. Les personnes qui écoutent ma parole, mais qui ont leur esprit distrait et occupé de mille pensées étrangères, ne seront point justifiées par elle. Leur cœur est comme un grand chemin ouvert à tout venant; ma parole ne produit pas de fruit dans ces âmes.
« Les personnes qui écoutent ma parole, mais qui sont insensibles, ne seront point justifiées par elle. Cette insensibilité peut affecter l'esprit et le coeur. L’insensibilité de l’esprit est une espèce d’aveuglement qui empêche de comprendre ce qu’exprime ma parole; l’insensibilité du cœur suit ordinairement celle de l’esprit. Ce que l’esprit ne comprend point, le cœur ne le goûte point; quelque-fois pourtant l’insensibilité du cœur est seule et n'est point précédée de l’insensibilité de l'esprit; cette insensibilité est un manque de goût qui empêche ma parole de produire des fruits dans ces âmes. Ces âmes ressemblent au chemin pierreux qui reçoit la semence, mais qui n’a point d’humidité ni de suc nourricier pour l’entretenir et la faire vivre.
« Les personnes qui écoutent ma parole, mais qui sont immortifiées, ne seront point vivifiées par elle. L’immortification laisse pousser dans l’âme des épines qui la blessent, qui la déchirent et qui empêchent le bien de se faire en ces âmes; elles reçoivent la parole de Dieu, elles la goûtent, mais ne veulent point se mortifier pour modifier ce qu'il y a de vicieux en elles. Elles ne font point d’efforts, elles ne prennent point de résolutions, ou bien ces résolutions ne sont point exécutées ou ne le sont que pendant quelque temps. Ma parole germe comme la semence, croît, produit du fruit, mais ce fruit est bientôt étouffé par les passions, ces épines de l'âme.
« Que faut-il donc, ma fille, pour être justifié par ma parole? Il faut trois choses : l’écouter, la retenir, et la retenir dans un coeur bon et bien disposé. Si on ne l’écoute pas, c'est comme si elle ne se faisait point entendre; si on ne la retient pas, c'est comme si on ne m’avait point entendue; enfin, si le cœur n'est pas bon et bien disposé, elle devient inutile, parce qu'elle ne peut agir.
« Écoutez donc la parole de Dieu, quel que soit celui qui vous la fera entendre. N’examinez point ni sa diction, ni sa facilité à parler, ni la manière dont il vous présente les choses; écoutez-la uniquement parce que c'est la parole de Dieu.
« Retenez cette parole; ensevelissez-la dans votre cœur; réchauffez-la, elle finira par faire germer en vous le bien. Pour cela, disposez votre cœur comme le paysan dispose son champ : arrachez tout ce qu'il y a de mauvais; faites de votre cœur un champ bien labouré, bien préparé; que votre cœur soit bon et tourné complètement vers moi; soyez sûre que s'il en est ainsi, toujours ma parole produira des fruits au centuple, car vous écouterez ce que je vous dirai, vous le retiendrez et vous l’accomplirez. Vous l’accomplirez, parce que votre cœur est bon; vous l’accomplirez, parce que vous verrez l’expression de ma volonté, et que votre cœur attaché à moi ne voudra point me faire de la peine, et si vous accomplissez ma parole, vous marcherez dans la vérité et dans le bien; vous vous justifierez par conséquent chaque jour davantage; chaque jour vous vous unirez de plus en plus à moi, et vous vous détacherez de la terre. »

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 11

« Comme mon Père m’a envoyé, ainsi je vous envoie : allez, enseignez toutes les nations et baptisez tous les hommes au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Celui qui vous reçoit me reçoit, celui qui vous méprise me méprise. Voilà, ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, voilà les paroles que j'ai adressées à mes apôtres, et en leur personne à tous leurs successeurs, participant de mon sacerdoce. Elles doivent vous faire comprendre la dignité du prêtre. Le prêtre est envoyé par moi dans le monde pour enseigner et baptiser, comme j’ai été envoyé par mon Père, pour montrer la voie qui mène à mon Père, et pour rendre le mouvement et la vie à ceux qui les avaient perdus, c’est-à-dire à tous les enfants d’Adam. Et le prêtre, revêtu de la mission que je lui ai confiée, va et agit en mon nom. Il agit non-seulement en mon nom, mais encore avec mon pouvoir qui lui a été donné par mon sacerdoce. Il agit en mon nom, avec mon pouvoir, et porte en lui-même la dignité suprême du sacerdoce de Melchisédech, qui m'a été donnée de toute éternité et que je lui donne dans le temps et pour jamais, afin qu'il me remplace, afin qu'il continue et qu'il accomplisse mon œuvre, afin qu'il sauve les hommes comme je les ai sauvés. Voilà pourquoi vous devez regarder le prêtre comme un autre moi-même, écouter sa parole comme vous écouteriez la mienne, respecter sa personne comme la mienne, et craindre de le mépriser, parce que je me regarderai comme méprisé en lui. Quel que soit l'homme revêtu du sacerdoce, qu'il soit juste ou pécheur, qu'il honore ou dégrade sa dignité, qu'il soit fidèle ou infidèle, il possède une chose que vous devez respecter toujours en lui, le caractère qui lui est conféré par l’imposition des mains du pontife, mon représentant. Ce caractère peut être dégradé, foulé aux pieds, souillé par celui qui le porte; il ne l’effacera jamais, il est prêtre pour l’éternité. Sur douze apôtres que j’ai choisis, j’en ai vu un se tourner contre moi, me livrer aux mains des Juifs, demeurer insensible au nom d’ami que je lui donnais à l’heure même de sa trahison, et mourir dans l’impénitence, le désespoir et le suicide. Il peut aussi s’en trouver parmi ceux qui sont appelés au sacerdoce qui soient prévaricateurs de leur caractère, mais le nombre en est petit, ma fille, je vous le dis pour votre consolation; je vous le dis aussi afin que si jamais quelqu'un d’entre eux se présentait sous vos yeux et sur votre chemin, vous n’ayez que vénération pour lui, parce qu'il a le caractère sacerdotal, tout en gémissant au-dedans de vous-même de ce qui peut se trouver en lui de déréglé. Afin d’augmenter en vous le respect que vous devez avoir pour le prêtre, je veux vous entretenir de sa dignité et de sa puissance.
« Je suis, ma fille, prêtre éternel, selon l’ordre de Melchisédech. Je ne me suis point arrogé ce titre, Dieu me l’a donné; et quand l'heure est venue de la manifestation de mon sacerdoce, j'ai apparu dans le monde pour en accomplir les fonctions. Or, comme prêtre éternel, comme Dieu-homme, comme Rédempteur et Sauveur, j’ai rappelé aux hommes la souveraineté toute-puissante de mon Père, je me suis donné à eux, je leur ai envoyé le Saint-Esprit. En leur faisant connaître mon Père, je leur ai montré Celui dont ils sont sortis et auquel ils doivent revenir, non par eux-mêmes, parce qu'ils ne peuvent rien opérer de méritoire par eux-mêmes, mais par moi qui suis la voie qui mène au Père.
« Je me suis donné aux hommes comme réparateur de leur péché, de leur révolte contre Dieu; j'ai acquitté leur dette envers la justice divine, j'ai brisé leurs liens qui les rendaient esclaves de Satan, je les ai rendus tous à la liberté, je suis mort pour eux, et ma mort a été le principe de leur vie, et l’efficacité de mon sang répandu a ranimé tous les hommes assis dans les ténèbres et les ombres de la mort.
« Je me suis donné à eux comme réparateur, et réparateur de chaque jour, nous plus sur le Calvaire, mas sur l’autel, nous plus en répandant mon sang réellement, mais en offrant chaque jour de nouveau l’effusion de ce sang répandu une seule fois sur le Calvaire.
« Je me suis encore donné à eux comme nourriture, en instituant l’eucharistie, où les âmes peuvent et doivent venir prendre courage, force et sainteté.
« Voilà mon œuvre sur la terre : faire connaître Dieu, rendre réparation à Dieu, racheter l'homme, lui donner la vie en le retirant de la mort; et puis je me suis élevé dans le ciel pour en ouvrir l’entrée à tous les élus.
« Mon œuvre ne s'est pas arrêtée là; j’ai voulu la perfectionner et j’ai envoyé Celui qui est le complément éternel du Père et du Fils, Celui qui est l’union du Père et du Fils, et qui doit aussi réunir l'homme à Dieu le Père par Dieu le Fils et les mérites de sa croix. Comme un vent violent il vient dans le cœur des apôtres et dans le coeur des chrétiens, et il vient encore chaque jour en eux pour s’en emparer et les lancer dans la voie de la justice et de la vérité. Ma fille, voilà ce que j’ai fait.
« Voilà ce que fait aussi le prêtre chaque jour. Le prêtre fait connaître mon Père. Il le proclame saint, juste, miséricordieux, tout-puissant, vengeur du crime, rémunérateur de la vertu, et sa voix est comme un flambeau plein de lumière qui montre la vérité et détourne des sentiers de l’erreur.
« Le prêtre me donne aux hommes, et en cela le prêtre participe au pouvoir même de mon Père, qui, dans son amour pour la créature raisonnable, m’a donné à elle. Il m’engendre, il me produit, il me donne naissance chaque jour entre ses mains, comme mon Père éternellement dans son sein. Il me donne comme réparateur des péchés du monde, comme victime et holocauste à Dieu, il m’immole sur l'autel, il me donne en nourriture aux âmes, opérant en moi et sur elles toutes les opérations de ma mort et de ma vie.
« Le prêtre donne aussi le Saint-Esprit. Un sacrement a été institué pour le don spécial et particulier du Saint-Esprit, celui de la confirmation, conféré par l’évêque qui a en lui la plénitude du sacerdoce. Le prêtre peut donner aussi le Saint-Esprit par l’administration de ce sacrement; mais il n’exerce pas ce pouvoir que mon vicaire sur la terre a réservé aux seuls évêques. Mais s’il ne donne pas directement le Saint-Esprit par l’administration de la confirmation, il le donne par tous les autres sacrements en donnant la grâce sanctifiante à l’âme; il le donne surtout par l’Eucharistie; car, là où je suis, le Saint-Esprit y est aussi, et quand le prêtre me donne en communion, il donne le Saint-Esprit, et en me donnant, et donnant le Saint-Esprit, il donne aussi Dieu le Père, et ainsi les trois personnes de la Trinité sont au pouvoir du prêtre. Il commande, elles obéissent; il commande, Dieu le Père se manifeste aux hommes en leur faisant sentir sa toute-puissance; il commande, Dieu le Fils se manifeste aux âmes en leur faisant sentir l’excès de sa miséricorde; il commande, tout lui obéit au ciel et sur la terre, Dieu se rapproche de l'homme, Dieu prend l'homme sous sa protection; il commande, les démons fuient épouvantés, les péchés disparaissent des âmes qu'ils souillaient, la paix se fait dans ces âmes, la justification les couvre comme un manteau de gloire, le ciel fermé s’ouvre pour les recevoir, et l'enfer, entr’ouvert pour les engloutir, se referme sur lui-même, honteux et plein de rage d'avoir perdu sa proie.
« Voilà l’œuvre du prêtre : en lui sont déposés tous les pouvoirs du Dieu incarné; à lui sont confiés tous les trésors de grâces que Dieu veut répandre sur les hommes, puisqu’il accomplit tout ce que j'ai accompli sur la terre, puisque je lui suis confié, et qu'il a la garde du tabernacle où je réside. Quelle grandeur! Elle surpasse celle des anges, ministres de Dieu. Le prêtre, c'est un autre moi-même; j’agis par lui comme j’agirais par ma propre personne. Sur la terre, je m’offris à mon Père en sacrifice, et je priai pour les hommes; le sacrifice et la prière sont aussi les deux grandes fonctions du prêtre. Sur la terre, j’évangélisai les pauvres, les ignorants et tous ceux qui voulaient entendre la parole de la vie. Le prêtre annonce aussi la bonne nouvelle à tous les hommes. Sur la terre, je fatiguai mes pieds comme un bon pasteur à la recherche de quelques brebis égarées, je remis sur la voie la femme de Samarie et Marie-Madeleine; le prêtre aussi fatigue ses pieds à travers le monde, cherchant toutes les âmes égarées pour leur montrer le ciel. Sur la terre, je pardonnai les péchés de la femme adultère et du paralytique; le prêtre pardonne tous les péchés des hommes. Sur la terre, je guéris toutes les infirmités du corps, je rendis l’ouïe aux sourds, la vue aux aveugles, la parole aux muets, le mouvement aux perclus, je rendis la vie aux morts; le prêtre guérit toutes les infirmités, il rend également l’ouïe à ceux qui ont des oreilles et qui n’entendent point, la vue à ceux qui ont des yeux et qui ne voient point, la parole à ceux qui ont une langue pour parler et qui ne parlent point, le mouvement à ceux qui ont des pieds pour marcher et qui ne marchent point, la vie à ceux qui paraissent vivants et qui pourtant sont dans la mort.
« Que tout cela ne vous étonne point, car je suis en chacun de mes prêtres, j’opère en eux et par eux tout ce qu'ils veulent; aussi leur action ne diffère en rien de mon action; et, comme toute ma vie, toute la vie du prêtre tend ou doit tendre, à cause de son caractère, de sa dignité et de ses pouvoirs, à une seule chose, à l’union de Dieu avec les hommes par les mérites du Fils de Dieu fait homme. Il doit produire Dieu dans les âmes et engendrer les âmes à Dieu. Il est ainsi sur la terre le réparateur perpétuel à la justice de mon Père, le rédempteur, le sanctificateur des âmes, et tout cela par moi, avec moi, en moi.
« O grandeur et puissance du prêtre! ô action étonnante du prêtre! Oh! puissent tous les prêtres avoir constamment sous les yeux ces trois titres, qui sont leurs titres parce qu'ils sont les miens, de réparateur, de rédempteur, de sanctificateur. Qu'ils réparent, en se détachant de tout pour s’attacher à Dieu et lui donner toutes choses; qu'ils rachètent en souffrant, en se mortifiant, en sacrifiant leur vie et unissant leurs souffrances, leurs mortifications, leurs sacrifices aux miens; qu'ils sanctifient en ce sanctifiant eux-mêmes par ma sainteté et en la répandant sur les âmes comme une semence qui sera toujours fertile et féconde.
« Ma fille, priez beaucoup à cette intention, priez pour mes prêtres; on ne prie point assez pour eux. Les fidèles oublient trop qu'il y a des jours choisis par mon Église pour demander par la prière les grâces qui sont nécessaires à ceux qui doivent être initiés au sacerdoce. Les fidèles oublient trop que c'est une obligation pour eux de prier pour les prêtres, qui sont leurs pères dans l’ordre du salut. Les fidèles oublient trop que c'est une obligation pour eux de prier pour les prêtres, qui leur donnent la vie de la grâce au baptême, la vie et l’entretien de la vie par les autres sacrements, et par le sacrement de pénitence la réparation de la vie ou la résurrection à la vie qu'ils avaient perdue par le péché. Les fidèles oublient trop de prier pour les prêtres, qui ont toujours des bénédictions pour eux, au jour de leur naissance, comme à celui de leur trépas, au jour de leur mariage comme au jour où la mort vient les séparer. Oui, les fidèles oublient trop de prier pour les prêtres, qui consolent, qui soutiennent, qui relèvent, qui encouragent ceux qui leur sont confiés, qui se dévouent chaque jour et à chaque instant du jour pour eux, et qui dans le salut des âmes cherchent leur propre salut.
« Le prêtre épuise ses forces en les appliquant constamment aux besoins des fidèles; il faut que les fidèles se le rappellent et qu'ils rendent aux prêtres les forces qu'ils dépensent pour eux, en demandant à Dieu de ne point laisser au dépourvu ceux qu'il a choisis pour ses ministres sur la terre.
« Ma fille, priez beaucoup pour ceux qui prient constamment pour vous et qui se donnent pour vous comme je me suis donné moi-même sur la terre.
« Priez ma fille, pour les prêtres; mais à la prière joignez le respect le plus profond et la vénération la plus grande pour la dignité du prêtre. Il faut prier pour le prêtre, parce qu'il porte le sacerdoce dans une chair faible et penchée vers le mal; il faut respecter le prêtre, parce que, dans sa personne, il porte la même dignité que celle du Fils de Dieu, le sacerdoce selon l’ordre de Melchisédech.
« Respectez tous les prêtres, honorez-les tous, mais entre tous celui qui a le soin et la conduite de votre âme. Celui-là est l’ami fidèle dont il est parlé dans les saints livres et à qui rien ne peut être comparé. Confiez-vous à lui; il est près de vous mon représentant, il agit en mon nom et selon mes desseins. Montrez-vous à lui telle que vous êtes, avec la connaissance que vous avez de ce qu'il y a de défectueux en vous, afin qu'il puisse tout corriger. Le prêtre étant le médecin de votre âme, s'il ne connaît pas votre âme, comment la guérira-t-il? Regardez-moi en la personne de votre directeur; écoutez sa parole comme ma parole, ses conseils comme mes conseils, ses ordres comme mes ordres. Faites tout ce qu'il vous dira, et faites-le par obéissance et par soumission. Dans vos peines et vos afflictions, parlez-lui à coeur ouvert, il vous consolera; dans les troubles de votre âme, allez à lui, il vous rendra la paix. Il vous montrera la voie de la vérité et de la vie, suivez-la. Il vous détournera de plus en plus du péché pour vous attacher à Dieu, suivez cette impulsion. Il vous transformera tantôt par des paroles pleines de douceur, tantôt par des reproches que vous mériterez, tantôt par une contradiction, tantôt par une forte épreuve, tantôt enfin en vous excitant de plus en plus à marcher sur mes traces et à suivre mon exemple.
« Ma fille, ne l’oubliez jamais, celui qui outrage ou méprise un prêtre se rend coupable d’un sacrilège et mérite le même châtiment que les Juifs outrageant et méprisant le Fils de Dieu. Au contraire, béni sera par mon Père celui qui, voyant dans le prêtre un autre moi-même, l’honorera, le respectera, le vénérera comme le mérite la grande dignité dont il est revêtu. »
Ces paroles du Sauveur Jésus pénétrèrent jusqu’au fond de mon âme. Je ne m’étais jamais fait une idée exacte du prêtre. Je ne l’avais jamais compris comme je le compris en ce moment. Cet entretien de Jésus sur le prêtre fut pour moi comme une lumière éclatante qui me permit de regarder fixement la grandeur du sacerdoce et de la comprendre autant que je le pouvais par l’intelligence que Dieu avait mise en moi. Je ne puis mieux exprimer que par cette comparaison de la lumière ce qui se passait en moi quand Jésus me parla du prêtre, car je voyais bien plus que je n’entendais ce qu'il me disait. Aussi je sens combien ce que je viens d’écrire est inférieur à ce qu'il m’a dit ou plutôt à ce qu'il m’a fait voir. Je me suis exprimée aussi bien que je l'ai su; mais, quand j’aurais pu m’exprimer mieux encore, je n’aurais point dit tout ce que le Sauveur Jésus m’a montré sur le sacerdoce

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 12

Après m’avoir parlé du prêtre, le Sauveur Jésus m’a parlé du chrétien; « Ma fille, me dit-il, je vous ai parlé du prêtre, je veux vous parler aujourd'hui du chrétien. Le chrétien comme le prêtre est un autre moi-même, par conséquent le chrétien est prêtre aussi puisqu’il me ressemble et que je suis prêtre éternel. Il y a néanmoins une grande différence entre ces deux sacerdoces. Le sacerdoce du chrétien n’est qu’une participation du mien qui lui est donnée par le baptême; tandis que celui du prêtre est la réalité même de mon sacerdoce qui lui est donnée par le sacrement de l’ordre.
« Le baptême donne la vie, et toute vie vient de Dieu et doit retourner à Dieu. Or, ce retour de celui qui a reçu la vie à celui qui la lui a donnée est un sacrifice, et ce sacrifice demande et requiert nécessairement un sacrificateur, un prêtre. C’est le chrétien. Tout prêtre offre une victime. Quelle est la victime que le chrétien-prêtre offre à Dieu? C’est lui-même, son corps, son âme, ses facultés, tout ce qui est en lui. Toute victime immolée requiert un temple, lieu consacré pour le sacrifice. Quel est-il? Son cœur. Il faut quelqu'un à qui on l’offre. A qui donc? À Dieu. Pourquoi cela? Pour retourner à lui, pour unir sa vie à la vie de Dieu, pour transformer sa vie en la vie de Dieu. Car l’immolation n’est pas une annihilation, une destruction complète. Le chrétien mourant chaque jour à lui-même ne se détruit pas complètement par son immolation, ne s’annihilie pas par sa mort; par son immolation et par sa mort il va à Dieu; par son immolation il enlève tout ce qui est en lui pour recevoir ce qui est en Dieu; par sa mort, il change de vie pour vivre de la vie de Dieu; l’immolation et la mort le transforment complètement. La vie de Dieu ne peut venir en l'homme que par la destruction de la vie humaine, et voilà pourquoi le chrétien qui est prêtre immole sa vie pour recevoir en lui la vie de Dieu. Le chrétien qui est prêtre immole la vie qu'il sent en lui et qui est matérielle, grossière, terrestre, animale et charnelle; il sacrifie chaque jour cette vie, et plus il se sacrifie, plus, même dès ici-bas, sa vie devient pure, céleste, spirituelle, sainte, divine. Le sacrifice donc n’anéantit pas la vie, il la transforme. Et quand arrive pour chaque chrétien l’immolation parfaite, entière, consommée de lui-même par la mort, alors la transformation aussi est complète et le sacrifice est terminé. Et ce sacrifice, cette immolation, comme la transformation produite par ce sacrifice et cette immolation, c'est moi qui l’opère dans chaque chrétien; par ce que Dieu ne veut agréer cette offrande ni faire participer à sa vie que par moi. Aussi, le chrétien offrant le sacrifice dont il est lui-même la victime doit s’unir à moi, qui l’offrirai à mon Père en m’offrant avec lui. Dieu l’acceptera et déposera en lui sa vie comme il l’a déposée en moi dans sa totalité.
« Ainsi le chrétien par son sacerdoce me devient semblable. Je m’offre à Dieu continuellement, je suis à la fois le prêtre et la victime de mon sacrifice, et par lui je retourne à Dieu; il en est de même du chrétien. Il s’offre continuellement à Dieu, il est à la fois prêtre et victime du sacrifice, qui transforme sa vie en la vie de Dieu.
« Le chrétien est prêtre, et il s’offre à Dieu en sacrifice. Le chrétien est prêtre, et parce qu'il est prêtre, il m’offre moi-même à Dieu. Il me prend non-seulement au moment de mon sacrifice sur l'autel pendant la sainte messe, mais encore à chaque instant de la journée dans le sacrement de mon amour, où je suis et demeure constamment à l’état de victime, et il m’offre à Dieu pour satisfaire à sa divine justice, pour le remercier des bienfaits qu'il lui a accordés, pour lui demander de nouvelles grâces, pour reconnaître son souverain domaine sur toutes choses et lui présenter une victime digne de lui.
« Ainsi, ma fille, j’offre à Dieu le chrétien qui s’offre lui-même, et le chrétien m’offre aussi à mon Père, et mon Père reçoit la victime que je lui offre et celle que lui offre le chrétien, et par cette réception il consomme en lui toute créature.
« C'est le baptême qui donne au chrétien participation de mon sacerdoce, qui fait le chrétien prêtre; c'est le baptême aussi qui fait le chrétien fils de Dieu, frère du Fils de l’homme et le cohéritier de ma gloire du ciel.
« Comment s’opère ce prodige? Ma fille, par la vertu du Très-Haut, qui vient entourer celui qui est baptisé; le Saint-Esprit descend en lui, et en ce moment même l’œuvre est consommée. Dieu par le baptême vient engendrer le chrétien au sein de l’Église. Il le dépose en elle, et lui donne vie en elle comme dans le sein d’une mère. Il le lui confie et lui dit : Celui-ci est mon fils bien-aimé; j’ai mis en lui toutes mes complaisances. Savez-vous quelles sont ces complaisances déposées par Dieu dans le chrétien? c'est la grâce sanctifiante, la participation de sa vie divine, participation qui rend le chrétien fils de Dieu, et qui permet au chrétien d’appeler Dieu son père.
« Le chrétien est fils de Dieu par adoption, comme je le suis par nature; or, les fils d’un même père sont frères entre eux, je suis donc frère du chrétien et le chrétien est mon frère, par cela seul que Dieu l’a adopté pour son fils. Pour augmenter et perfectionner cette fraternité, je me suis fait homme et je suis né de Marie, afin que frère de l'homme parce que Dieu l’adoptait pour son fils, je le fusse aussi en tant qu’homme par l’adoption que ma Mère ferait de tous les hommes; et Marie adopta tous les hommes pour ses enfants sur le Calvaire, en la personne de saint Jean, comme mon Père dans le ciel les adopte au moment du baptême.
« Cette adoption ne doit pas durer seulement dans le temps, le chrétien ne doit pas seulement être mon frère tant qu'il demeure ici-bas; car les dons de Dieu sont parfaits, et s’il adopte l'homme sur la terre, c'est pour l’éternité. Le chrétien est mon frère, il viendra demeurer avec moi et participer à ma royauté et à ma gloire du ciel. Il viendra se plaire en mon Père pendant les siècles des siècles, et à mon exemple rendre à jamais gloire à Dieu.
« Voilà la dignité du chrétien. Dieu fait passer en lui sa vie en lui enlevant la vie de péché et lui donnant sa grâce. Je fais le chrétien mon frère, je lui donne le nom d’ami, je l’appelle à ma gloire du ciel. Vous devez comprendre par-là combien grands sont les péchés de ceux qui ont reçu la grâce du baptême, consécration toute spéciale à la Divinité. Vous devez comprendre quelle injure le chrétien fait à Dieu qui est son Père, au Fils de Dieu qui l’appelle son ami et son frère, au Saint-Esprit qui habite en lui par la grâce. Vous devez comprendre quelle est la folie du chrétien qui renonce à tous ces titres pour devenir rebelle à Dieu, qui renonce au ciel pour mériter l’enfer.
« Malheur à ceux qui agissent ainsi! leur caractère de chrétien ne disparaîtra jamais, et la justice éternelle en vengera la profanation. Heureux, au contraire, ceux qui conserveront toujours ce caractère avec la beauté et la gloire que Dieu y a attachées! ils brilleront comme des astres lumineux dans la cité céleste où ils seront récompensés. »

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 13

La voix du Sauveur Jésus se fit entendre, un jour, à mon oreille, il me dit : « Ma fille, faites tout par amour pour moi, telle est ma volonté; en agissant ainsi vous ne ferez rien d’inutile. Si vous me connaissiez bien et tel que je suis, vous ne pourriez vous empêcher de m’estimer, et l’estime que vous me porteriez produirait en vous l’amour pour moi. Or, vous le savez, ma fille, l'amour n'est pas seulement un sentiment du coeur, ce ne serait là qu’un amour superficiel et peu solide. L'amour doit être actif; c’est à vos actes que je reconnaîtrai l’amour que vous avez pour moi. Aussi, quand vous ferez une action quelconque, supposez que je vous dis : Mon enfant, je veux que vous fassiez cette action; si vous m’aimez, faites-la pour me témoigner votre amour. Agissez ainsi, et en faisant votre action, dites-moi du fond de votre cœur : Je vous aime, ô Jésus! Vous voulez que je fasse cette action, je me soumets à votre volonté; acceptez cet acte comme une preuve de mon amour pour vous.
« Unissez vos actions à toutes mes actions; les miennes sanctifieront les vôtres. Renouvelez dans chaque action en particulier l’offrande générale que vous m’en avez faite le matin. Il n'est point nécessaire de le faire par parole, cela vous fatiguerait; contentez-vous d’élever un instant votre esprit vers moi, comme pour me rappeler votre offrande, cela suffira. Rien n'est si agréable à Dieu qu'une âme qui fait ainsi tout pour lui. Écoutez et vous le comprendrez aisément. Une mère a deux enfants quelle aime de tout son cœur et que ses enfants aiment beaucoup aussi. Elle désire que ses enfants lui témoignent leur amour par l’offrande de tout ce dont ils peuvent disposer pour elle, et leur dit : mes enfants, donnez-moi tout ce dont vous pourrez disposer. Quelque chose que vous m’offriez, je l’agréerai, regardant moins l’offrande que les sentiments de votre cœur qui la fera. L’un des enfants, voyant le désir de sa mère, lui présente tout ce qu'il trouve sous sa main, même un fruit et une fleur en lui disant : ma mère, je vous offre cette petite fleur : c'est bien peu de chose; mais je n’ai rien de valeur plus grande, acceptez-la comme une marque de mon amour pour vous. La mère, selon vr qu’elle avait dit à ses enfants, accepte tout avec plaisir, regardant bien plus la tendresse et l’amour de son enfant que l’objet qu'il lui donne. L’autre enfant ne veut offrir à sa mère que des présents considérables; mais n’en ayant que rarement, il ne donne que rarement aussi des preuves de son amour pour sa mère. ? Pourquoi donc, mon enfant, ne m’offrez-vous pas de petites choses? Ne vous ai-je pas dit que je considérais moins l'offrande que vous me feriez, que les sentiments de votre cœur? ? Il est vrai, ma mère; mais ces petites choses sont indignes de vous et de moi; je veux, quand je vous offre un objet, qu'il soit digne de vous. Vous pensez bien, ma fille, que cette mère aura plus de complaisance pour celui de ses enfants qui agit selon ses désirs et lui donne plus fréquemment des témoignages de son affection. Eh bien! sachez que Dieu agit comme cette mère.
Enfin, ma fille, suivez mon exemple dans toutes vos actions. Quand il vous faudra agir, demandez-vous comment j’agirais à votre place et vous entendrez une voix intérieure qui vous dira : Jésus agirait pour la gloire de son Père et pour accomplir sa volonté. Mettez en vous cette conformité de votre action à mes actions, et vous agirez toujours dans l’ordre et pour le bien. »

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 14

Le Sauveur Jésus m’a donné diverses instructions pour la règle et le gouvernement des puissances de mon âme. Je suivrai l’ordre du Sauveur Jésus.
« L’entendement, m’a-t-il dit, est sujet à deux défauts : l’ignorance et la curiosité. L'homme est tombé par le péché dans la plus grande ignorance; ce n'est que par un pénible travail qu'il parvient à savoir quelque chose. Deux sortes de sciences se présentent à l'homme : la science des choses humaines; elle n'est pas nécessaire, bien quelle puisse être utile, souvent elle est dangereuse; la science des choses spirituelles; celle-ci est nécessaire et indispensable, car tout homme doit apprendre à connaître et à servir Dieu. Celui qui a cette véritable science sait qu'il doit préférer les mépris, les humiliations, les abaissements, les souffrances, aux plaisirs, aux dignités, aux grandeurs, à l’élévation, à la gloire.
« L’entendement est encore sujet à la curiosité. Il y a deux sortes de curiosités : la curiosité pour les choses spirituelles, la curiosité pour les choses indifférentes ou criminelles. On doit non-seulement ignorer ce qui est criminel, on doit encore ne point désirer le connaître. On doit être indifférent pour tout ce qui n'est ni bon ni mauvais, pour ce qui ne regarde pas et ne peut être d’aucune utilité. On ne doit point chercher à trop pénétrer les choses spirituelles; il faut savoir se contenter de peu. Contentez-vous, ma fille, de connaître Dieu et ce qu'il a fait pour vous, ce qu'il demande de vous et la manière de lui donner; c’en est assez.
« Consacrez votre mémoire à Dieu; enrichissez-la de choses bonnes et utiles; oubliez non-seulement celles qui sont mauvaises, mais encore celles qui sont inutiles ou indifférentes; ne vous occupez que de ce qui est bien. Votre mémoire trouvera un aliment suffisant dans tout ce que Dieu a fait pour vous, dans mon incarnation, ma vie obscure à Nazareth, ma vie publique dans la Judée, ma passion sur le Calvaire, mes entretiens avec les apôtres, avec mes disciples et les pécheurs que j’ai convertis; dans les paroles que je vous adresse, dans celles de ma Mère, dans celles de mes ministres; en un mot, dans tous les biens que Dieu vous a donnés et qu'il vous donne chaque jour encore pour opérer votre salut.
« Soumettez toujours votre volonté à la volonté de Dieu; faites tout ce qu'il vous commandera et de la manière la plus parfaite. Suivez-en tout la volonté de mon Père, comme je l’ai suivie, et vous pourrez dire comme moi : Je fais toujours ce qui lui plaît. N’agissez jamais par amour pour vous-même ou pour votre satisfaction personnelle, agissez toujours, au contraire, en vue du commandement de Dieu et pour lui être agréable. Il mérite de votre part cette conformité à sa volonté, soit à cause de ses infinies perfections, soit à cause des bienfaits dont il vous a comblée. Regardez la volonté de Dieu dans celle de tous ceux qui sont vos supérieurs; soyez soumise à leurs ordres comme à ceux de Dieu même. Soumettez-vous aussi à la volonté d’autrui en tout ce qui ne sera pas contraire à la loi de Dieu, et regardez le dernier des hommes comme votre supérieur et votre maître. Souvenez-vous que j’ai été soumis à mes bourreaux, regardant en eux la volonté de mon Père. Soyez comme moi sans volonté, afin de pouvoir vous plier en tout à celle de Dieu, comme la cire qui devant le feu prend toutes les formes qu’on veut lui donner. Quand il vous surviendra quelque tentation, ne la rejetez pas immédiatement, vous pourriez le faire par un mouvement de volonté propre; mais retirez-vous aussitôt près de moi. Alors vous pourrez lutter et repousser sans crainte la tentation, en vue uniquement d’éviter ce qui déplait à Dieu. De même, lorsqu’une bonne pensée surgira dans votre âme, ne vous y attachez point de vous-même et par votre propre volonté. Levez plutôt votre œil vers Dieu pour voir ce qui lui est agréable; vous suivrez ensuite cette bonne pensée; elle tournera à la gloire de Dieu et à votre sanctification. Ne soyez attachée à rien, pas même à ce qu'il y a de meilleur, ni à la prière, ni à la retraite, ni à la communion, ni même à ma parole. En ne faisant rien pour votre propre satisfaction, et ne désirant en tout que le parfait accomplissement de la volonté de Dieu, vous aurez toujours la paix en vous. Quand on est troublé ou affligé de ne pouvoir prier, ou communier, ou entendre ma parole, n’est-ce pas une preuve qu'on cherche dans la prière, dans la communion, dans ma parole sa propre satisfaction? N’est-ce pas une preuve qu’on s’attache plus à la prière, à la communion, à ma parole, à cause du plaisir qu'on y trouve que pour plaire à Dieu?
« Une personne trouve de l’attrait dans la prière : Dieu l’appelle ailleurs; mais elle veut achever sa prière et elle se trouble, parce que son esprit est tout préoccupé de ce qui réclame ailleurs sa présence ou ses soins. Comment en serait-il autrement? Comment conserverait-elle la paix de Dieu qui l’appelle ailleurs? Elle eût bien mieux fait de prier moins longtemps ou de différer sa prière et d’aller où Dieu l’appelait. Elle eût ainsi conservé le calme et la tranquillité, et Dieu l’eût exaucée plus tard, parce quelle se serait soumise à sa volonté.
« Ne prenez attache ni plaisir à aucune de vos actions; soyez toujours dans la disposition de l'interrompre, si c'est nécessaire, avec calme et égalité d’âme, faisant à Dieu de bon coeur le sacrifice de votre volonté. Quand vous serez contrariée ou affligée de l’interruption forcée d’un travail, d’une prière, d’un exercice de piété, pensez que vous faisiez ce travail, cette prière, cet exercice de piété, plus pour votre propre satisfaction que pour la gloire de Dieu.
« Les choses pour lesquelles vous vous sentirez le plus de goût ou d’inclination sont celles que vous devez entreprendre avec le plus de réserve, de peur de vous y attacher et de les faire plutôt pour vous que pour Dieu. Celles, au contraire, qui vous paraîtront désagréables, difficiles ou pénibles, et pour lesquelles vous aurez de la répugnance, sont celles que vous devez entreprendre avec le plus d’empressement, n’ayant à redouter ni les complaisances de l’amour-propre, ni votre satisfaction. Ce sacrifice honorera Dieu et lui sera fort agréable. »
Le Sauveur Jésus m’a ainsi entretenue sur les facultés de mon âme. Il m’a parlé plusieurs fois sur ce même sujet, insistant toujours sur ma volonté et me disant sans cesse : « Ma fille, n’ayez point de volonté propre; mourrez au monde et à vous-même, mortifiez vos sens, déracinez vos passions, combattez vos inclinations, ne vous attachez qu’à Dieu, ne désirez que Dieu, n’aimez que Dieu ou pour Dieu, ne cherchez que Dieu, ne vivez que de Dieu, pour Dieu et selon Dieu, soyez toujours unie à Dieu, veillez et priez, combattez toujours, mortifiez toujours votre volonté et vos inclinations, ainsi vous serez avec Dieu et rien ne pourra vous séparer de lui. »

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 15

« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, marchez toujours dans la simplicité et la sincérité de votre cœur; éloignez de vous la dissimulation et que votre extérieur suive les modifications de votre intérieur.
« Que votre maintien soit doux, humble, modeste, et votre abord facile à tout le monde. Que votre visage ne dévoile jamais vos peines ou vos contradictions. Soyez bonne, prévenante, affable, complaisante pour tous, et que toujours un sourire plein de charité soit prêt à paraître sur vos lèvres. Gardez vos yeux dans la modestie et la réserve; ne leur accordez point trop de liberté. Ne prêtez point l’oreille, je ne dis pas seulement aux choses criminelles, mais même aux indifférentes; ne faites aucune attention aux bruits qui parcourent le monde. Gardez votre langue et gouvernez-la bien, vous marcherez rapidement dans le chemin de la perfection. Ne parlez jamais par envie de parler, mais toujours pour un bon motif, par nécessité, complaisance, condescendance, honnêteté ou charité. Quand vous aurez plaisir à dire quelque chose qui ne sera point nécessaire, ne le dites pas pour vos mortifier; mais quelque peine que vous éprouviez à parler, parlez si cela est nécessaire, et parlez avec la même douceur que si vous trouviez du plaisir dans vos paroles. »
Ainsi me parlait le Sauveur Jésus, m’enseignant à tout modifier en moi et à faire tout tourner à la gloire de Dieu.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 16

Mais ce n'était pas seulement les sens intérieurs et extérieurs qui s’élevaient contre moi et qui avaient besoin d’être sinon abattus, du moins bien dirigés. Les objets extérieurs venaient toujours me distraire et me dissiper. La peine que j’en éprouvais était si grande, que j’aurais été bien heureuse de perdre l'usage de mes sens qui m’empêchaient, par ce qui se présentait à eux, d’être fidèle aux règles que me donnait le Sauveur Jésus, et me faisaient perdre si facilement la présence et le souvenir de Dieu.
Voici ce que m’a dit à ce sujet le Sauveur Jésus : « Ma fille, ne vous attristez pas. Ayez toujours une foi vive et bien éclairée, et les objets extérieurs, loin de vous faire oublier Dieu, vous attacheront à lui de plus en plus. Sachant que Dieu est le créateur et le conservateur de toutes choses, vous devez reconnaître qu'il en est la fin. Voyant combien sont parfaites les œuvres de Dieu, vous adorerez dans les créatures les perfections infinies de Dieu qui paraissent en elles. Reconnaissant que c'est Dieu qui conserve tout par sa providence, et que cette conservation est comme une création nouvelle de chaque moment, vous rendrez hommage à sa toute-puissance. Ainsi, tout dans la création vous élèvera à Dieu, vous attachera à lui. Tout vous parlera de Dieu, de sa bonté qui a tout fait pour l'homme et l'homme pour lui seul, de sa providence qui veille sur tout et prend soin de tout; de sa justice et de sa miséricorde qui dirigent les hommes. Les afflictions, les peines, les souffrances corporelles ou spirituelles, le travail, la mort, tous les maux qui remplissent le monde vous feront reconnaître sa justice, et vous adorerez la profondeur de ses jugements sur les hommes. Vous y reconnaîtrez aussi sa miséricorde. Quelle miséricorde plus grande, en effet, Dieu pourrait-il témoigner à l'homme, que d’accepter ses peines, ses afflictions, ses souffrances, comme satisfaction de ses péchés. En cela apparaît la miséricorde divine, aussi bien que dans l’effusion des grâces et des bienfaits de Dieu sur l’humanité.
« Jetez un regard sur l’univers, et l'univers vous dira encore la sagesse et l’indépendance de Dieu. Quelle multitude innombrable de familles, de peuples, de nations! Quel ordre pourtant dans le gouvernement supérieur de ces nations, de ces peuples, de ces familles! La volonté de Dieu est au-dessus de toute volonté; il n’en reconnaît point de plus puissante, ni même d’égale à la sienne. Il règle, il dispose tout comme il lui plaît. Il est le maître de la terre; il la partage, il la divise et donne à chaque nation ce qui doit lui revenir. Dans chaque nation, il donne aux divers individus qui la composent les biens qui doivent leur appartenir. Il lie tous ces individus entre eux par la nécessité qu'ils ont de pourvoir à leur existence par le travail, indispensable à l'homme depuis le péché. Quelle variété de professions et de métiers! Qui a établi ces professions et ces métiers si ce n'est Dieu, afin de pourvoir diversement à la subsistance des hommes? Ainsi chacun travaille pour autrui en travaillant pour soi. Les uns cultivent les sciences et ornent leur esprit, en même temps qu'ils enrichissent la société de leurs connaissances diverses qui sont pour elle pleines d’utilité. Les autres s’exposent à de grands périls, traversent les mers, supportent de grandes fatigues pour procurer à leurs semblables ce qui peut leur être nécessaire, et, en échange de ces marchandises, ils reçoivent des valeurs par lesquelles ils pourvoient eux-mêmes à leur subsistance.
« Ainsi, tout ce que vous voyez doit vous rappeler le souvenir de Dieu et vous attacher à lui, au lieu de vous le faire oublier. Il donne la vie et le mouvement aux animaux les plus vigoureux et les plus terribles comme aux plus faibles et aux plus inoffensifs, et sa providence indique à chacun sa pâture de chaque jour.
« Tout doit non-seulement vous rappeler Dieu, mais encore vous faire souvenir que tout ce qui a été fait a été fait pour l'homme et l'homme pour Dieu. Le plus petit brin d’herbe ou la plus humble fleur des champs ne vous dit-elle pas : Je suis faite pour vous, vous êtes faite pour Dieu? Ma fille, celui qui reçoit un don ou un bienfait, peut-il ne pas reconnaître le bienfaiteur? Celui qui considère un ouvrage, peut-il ne point penser à l’ouvrier? Et quand tout vous parle des perfections de Dieu, de sa puissance, de sa justice, de sa miséricorde, de sa providence, de son indépendance, ne devez-vous pas être transportée d’admiration et d’amour? Ne devez-vous pas penser à lui, le remercier et lui dire : Mon Dieu, vos œuvres sont parfaites; je m’unis à vous et vous rends grâces pour toutes vos bontés. Agissez ainsi, et les objets extérieurs, et vos sens, et vos facultés vous serviront merveilleusement pour achever votre perfection.
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Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847) Empty Re: Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847)

Message par Her Mar 12 Avr - 8:28

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Livre 5
De la religion en général et de la religion chrétienne en particulier.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 17

Je me trouvais un jour dans un état qui me parut déplorable. Je ne sentais pas en moi de sentiments affectueux pour le Sauveur Jésus. Au souvenir de mes péchés, je n’éprouvais pas de douleur dans mon âme, et j’accomplissais mes actions pendant cette journée sans les offrir au bon Dieu. En examinant mon état pendant ce jour, je me vis telle que je viens de le dire et je m’attristai; je tombai à genoux, priant le Sauveur Jésus d’avoir pitié de moi. Il me sembla aussitôt entendre sa voix dans mon coeur. Voici ce qu’il me dit :
« Vous vous trompez, si vous pensez ne point m’aimer parce que vous ne pouvez prier avec attention, parce que votre esprit est distrait et dans la sécheresse; parce que votre cœur n’éprouve point pour moi des sentiments affectueux. Quand vous serez dans cet état, rappelez-vous ce que j’ai dit lorsque j’étais sur la terre : « Celui qui m’aime garde mes commandements. Car l'amour se montre plus par des actes que par des sentiments. » Les sentiments ne dépendent pas toujours de vous; quelquefois même je me plais à les retirer d’une âme pour l'éprouver; mais je ne l'empêche pas d’accomplir ma loi, d’être fidèle à mes commandements; si quelquefois elle ne peut me témoigner son amour affectif, elle peut toujours me témoigner son amour effectif. Ainsi donc, ma fille, pourvu que vous ne vouliez point vous séparer de moi par le péché, pourvu que vous désiriez me demeurer toujours unie par l’observation de mes préceptes, pourvu que vous priiez, parce que vous connaissez votre misère et ma bonté, soyez calme et tranquille, vous me prouvez ainsi votre amour d’une manière suffisante.
« Vous vous trompez aussi, si vous pensez n’avoir point la contrition de vos péchés, parce qu’en vous les rappelant vous ne ressentez pas en vous une douleur sensible de ces péchés. La marque d’une contrition sincère, la contrition elle-même, est dans la haine et la détestation des péchés passés et dans l’intention de ne plus pécher à l’avenir. Voilà la contrition. La contrition ne requiert nullement qu’on verse des pleurs. Les larmes sont un don particulier de Dieu. Il le donne à qui il lui plaît; il ne le donne pas à tout le monde; mais il donne à tous de pouvoir détester le péché et d’avoir l’intention de ne plus pécher, car il donne à tous ceux qui le veulent le moyen de se repentir du mal qu’ils ont fait. Ordinairement, ceux qui craignent de n'avoir point la contrition, l’ont réellement. S’ils ne l'avaient point, ils n’y aviseraient pas autant. Ainsi donc, ma fille, tant que vous n’aurez point d’attache à vos péchés passés, tant que vous les détesterez, tant que vous serez dans l’intention véritable de ne plus pécher, soyez calme et tranquille, vous avez la contrition de vos fautes, et vous êtes dans un état qui m’est agréable ainsi qu’à Dieu mon Père.
« Enfin, vous vous trompez, ma fille, si vous croyez que vos actions sont sans mérite, parce que vous ne tiendrez pas toujours votre intention unie à Dieu. La faiblesse de votre nature est telle que, depuis le péché d’Adam, il est impossible pour vous comme pour tous les hommes, de vous tenir ainsi constamment unie à Dieu. Combien même est petit le nombre de ceux qui offrent en particulier à Dieu chacune de leurs actions! Tâchez d’être de ce nombre, et quand votre intention ne sera pas permanente pendant chacune de vos actions, soyez sans inquiétude, cette action sera pourtant agréable à Dieu et méritoire pour vous. Il en serait encore ainsi quand même vous n’auriez offert à Dieu vos actions que d’une manière générale au commencement de la journée, si vous n’aviez rétracté pendant cette journée d’aucune manière votre intention du matin. Il est mieux d’offrir en particulier chaque action; mais ce n'est pas un mal de ne point le faire. On ne perd point le mérite de ses actions en ne le faisant pas, si l’offrande générale en a été faite à Dieu.
« Courage, ma fille, et confiance en votre Dieu. Je suis votre rédempteur; je ne vous demande que l’abandon à ma miséricorde, la confiance en ma bonté et l’observation de mes commandements, que je rends facile par l'effusion de toutes mes grâces.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 18

Un jour de printemps, j’avais quitté ma chambre de bonne heure; après avoir mis l’ordre partout, je m'étais dirigée vers la maison de Dieu. En marchant, j’avais admiré le renouvellement qui s’opérait dans la nature. Le soleil était brillant à l’horizon; le ciel était sans nuage; l’air était frais, mais doux et tempéré; les buissons se couvraient de feuilles; déjà même les abricotiers avaient fleuri. En entant dans l’église, je remerciai Dieu des biens qu'il semblait nous promettre pour l'avenir. Le Sauveur Jésus me dit bientôt après : « Ma fille, ce n'est point vous-même qui avez appliqué votre esprit à la contemplation du changement qui s’opère en ce moment dans la nature, c'est moi. Vous allez mieux comprendre maintenant ce que j’ai à vous dire. Je veux vous parler de la conversion du pécheur. La terre pendant l’hiver est l’image du pécheur. Le soleil éloigné ne réchauffe plus la terre en cette saison; il ne la féconde plus, et la terre semble être dans la mort. Ainsi le pécheur n'est plus vivifié par Dieu dont il s’est séparé par le péché; il ne vit plus, il est mort. Or, ma fille, ce temps de péché est comme l’hiver de l’âme. Pauvres âmes, combien n’ont qu’un hiver continuel! Si elles savaient du moins comprendre le langage des merveilles qui s’opèrent sous leurs yeux. Est-ce que ce réveil de la nature, cette nouvelle vie qu’elle semble reprendre ne doit pas inviter le pécheur à se réveiller aussi, à sortir de sa léthargie, à reprendre la vie, à se convertir à Dieu?
« Savez-vous, ma fille, ce que c'est que la conversion? Avez-vous jamais compris ce mot, conversion? N’avez-vous point vu dans votre jardin des fleurs qui sont constamment tournées vers le soleil, et qui semblent trouver vie et force dans ce regard de l'astre du jour? Eh bien! ma fille, l’âme est comme cela avec le soleil qui est sa force et sa vie. Tant qu'elle le regarde, tant qu'elle reçoit sa lumière, elle vit; quand elle ne le regarde plus, elle perd sa vie. Le pécheur est celui qui n'est plus ainsi tourné vers Dieu, c'est celui qu’une désobéissance grave a détourné de Dieu. Se convertir, c'est se détourner du péché, se retourner vers Dieu. Alors le pécheur reprend la vie; il reprend le mouvement surnaturel, sa marche vers Celui qui est son principe et qui doit être sa fin.
« Je veux vous dire comment il faut faire pour se convertir, quelle est la nécessité de la conversion, les signes d’une vraie conversion, les moyens de l’entretenir.
« Pour se convertir, ma fille, il faut deux choses : se détourner du péché, fuir le monde et ses maximes, renoncer à Satan, lutter contre soi-même; puis se tourner vers Dieu, recevoir sa lumière, écouter sa parole, se donner à lui.
« Se détourner du péché : car se convertir c'est chercher la vie, la lumière, le mouvement vers Dieu, et le péché, c'est la mort, les ténèbres, la fuite de Dieu. Il faut fuir le monde, car la conversion, c'est le désir du ciel et de la possession de Dieu. Or, le monde fait oublier le ciel et acquérir l’enfer. Il faut renoncer à Satan; car la conversion, c'est la recherche du bien, c'est l’hommage à Celui qui veut être votre récompense après avoir été votre créateur et votre bienfaiteur. Or, Satan, c'est le mal, c'est le révolté du ciel, celui qui veut ravir à Dieu l’hommage qui lui est dû. Se convertir,
c'est se renoncer soi-même. Qu’est-ce que l'homme, ma fille? un être raisonnable fait à l’image de Dieu, mais incliné vers le mal depuis sa chute, faible et sans consistance. Or, la conversion, c'est la direction vers le bien, c'est la recherche de la force et de la vigueur. Où les trouverez-vous? En Dieu : voilà pourquoi se convertir, c'est encore se tourner vers Dieu, recevoir sa lumière, écouter sa parole, se donner à lui.
« C'est se tourner vers Dieu, c’est-à-dire le regarder comme créateur, comme souverain, comme maître absolu, et se regarder soi-même comme sa créature, comme sa possession. C'est recevoir sa lumière; car se convertir, c'est marcher, c'est se mouvoir; on ne marche pas dans les ténèbres, au moins d’une manière sûre et ferme. C'est écouter sa parole; car se convertir, c'est obéir à celui vers lequel on va, et pour cela, il faut connaître sa volonté ou écouter sa parole. C'est se donner à lui; car se convertir, c'est reconstituer les choses dans leur premier état, comme avant le péché. Or, alors l'homme appartenait à Dieu, Dieu se l’était donné à lui-même; il faut donc que la conversion du pécheur soit aussi le don de lui-même à Dieu.
« Ma fille, la conversion est nécessaire au pécheur. Dieu, en effet, ne veut pas sa mort, mais sa conversion. Puisque telle est la volonté de Dieu, le pécheur devrait donc se convertir. Mais il ne le doit pas seulement à cause de Dieu, il le doit encore à cause de lui-même. Sans cela, que deviendrait-il? Il mourra dans le péché, il méritera la malédiction de Dieu, il sera malheureux pour jamais. Il doit donc se convertir, et promptement. Qu’est-ce la vie continuée au pécheur, si ce n'est un moyen de miséricorde que Dieu lui donne pour qu'il opère sa conversion? Ce don de Dieu ne durera pas toujours. Nul n’en connaît la durée. Dieu peut le retirer à chaque instant. Et cependant que disent les pécheurs? Ils renvoient à plus tard. Ce plus tard est-il à eux? Ils disent; Demain. Ce demain est-il donc à eux? Demain! Et pourquoi pas aujourd'hui? Dieu n'est-il pas prêt aujourd'hui? Et eux ne sont-ils pas intéressés aujourd'hui? N'est-ce pas être insensé de compter sur l’avenir? Sera-ce dans la mort qu’on pourra trouver sa conversion? Non; il n'y aura là que condamnation, parce qu'il n'y aura que justice. Chaque jour, nombre de pécheurs sont surpris par la justice de mon Père. Ils disaient, eux aussi : demain, plus tard. Le lendemain l’enfer s’ouvrait sous leurs pas. La conversion du pécheur n'est donc pas seulement une chose nécessaire, mais pressante et qu’on ne doit retarder sous aucun prétexte.
« Comment reconnaître une véritable conversion? Comme l’arbre a ses fruits, la conversion a ses actes. Un orgueilleux converti devient humble; un avare, plein de commisération pour les pauvres et détaché de ses richesses; un emporté devient calme et paisible; un voluptueux devient mortifié, un paresseux devient ami du travail. Ce n'est pas à dire pour cela, que l’orgueilleux ne pèchera plus par orgueil, l’avare par avarice et ainsi des autres. Ils pourront encore tomber à cause de leur faiblesse, mais ils ne tarderont pas à se relever. Ils connaissent le sacrement de ma miséricorde; ils viendront s’humilier devant mon ministre, lui demander pardon, et, se relevant plus courageux et plus forts, ils marcheront encore les regards tournés vers Dieu. La conversion, pour être véritable, doit être faite sincèrement et du plus profond du cœur; quand elle part du cœur et qu'elle est sincère, la conversion dure, persévère et se perfectionne. Le pécheur peut encore commettre des fautes, mais leur nombre diminue, tandis que ses actes d’amour pour Dieu augmentent chaque jour de plus en plus.
« Je vous dis cela, ma fille, afin que vous ne vous découragiez point : ayez, au contraire, toujours confiance et espérance en ma miséricorde, demeurez toujours tournée vers moi.
« Que faut-il, ma fille, pour conserver les fruits et les avantages de sa conversion? Une grande humilité, une défiance entière de soi-même, un abandon complet à Dieu; lutter contre ses penchants, contre le plus obstiné, et puis contre les autres; se mortifier dans son corps, dans son esprit, dans son cœur; beaucoup prier surtout, recourir à Dieu et lui montrer combien on est misérable, le toucher de compassion pour soi; enfin s’approcher du sacrement de mon amour. C'est le sacrement de la force, le sacrement du courage, le sacrement de la vie, et tant qu'on a cela, on possède les fruits et les avantages de sa conversion. »

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 19

La faiblesse humaine est fort grande, et ma faiblesse plus grande que celle d’autrui. J’aurais bien le désir d’éviter le péché; mais ce désir n'est pas toujours réalisé. La miséricorde du Sauveur Jésus y a pourvu par l’institution du sacrement de pénitence, par lequel je puis me relever de mes fautes, en les faisant connaître à son ministre. Ce n'est pas tout, il m’a enseigné de quelle manière je devais en faire l'aveu : « Confessez-vous, m’a-t-il dit, avec humilité et repentir, simplicité et sincérité. 1º Avec humilité et repentir. Regardez-vous comme un criminel qui va paraître au tribunal de son juge irrité, pour lui faire l'aveu de son crime et demander son pardon. Préparez-vous à l'obtenir en vous couvrant de confusion et de douleur. Allez à l'église dans ces sentiments; tenez-vous auprès du tribunal de miséricorde, avec une profonde piété, avec un regret sincère, une douleur extrême d’avoir offensé Dieu, une résolution ferme de ne plus l'offenser, et une confiance entière dans sa bonté. 2º Avec simplicité et sincérité. Lorsque vous ferez votre examen, ne vous tourmentez pas trop pour savoir si vous avez consenti ou non; dites la chose comme votre conscience vous la présente. Accusez vos péchés tels qu'ils sont, tels que vous les connaissez, sans les augmenter ni les diminuer. Il faut dire ses péchés en termes honnêtes, de manière à ne point blesser l’oreille chaste du confesseur, faisant connaître néanmoins toute la grandeur de vos fautes. Que votre confession soit entière, quant au nombre de vos péchés et aux circonstances qui en aggravent considérablement la malice. Avec ces conditions, votre confession sera toujours bonne. Après l’aveu de vos fautes, attendez-vous à recevoir des reproches amers; étonnez-vous qu’on vous traite avec tant de douceur; recevez et accomplissez la pénitence avec reconnaissance et confusion en voyant qu'elle est si peu proportionné à vos péchés. Quand vous recevrez l’absolution, entrez dans des sentiments d’amour et de haine, de joie et de douleur; ce mélange de sentiments, qui paraissent si divers, fera un tempérament fort agréable au Seigneur. L’amour sera pour Dieu; la haine pour vous et le péché; la joie naîtra du pardon que Dieu vous aura accordé, et la douleur des offenses commises envers lui. Après cela, remerciez le Seigneur qui a usé de miséricorde envers vous; priez pour votre confesseur, et remettez tout ce qui s'est fait aux mains de Dieu.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 20

Voici ce qu'il a ajouté à propos du secret de la confession. « Ma fille, le confesseur et le pénitent sont également tenus au secret de la confession; mais l’obligation du confesseur est bien plus grande que celle du pénitent.
« Le confesseur ne peut jamais, d’aucune manière, faire connaître les péchés de son pénitent. La confession pour lui doit être un secret inviolable; il est tenu à ce secret par les lois les plus sévères et les peines les plus graves. Vous comprenez qu'il doit en être ainsi; sans cela, la confession disparaîtrait vite de la surface du monde. Le confesseur ne doit même pas penser volontairement aux péchés de son pénitent, à moins que ce ne soit pour chercher les moyens de le convertir et de le faire changer de vie.
« Si le confesseur est tenu au secret de la confession de son pénitent, de son côté le pénitent est tenu au secret pour ce qui lui est dit en confession. Néanmoins, l’obligation n'est pas aussi forte que celle du confesseur; car, si violer ce secret est parfois un péché pour le pénitent, quelquefois ce n'est ni bien ni mal, quelquefois même cela peut être bien.
« Le pénitent pèche quand il répète par raillerie, par mépris, légèreté ou vanité, ce qui lui a été dit en confession. Cela peut faire même un grand mal et porter un grand préjudice au confesseur et à la religion. Il est bien difficile de réparer le mal produit par cette indiscrétion.
« Le pénitent peut ne faire ni bien ni mal en dévoilant ce qui lui a été dit par exemple, quand il répète des choses de peu d’importance qui ne peuvent porter préjudice ni au confesseur ni à la religion; quand il dit cela à une personne pieuse ou qui a de bons sentiments, il ne fait ni bien ni mal; cela pourrait être mal pourtant s'il s’adressait à une ou plusieurs personnes du monde.
« Le pénitent peut quelquefois bien faire en répétant ce qui lui a été dit en confession. Vous verriez, je suppose, une personne dans la peine, elle vous communique les motifs de son affliction. Or, vous voyez que vous vous êtes trouvée vous-même dans la même position et vous vous rappelez les paroles de votre confesseur, qui ont non-seulement calmé votre peine, mais encore qui l’ont dissipée complètement. En cette circonstance, vous pouvez parler à cette personne comme votre confesseur vous a parlé à vous-même; vous pouvez au besoin, pour donner plus de poids à vos paroles, assurer qu'elles vous ont été dites en confession. Une personne aurait reçu en confession un avertissement qui lui aurait déplu, entendu une parole désagréable, vous pouvez lui dire que cela arrive à tous quand on le mérite. Il est permis à un ami de dire à son ami toutes ses peines en général, quelles qu'elles soient, pourvu que cet ami soit pieux, fidèle, sincère, prudent, secret, qu'il aime Dieu. On peut même lui parler de ses peines dans la confession et recevoir les lumières, les avis, les conseils de celui à qui l’on fait ces confidences. Mais néanmoins il faut en cela beaucoup de discrétion et de prudence, craindre que le mal en survienne, et pour cela ne jamais parler de ce qui se fait en confession à des personnes légères, mondaines et peu fidèles à garder un secret.
« Quand un pénitent n'est point satisfait de son confesseur, il ne doit le dire à personne, pas même aux personnes pieuses, afin de ne point leur enlever la confiance qu'elles ont en lui. On peut le dire à un ami prudent qui aime Dieu et qui indiquera, s’il le peut, un autre confesseur qui conviendra. On doit alors s’adresser à un autre, mais avec une raison véritablement bien fondée. Combien de personnes qui changent de confesseur parce qu’une autre en a changé. Agir ainsi, c'est agir à la légère, c'est n'être point prudent, c'est même s’exposer à de grands embarras. C'est quelquefois quitter un confesseur sage, prudent, habile, éclairé, vertueux, pour s’adresser à un autre qui ne sera pas en état de faire le même bien que le premier.
« Gardez souvenir de ces paroles, ma fille, et faites-en l'application dans votre conduite. » Ainsi me parla le Sauveur Jésus.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 21

Le jour du dimanche des rameaux, je lus ces paroles dans mon livre : « Filles de Sion, réjouissez-vous, voici votre roi qui vient vers vous plein de douceur. » Je fis ma méditation sur ces paroles, et je me rangeai parmi ces saintes filles pour voir Jésus arriver à Jérusalem et pour lui faire une réception digne de lui. Je n’avais point dans la main des branches d’olivier; je n’étendis point des tapis sur son passage; mais je lui offris mon cœur pour demeure, pour lieu de son triomphe, le conjurant d’y entrer et lui promettant que jamais les facultés de mon âme ne crieraient contre lui : « Crucifiez-le, crucifiez-le », mais toujours au contraire : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Hosanna au Fils de David! » Après que j’eus fait la communion, il me sembla entendre dans mon cœur cette parole : « Réjouis-toi, fille de Sion, ton roi est venu habiter dans ton cœur! » Et cette parole me remplissait d’une joie inexprimable. Bientôt je reconnus que c’était le Sauveur Jésus lui-même qui me parlait ainsi. Il me dit : « Ma fille, c'est ainsi que je m’adresse aux âmes bien disposées qui me reçoivent par la sainte communion. Heureuses les âmes qui communient, plus heureuses celles qui communient souvent, plus heureuses encore celles qui communient tous les jours!
« La sainte communion est l'action la plus grande qu'il soit au pouvoir de l'homme de faire; parce que c'est celle qui m’honore le plus, qui plaît le plus à Dieu, qui est le plus utile à l'homme.
« La sainte communion est l’action qui m’honore le plus. Je ne suis point pour moi dans la sainte eucharistie; mais pour l'homme, pour être sa nourriture, pour m’unir à lui, pour vivre avec lui et en lui, pour ne faire qu'un avec lui, et aussi pour recevoir de l'homme ce à quoi je tiens le plus, ce qui m’honore le plus, sa reconnaissance et son amour. Pour recevoir sa reconnaissance, car pour moi entrer en l'homme, venir en lui, habiter en lui, n'est-ce pas me rendre maître, prendre possession de celui qui me reçoit? Est-ce que m’appeler en lui n'est pas de la part de l'homme le don volontaire qu'il me fait de lui-même? Est-ce que me prendre en communion n'est pas me dire : Mon Dieu, mon Sauveur, je reconnais votre vie, votre passion, votre mort pour moi; je ne puis vous témoigner ma gratitude d’une manière suffisante; venez en moi, emparez-vous de moi, soyez en moi, régnez sur moi; vous vous donner à moi, je me donne à vous. ? Je suis dans l’eucharistie pour recevoir son amour. L'homme désire se trouver près de celui qu'il aime, et ce n'est que lorsqu’il se trouve face à face avec son ami, qu'il peut lui dire, lui exprimer, lui témoigner véritablement son amitié. J'ai vu cette inclination de l'homme, ce désir de l'homme; c'est pourquoi j’ai voulu toujours demeurer avec l'homme, toujours demeurer près de lui, même venir en lui. Or, quand l'homme communie, ne semble-t-il pas me dire : Mon Sauveur et mon Dieu, je vous aime de toutes les forces de mon âme; je veux que vous reposiez sur mon cœur, que vous veniez en prendre possession, que vous veniez y lire tout son amour pour vous; je ne veux pas que vous soyez seulement près de moi et moi près de vous, je veux que vous soyez en moi; que ma vie se confonde avec votre vie, et puisque vous me donnez votre vie par amour pour moi, moi aussi je veux vous donner la mienne par amour pour vous. Vous comprenez maintenant, ma fille, comment la communion est l'action qui m’honore le plus, puisque j’y reçois ce qu'il y a de plus précieux en l'homme, la reconnaissance et l’amour de son cœur.
« La sainte communion est l’action la plus agréable à Dieu. Une seule parole vous le fera comprendre. Vous le savez, ma fille, je suis le bien-aimé de mon Père; il met en moi toutes ses complaisances. Pensez-vous donc qu'il puisse lui être rien de plus agréable que de me voir honoré d’une manière si éclatante par la sainte communion?
« La sainte communion est encore l'action la plus utile à l'homme. Je suis, en effet, contenu en entier dans la sainte eucharistie, avec mon corps, mon sang, mon âme, ma divinité, mes mérites, mes grâces et tous les trésors du ciel. Me recevoir en communion, c'est donc recevoir tout ce qui est en moi. Est-il rien de supérieur à ce qui est contenu dans la sainte eucharistie, puisqu’il y a Dieu lui-même, et que ce Dieu devient la propriété de l'homme, sa nourriture, sa vie? Ah! une seule communion suffirait pour enrichir l'homme à jamais. Comment se fait-il donc, ma fille, qu’après tant et de si nombreuses communions, les hommes soient toujours avec leurs mêmes défauts, leurs inclinations, leurs péchés, leurs chutes? C'est qu'ils n'y apportent pas cette disposition qui renferme toutes les autres, le désir d’avancer de plus en plus dans l’amour de Dieu et l'accomplissement plus parfait de sa volonté. Ayez ce ferme désir, ma fille, et vos communions m’honoreront, plairont à Dieu et seront pour vous de la plus grande utilité.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 22

Une autre fois, Jésus me dit de prendre le livre et de lire ce que je trouverai. Je tombai sur cette antienne : « Heureux celui qui mange du pain! Faites attention, me dit-il; du pain, cela peut s’entendre de la sainte communion. Combien ne reçoivent pas du pain mais un poison mortel! Dans le royaume de Dieu, c’est-à-dire en état de grâce.
« Il y a trois sortes de communion : la communion indigne, la communion tiède, et la communion fervente.
« La communion indigne : Ah! le voilà cet homme en état de péché mortel! Le voilà! Avec quelle froideur, quelle indifférence ne se présente-t-il pas devant moi pour me recevoir! À peine peut-il dire quelques prières, mais comment les dit-il! Avec quel coeur vais-je dans celui de cet homme qui va me livrer au démon! Celui-là ne mange pas du pain, mais du poison; il n'est pas dans le royaume de Dieu, mais dans celui du démon.
« La communion tiède : Il y a bien des personnes qui, après tant de communions, ont toujours les mêmes défauts, les mêmes imperfections. Elles ne s’arrêtent pas à de si petites choses; contentes de leur manière de vivre, elles ne songent pas à devenir meilleures. Lorsqu’elles font la sainte communion, elles s’amusent à réciter des prières avec une dévotion sensible; mais elles ne pénètrent pas dans leurs cœurs; elles n’en sondent pas les replis; elles ne s’appliquent pas à purifier leurs âmes des affections au péché véniel. C'est comme si elles me disaient : Si, je vous aime, mais encore que telle et telle chose vous déplaisent, ce n'est pas grand’chose, je les ferai.
« Je ne vais pas de bon cœur dans ces âmes; je voudrais que leur principale dévotion fût d’être résolues d’éviter tout ce qui peut me déplaire. Il est vrai que le péché véniel ne rend pas leur communion sacrilège, mais il fait que je ne me communique pas entièrement à elles; je ne leur donne pas mes grâces en si grande abondance. Elles font la communion pour se préserver du péché mortel, et elles y reçoivent assez de grâces pour cela.
« La communion fervente est celle qui se fait sans aucune affection au péché véniel. Voyez cette personne, elle a un désir sincère de s’avancer dans la perfection, elle communie pour obtenir de nouvelles grâces, pour s’avancer de plus en plus dans l’amour de Dieu, afin d’accomplir plus parfaitement la volonté divine. Elle communie pour honorer les grandeurs et les perfections de Dieu, et lui témoigner son amour. Aussi je me communique à cette personne et lui donne des grâces abondantes.
« Ma fille, il ne suffit pas de communier; il faut encore le faire souvent, à mesure qu'on avance dans la perfection. C'est la communion qui donne du courage et de la force pour gravir le sommet de la perfection; c'est la communion qui soutient dans les épreuves qu'on a à traverser.
« Il y a des âmes, ma fille, qui sont désireuses de travailler sérieusement à leur salut, et qui communient tous les mois ou tous les quinze jours. Elles trouvent de nombreux embarras sur le chemin de la vie. Mais la sainte communion les leur fait tous traverser avec bonheur. D'autres, pour conserver et accroître leur ferveur, communient tous les huit jours. C'est au directeur de ces âmes à régler leurs communions. Il doit pour cela bien examiner leurs dispositions, et puis leur permettre de communier selon le besoin qu'elles en ont. Un directeur doit avoir soin de faire prendre souvent aux âmes qu'il dirige cet antidote contre le péché, ce remède efficace contre toutes sortes de maladies, cette nourriture puissante qui fait disparaître toute faiblesse. Il doit néanmoins user de la plus grande prudence. Une communion par quinzaine serait trop fréquente pour une âme et pas assez pour une autre. Un directeur doit éviter d’admettre trop facilement à la sainte communion, comme aussi d’en trop éloigner. Je pardonnerais néanmoins plutôt à un confesseur de permettre la communion par trop d’indulgence que d’en éloigner par trop de sévérité. Car, de même qu’il est impossible de s’approcher du feu sans se réchauffer, de même il est impossible de s’approcher de moi, qui suit tout feu dans le sacrement de mon amour, sans ressentir plus ou moins sa ferveur se ranimer. Comment se soutiendra la faiblesse, si elle ne va puiser à la source même de la force? Comment celui qui n'est que péché pourrait-il vivre dans la justice, s'il ne prend point le remède contre le péché? Un directeur qui fait communier souvent fait plus de bien qu'un autre qui ne permet pas facilement la communion. Ne point permettre aux âmes de communier souvent, c'est les dégoûter, c’est diminuer leur ferveur, c'est les faire souffrir beaucoup. Si on veut augmenter le bien parmi les âmes, il faut les faire communier souvent. Si une âme a un caractère ferme, si elle est pleine de bonne volonté, si elle est constante dans ses résolutions, qu'on lui permette la communion fréquente, cette âme marchera rapidement vers la perfection. Mais une âme qui tantôt est remplie de zèle et tantôt de froideur, qui le matin a de la fermeté et le soir n'est que faiblesse; une âme que l’on voit quelquefois bien décidée, et quelques instants après tout à fait irrésolue, cette âme ne pourrait pas supporter la communion fréquente. Il sera facile à un confesseur qui suit et qui étudie les dispositions des âmes, pour leur permettre ou leur refuser la communion fréquente, de voir les heureux résultats produits par la communion. Un directeur ferait bien de fixer le temps des communions, sans pourtant en faire une obligation, et cela non-seulement pour les personnes pieuses, mais encore pour les personnes du monde. Il y en a beaucoup qui voudraient communier souvent, mais elles en sont empêchées par quelques obstacles que la recommandation du directeur finirait par faire disparaître. Laissées à elles-mêmes, ces âmes tombent facilement dans les négligences; si on sait les exciter, elles triomphent de tout.
« Pour qu’un directeur puisse agir sûrement, il faut que les âmes se fassent connaître clairement, telles qu'elles sont, avec leurs défauts, leurs inclinations, leurs tentations. Pourquoi craindre de s’ouvrir avec franchise à son directeur? Ne doit-on pas le regarder comme un père plein de bonté pour son enfant? Le directeur qu'on a n'est-il pas celui qu’on a voulu? n'est-il pas un ami pris entre dix mille? Puisqu’on l’a choisi soi-même, ne faut-il, pas être pour lui sans déguisement; ne faut-il pas, s’il interroge, lui répondre avec simplicité, sincérité et franchise? S’il n’interroge pas, ne doit-on pas lui dire tout ce qu'on a sur le coeur? Oui, ma fille, agissez toujours ainsi et tâchez de vous rendre de plus en plus digne de communier souvent. Mais ne le faites pas sans l’avis de votre directeur. Rapportez-vous en à lui toute votre vie. En faisant sa volonté, vous ferez la mienne, et le bien augmentera et grandira en votre âme.
« Si vous ne pouvez pas, ma fille, me recevoir sacramentellement aussi souvent que vous le désireriez, qui vous empêche de me recevoir spirituellement? Si vous communiez sacramentellement tous les quinze jours, faites vos communions spirituelles, pendant les huit jours qui suivent, en actions de grâces de la dernière communion sacramentelle; et les autres jours, faites-la pour vous préparer à la communion sacramentelle suivante. La veille du dimanche où vous ne communierez point, préparez-vous à faire à la messe la communion spirituelle. Pour la faire avec plus de fruit, préparez-vous-y en rapportant à cette fin toutes les communions spirituelles que vous ferez dans ce jour; préparez-vous-y par un plus grand détachement de toutes choses et une plus grande douleur d’avoir offensé Dieu. Faites la communion spirituelle à la messe avec grande dévotion; et, tout le jour, soyez-en bien reconnaissante.
« Si vous communiez tous les huit jours, faites vos communions spirituelles les trois premiers jours en reconnaissance de votre dernière communion sacramentelle, et les trois autres, en préparation de la suivante.
« Faites la communion spirituelle du soir pour vous préparer à celle que vous ferez le lendemain matin, comme étant la première de la journée; des le matin, concevez particulièrement de la douleur des péchés que vous aurez commis la veille; ayez un grand désir de me recevoir et soyez-moi bien reconnaissante. Il n'est pas nécessaire de se préparer à la communion spirituelle comme à la communion sacramentelle, mais plus on s'y prépare, plus on reçoit de grâces.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 23

Un jour, j’ouvris la porte de mon cœur. J’y laissai mon ange gardien pour aller moi-même au devant de Jésus; je le rencontrai et le conduisis dans mon coeur en chantant des psaumes. Quand le Sauveur fut arrivé sur le seuil de la porte, mon cœur me parut comme une grande place. J’aperçus une personne vêtue d'une robe blanche, mais qui n’était point lavée depuis longtemps, venir vers Jésus. Elle lui dit; Seigneur, voulez-vous me faire l’honneur de visiter ma maison? Jésus ne lui répondit rien, attendit un instant; puis il partit m’emmenant avec lui. Cette personne nous conduisit dans une maison dont la porte était fermée. Tout était obscur dans cette demeure. Quand la porte fut ouverte Jésus me dit en me serrant la main avec force : « Où me fait-on entrer, ma fille! » Seigneur, lui répondis-je, n’y entrez point. ? « Ma fille, il faut que j’y entre; j’entrerai, et vous verrez, autant que vous pourrez le comprendre, ce que c'est qu’une communion indigne. » Jésus entra. Je voulus le suivre, mais on ferma la porte. Jésus pourtant me fit entrer. Je vis alors cette personne embrasser traîtreusement le Sauveur Jésus, puis le dépouiller de sa robe blanche. Une multitude de démons, sous la forme d'hommes noirs, l’aidèrent dans cet acte criminel. Il en fut vite dépouillé; mais sa grâce demeurait avec lui et le couvrait toujours comme un manteau de gloire. Après cela, les démons lui lièrent les mains, que tenait la personne qui était venue chercher le Sauveur, et le flagellèrent. Je criais de toutes mes forces : Laissez-le, laissez-le! Mais loin de m’écouter, ils apportèrent une immense croix sur laquelle ils clouèrent ses mains et ses pieds. Je vis sa chair se déchirer et son sang couler avec abondance. Puis, la personne qui l’avait appelé chez elle, prit une lance et l’enfonça dans le côté de Jésus. Il poussa un grand cri, qui alla jusqu’au trône de Dieu. La croix fut ensuite dressée. Ceux qui avaient ainsi crucifié le Sauveur se réjouissaient de l'avoir mis en cet état, lui crachaient au visage, lui jetaient des pierres, et Jésus tenait toujours ses yeux levés au ciel. Après cela, les hommes noirs allèrent chercher quelqu'un qui me paru être un grand personnage. Il était aussi tout noir; sa tête était celle d’une bête, et il fut placé comme un roi en face de Jésus. Pensez-vous, dit alors avec mépris au Sauveur la personne qui l’avait appelé chez elle, pensez-vous qu’en vous appelant chez moi, je voulusse vous installer roi dans ma maison? Je n’ai d’autre roi que celui-ci, dit-elle, en se tournant vers la bête noire, parce qu'il contente toutes mes volontés et toutes mes inclinations. Le sang de Jésus coulait de ses plaies et semblait se graver d’une manière ineffaçable. Ce spectacle m’avait profondément affligée. Je voulus retourner dans mon cœur, que je retrouvai comme il est ordinairement, et non comme une place immense. Je retrouvai Jésus tout brillant sur son trône. Je me mis à son côté avec mon ange gardien. Le Sauveur me parut attristé. Il me dit : « Vous avez vu, ma fille, tous les outrages que je reçois dans une communion indigne. Malheur à ceux qui communient indignement; mieux vaudrait pour eux de n’être jamais nés! »

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 24

J’oubliais de dire les dispositions qu'il faut pour la communion fréquente, et que m’a indiquées le Sauveur Jésus.
« Pour qu'une communion soit bonne, m'a-t-il dit, il faut être exempt de tout péché mortel, et n'y être point attaché. Pour qu'elle soit plus fervente et plus parfaite, il faut être exempt de tout péché véniel et n’avoir d’affection pour aucun de ces péchés. Cette communion est plus agréable à Dieu et attire sur l’âme des grâces plus abondantes. Tant qu’on a de l’attache pour le péché véniel, et qu'on le commet de propos délibéré, on n'est point dans la voie de la perfection, on court risque à chaque instant de tomber dans le péché mortel.
« Pour la communion de tous les huit jours, il ne faut point avoir d’affection pour le péché véniel. Ces dispositions sont assez communes et à la portée de tous, même des personnes du monde.
« Il faut des dispositions plus parfaites pour communier deux ou trois fois par semaine; il faut pour cela n’avoir même pas d’affection pour les imperfections. Il faut purifier son coeur des imperfections et de l’attache aux imperfections, comme on purifie son cœur du péché véniel, et de l’attache au péché véniel pour la communion de tous les huit jours.
« Pour la communion de chaque jour, il faut des dispositions plus parfaites encore. Il faut un plus haut degré dans les vertus et la perfection, une plus grande pureté, un détachement plus complet de soi, de sa volonté, de ses désirs, une union plus intime avec Dieu, un désir sincère de faire toutes choses pour lui être agréable.
« Tâchez d’acquérir de plus en plus ces dispositions nécessaires pour communier souvent. Ne vous découragez point, ma fille; humiliez-vous plutôt et abandonnez-vous à la miséricorde de Dieu. Ayez surtout un grand désir de communier souvent. Si vous le désirez ardemment, Dieu aura plus d’égard à votre désir qu’à vos dispositions, et il vous permettra de communier plus fréquemment. Approchez-vous avec confiance du banquet sacré; nourrissez-vous avec avidité de ce pain des anges; tâchez de leur devenir semblable par votre pureté, votre obéissance, votre humilité et votre charité, et répétez souvent ces paroles du centenier : Je ne suis pas digne, Seigneur, que vous entriez dans ma maison, c’est-à-dire dans mon cœur. Puis, avec foi et confiance dans la miséricorde de Dieu, ajoutez aussitôt : Seigneur, prononcez seulement une parole et mon âme sera sauvée.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 25

Un jour, le Sauveur Jésus me parla ainsi : « Ma fille, il y a nombre de personnes qui cherchent dans le monde à refroidir la piété des âmes justes, à diminuer leur force, et elles essaient d’arriver à ce but en versant le ridicule sur ces âmes. Combien de fois n’avez-vous pas entendu nommer bigots et bigotes les personnes qui marchent dans la pratique de leurs devoirs! Quel sens attache-t-on à ces mots! Plusieurs de ceux qui les emploient seraient bien embarrassés pour l'exprimer. Connaissez-vous, ma fille, la signification de ces mots? ? Seigneur, il me semble qu’on désigne ainsi les personnes qui ont une dévotion indiscrète et mal entendue. ? C'est bien, ma fille, vous comprenez par conséquent combien est injuste la manière de parler de tant de personnes, qui donnent ces noms même à ceux qui ont une religion discrète et bien entendue. Une personne charitable et éclairée ne parlera jamais de cette sorte, et quand elle rencontrera des âmes dont les actions marquent l’imprudence et l'indiscrétion, loin de les mépriser, elle les excusera, supposant qu'elles agissent par simplicité et par ignorance, et que tout le monde ne peut pas être également instruit.
« Ma fille, je veux vous prémunir contre ces erreurs, ces indiscrétions et ces imprudences, afin que vous ayez une dévotion franche, nette, droite, pleine de fermeté.
« Plusieurs, ma fille, font consister leur dévotion dans les œuvres de piété, prières, communions jeûnes, lectures et marques extérieures de piété. Mais elles veillent peu leurs cœurs, nourrissant et flattant de petites passions qu’elles devraient détruire. Elles sont attachées aux choses de la terre; elles fuient la mortification des sens; elles parlent avec trop de liberté, se permettent de petites médisances, ou les écoutent avec plaisir. Elles se procureront toutes les satisfactions permises; elles fréquenteront des sociétés qui ne sont point interdites, mais qui conviennent peu à des personnes pieuses, et relèveront chez les autres des fautes légères comme étant très-graves. Cette conduite, ma fille, fait mépriser la dévotion.
« D’autres, au contraire, font consister toute leur dévotion dans l’intérieur. Ne leur parlez point d’exercices de piété, ni de pratiques extérieures. C'est le coeur, disent-elles, que Dieu demande, le cœur qu'il regarde, le cœur qu'il recherche. Oui, c'est le cœur qu'il recherche, qu'il veut, qu'il désire; mais il veut, il demande aussi des exercices de piété, des marques extérieures de dévotion. La vue de ces pratiques donne du courage aux faibles, et les porte, eux aussi, à servir Dieu et à lui rendre gloire.
« Les personnes qui comprennent bien la dévotion joignent les exercices extérieurs de piété aux sentiments intimes de leur cœur. Elles savent ne point s’attacher si fort aux exercices extérieurs de piété qu'elles craignent de les interrompre, de les laisser quand la nécessité ou la prudence le demande; car, pour elles, la dévotion ne consiste pas dans les prières, les communions, les génuflexions et autres pratiques bonnes et excellentes, mais uniquement dans le parfait accomplissement de la volonté divine et dans l’amour de Dieu. Voyez comme elles cherchent avec soin à connaître la volonté de Dieu. Elles savent qu'il y a une volonté de Dieu générale, qui est d'éviter le péché et d’observer les commandements; elles savent qu'il y en a une autre particulière, qui concerne chaque personne, chaque état, chaque condition. C'est cette volonté particulière qu’elles étudient. Une personne se sauve là où d’autres personnes se perdront, parce que celles-ci ne font pas ce que Dieu demande d’elles. Dieu ne demande pas également de tous; mais il demande à chacun selon les grâces qu'il lui a faites, selon son état, selon sa condition, et dans chaque état, dans chaque condition, tous peuvent se sauver en accomplissant ce que Dieu demande.
« Heureux sont ceux qui cherchent ainsi à connaître la volonté de Dieu pour l’accomplir avec fidélité! S’ils la cherchent, ils la trouveront, parce que Dieu brille aux regards des âmes comme une lumière éclatante. Il s’appelle la lumière, il est la lumière. Combien qui marchent dans les ténèbres parce qu'ils ne cherchent point la lumière. Ce sera en vain qu'ils s’excuseront auprès de Dieu en disant qu'ils ne connaissaient point sa volonté sur eux. Ils ne l’ont point cherchée.
« Cherchez donc à connaître la volonté de Dieu, suivez en tout cette volonté, ma fille, accomplissez-la par amour pour Dieu; vous aurez une dévotion ferme, solide, vraie, et vous passerez de la lumière du temps à celle de l'éternité, de la vie qui passe à celle qui passe pas.
Louange à jamais à Jésus au saint sacrement de l’autel. Amen.

LIVRE CINQUIÈME, chapitre 26

Le lendemain, je me trouvai près du tabernacle du Sauveur, où j’étais venue l’adorer : « Ma fille, me dit-il, l’éclat de la majesté de Dieu est grand, et il se suffit à lui-même. Je suis éternellement l’éclat et la splendeur de sa majesté, et Dieu, éternellement aussi, me regarde avec complaisance reposant en son sein. Un outrage à cette gloire fut fait par l’homme désobéissant, et je vins sur la terre pour rendre réparation à la gloire et à la majesté de mon Père. Pour cela, je pris un corps, et ce fut par la souffrance de ce corps, uni à ma divinité, que je donnai réparation à mon Père, et que je lui témoignai combien j’avais à cœur l'inviolabilité de sa gloire. Aujourd'hui, le corps que j’unis à ma divinité sur la terre lui est encore uni dans le ciel, et toute l’éternité il demeurera uni à ma divinité pour participer à sa gloire.
« Les âmes qui auront ainsi également à cœur la gloire de mon Père, partageront un jour sa gloire dans le ciel. Elles deviendront participantes du bonheur de Dieu, elles le verront, elles l’aimeront, et Dieu les aimera à jamais.
« Sur la terre, il n'y a point de félicité autre que celle qu'on trouve dans la recherche de la gloire de Dieu, et encore cette félicité est bien imparfaite, parce que la vie est parsemée de contradictions, de peines et de souffrances qui empêchent d’être véritablement heureux. Souffrez, néanmoins, toutes ces contradictions, toutes ces peines, patiemment, et, comme moi, par amour pour Dieu. Pensez que vous ne pourrez jamais travailler suffisamment à effacer vos péchés, à rendre à Dieu la gloire qui lui est due; pensez que vous ne souffrirez jamais autant que j'ai souffert moi-même; surtout gardez-vous de vous plaindre jamais. Qu’est-ce que la vie pour mériter le bonheur et la félicité du ciel, la participation à la gloire éternelle de Dieu? Que cela vous soutienne et vous donne du courage. Quand vous faiblirez, venez à moi, je vous relèverai, je vous donnerai de la vigueur. Ayez toujours dans votre esprit le désir de la gloire de mon Père; cherchez-la en tout, même au prix des plus grandes souffrances, et vous la trouverez pour l'éternité. Dieu vous la montrera, et cette vue fera votre éternelle félicité. »
Amour à jamais à Notre-Seigneur au saint sacrement de l’autel. Amen.

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Message par Her Mar 12 Avr - 8:29

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Livre 6
La Prière


LIVRE SIXIÈME, De la prière.

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

LIVRE SIXIÈME, chapitre 1

Voici les instructions que m’a données le Sauveur Jésus sur la prière.
« La prière est un entretien familier de l'âme avec Dieu. La dignité infinie de Dieu et notre extrême bassesse doivent nous faire comprendre comment nous devons prier. Dieu est un être infiniment saint, infiniment juste, infiniment bon, infiniment parfait. L'homme est un être naturellement enclin au péché, qui ne peut rien opérer de bon par lui-même, qui a besoin à chaque instant d'un secours d’en haut, même pour conserver sa vie. Il y a donc une distance sans bornes, il y a aussi un grand rapprochement entre eux, la bonté de Dieu et le besoin de la créature. Jésus-Christ, en s’incarnant, a uni la divinité à l’humanité, la créature au Créateur, et par lui l'homme se trouve dans les rapports les plus intimes avec Dieu. Cette intimité doit se perpétuer par la prière.
« Prier, c'est reconnaître sa misère et la puissance de Dieu; prier, c'est reconnaître son néant et l’Être souverain de Dieu; prier, c'est témoigner qu'on se défie de soi et qu'on a pleine confiance en Dieu; prier, c'est renoncer à soi pour s’attacher à Dieu; prier, c'est élever sa voix et la lancer vers Dieu; prier, c'est demander, et demander à Dieu directement en s’adressant à lui, indirectement en s’adressant à ses élus; prier, c'est faire acte de foi, d’espérance et d’amour; prier, c'est puiser à l’éternelle source des biens qui ne passent point, parce que celui qui prie est sûr d’être exaucé; prier, c'est devenir fort dans la faiblesse, courageux dans les dangers, triomphateur dans les combats. »
C'est bien là l’exposition que m'a donnée le Sauveur Jésus quand il m’expliquait les qualités de la prière.

LIVRE SIXIÈME, chapitre 2

Il ajouta : Ma fille, il ne faut pas seulement prier une fois, deux fois, cent fois, il faut prier tous les jours, à chaque instant du jour, et faire de tous ses actes une prière continuelle et une élévation de l'âme à Dieu, parce qu’à chaque instant du jour vous conservez votre nature pauvre, pécheresse, portée au mal, et votre titre de créature; et que pendant toute l’éternité Dieu est votre créateur, votre maître, votre roi, votre père, votre sanctification.
« Or, pour prier, il n'est pas nécessaire de prononcer toujours des paroles. Beaucoup de personnes prononcent de longues prières et ne sont point exaucées, et d’autres qui n’en prononcent point reçoivent tout ce qu'elles demandent. Cela vous étonne, ma fille? Ne savez-vous donc point que prier, c'est bien plutôt demander à Dieu avec le cœur qu’avec la langue? Les désirs intimes du cœur arrivent plus facilement aux oreilles de Dieu que les paroles de la langue. Votre langue se fatiguerait à toujours parler en priant. Le cœur ne se fatigue jamais de désirer. Le cœur, c'est un désir vivant. Tant que vous vivrez, vous désirerez; si vous désirez Dieu et ce qui est à Dieu, vous prierez continuellement; votre vie ne sera qu'une vie de prière, et Dieu vous écoutera favorablement.
« Ainsi, ma fille, vous comprenez que vous pouvez prier partout, en tout lieu, en tout temps, en toute circonstance, car votre cœur peut toujours désirer Dieu et l’accomplissement de sa volonté. Votre cœur peut toujours désirer vivre dans l’amitié de Dieu et dans sa grâce; votre cœur peut toujours désirer éviter le mal, de fuir le péché, de résister aux tentations du démon, du monde et de la chair, de franchir tous les obstacles, de briser tous les liens qui voudraient vous séparer de lui. Or, désirer ces choses du fond du cœur, les désirer véritablement, c'est constamment demander à Dieu qu'il les accomplisse en vous, et, quels que soient le temps et le lieu où vous vous trouvez, rien ne vous empêche d’entretenir et d’augmenter même ce désir.
« Faites-le, ma fille, et vous prierez d'une manière bien agréable à Dieu.
« Il est bon néanmoins, ajouta-t-il, de choisir dans la journée quelques instants où vous vous recueilliez avec plus d’attention, pour vous placer en la présence de Dieu, lui exposer vos besoins et vos nécessités, et lui adresser une voix plus suppliante. Alors vous vous retirez un peu à l’écart, vous vous placez pour ainsi dire seule à seule avec Dieu, vous acceptez l’audience particulière et privée qu'il vous donne, et vous lui parlez avec la confiance et l’amour d’un enfant; vous lui ouvrez votre cœur, et Dieu vous reçoit, vous écoute et vous bénit.
« C'est à l'heure du danger, dans les tentations, dans les circonstances pénibles ou difficiles, dans les entreprises périlleuses que vous devez invoquer Dieu et lui dire : Mon Dieu, je m’abandonne à vous! Mon Dieu, sauvez-moi, je péris! Mon Dieu, ne me laissez pas succomber à la tentation! Mon Dieu, délivrez-moi de tout mal! Mon Dieu, que votre volonté soit faite et non la mienne! Je m’abandonne tout entière à vous, prenez pitié de moi! »

LIVRE SIXIÈME, chapitre 3

L'homme sur la terre n'est que faiblesse, pauvreté, néant, et il se trouve en face de Dieu, en qui résident la force, le bien et l’être. Comme le mendiant s’adresse à l'homme riche, ainsi nous devons nous adresser à Dieu et lui demander une part à sa force, à ses biens, à sa vie. « Or, voici comment il faut prier, m'a dit le Sauveur Jésus : Il faut prier avec foi, humilité et confiance.
« Vous devez prier avec foi, c’est-à-dire croire que vous parlez à Dieu, qui possède infiniment toutes sortes de biens, qui peut et veut vous accorder tout ce qui vous est nécessaire.
« Vous devez prier avec humilité, c’est-à-dire considérer ce que Dieu est et ce que vous êtes, ce que Dieu a fait pour vous et ce que vous avez fait pour lui, enfin ce que Dieu mérite et ce que vous méritez.
« 1? Dieu est infiniment grand, infiniment bon, infiniment saint, infiniment parfait et Seigneur souverain de toutes choses, à ce point que devant lui tout n'est rien. Vous n'êtes que misère, faiblesse, néant, vous n'avez que le péché et l’entraînement au péché.
« 2 ? Dieu vous a tirée du néant, créée, rachetée, comblée de grâces et de bienfaits. Vous, ma fille, vous l’avez offensé, vous avez péché contre lui, vous avez reconnu ses bienfaits par l’ingratitude, et n’avez retiré que peu de profit de toutes les grâces dont il vous a comblée.
« 3 ? Dieu mérite l’adoration, le respect et l’hommage de toute créature; l'amour, la reconnaissance, la soumission de tous les hommes. Et vous, ma fille, que méritez-vous? Reconnaissez-vous indigne et incapable de tout bien, digne au contraire et capable de tout mal; humiliez-vous profondément devant Dieu et pensez que vous ne méritez que les châtiments de sa colère. Présentez-vous devant lui, calme, humble et dépouillée : calme, sans autre pensée que celle de Dieu; humble, reconnaissant que vous n'avez rien; dépouillée de tout, c’est-à-dire de toute affection, de tout désir, de toute volonté propre, n’aimant que Dieu ou pour Dieu, ne désirant que Dieu, ne voulant que ce que Dieu veut, comme il le veut et parce qu'il le veut.
« Priez avec confiance. Espérez d’obtenir ce que vous demandez, non à cause de vos mérites ou de la ferveur de votre prière, mais à cause de mes mérites et de la miséricorde de Dieu. Quand vous aurez prié, n’examinez pas si vous avez bien ou mal prié; sans vous troubler, jetez votre prière dans le sein de la divine miséricorde, bien convaincue que, malgré la bonté de votre prière, elle est encore bien imparfaite. Aussi, n’appuyez pas votre confiance sur vos prières, rougissez plutôt de les offrir à Dieu si misérables, et les unissant à mes prières sur la terre, conjurez-le de les agréer en union avec celles que je lui ai adressées, et il les recevra en vue de mes mérites et à cause de sa miséricorde. »

LIVRE SIXIÈME, chapitre 4

Je me trouve quelquefois dans un état tel qu'il m'est impossible de le définir. Je goûte la présence de Dieu d’une manière sensible; mon âme en est doucement accablée. Quelquefois je reste devant Dieu sans sentiments aucuns, et n’ayant que la force de fixer sur lui mes regards; d’autres fois enfin, mon cœur est tout brûlant d’amour, mais je ne puis exprimer à Dieu cet amour que par des soupirs ou les élans secrets et intimes de mon âme; ma bouche est sans parole et ma langue sans voix.
Je m’en affligeais; or, Jésus me dit un jour : « Ma fille, il y a une sorte de prière qui m’est très-agréable : c'est celle d’une âme qui se tient devant Dieu sans aucun désir, sans autre volonté que la volonté de Dieu, qui se livre complètement à lui pour tout ce qui l'intéresse et la concerne, et, comme un enfant, sans rien demander à son père, s’abandonne à ses soins paternels, ayant néanmoins les yeux toujours attachés à lui pour recevoir ses ordres et les exécuter au premier signe de sa volonté. Combien Dieu regarde cette âme avec complaisance, comme il s’attache à elle! Ah! ce silence est plus éloquent que la plus éloquente des voix. Celui qui fait ainsi dit tout à Dieu sans lui rien dire, et, sans lui rien demander, il lui demande tout.
« N’oubliez pas ce que je viens de vous dire, ma fille. Quand vous prierez, si vous goûtez la présence de Dieu et ne pouvez parler sans perdre cette présence, laissez toute prière vocale; mais si vous pouvez prier et jouir en même temps de la présence de Dieu, faites-le; sinon, ne priez pas; je le veux ainsi et soyez tranquille. De même, si vous êtes privée de la présence sensible de Dieu, ne la recherchez pas avec trop d’empressement; sachez faire le sacrifice du plaisir que vous éprouveriez, et attendez avec soumission et humilité que Dieu vous accorde cette faveur s'il le juge convenable.
« La prière vocale, ma fille, et les actes de piété sont ou pour exciter en soi des sentiments affectueux envers Dieu ou pour les lui témoigner. Pourquoi, dans ces moments, iriez-vous chercher cela dans la prière vocale quand vous le possédez d’ailleurs? Est-ce que Dieu a besoin de vos paroles pour vous comprendre? Ne lit-il pas dans votre cœur? Si la prière vous donne des distractions ou si les distractions surviennent dans vos prières, détournez-les avec calme et remettez-vous doucement en la présence de Dieu sans aucune inquiétude.
« Priez souvent, priez sans cesse; or, pour cela, il n'est pas nécessaire de faire de longues prières, puisqu’on peut prier sans parler; priez toujours, c’est-à-dire ayez toujours de bonnes pensées, de saintes affections; restez en ma présence avec des sentiments pieux et une intention pure et droite. Ne pouvez-vous pas faire cela au milieu de vos travaux et de vos occupations? Eh bien! vous me serez agréable par votre travail, qui est l’accomplissement de ma volonté, et agréable aussi par ces sentiments de votre cœur, que j’estimerai comme la plus parfaite des prières.
« Voulez-vous que je vous livre la clef de mes trésors? Me disait-il en une autre circonstance. La voici, c'est la prière. Pourquoi les hommes se plaignent-ils de leur misère, de leur faiblesse et du peu de grâces qu'ils sentent en eux? C'est qu'ils ne prient pas. Qu’ils prient, et ils seront exaucés. Cependant Dieu n’exauce pas toujours, il veut souvent éprouver la patience et la persévérance des hommes. Ne mettez donc pas de bornes à sa miséricorde, persévérez dans la prière, en attendant le moment du Seigneur pour qu'il vous soit fait selon votre demande. Que le retard de la grâce que vous sollicitez ne vous décourage pas; priez encore, priez jusqu’à ce que vous soyez exaucée, et vous le serez certainement, parce que Dieu exauce toute bonne prière. N’attribuez jamais à Dieu le refus de ce que vous demandez, mais à votre prière mal faite ou au peu d’utilité que vous retireriez si Dieu vous exauçait; et dans ce cas, si vous avez bien prié, il vous accordera une grâce autre, mais plus avantageuse pour vous que celle que vous sollicitez.

LIVRE SIXIÈME, chapitre 5

Voilà ce que m'a dit à peu près le Sauveur Jésus sur la prière à Dieu. Il m’a parlé aussi d'une autre prière, et pendant qu'il me parlait, il se fit, je me le rappelle, comme une clarté brillante autour de ses paroles. Il me parlait de la prière à Marie. Les instructions qu'il m'a données m'ont été fort utiles.
« Les honneurs que l'on rend et les prières qu'on adresse aux statues et aux images saintes de Marie se rapportent directement à elle, comme les injures des méchants et des impies ne s’adressent point à ses images et à ses statues, mais à Marie elle-même. Marie est grande, puissante, compatissante, pleine de bonté; mais la bonté, la compassion, la puissance et la grandeur de Dieu sont bien supérieures, car elles sont infinies comme Dieu, tandis que Marie n'est que l’œuvre et la créature de Dieu; aussi l'honneur qu'on rend à Marie doit se rapporter à Dieu, mais if faut l’honorer et l’aimer, parce que Dieu le veut. Marie est le chef-d’œuvre des mains du Créateur. Il en a fait la plus belle, la plus sainte, la plus parfaite de toutes les créatures. Il l’a aimée, honorée, élevée en dignité, plus qu’aucune autre créature sur la terre et dans le ciel. Aussi devez-vous honorer Marie, l’aimer et la louer, en rendant grâce à Dieu de tout ce qu'il a fait pour elle.
« Marie doit être l’objet de vos hommages; elle est aussi celle à qui vous devez recourir dans les tentations, les besoins de votre âme, vos malheurs et vos peines, et elle vous accordera secours, grâces et consolations. Je vous dis cela non pour vous faire supposer que Marie est plus puissante que Dieu, mais pour vous apprendre que Dieu ne veut rien accorder que par Marie. Voici tout le plan et toute l’économie de la Providence sur les hommes.
« Je suis entre Dieu et les hommes. Nul ne peut rien obtenir de mon Père, s’il ne l’obtient par moi. Or, j'ai placé ma Mère entre les hommes et moi, et je n’accorde rien aux hommes que par ma Mère et en sa considération. Que le pécheur s’adresse à Marie, qu'il obtienne sa protection, et il sera pardonné. Celui qui est en paix avec moi est aussi en paix avec mon Père; de même celui qui a l’amitié de ma Mère possède aussi mon amitié. Demandez à Marie toutes les grâces qui vous sont nécessaires, elle vous les obtiendra; reconnaissant votre indignité, adressez-vous à Marie, et Marie priera pour vous. Toutes les grâces que Dieu distribue sont en moi comme dans un immense réservoir. Je les fais couler dans Marie comme dans un réservoir nouveau, et c'est là qu'il faut venir les puiser. On demande une grâce, mon Père consent, je l’accorde et Marie la donne. Si vous voulez toujours être reçue par moi, priez Marie de vous présenter, ou bien présentez-vous vous-même au nom de Marie, en me demandant de vous recevoir non pas pour vos mérites, mais en considération de Marie. Quand vous ne pourrez pas venir à moi, allez à Marie, priez-la d’intercéder pour vous; je vous verrai avec plaisir à ses pieds. Aller à Marie dans les tentations, les dangers et les périls, c'est être assuré de la victoire. Être entre les mains et sous la protection de Marie, c'est avoir son salut en sûreté.

LIVRE SIXIÈME, chapitre 6

Le Sauveur Jésus, après m’avoir appris comment je devrais prier et qui je devais prier, m’a enseigné encore pour qui je devais prier.
« Ma fille, en premier lieu, vous devez prier pour vous, soit pour accomplir le précepte de la prière, soit pour vous procurer les secours qui vous sont indispensables. Or, si vous devez prier, c'est pour obtenir des grâces, et ces grâces, vous devez les demander à Dieu pour vous avant de les demander pour autrui. Car vous devez vivre avec Dieu, pour Dieu et en Dieu, avant de demander cette vie pour les autres. Vous devez vous sauver avant de sauver autrui.
« Vous devez prier pour vos parents, pour vos amis et bienfaiteurs, vous devez prier pour les prêtres, vous devez prier pour la sainte Église, vous devez prier pour que son règne croisse et grandisse, pour que les pécheurs changent de vie, pour que les hérétiques renoncent à leurs fausses doctrines et marchent dans la vérité, qui est une et indivisible; vous devez prier pour les missionnaires qui vont au loin annonçer aux nations barbares un sujet de grande joie, une bonne nouvelle, celle de mon incarnation, de ma vie et de ma mort.
« Priez pour les pauvres pécheurs, ma fille; mais priez d’abord pour vous-même, en vous reconnaissant pécheresse, et répétez souvent : Convertissez-nous à vous, Seigneur, convertissez-nous à vous, brisez nos cœurs. O vous qui avez fait sortir dans le désert une source abondante d’un rocher, faites sortir de nos cœurs des soupirs, des gémissements et des larmes de sincère pénitence. Quelque différent ou éloigné de sa conversion que vous paraisse un pécheur, ne laissez pas pour cela de prier pour lui : espérez toujours que Dieu vous exaucera, car rien ne lui est impossible. Quand même, de longtemps, vous ne verriez pas de changement dans ce pécheur, priez toujours et priez avec confiance. Dieu peut-être lui réserve des grâces spéciales et particulières pour sa conversion à un jour, à une heure déterminée, au moment de mourir, qu'en savez-vous? Priez : peut-être que Dieu ne veut pas vous donner la jouissance de voir la conversion de ce pécheur et que vous mourrez avant lui, et qu'il préfère vous donner le mérite d’une longue épreuve. Priez, sans perdre confiance, vous prières du moins seront méritoires pour vous. Ne vous contentez pas de prier; tâchez encore, par votre douceur, votre gaieté, votre bonté, de faire comprendre aux pécheurs que la piété est aimable; soyez prévenante et affable pour eux, pour leur témoigner que ceux qui font le bien ne les méprisent pas et ne refusent point de leur parler. Adressez-leur quelquefois une bonne parole : un mot suffit pour ramener un pécheur, s'il est accompagné du secours et de la grâce de Dieu. Vous seriez touchée jusqu’aux larmes si vous entendiez les invitations, les promesses, les reproches, les plaintes ou les menaces que tour à tour je leur adresse, et ils demeurent froids et insensibles.
« Vous devez prier pour les justes, afin qu'ils persévèrent dans la justice; vous devez prier pour les pécheurs, afin qu'ils se convertissent.
« Dieu aime les prières qui lui sont dictées par ce sentiment de charité pour le prochain.
« Ordinairement, vous le remarquerez sans peine, on prie avec plus de ferveur pour autrui que pour soi. Cette prière est dictée par la charité, et cette charité est pleine de dévouement. Quand on prie ainsi, on est tout occupé de ce qu'on demande, on a un ferme désir de l’obtenir; on le demande avec foi et persévérance. Oui, ma fille, priez pour vous d’abord, mais priez beaucoup pour autrui.
« Priez pour tous les chrétiens, pour ceux qui se trouvent dans des positions fâcheuses, difficiles et pénibles; priez pour ceux qui ont le plus de responsabilité; priez pour les vivants, mais surtout, comme je vous l’ai déjà si fort recommandé, priez pour les défunts qui n'ont point encore pleinement satisfait à la justice de mon Père. Ils souffrent dans les flammes du purgatoire des peines considérables, et vous pouvez abréger le temps de leurs peines en priant pour eux, en leur appliquant les indulgences qui vous sont accordées par la sainte Église. Priez pour ces pauvres âmes, priez surtout pour celles qui sont le plus oubliées, le plus abandonnées au milieu de leurs affreux tourments. »

LIVRE SIXIÈME, chapitre 7

Je vais rapporter en toute simplicité ce que j’ai éprouvé un jour. Cela vient-il de Dieu, démon imagination ou de Satan? Dieu le sait; pour moi, je ne me prononce pas et je suis prête à admettre ce qu'on voudra.
Une femme d’une grande piété demeurait dans une maison voisine de notre maison. Atteinte d’une maladie dangereuse, elle fut bientôt réduite à toute extrémité; on désespéra de la sauver. Pour moi, je crus entendre une voix qui disait : « Elle ne mourra pas, non, elle ne mourra pas. » Je ne dis rien, j’abandonnai cette femme à la volonté de Dieu : elle mourut. En apprenant sa mort, j’éprouvai en moi-même une douce joie, il me sembla entendre la voix de Jésus qui me disait : « Elle n'est pas morte, elle n’a fait que vous quitter pour aller entre les bras d’un Père plein de bonté. Cependant, elle ne jouit pas encore de sa présence. Ma fille, priez pour cette personne et dans toutes vos prières et dans toutes vos actions, proposez-vous son soulagement, sollicitez sa délivrance jusqu'à ce que je vous dise : C’est assez. »
« Depuis cette heure, je n'ai cessé de penser à cette défunte, de prier pour elle, de demander sa délivrance, et avec tant de ferveur, que jamais, avant ni après, je n’en ai ressenti de pareille. Un jour, pendant que je priais, il me sembla entendre ce nom : Jeanne! Je fus bien surprise, et je demandai si ce nom n’était pas celui de cette personne? Je ne le connaissais pas; je m’informai de son nom : elle s’appelait Jeanne.
« Le samedi soir de la semaine où Jeanne mourut, je me mis à genoux pour prier; je me transportai par la pensée au pied du Saint-Sacrement : je crus en esprit, et non d’une manière sensible, car mes yeux ne virent rien, je crus voir une grande échelle dressée devant moi. Des personnes, qui paraissaient être des anges, me pressaient d’y monter; je ne le voulais point, craignant d'être victime de quelque illusion; ils me pressèrent plus vivement : « Monte, me disaient-ils, monte! » Je refusais encore. Enfin, je consentis, je montai. J'avais un ange à ma droite et un autre ange à ma gauche. Ma pesanteur et ma lâcheté furent telles, que je ne franchis que quelques échelons et je descendis. Aussitôt, je pensai en moi-même; cette échelle est celle de la perfection ; combien j’ai de peine et de lâcheté pour y monter! et je récitai ma prière.
Le lendemain, je devais faire la sainte communion; je me mis en oraison dans l’église; pendant l’oraison, Jésus me dit entre autres choses : « J’irai voir ma bien-aimée; elle viendra au devant de moi et sera dans l’allégresse. J’irai voir ma bien-aimée, je la retirerai du désert, je me montrerai à elle; je le dis, je le ferai. J’irai voir ma bien-aimée; elle sera seule, je lui dirai mes secrets; je le dis, je le ferai. J’irai voir ma bien-aimée; je la mènerai sur le Thabor; je le dis, je le ferai. » Puis il ajouta : « Marie, c'est en ce jour que Jeanne doit être délivrée. Quand vous aurez communié, récitez la prière : O bon et très-doux Jésus, etc., à l’intention de Jeanne. Elle vous apparaîtra; de quelle manière, je ne le dis pas, mais elle vous apparaîtra, vous la verrez. »
Un instant après, j’aperçus de nouveau l’échelle mystérieuse; un ange, me tenant par la main, me pressait d’y monter. Je refusai d’abord, je cédai pourtant à ses instances, disant : il en arrivera ce que Dieu voudra. Après avoir franchi avec beaucoup de peine quelques échelons, il me fut impossible de monter plus haut. Je trouvai une séparation de deux échelons, puis je montai plus vite. Je rencontrai encore plusieurs obstacles de la même nature dans mon ascension : l’ange venait toujours à mon aide, l’ascension devint de plus en plus facile et rapide. Bientôt on eut dit que je volais, tant la rapidité avec laquelle je m’élevais était grande. J’arrivai enfin au bout de l’échelle. Là, je vis une plaine immense, couverte d’une multitude d’arbres disposés en allées; ces arbres n'étaient pas élevés, mais très touffus; leurs feuilles étaient d’une couleur brillante et ressemblaient assez à un mélange de blanc et de rose tendre. Au-dessous de chaque arbre, je vis une table recouverte d’un tapis de riches broderies. Mon guide me tenait par la main; je me promenais avec lui. Je ne saurais dire la nature du pavé; il semblait être de cristal et de la même couleur que les feuilles des arbres; il me parut aussi être d’or. L’air était pur, et une brise légère murmurait doucement à travers les feuilles et les branches. Au milieu de cette plaine, j’aperçus un autel d’or magnifique; je ne pus le regarder longtemps; mon guide m’apprit que c'était sur cet autel qu'on offrait les prières des saints. Au centre de l'autel, j’aperçus une source d’eau fort claire et très-limpide. Je vis au milieu de cette source un grand tube en or recourbé comme un arceau, et versant avec abondance l’eau de la source dans un immense réservoir fait de l’or le plus pur. Plusieurs personnes se promenaient çà et là par côté.
L’heure de la messe arriva, car c'était le dimanche matin. Une multitude de personnes habillées de blanc vinrent se prosterner à genoux au pied de l’autel. Après avoir communié, je récitai la prière que m’avait prescrite le Sauveur, et par laquelle on gagne, avec une indulgence plénière, la délivrance d’une âme du purgatoire. Cette prière terminée, Jésus me dit : « Venez, ma fille. » Je n’avançai pas, ne voulant pas sortir de mon cœur, où j’étais entrée après la communion, par crainte d'être trompée. « Venez donc, me dit-il encore; ne craignez pas; votre cœur est uni au mien. » Je résistai encore. Néanmoins, dès que je m’aperçus que je perdais sa présence, craignant de lui déplaire en m’obstinant davantage, je me hâtai de lui obéir.
Dès que je fus sortie de mon cœur, je me trouvai dans la même plaine où j'étais avant la messe et que j'avais parcourue avec l'ange qui me guidait, mais à présent j’étais seule. Je ne tardai pas à voir Jésus sortir des rangs d’une multitude de vierges et venir à moi; il était resplendissant de beauté. Il me prit par la main et me conduisit sur les bords d'un abîme profond et ténébreux. Là, je le vis se pencher vers l’abîme, et il prononça deux fois ce nom : Jeanne! Jeanne! Un ange s’éleva de l’abîme emmenant Jeanne avec lui. La sainte Vierge s’approcha d’elle : « Qu’on apporte une robe et une couronne, » dit le Sauveur Jésus, et on le fit. On revêtit Jeanne de cette robe et on ceignit son front de la couronne blanche. Sa figure, ses mains et ses pieds devinrent d’un éclat éblouissant. Alors, la sainte Vierge prit Jeanne par la main et la présenta au Sauveur, comme une mère lui présenterait sa fille : « Recevez Jeanne, mon Fils, lui dit-elle : elle a été purifiée par vos mérites et par les prières des fidèles. » Jeanne se jeta aux pieds de Jésus, qui la releva et l’emmena avec lui. Jeanne était à la droite de Jésus, et j’étais à sa gauche. Je la voyais resplendissante de lumière; elle ne pouvait contenir sa joie, Jésus nous mena devant l’autel. Elle se prosterna profondément. « Jeanne, lui dit Jésus, embrassez ma fille Marie et remerciez-la, parce qu'elle a prié pour vous et hâté votre délivrance. » Elle m’embrassa, me remercia et me dit : « Je suis heureuse et je ne regrette rien sur la terre : j’aurais des commissions à vous donner, mais non : que ce qui est secret soit secret. » Elle se tut. Jésus la plaça au milieu d’une multitude de personnes vêtues de blanc : c'étaient des vierges parmi lesquelles Jeanne fut s’asseoir : je vis une ou deux places vides, Jésus disparut; je rentrai dans mon cœur pour faire mon action de grâces.

LIVRE SIXIÈME, chapitre 8

Le Sauveur me dit un jour : « Ma fille, rien ne manque à celui qui prie comme je vous ai enseigné à prier; car la prière est la clef de tous les trésors de Dieu; elle obtient tout de lui; or, tous peuvent prier : la prière convient à tous les états, à toutes les conditions, à toutes les personnes; par conséquent, s'il y a tant de malheureux, c'est que le nombre de ceux qui prient est très-restreint. Si vous êtes dans la détresse, dans le dénuement, priez, et Dieu vous enverra les moyens suffisants pour subsister. Si vous êtes dans l’affliction, le malheur et la peine, priez, car Dieu a toujours les yeux fixés sur l'âme affligée pour exaucer ses vœux quand elle les lui adressera. Êtes-vous embarrassée par le nombre et la difficulté de vos affaires, priez, et Dieu vous viendra en aide. Êtes-vous faible, priez, Dieu vous donnera la force dont vous avez besoin. Rien de plus utile à l'homme qu'une prière bien faite; rien de plus puissant sur Dieu. Tout le monde prie, et si peu pourtant sont exaucés. Cela n'est point étonnant, car il y en a si peu qui sachent bien prier; la science de la prière est peu connue; elle est pourtant indispensable. Demandez à Dieu, ma fille, le don d’oraison; demandez-le-lui par mes mérites, demandez-le-lui en reconnaissant que, jusqu'à cette heure, vous n’avez fait que bégayer; demandez-le-lui instamment : avec celui-là, vous aurez tous les autres. Sans la prière, on ne peut rien; avec la prière, on peut tout. Priez donc, ma fille, priez souvent, priez toujours. »

LIVRE SIXIÈME, chapitre 9

Le Sauveur Jésus m'a dit encore : Il y a deux sortes de prières, la prière vocale et la prière mentale; celle-ci est la meilleure. La prière du cœur est appelée prière mentale, celle de la bouche se nomme prière vocale. La prière vocale, comme la prière mentale, est un entretien avec Dieu, une élévation de l'âme vers lui; par conséquent, toute bonne pensée, tout bon sentiment, tout bon désir, toute bonne réflexion, est une prière. Je veux vous parler aujourd'hui de la prière mentale; je vous parlerai aussi de la prière vocale.
« La prière mentale est une élévation de votre esprit et de votre cœur à Dieu pour lui rendre vos hommages, lui montrer vos besoins et implorer ses grâces. Or, dans cette prière, il y a quatre choses : la considération, la réflexion, la demande et les sentiments affectueux. La considération produit la réflexion, la réflexion, la demande, et la demande, les sentiments affectueux. Quelquefois, la considération produit les sentiments, les sentiments, la demande, et alors la réflexion devient plus ou moins nécessaire.
« Que considère-t-on dans la prière mentale? On considère Dieu et ses attributs, on se considère soi-même aussi avec ses inclinations mauvaises, ses vices, sa misère et son néant. Cette considération fait naître dans l’esprit la réflexion; on se dit : puisque Dieu est si puissant et que je suis si faible, puisque Dieu est si saint et que je suis si pécheur, puisque Dieu est si libéral et que je suis si pauvre, je vais recourir à lui. Alors, on s’adresse à Dieu, on lui expose son état, ses besoins, ses nécessités; on s’attache à lui, on lui offre tout ce que l’on est, le peu que l’on a; on lui présente son cœur avec tout l’amour qu'il renferme, et on s’abandonne à sa providence.
« La prière est plus ou moins parfaite, selon que les sentiments de l'âme sont aussi plus ou moins parfaits, les affections plus ou moins pures et dégagées de la terre pour ne s’attacher qu’à Dieu. Une des principales dispositions à la prière, c'est ce détachement de toutes choses, ce détachement de soi-même et cette affection pour Dieu. Une des principales dispositions pour la prière continuelle, c'est l’entretien de ces bons sentiments et de ces saintes affections par lesquels on entre aisément en colloque avec Dieu. À mesure que l'âme se détache des choses de la terre et d’elle-même, le Saint-Esprit l’éclaire de sa lumière et lui fait connaître Dieu et ses perfections; et plus l'âme apprend à connaître Dieu, plus aussi elle s’attache à lui, car connaître Dieu, c'est l’aimer. Le cœur de l'homme n'est pas fait pour lui seul; il faut qu'il s’attache à ce qui peut le contenter, le satisfaire, et rien ne le satisfera jamais, si ce n'est Dieu. C'est dans cette jouissance sensible de Dieu que les saints ont goûté tant de douceurs et de consolations. Il ne faut pourtant pas se représenter Dieu sous une forme quelconque. Dieu n'a pas de forme, parce qu'il est esprit. Il faut considérer en Dieu une immensité sans bornes, un tout qui ne peut être compris et qui renferme infiniment toutes les perfections. Dieu est partout; il n'est pas plus au ciel que sur la terre; la terre le possède aussi bien que le ciel; seulement, on ne le voit pas sur la terre : ce n'est que dans le ciel qu'il se manifeste dans toute sa gloire. C'est aussi vers ce lieu de la manifestation de sa gloire qu'il veut qu'on fasse monter les prières, parce que c'est le lien que les âmes doivent habiter un jour. Plus l'âme se dégage d’elle-même et de la terre, plus elle s’avance dans la contemplation; et quelquefois, en ces moments, elle se sent reposer et s’endormir complètement en Dieu, c'est là l’extase. D’autres fois, l'âme, par l’ardeur de ses sentiments et la vivacité de ses affections, est toute transportée en Dieu et se croit unie à lui, c'est ce qu'on appelle ravissement. L’extase ou le ravissement ne sont pas nécessaires pour que la prière soit parfaite. Ce sont là des récompenses que Dieu donne à qui il lui plaît, mais qui n’augmentent pas le mérite de la prière. On ne peut parvenir à la contemplation de Dieu qu’après beaucoup de peines et de combats et par une faveur toute spéciale; on ne peut s'y maintenir que par une grande humilité et une vigilance continuelle. Il ne faut pas rechercher Dieu avec trop d’empressement, mais, lorsqu’il se laisse trouver, il faut goûter sa présence comme une faveur signalée. La voie de la contemplation est une voie dangereuse. L'âme dans cette voie est comme un aveugle sur un grand chemin. Malheur à lui s'il marche tout seul. De même pour l'âme, elle ne doit marcher en cette voie qu’autant que l’esprit de Dieu vient pour la guider et l'éclairer. Quand la lumière paraît, il faut l’accepter avec reconnaissance, marcher à sa clarté; quand elle ne paraît plus, il faut s'arrêter, parce que cette voie est bordée de grands précipices : si l'âme marchait seule, elle courrait risque d’y tomber. Elle doit donc rester là avec humilité et attendre le retour de Dieu avec patience.
« Il ne faut pas rechercher Dieu avec curiosité, on s’exposerait au danger d’être trompé et d’éprouver les malheureuses suites de sa présomption et de sa témérité. Dieu résiste aux superbes et n’accorde sa grâce qu’aux humbles. Souvent ceux qui sont tombés le plus bas sont ceux qui ont été le plus élevés. Il n'est pas nécessaire pour être sauvé d'être entré dans la voie de la contemplation, Dieu n'y fait marcher que par privilège les âmes qu'il a choisies lui-même par un effet de sa bonté.

LIVRE SIXIÈME, chapitre 10

« Je vais vous parler maintenant de la prière vocale.
« La prière vocale est l'expression des sentiments du cœur et de ses demandes à Dieu par la parole. La prière vocale est plus connue, plus usitée que la prière mentale. Elle peut être très-parfaite, mais peu connaissent sa perfection. Dieu exige ce tribut d’adoration et de louange de la langue des hommes; mais pour qu'il lui soit agréable, il doit être présenté avec foi, espérance, charité, humilité, persévérance. Pour qu'elle soit parfaite, la prière vocale, comme la prière mentale, doit être précédée du détachement de soi-même, du détachement de toutes choses. Alors l'âme se trouve dégagée de toute affection, de toute attache à la terre, qui comme une chaîne de fer l’empêcherait de s’élever vers Dieu; elle s’élance vers lui avec plus de liberté, et son essor devient d’autant plus rapide qu'il est plus libre par la pureté qui est en elle. Sa parole devient comme un jet puissant qui monte vers Dieu et pénètre jusqu'à son cœur. Quelquefois l'âme est tellement absorbée en Dieu, qu'elle fait moins d’attention aux paroles prononcées qu’à Celui à qui elles sont adressées. La prière n’en est que plus parfaite, et bien qu'elle n’avise point à sa demande, Dieu qui connaît tout ce qui est nécessaire à cette âme, l’entend et l'exauce avec bonté. La prière vocale est aussi puissante que la prière mentale. Voyez les psaumes du Prophète : quelle force dans ces paroles! Une âme intérieure qui pèse chacun des mots employés dans les psaumes peut-elle ne point sentir le feu de l'amour divin que couvrent ces chants et ces cantiques? La prière vocale est le délassement de la prière mentale. Il est des âmes qui ne peuvent pas toujours prier mentalement; elles trouvent un délassement dans la prière vocale. Quand vous userez de la prière vocale, ma fille, faites moins d’attention aux paroles que vous emploierez qu’à Celui à qui vous les adresserez. Soyez sans inquiétude sur les paroles que vous lui adresserez, ne pensez qu'à une chose, savoir, que vous vous adressez à Dieu. »
Gloire à Jésus au sacrement de son autel!

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Message par Her Mar 12 Avr - 8:30

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Livre 7
Les épreuves, les luttes et les consolations de la vie chrétienne


Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 1

Un jour, le Sauveur Jésus me parla ainsi : « Ma fille, la vie de l’homme sur la terre est un labeur. La vie est un pèlerinage, le monde un lieu d’exil, le corps une prison, chaque moment une lutte de l'homme contre lui-même. C'est pour cela que, selon ma parole, le royaume du ciel souffre violence. Vous n’avez jamais considéré attentivement la vie de l'homme : elle est sujette à des changements continuels. Il marche tantôt avec force et courage vers le terme, et tantôt avec faiblesse et lâcheté. Aujourd'hui, il est plein de feu; demain, sans mouvement. Quelquefois il s’élève et semble pénétrer les cieux par la sublimité et la grandeur des aspirations de son âme; quelques instants après il rampe terre à terre. Voyez-le, sa figure rayonne de joie; voyez-le de nouveau, son front est obscurci par le trouble et le chagrin. Voilà ce que le prophète roi a dépeint dans ses psaumes, et ses paroles sont pleines de vérité.
« Ces divers états de l'âme ne dépendent pas toujours d’elle-même, Dieu l’éprouve en agissant ainsi. Dieu ne soutient pas toujours également les âmes; il semble se retirer quelquefois avec ses grâces, ses consolations, sa force, son soutien; il abandonne les âmes à elles-mêmes, pour qu'elles sentent mieux leur misère et leur néant, pour les faire lutter, pour les exercer au combat, pour leur prouver combien elles sont impuissantes sans lui et augmenter leurs mérites. Dieu agit ainsi pour faire comprendre aux âmes, même les plus parfaites et les plus saintes, que la perfection absolue n'est point sur la terre, qu'il n'y a rien de stable ici-bas et qu'il faut toujours combattre. Dieu agit ainsi pour montrer aux âmes que la vie sur la terre ressemble à la vie d’un enfant, qui a toujours besoin de son père et de sa mère tant qu'il est enfant, et que la virilité véritable n'a lieu que dans le ciel. Dieu agit ainsi afin que l’âme, appesantie sous le poids de son corps, se détache le plus possible de ce compagnon de voyage pour ne s’attacher qu'à Dieu. Dieu agit ainsi afin que, dans les moments de sécheresse, d’aridité ou de froideur, l'âme se tourne vers lui, le suppliant de faire tomber sur elle une rosée pleine de fraîcheur et de fécondité, et de la réchauffer par les ardeurs de son amour.
« C'est pourquoi, ma fille, dans quelque état que vous vous trouviez, ayez toujours soin de penser à Dieu. Faites un doux effort pour aller vers lui. Jetez vers lui un cri d’alarme, ou bien tenez-vous en sa présence, ramenez votre esprit vers lui. Oubliez tout le reste; peines, chagrins, afflictions, travaux, exercices de piété; si vous êtes unie à Dieu, tout ira bien. Votre vie pourra être laborieuse, c’est-à-dire pénible, mais ce labeur vous portera vers Dieu et vous engendrera à la gloire. »

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 2

Le Sauveur Jésus vint un jour à moi et me dit : « Ma fille, je veux vous parler, selon la promesse que je vous ai déjà faite, des épreuves des âmes justes, de ces âmes qui marchent et s’efforcent d’avancer de plus en plus dans la voie de la justice. Je vous indiquerai ensuite les motifs pour lesquels Dieu éprouve ainsi ces âmes.
« Il y a deux sortes d’épreuves : les unes regardent le corps ou la vie matérielle, les autres regardent l'âme ou la vie surnaturelle. Les épreuves ne sont pas un mal, les âmes intérieures le comprennent bien, mais les mondaines ne le comprennent pas. Leur parler d’épreuves, de souffrances, de tribulations, de pénitences, c'est leur tenir un langage barbare qu'elles ne veulent point écouter. Ce sont des aveugles qui ne voient point dans la vie intérieure; ce sont des sourds qui ferment leurs oreilles et qui n’entendent point la parole de la vie intérieure; ce sont des muets dont la langue est liée et qui ne peuvent dire la grandeur de la vie intérieure; ce sont des paralytiques qui n’ont point l’usage de leurs pieds pour marcher dans la vie intérieure, ni celui de leurs bras pour en embrasser les pratiques.
« Vous n'êtes point du monde, ma fille, vous ne lui appartenez point; vous êtes ma propriété, vous comprendrez que les épreuves sont pour votre bien et qu'elles sont pour vous encore une source très-grande de mérites.
« Les épreuves du corps ou de la vie matérielle sont les infirmités, les souffrances, les maladies. Combien de saints, aujourd'hui dans le ciel, qui doivent leur salut à ces épreuves? La santé eût été pour eux l’occasion d’une ruine éternelle.
« Les épreuves du corps ou de la vie matérielle sont encore la perte d’un ami, d’un père ou d’une mère, d’un frère ou d’une sœur. La mort, ma fille, ne frappe pas seulement le cœur, elle frappe aussi l’esprit. Elle fait faire des réflexions sérieuses, tourne l’esprit vers Dieu, l’attache à lui, et par ce moyen fait suivre la voie de la vérité.
« Les épreuves du corps ou de la vie matérielle sont encore la pauvreté, la misère, le dénuement de toutes choses, la perte de sa fortune et de ses richesses. Ces épreuves sont aussi fort utiles aux âmes. Le riche, je vous l’ai déjà dit, ma fille, entre bien difficilement dans le ciel, parce qu'il s’attache à ses richesses et non à Dieu. Le pauvre, au contraire, apprend de bonne heure à n’espérer qu'en Dieu, à ne recourir qu’à lui. Il est détaché de tout, mais il a Dieu pur lui et Dieu lui suffit. C'est une grande grâce que Dieu fait souvent au riche de lui enlever ses richesses. Il lui montre que rien n'est stable ici-bas, qu'il ne faut compter sur rien, mais qu’on doit plutôt s’abandonner complètement à Dieu et n’aimer que lui.
« Les épreuves de l'âme ou de la vie surnaturelle sont les scrupules. Je ne parle point des scrupules qui arrivent aux âmes timides ou ignorantes, mais de ceux qui obsèdent les âmes les plus parfaites. Ces scrupules sont un bien, parce qu'ils attachent de plus en plus à Dieu.
« Les épreuves de l'âme ou de la vie surnaturelle sont la privation de la présence sensible de Dieu.
« Voyez cette personne dont la volonté est attachée à celle de Dieu. Le démon lui suggère une pensée coupable; aussitôt elle repousse cette mauvaise pensée. Cependant la tentation redouble, remplit tout son cœur, occupe toutes les puissances de son âme; il ne reste plus à cette personne que sa volonté qui, pleine d’horreur pour le péché, se tient toujours attachée à Dieu. Dieu, voulant l’éprouver encore davantage, lui ôte sa présence sensible et elle demeure sans consolation de la part de Dieu. Son esprit se remplit d’épaisses ténèbres; elle ne sait plus distinguer si elle a consenti ou non à la tentation qui l’a obsédée; elle se demande si elle jouit encore de l’amitié de Dieu ou bien si elle est en état de péché mortel. Néanmoins elle ne se trouble pas, elle reste toujours fortement appuyée sur Dieu et inébranlable comme un rocher. Elle demande des lumières à son directeur sans chercher de consolations et demeure aveuglément soumise à la volonté de Dieu. Que de mérites cette personne ne gagne-t-elle pas! Comme Dieu la regarde avec complaisance! Ne sentez-vous pas qu'il faut une vertu bien solide pour une telle épreuve? Cet état dure plus ou moins longtemps selon la volonté de Dieu qui comble ensuite cette âme de consolations sur la terre, ou lui accorde immédiatement la plus brillante des couronnes du ciel quand l’épreuve a duré jusqu’à la mort.
« Une âme, ma fille, est facilement joyeuse et fervente, quand elle ressent toutes les consolations attachées à la grâce de Dieu. Mais qu’une âme soit joyeuse et fervente quand Dieu semble s’être retiré d’elle, quand elle sent sa faiblesse et sa misère, quand son esprit est travaillé par mille pensées, quand elle se voit distraite dans ses prières, quand elle se voit assoupie dans le service de Dieu, c'est là, ma fille, une chose rare, et pourtant, il devrait en être ainsi. Heureuses sont les âmes qui ne se laissent point abattre par ces épreuves, qui repoussent les distractions sans trop s’en préoccuper, qui recourent à Dieu dans leurs peines et leurs afflictions, qui cherchent en lui leur force et leur soutien! Heureuses les âmes qui conservent inaltérable leur joie, et qui savent se soumettre entièrement et en toutes choses à la volonté et au bon plaisir de Dieu, persuadées qu'il dirige et dispose tout pour sa gloire et pour leur bien!
« Quand il plaît à Dieu d’éprouver ainsi les âmes, il le fait pour trois motifs : le premier motif n'est autre que celui de l’épreuve elle-même; Dieu connaît ainsi quelles sont les âmes qui lui sont véritablement attachées, qui l’aiment sincèrement, et non d’une manière intéressée. Il les abandonne quelque temps à elles-mêmes pour voir comment elles marchent et de quel côté elles tournent leurs pas, si elles demeurent fermes et pleines de courage. Voyez une mère dont l’enfant commence à marcher; elle le laisse seul quelque temps et pour un petit espace à parcourir, afin qu’il marche sans le secours de son bras. La mère ne se tient pas éloignée pourtant, elle demeure tout près pour observer les mouvements de son enfant et l’empêcher de tomber. Quelquefois la mère ne l’abandonne pas complètement à lui-même, elle ne le soutient pourtant pas avec ses deux mains, elle ne lui prête que le secours de son petit doigt et fait ainsi marcher son enfant. Ainsi, peut à peu l’enfant se fortifie, marche seul et se tient debout. Dieu agit comme cette mère vis-à-vis des âmes. Ces âmes marchent, parce qu'il les tient, pour ainsi parler, avec ses deux mains; ces âmes l’aiment parce qu'il les comble de ses faveurs et de ses bénédictions. Ces âmes sont fidèles à leurs exercices de piété, parce qu’elles y trouvent un avant-goût du bonheur du ciel. Or, Dieu veut éprouver ces âmes, il veut connaître leur force, leur fermeté, leur amour pour lui; il s’éloigne un peu, il ne leur accorde pas autant de consolations. Alors, si ces âmes lui demeurent fidèles, si elles ne se refroidissent pas dans son service, si elles l’aiment toujours, Dieu leur accorde encore plus de consolations, plus de bonheur et des grâces plus nombreuses qu’au commencement.
« Le second motif, c'est que Dieu veut, par les épreuves, corriger les âmes et les punir de leurs péchés.
« Je veux me servir encore de la même comparaison. Quand une mère voit que son enfant se révolte contre elle et manque de respect envers elle, elle ne lui témoigne point la même affection, elle le prive de ses bonnes grâces, et lui fait sentir son autorité au lieu de l’embrasser dans son amour. L'enfant, reconnaissant sa faute, en a du repentir, demande pardon à sa mère, promet de ne plus agir comme il a agi, et sa mère lui rend son affection, lui accorde ce qu'elle lui avait pris et le presse dans ses bras.
« Ainsi, quand les âmes tombent dans la négligence à s’acquitter fidèlement de leurs devoirs envers Dieu, ou quand elles l’offensent, Dieu leur retire sa présence sensible, leur envoie des tribulations et leur fait sentir son autorité. L’âme voyant alors sa détresse, se trouvant sans secours loin de Dieu, n’ayant d’autre espérance qu’en lui, reconnaît ses négligences, ses fautes, ses péchés, en demande pardon, et promet de faire tous ses efforts pour se corriger.
« Dieu, content et satisfait de ce retour de l'âme vers lui, répand encore sur elle ses grâces, ses bénédictions et ses faveurs les plus signalées.
« Le troisième motif des épreuves se tire de la seule bonté de Dieu. L’âme est si faible qu'elle ne peut même pas supporter et soutenir les grâces de Dieu, si elles lui sont données avec abondance. C'est pourquoi il sait les proportionner à la force de l'âme à qui il les donne. Il se retire un instant, pour lui laisser mieux entrevoir la grandeur et l’immensité des trésors divins. Il se retire un instant, pour se l’attacher de plus en plus, en lui faisant comprendre que rien sur la terre ne peut la satisfaire, si ce n’est lui. Ainsi, elle apprécie mieux les dons de Dieu; ainsi, elle fait de nouveaux efforts pour les conserver et les augmenter.
« Vous comprenez maintenant, ma fille, l’économie des actions de Dieu dans sa conduite envers les âmes. Quand il vous surviendra donc des épreuves dans votre vie, supportez-les patiemment et avec courage, pensant que Dieu ne vous les envoie que pour votre bien. »

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 3

Je lisais un jour ces paroles des saints Livres : Ils m’ont tendu un piège en secret dans le chemin que je suivais. Le Sauveur Jésus vint à moi et me dit : « Ma fille, la vie de l'homme est traversée par mille embarras et pleine de tentations. Il faut nécessairement combattre ou mourir. Celui qui combat conserve sa vie, pourvu qu'il prenne tous les moyens pour vaincre ses ennemis dans le combat. Si vous aviez un ennemi acharné à votre perte et que vous n’eussiez d’autre espoir de lui échapper que de le combattre, repousseriez-vous le combat? Ne vous armeriez-vous pas de toutes vos forces? N’appelleriez-vous pas des amis à votre aide pour marcher ensuite fièrement contre cet ennemi? Voilà la situation de l'homme en face du démon. Depuis qu'il a été précipité du ciel, le démon poursuit sa révolte contre Dieu. L'homme a été créé, c'est à l'homme qu'il s’adresse, c'est l'homme qu'il veut entraîner avec lui. Que fait-il pour cela? Il sème partout des embûches et des pièges pour l’entraîner au péché. Voilà pourquoi le prophète s’écriait : Ils m’ont tendu un piège en secret dans le chemin que je suivais.
« Savez-vous quel est ce secret dont parle le prophète, et quel est ce chemin qu'il parcourait? Je répondis : Non, Seigneur. – Ma fille, je veux vous le faire connaître. Par ce secret et ce chemin, le prophète entend l’intérieur de son âme et sa vie. Là, tout est caché, tout est secret entre Dieu et l'homme. L’âme vit là de sa vie cachée et ignorée, et Dieu la conduit. Mais voici un autre guide, un autre directeur qui se présente et qui s’oppose à Dieu, c'est Satan. Dieu indique la voie, et suivre cette voie c'est marcher à la vie. Satan approche, montre une autre voie qui semble plus brillante que la voie de Dieu, mais qui en vérité conduit à la mort. Pour entraîner l'âme, il emploie toute sorte de ruses et de moyens; il agit intérieurement et extérieurement par les créatures ou par les facultés de l'âme qu'il obscurcit. Malheur à qui suit la voie qu'il indique, malheur à qui ne s’en détourne pas! Voilà le commerce de la vie de l’âme située entre Dieu et Satan. Les mondains n'y avisent point, ils ne connaissent point ces secrets de la vie intérieure qui est la seule vie. Je veux vous en entretenir.
« La vie intérieure ressemble à un chemin caché, inconnu, souterrain. C'est la retraite où l’âme se renferme pendant son passage sur la terre. Dieu seul a le droit de pénétrer cette retraite de l'âme. Il y vient et gagne l’amitié de l'âme par la douceur de sa présence et les consolations qu'il lui fait goûter. Mais afin d’éprouver la fermeté de l’attachement et de l’amour de l'âme, il se plaît à lui retirer le bonheur de sa présence et il permet au démon de la tenter. Le démon aussitôt représente à l'âme la vie qu'elle mène comme pleine d’ennuis et de dégoûts; il parle des rudes combats qu'il va lui livrer et des fortes tentations qui vont l’assaillir de toutes parts; il lui dépeint la vie des personnes qui suivent le monde comme pleine de charmes, de bonheur et de félicité; il l’engage à embrasser cette vie.
« Heureuse l'âme qui sait en ce moment s’humilier devant Dieu, s’attacher à lui et lui jurer fidélité à jamais!
« Alors le démon exécute ses menaces, il trouble cette âme, il la remplit de pensées déshonnêtes et indécentes, il attaque surtout sa chasteté, qu'il veut ruiner soit par des désirs du cœur, soit par des représentations de l’imagination.
« Heureuse l'âme qui en ce moment compte sur Dieu, qui ne se trouble pas, qui repousse les pensées mauvaises par le souvenir de ma passion, les représentations indécentes par les représentations de ma mort sur le calvaire, qui s’arme de ma croix et qui la présente au tentateur! Dieu revient à elle avec plus de consolations, et l'âme s’attache encore plus à lui.
« Quand le démon agit ainsi, c'est qu'il veut du premier coup être maître de la place, et le plus sûr moyen est une chute contre la vertu de chasteté. Mais il ne procède pas toujours ainsi. Il attaque plus souvent en inspirant des sentiments de crainte, il effraie en montrant à l'âme sa faiblesse, et en l’exagérant à l’extrême. Une âme lâche, craintive, timide est bien vite abattue.
« Heureuse l'âme qui repousse ces suggestions du démon, qui n’exécute point sa parole, qui oublie même sa faiblesse pour jeter les yeux sur moi et placer l'espérance de son cœur dans mes plaies et ma victoire sur la mort et sur l'enfer!
« L'âme a résisté; elle a mis le démon en déroute. Tout n’est pas fini pour elle, et le démon lui représente cette victoire comme une preuve de sa force; il souffle des pensées de vaine complaisance et d’orgueil, et cherche à l’entraîner ainsi et à la séparer de Dieu.
« Heureuse l'âme qui, en ce moment, se rappelle son néant et se souvient qu'elle ne peut rien par elle-même, que Dieu est toute sa force, qu'elle ne peut rien opérer que par lui!
« Le démon ne se décourage pas encore : il voit l'âme attachée au bien, amie de la vertu; il l’engagera à des actes de vertu excessifs, qui seront pour elle une occasion de chute, par ce qu'elle n’aura pas agi avec discrétion et discernement.
« Heureuse l'âme qui, en ce moment, juge chaque chose à sa juste valeur, et qui n’emploie pas inutilement ses forces! Heureuse l'âme qui consulte Dieu et qui a la clarté et la lumière des conseils d’en haut!
« Enfin, ma fille, le démon fait un assaut général contre toutes les forces de l'âme, il l’attaque à la fois par la sensualité, par l’orgueil, par la suffisance, par la défiance, par la crainte, par la lâcheté, par la paresse, par la présomption. La lutte dure longtemps, les pièges sont tendus partout. Le chemin de l'âme est recouvert par un filet satanique, où, comme un oiseleur, le démon cherche à saisir l'âme et à la réduire en esclavage.
« O ma fille! avisez toujours aux pièges que le démon vous tendra sur le chemin de votre vie; ouvrez vos yeux, considérez attentivement toutes choses. Observez moins votre vie extérieure que votre vie intérieure, moins vos ennemis du dehors que ceux du dedans. Rappelez-vous qu'un piège est tendu sur le chemin que vous parcourez. »
Après m’avoir ainsi parlé des tentations du démon, le Sauveur Jésus me dit : « Les tentations viennent du démon; elles viennent aussi de la nature corrompue par le péché. Le cœur de l'homme est devenu par le péché comme une terre stérile pour le bien, mais très-féconde pour le mal. C'est cette inclination au mal qui a été combattue par tous les saints et changée en eux et par eux avec ma grâce en une inclinaison vers le bien. Ce combat ne leur a pas été préjudiciable, loin de là, il a été la source de leur mérite et de leur sainteté. La tentation n'est donc pas un mal par elle-même, qu'elle vienne du démon ou de votre nature corrompue. Si vous résistez à la tentation et la combattez, cette résistance sera, au contraire, un sujet de mérite et augmentera votre récompense. La tentation ne sera péché qu’autant qu vous succomberez et que vous n'y résisterez point.
« C'est pourquoi, ma fille, ne vous découragez jamais. Quand vous serez attaquée par une tentation, venez, courez vers moi, pour l’empêcher d’entrer dans votre cœur. Si elle est entrée en vous, ne vous troublez point pour cela, oubliez plutôt la tentation et tenez votre volonté fortement attachée à Dieu. Pour pécher, il faut le consentement de la volonté; si votre volonté est attachée à Dieu, elle ne le sera point à la tentation, et par conséquent vous n’aurez point péché. Quand la tentation aura été si violente qu'il vous sera difficile de reconnaître si vous avez péché ou non, demandez-vous si vous avez eu du déplaisir, de l’aversion pour elle. S’il en a été ainsi, tranquillisez-vous, c'est là une preuve que votre volonté n’a pas donné son consentement. Or, quand toutes les puissances de votre âme seraient absorbées par une tentation, quand votre esprit, votre imagination, votre mémoire seraient remplis par les représentations les plus mauvaises, si votre volonté ne prête point son consentement, soyez tranquille, vous n’avez point péché.
« Pour le péché, il faut matière suffisante, advertance de l’esprit et consentement de la volonté; à ces trois choses, vous reconnaîtrez toujours votre culpabilité ou votre innocence.
« Tenez donc votre volonté ferme à l'heure de la tentation; ne vous découragez pas, ne laissez pas la crainte prendre entrée dans votre âme; le découragement de l'âme donne force à la tentation. Toujours confiance et abandon à Dieu, et vous triompherez des tentations les plus fortes, et vos triomphes seront pour vous une source de mérite pour le ciel.
« Si la tentation est légère, ne faites point d’efforts pour la repousser et l’éloigner. Cela vous fatiguerait, vous manqueriez de force plus tard pour repousser les tentations plus considérables; conservez votre vigueur pour celles-ci, afin de les repousser victorieusement et de rendre inutiles leurs attaques. Il doit vous suffire, pour les petites tentations, de demeurer unie à Dieu.
« Avisez surtout à ne juger personne pour ne point pécher contre la charité. Quand il vous survient une pensée peu flatteuse sur une personne, dites en vous-même : pourquoi la juger ou la condamner? Dieu seul connaît le fond de son cœur, pour moi je ne le connais pas et je n’aurai point à en rendre compte. Quand vous remarquerez quelque chose de mal en votre prochain, n’y faites point attention; si vous voyez au contraire le bien en lui, observez-le et faites-en votre profit. Quand quelqu'un par sa manière de parler vous donnera lieu de croire que ses sentiments ne sont pas ceux d’un parfait chrétien, gardez-vous de le condamner; supposez plutôt qu'il y a dissimulation de sa part, et que ses sentiments intimes diffèrent de ceux qu'il fait paraître. Ne vous arrêtez pas non plus à l’action d’autrui, si elle ne vous paraît point convenable et si votre conscience ne l’approuve pas. Gardez-vous vous-même d’agir contre votre conscience. Si vous voyez faire le mal, pensez que celui qui le fait n'est peut-être pas aussi coupable qu'il le paraît, et que l’inadvertance, l’ignorance ou tout autre motif connu de Dieu peut diminuer la grandeur de son péché. Quand une personne a de la peine pour une injure qu'elle a reçue et qu'il lui est nécessaire de soulager son cœur en vous parlant de sa peine, vous pouvez l’écouter sans pécher. Refuser de l’entendre, serait augmenter sa peine. Écoutez-la, tachez de la calmer, et gardez-vous de l’aigrir contre celui qui l'a offensée.
« Faites tout cela, ma fille, sans préoccupation, avec calme, en rendant à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. À César, c’est-à-dire à vous-même, le mépris, l’humiliation et la reconnaissance de votre néant; à Dieu ce qui est à Dieu, c’est-à-dire tout le bien qui est en vous, parce qu'il en est le principe et que vous avez eu besoin de sa grâce pour l’opérer.

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 4

Après m’avoir ainsi parlé, le Sauveur Jésus m’entretint quelques jours après du scrupule. Voici à peu près comment il s’exprima : « Ma fille, je suis la lumière des âmes; celle qui me possède, qui est bien unie à moi, qui ne vit que de moi, marche dans la vérité; ses actions sont pleines de vérité et demeurent fermes comme la vérité. Je suis pour l'âme comme une lumière claire, brillante et sans ombre; je suis pour l'âme comme un feu ardent qui la réchauffe et la vivifie. Or, quelquefois il sort de cette lumière et de ce feu une fumée plus ou moins épaisse qui empêche l'âme de voir clairement, qui l’étourdit et souvent la fait succomber. Cette fumée n'est point produite par la lumière ni par le feu que j’apporte dans l’âme quand je suis avec elle; elle est produite par l'âme elle-même que pénètrent ce feu et cette lumière.
« Or, voilà l'image du scrupule. Le scrupuleux est celui qui juge faussement le jugement de sa conscience. Il juge faussement parce que son intelligence ne reçoit pas à plein jour l’illumination de ma lumière. Il se fait comme une ombre dans son intelligence, et cette ombre il la prend pour les ténèbres, parce qu’elle l’empêche de voir l’éclat de la lumière, c’est-à-dire la vérité. Ainsi, après avoir posé un acte qui peut être bon et qui même l’est en réalité, revenant sur cet acte et ne le voyant pas tel qu'il est réellement, l’intelligence le juge mauvais et le regarde comme tel. Ma fille, les âmes qui sont ainsi sont malades, et leur maladie vient de ce qu'elles ne me sont pas unies en tout et pour tout. Je manque à ces âmes, parce qu'elles ne savent pas me trouver. Il y a en elles défaillance dans l’amour qu'elles doivent avoir pour moi. Elles ne savent pas regarder en face la vérité, voilà pourquoi elles se trompent. Néanmoins, ma fille, ces âmes ne sont que malades, elles vivent; elles sont malades et elles désirent guérir, car leur maladie est un tourment très-pénible qui leur cause une souffrance extrême; elles me sont unies par l’amour, mais leur amour est mal compris, mal entendu. Il n'y a pas en elles de simplicité, d’abandon, de confiance, elles ne sont pas vis-à-vis de moi comme je le voudrais, comme des enfants vis-à-vis de leurs mères. Cet état peut être utile pour ces âmes, il peut leur être aussi très-funeste.
« Il est utile, quand elles savent l’accepter comme une épreuve de Dieu; il est funeste, quand elles veulent secouer ce joug pour marcher, non plus à la lueur d’une lumière voilée, mais dans les ténèbres complètes et dans l’obscurité, ou quand elles tombent dans le désespoir. Les âmes scrupuleuses, quand elles perdent leurs scrupules et qu'elles entrevoient clairement la vérité, deviennent des âmes d'une haute sainteté; mais aussi, quand elles ferment complètement les yeux à cette vérité, elles tombent dans toute sorte de péchés et se séparent complètement de Dieu.
« Il y a deux cas dans lesquels le scrupule vient prendre possession d'une âme; quand une âme commence à se donner à Dieu, quand une âme marche déjà dans la pratique et l’exercice de toutes les vertus.
« Le scrupule s’empare d'une âme qui commence à se donner à Dieu : cette âme n'est pas bien éclairée; elle m’aime, mais elle ne laisse pas ma lumière entrer en elle à son aise; elle craint de trouver encore les ténèbres. Cette crainte ferme à demi les yeux de cette âme, l'ombre, comme je vous le disais tout à l'heure, se faire dans son intelligence, et cette intelligence, prenant l’ombre pour les ténèbres, trouve le mal là où il n'est pas. Cette répétition de jugements faux portés sur ses actes peut être funeste à cette âme qui commence à se donner à Dieu, la faire tomber dans le désespoir et abandonner complètement la voie qui mène au ciel, pour reprendre celle qui mène à l’éternelle damnation. Il faut à cette âme beaucoup de patience, une grande humilité, surtout une obéissance entière en celui qui la dirige. Elle doit écouter mon ministre, comme elle m’écouterait moi-même, suivre ses conseils et ses avis, s’en rapporter à son jugement et ne pas vouloir faire prédominer le sien. Le scrupule ne résiste pas à l’humilité, et l’obéissance le chasse au loin et le détache de l'âme, comme un vent violent soulève et emporte la poussière des chemins.
« Le scrupule s’empare aussi des âmes qui déjà marchent depuis longtemps dans la pratique des vertus. Elles feront une action indifférente, une action imparfaite, une action même qui pourra être véniellement coupable; aussitôt le trouble s’empare d’elles, elles croient s’être séparées de moi et ne plus marcher à la clarté de ma lumière. Ce premier trouble agit sur elles pour ce qu'elles accomplissent encore après, et l'état dans lequel elles se trouvent devient, de toutes les épreuves auxquelles elles peuvent être exposées, la plus rude et la plus terrible. Dieu permet cela bien souvent pour le plus grand bien de ces âmes, pour les exercer à une plus grande humilité, pour se les attacher davantage. Mais pour que cette épreuve tourne à leur profit, il faut qu'elles s’exercent à l’humilité, à la douceur, à la simplicité, à l'amour familier envers Dieu, envers moi, envers ma Mère; il faut surtout qu'elles se défient d’elles-mêmes, de leur jugement, de leur manière de voir; elles doivent s’en défier tellement que ce jugement faux produit leur scrupule; elles doivent non-seulement s’en défier, mais y renoncer. Alors, se renonçant elles-mêmes, l’humilité grandira, et le scrupule, qui le plus souvent naît de l’orgueil, de l’amour-propre, de la complaisance et de l’obstination pour sa manière de voir et de juger, le scrupule disparaîtra complètement.
« Le meilleur moyen pour guérir un scrupuleux, ma fille, c'est de lui montrer la vérité, de lui donner la lumière qui lui manque, puisque le scrupule est l’erreur dans un jugement porté par l’intelligence. Cette erreur provient quelquefois d'une éducation fausse et tronquée; il faut compléter ou redresser cette éducation en donnant la vérité et la lumière.
« Le second remède, c'est l'amour de cette vérité connue. Là où se trouve l’amour, là, ma fille, n’existent point la crainte ni le trouble. Or, le scrupule est encore souvent produit par la crainte. L’impression trop forte qu’éprouve l’imagination à la vue de certaines idées premières, aperçues sous un faux jour et d’une manière exagérée, tient l’âme dans la crainte, la crainte agit sur l’intelligence et l’intelligence juge comme elle ne doit pas juger; de là le scrupule. Or, la vérité, sous quelque aspect qu'elle se présente, ne produit jamais le mal; la vérité, c'est le bien; seule l’altération de la vérité fait le mal. Aimez donc la vérité, attachez-vous à elle; si vous l’aimez, vous n’aurez pas de crainte, parce que l’amour chasse la crainte.
« Voilà les deux remèdes principaux pour guérir le scrupule : voir la vérité, aimer la vérité.
« Ajoutez à cela la prière, la soumission complète à la volonté de Dieu, la plus grande humilité, et le scrupule s’en ira bientôt.
« Ainsi donc, ma fille, quand il vous semblera que vous avez commis un péché mortel ou plusieurs, si vous n’en êtes pas sûre, si vous ne pouvez vous rendre un témoignage certain de cette faute, ne vous troublez point, ne vous arrêtez point à cette faute; allez en avant, vous n’avez point péché mortellement. Quand on pèche mortellement, on le sait bien, on s’en aperçoit, parce qu'il faut pour cela un plein consentement de la volonté. Or, vous pouvez toujours savoir si vous avez donné ce consentement. Si ce consentement donné n'est pas pour vous une chose certaine, ne vous arrêtez pas à examiner si vous l’avez donné ou non. Le démon ne cherche que cela, afin de vous troubler, parce qu'il sait bien qu’après votre examen vous ne seriez guère plus avancée, tandis que vous auriez, au contraire, produit ou augmenté le trouble en votre âme. Dites-vous plutôt à vous-même : Je ne sais si j’ai péché; mais ma faiblesse est si grande, et si grand aussi mon entraînement au mal, que j’ai bien pu pécher. Mon Dieu, pitié pour moi; je me jette entre les bras de votre miséricorde et déteste ce péché de tout mon cœur. N’oubliez pas, ma fille, que, lorsque vous éprouvez de la peine ou de l'aversion pour un acte mauvais, et qu’après la tentation pour accomplir cet acte, vous ne savez si vous avez consenti ou non, il est certain que vous n’avez point péché. C'est pourquoi je vous engage, si vous vous trouvez jamais en une pareille circonstance, d’abandonner tout cela dans le sein de la miséricorde de Dieu, de vous abriter dans les plaies de mes pieds et de mes mains, en disant à Dieu : Si j’ai péché, mon Dieu, pardonnez-moi; si je n’ai point péché, préservez-moi à l’avenir de toute faute et conservez-moi la paix de l’âme.
« Agissez ainsi, ma fille; marchez à la lumière du flambeau que je fais briller devant vos yeux; correspondez à l'amour que j’ai pour vous; donnez-moi votre cœur et je lui donnerai le calme, la paix, la tranquillité, parce que je lui donnerai la vérité.

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 5

Quelques jours après cet entretien, je me trouvais dans un état d’abattement tel que je n’en avais jamais éprouvé. Le Sauveur Jésus vint à moi et me dit : « Qu’avez-vous, ma fille? – Seigneur, lui répondis-je, je me sens faible, languissante, exténuée; mais j'espère en vous. – Prenez courage, ma fille, je vous l’ai dit, la vie est parsemée de peines et de contradictions; ne vous laissez pas aller au découragement; entretenez, au contraire, toujours en vous ces pensées d’espérance et de confiance en moi. Vous avez vu souvent une croix, une couronne d’épines, une lance qui vous étaient destinées, vous les trouverez dans les souffrances que vous aurez à endurer. Vous n’êtes encore qu’au commencement de vos tribulations; ce que vous éprouvez à cette heure est peu de chose en comparaison de ce que vous éprouverez. Que serait-ce, en effet, ma fille, si toutes les créatures se tournaient contre vous; s'il vous fallait supporter les rigueurs du froid et les ardeurs du soleil; si la maladie vous retenait clouée sur votre lit; si les hommes s’unissaient entre eux pour vous contrarier, vous faire souffrir, vous calomnier, vous accabler d’injures et de mauvais traitements; si le démon vous suggérait mille tentations; si Dieu ne vous donnait pas l'abondance de ses grâces; si je ne venais point vous consoler, vous encourager et vous fortifier? Accoutumez-vous à supporter patiemment ces petits riens. Cette patience vous donnera de la force; combattez toujours, les combats rendent puissant et vigoureux. Quand vous vous verrez sans force ou près de succomber, criez vers Dieu, abandonnez-vous à sa miséricorde; attachez-vous à moi; regardez-moi portant la croix sur le chemin du Calvaire; regardez-moi attaché à cette croix, les mains et les pieds percés, mon côté ouvert. Ma vue sera pour vous comme un bâton sur lequel vous vous appuierez. Pensez ensuite que vous n'êtes point seule soumise à ces rudes épreuves. Dites-vous qu'elles sont communes à tous les enfants de Dieu, qui les leur ménage pour accroître leurs mérites. Voyez comme le prophète parle de ses tribulations dans ses saints cantiques. Il marche toujours, dit-il, avec un visage triste et abattu; il est sec et aride comme une terre sans eau, mais il espère en Dieu. Pour se consoler et reprendre courage, il dit que ses jours passent comme l’ombre qui s’évanouit le soir; il ajoute, afin de s’exciter à les mieux employer, qu'il les voit se flétrir et se sécher comme l’herbe des champs.
« Puisque tous les enfants de Dieu sont soumis à des épreuves cruelles, à des peines et à des tribulations de toute sorte, puisque j’ai dû les endurer moi-même, eh bien! ma fille, ne les repoussez pas; acceptez-les avec reconnaissance, et désirez souffrir toujours davantage pour accroître de plus en plus vos mérites, et devenir une image frappante de votre Rédempteur.

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 6

Il me parla encore une autre fois sur le même sujet, et me dit : « Ma fille, les années s’écoulent; les siècles s’accumulent et les hommes se succèdent. J’ai jeté un regard sur la terre, et j’ai vu tous les hommes passer leurs jours dans la peine et la douleur, arroser la terre de l’eau de leur sueur et de leurs larmes. L’enfant, à peine sorti du sein de sa mère, fait entendre ses cris en entrant dans le lieu de son exil; il commence sa vie par les larmes, il la finit par la douleur. Pendant les premières années de sa vie, n’ayant pas assez de connaissance pour qu'il éprouve de grandes souffrances, son jeune cœur ne laisse pas d’être affligé par des déplaisirs enfantins parce qu'il est enfant, et les larmes qu'il répand pour ces déplaisirs ne sont qu'un apprentissage de celles qu'il versera avec plus d’amertume dans un âge plus avancé. De l’enfance, passez à toutes les conditions de la vie; interrogez les riches et les pauvres, les puissants et les faibles, les ignorants et les savants, les princes et les sujets; demandez-leur s’ils sont soumis à la peine, à la souffrance, à la tribulation, et tous vous répondront par un profond soupir. Oui, ma fille, il y a des peines pour tous, pour les justes comme pour les pécheurs, pour les parfaits comme pour les imparfaits. L'homme a été condamné à la souffrance à cause de sa révolte contre Dieu, et la souffrance s’est répandue sur le monde comme une malédiction portée contre le péché. Mais quelle n'est pas la bonté et la miséricorde de Dieu! La souffrance, qui était malédiction, il l'a rendue bénédiction pour l'homme. Il l’a rendue bénédiction, en lui permettant de mériter. Acceptez donc la souffrance, ma fille; elle expiera tous vos péchés et la peine due à vos péchés; acceptez la souffrance; elle vous méritera un poids éternel de gloire dans le ciel. Ah! ce n'est pas trop cher acheter la félicité éternelle par quelques peines passagères, par des épines d’un moment. Acceptez la souffrance; elle vous unira à Dieu sur la terre, elle vous unira à lui à jamais dans la patrie qui n’aura jamais de fin. »

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 7

Le Sauveur Jésus me dit un jour : « Je vous ai dit que l'homme est condamné à la souffrance. Cette condamnation s’exécute chaque jour, car chaque jour tous les hommes ont à souffrir quelque peine, quelque contradiction, quelque malheur qui leur sont envoyés par Dieu. L’homme est sur la terre comme plongé dans une mer de misère, de peine, d’amertume. Il a péché, il pèche chaque jour, il faut que chaque jour aussi il porte la croix qui doit le sauver, s’il la porte comme je lui ai appris à la porter. Dieu lui ménage chaque jour quelque douleur pour qu'il la lui offre en expiation de ses péchés et pour lui faire gagner le ciel, et chaque jour il peut aussi expier, chaque jour ainsi mériter le ciel. Voilà pourquoi à chaque jour suffit son mal. Mais ce mal n'est pas un mal; c'est un bien pour celui qui l’accepte de bon coeur, pour celui qui reçoit ce mal en retire le mérite qui y est enfermé, et que la patience et la soumission donnent et procurent à tous. Heureux celui qui ne murmure pas, qui élève ses yeux au-dessus de la terre, au-dessus des sens pour monter jusqu’à Dieu et comprendre en lui le mystère de la souffrance! Heureux celui qui ne murmure pas et me prend pour modèle de sa conduite dans la tribulation, qui ouvre ses mains, ses pieds et son côté à la douleur! il sera élevé par sa croix au-dessus de la terre, il sera rapproché de Dieu, et sa mort sera une naissance à la vie de la gloire.
« Ma fille, soyez de ce nombre; mettez-vous au-dessus de la faiblesse, de la timidité et de la crainte, si ordinaires aux personnes de votre sexe; surpassez, par votre courage, ces hommes pusillanimes, ces hommes lâches qui craignent les incommodités de la vie, les sacrifices, les peines et les pleurs, et ne cherchent en tout que leurs satisfactions et leurs aises. Les satisfactions de la vie et les aises qu'ils se procureront auront une fin; n’ayant rien acquis pendant leur pèlerinage ici-bas, ils se présenteront à Dieu couverts de confusion à la vue de leur pauvreté.
« Vos peines, vos tribulations, vos pleurs auront un terme aussi; mais vous aurez gagné par ces tribulations un trésor immense de mérites, et quand vous vous présenterez à Dieu, vous vous réjouirez, parce que vous aurez bien accompli sa loi et ses desseins sur vous, et il vous introduira dans ses tabernacles éternels. »

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Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847) Empty Re: Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847)

Message par Her Mar 12 Avr - 8:31

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Livre 7
Les épreuves, les luttes et les consolations de la vie chrétienne


LIVRE SEPTIÈME, chapitre 8

Le Sauveur Jésus me dit un jour : « Ma fille, je vous ai parlé de la souffrance ou des mortifications que Dieu envoie. Ce sont là des pénitences très-bonnes, très-utiles, très-méritoires, puisqu’elles perfectionnent les hommes en les retirant du péché et leur faisant pratiquer la vertu.
« Je veux vous parler aujourd'hui des pénitences que l'homme peut et doit s’imposer à lui-même pour se perfectionner encore davantage.
« J’en distingue trois qui les renferment toutes : la mortification, la prière et l’aumône. Toutes les pénitences, toutes les peines que l'homme peut s’infliger à lui-même sont dans ces trois choses, et ces trois choses n’en forment qu’une, parce que les deux dernières sont renfermées dans la première. »
Ce discours me parut étrange. Je ne comprenais pas bien comment la prière est une mortification. Je ne compris même pas d’abord comment l’aumône l’est aussi; mais un peu de réflexion instantanée me le laissa entrevoir, et les paroles que Jésus m’adressa m’éclairèrent complètement là-dessus.
Le Sauveur ayant aperçu mon trouble, me dit : « Écoutez-moi avec attention, ma fille, vous comprendrez aisément ce que j’ai à vous dire.
« Savez-vous ce que c'est, ma fille, que la souffrance que Dieu envoie à l'homme? ce n'est rien autre chose qu’une séparation d’une partie de l'homme que Dieu s’est choisie, qu'il veut pour lui, mais qu'il ne veut qu’autant que l'homme la lui offrira.
« Savez-vous ce que c'est que la mortification que l'homme s’impose à lui-même? Ce n'est rien autre chose qu'une séparation d’une partie de ce qui lui appartient, dont l'homme se défait pour l’offrir à Dieu. Voilà la souffrance, la mortification, telle que le chrétien devrait l’envisager.
« Savez-vous ce qu’opère la mortification ou la souffrance? Elle prend ainsi peu à peu et partie par partie ce qui est de l'homme, ce qui appartient à l'homme; elle le donne à Dieu, et quand elle lui a donné tout l'homme, l'homme par la souffrance se trouve entièrement uni à Dieu.
« Voilà, ma fille, la véritable physionomie de la souffrance et de la mortification.
« Or, la première mortification ou plutôt toutes les mortifications consistent dans le jeûne. Qu’est-ce que jeûner, ma fille? Jeûner, est-ce seulement se priver de certains aliments dans sa nourriture? Est-ce seulement diminuer la quantité et la qualité des mets avec lesquels on entretient la vie du corps? Jeûner est-ce seulement se priver de toutes les commodités de la vie du corps? Non, ma fille, ce jeûne est uniquement matériel, corporel, n’affecte que les sens; le jeûne véritable est celui qui saisit l’âme, qui saisit les facultés et les enchaîne contre le mal pour leur donner l’essor et l’élan vers le bien. Voilà le jeûne véritable, le jeûne le plus méritoire, le jeûne dont tout le monde est capable, le jeûne qui me plaît le plus et qui est le plus agréable à mon Père.
« Aussi ai-je peu de chose à vous dire des mortifications extérieures ou du jeûne purement corporel. Je ne veux, en vous parlant de ces mortifications ou de ce jeûne, qu’éclairer votre esprit et vous montrer ce dont il vous est permis d’user.
« Il vous est permis d’user des choses qui ne sont point nécessaires pour votre vie, mais de pur agrément; car si Dieu les a faites, c'est pour votre usage. Mais vous ne pouvez point sans péché vous attacher immodérément au plaisir que vous trouveriez en cet usage, et votre péché deviendrait plus ou moins grand, selon que votre attache serait plus ou moins déréglée.
« User de ce que le bon Dieu vous a donné, en user avec plaisir, sans le lui offrir, c'est chose imparfaite. En user avec plaisir, mais en Dieu, selon Dieu et pour Dieu, c'est chose bonne. S’en priver par mortification et pour l'amour de Dieu, c'est jeûner, et ce jeûne est chose parfaite.
« Ce que je vous dis de l’usage des biens et des plaisirs de la terre, je puis le dire et je le dis aussi de l’usage de votre volonté intérieure. Vous pouvez vouloir ce qui n'est point défendu et qui est de pur agrément et sans pécher, mais vous ne pouvez en cela être tellement attachée à votre volonté que vous ne soyez en rien disposée à céder cette satisfaction de votre volonté, et votre péché serait plus ou moins grave selon l’attache que vous auriez à la satisfaction de votre volonté.
« Satisfaire votre volonté en ce qui n'est ni défendu ni nécessaire sans l’offrir à Dieu, c'est chose imparfaite. Satisfaire votre volonté en offrant à Dieu cette satisfaction, c'est chose bonne. Priver votre volonté de cette satisfaction par mortification et par amour pour Dieu, c'est jeûner, et ce jeûne est chose parfaite. Dieu aime d’un amour tout particulier ce jeûne. C'est lui offrir un sacrifice d’agréable odeur que de jeûner de cette manière.
« Mortifiez votre volonté, faites jeûner votre volonté, luttez contre vos goûts, vos inclinations, vos désirs, luttez contre vos passions. Réformez votre intérieure; rapetissez-le, en le dépouillant de lui-même pour y introduire tout ce qui est de Dieu, et vous l’agrandirez en réalité. Dépouillez-le, et vous l’enrichirez; ensevelissez-le dans la mortification comme dans un linceul; vous le croirez mort, mais il sera plein de vie; vous le croirez sans mouvement, mais il reposera en Dieu. C'est là le jeûne véritable, celui qui acquiert aux âmes des trésors que la rouille ni les voleurs ne peuvent endommager.
« Vous ne comprenez pas, ma fille, comment la prière est une pénitence, un jeûne, une mortification; comment la prière ne fait qu'une seule chose avec la souffrance et la douleur.
« Il en est pourtant ainsi. Je dirai plus, il faut nécessairement que la prière soit jointe à la douleur, à la souffrance, aux mortifications et aux jeûnes, sans quoi il n'y a point de mérite, il n'y a point de vie, il n'y a point de mouvement dans toutes ces privations du corps et de l'âme. Vous allez me comprendre, ma fille, comme je vous l’ai promis.
« Et d’abord, ma fille, la prière est une mortification; elle est même la plus grande des mortifications. Je vous ai dit que la mortification est la séparation d'une partie de soi-même pour l’offrir et la présenter à Dieu; que la séparation d’une partie de son corps pour l’offrir à Dieu est chose parfaite, que la séparation d'une partie de son âme est chose encore plus parfaite. Or, ma fille, qu’est-ce que la prière? Prier, n'est-ce pas prendre tout son corps et toute son âme pour l’offrir en holocauste à Dieu? Prier, n'est-ce pas s’humilier, n'est-ce pas renoncer à soi pour aller à Dieu, embrasser Dieu, recourir à Dieu? Or, tout renoncement est une peine, tout sacrifice un labeur. Pour prier, il faut se faire violence, à cause de l’inclination que le péché a mise dans l'homme et qui tend à le séparer de Dieu, à l’éloigner de Dieu, à lui faire oublier Dieu. Quand on prie, au contraire, on se rappelle Dieu, puisque c'est lui qu'on prie; on se le rappelle avec tout ce qu'il y a en lui de bonté, de miséricorde et d'amour; quand on prie, on se rapproche de Dieu par l’esprit, par le coeur, par tout son être; quand on prie, on se met à genoux devant lui pour lui demander ses bienfaits et ses grâces; quand on prie, on s’unit à Dieu, parce que la prière est dictée par la confiance et par l’amour, et que l'amour et la confiance sont les liens merveilleux qui unissent Dieu et l'âme. Agir ainsi, c’est-à-dire prier, c'est donc lutter contre son inclination; c'est lutter non-seulement avec les forces du corps, mais encore avec celles de l'âme. c'est se sacrifier, c'est se mortifier, c'est faire pénitence, et de toutes les pénitences, c'est la plus agréable à Dieu.
« Savez-vous pourquoi, ma fille? Parce que si la prière ne fait qu'un avec la mortification et la souffrance, attendu qu'elle est elle-même souffrance et mortification, la mortification et la souffrance n’ont de vie et de mouvement que par la prière. En effet, ma fille, faites pénitence, mortifiez-vous, mais ne présentez point à Dieu par l’élan de votre cœur ou de votre âme vos pénitences et vos mortifications, elles ne vous serviront de rien. Vous aurez là des victimes, il est vrai, mais non des victimes pour Dieu, parce que le feu du ciel, c’est-à-dire la prière, ne sera point venu les consumer.
« Je vous ai dit, ma fille, que le troisième moyen de faire pénitence c'est de donner l’aumône.
« Donner l’aumône, c'est chose facile à comprendre, est encore faire pénitence, parce que l’aumône est une mortification ou la privation d'une partie de ce qui est à soi pour l’offrir à Dieu en la personne des pauvres.
« L’aumône ne fait donc qu'un avec la mortification; mais si la prière est la vie et le mouvement de la mortification, l’aumône en est la base et le fondement.
« Quels sont ceux, ma fille, qui ne font point l’aumône? Les avares, les personnes trop attachées aux biens de ce monde, les personnes qui cherchent trop à se satisfaire et qui ne veulent rien perdre pour ne rien diminuer de leurs plaisirs et de leurs satisfactions. Un avare, une personne attachée aux biens de ce monde, n'est point une personne mortifiée.
« Faire l’aumône, c'est être détachée des richesses; faire l’aumône, c'est se fier à Dieu et entrer dans les desseins de Dieu; faire l’aumône, c'est souvent s’imposer des sacrifices; faire l’aumône, c'est vouloir diminuer les souffrances d’autrui et les soulager quelquefois par des privations personnelles.
« Or, il y a deux sortes d’aumônes : l’aumône corporelle et l’aumône spirituelle. L’aumône corporelle regarde les corps et leurs nécessités; l’aumône spirituelle regarde les âmes et leurs besoins.
« Faire l'aumône corporelle, c'est donner à manger et à boire aux indigents qui ont faim, c'est vêtir et abriter les indigents qui sont nus et sans asile. Or, pour cela, il faut non-seulement donner de son superflu, mais encore, quand la circonstance le demande, de ce qui n'est point superflu. Ah! que de riches auront un jour à se reprocher leur conduite sur la terre. Ils n’ont point compris l’aumône, cette mortification, comment auraient-ils prié, puisque la prière est elle-même une mortification? Et sans aumône, sans prière, sans mortification, qu’auront-ils à espérer? Ils n’ont rien donné à Dieu, ils n’auront rien non plus à en recevoir.
« Faire l’aumône spirituelle, c'est instruire les ignorants, reprendre les pécheurs, consoler les affligés. Or, agir ainsi, ma fille, c'est se disposer à la mortification, c'est se mortifier réellement. La science enfle le cœur de l'homme instruit; mais quand il la verse dans l’esprit d'un ignorant, il s’humilie et s’abaisse; la vertu est quelquefois sujette à tomber et à défaillir complètement, mais reprendre les pécheurs, c'est se fortifier soi-même. Le bonheur de la vie est un écueil considérable; mais celui qui pleure avec les malheureux renonce pour ainsi dire à son bonheur pour participer à l’infortune et aux douleurs d’autrui. Or, agir ainsi, c'est bien se disposer à la mortification, c'est la désirer, c'est même être mortifié.
« Voilà, ma fille, comment toutes choses se lient et s’enchaînent, comment vous devez voir et envisager les choses, les comprendre et les aimer. »

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 9

Le Sauveur Jésus, pour mieux graver dans mon intelligence et dans mon coeur ses paroles et ses enseignements, me les redisait quelquefois de plusieurs manières différentes. Ainsi, après m’avoir parlé des mortifications que Dieu impose à l'homme et de celles que l'homme s’impose à lui-même, il me dit en une autre circonstance : « Ma fille, il y a deux sortes de sacrifices : les sacrifices forcés et les sacrifices volontaires. Les sacrifices forcés sont ceux que Dieu envoie à l'homme, les sacrifices volontaires sont ceux que l'homme s’impose à lui-même.
« Les sacrifices volontaires sont très-agréables à Dieu; les sacrifices qu’on doit supporter par force ou par nécessité peuvent lui être et lui sont réellement agréables, selon les sentiments de ceux qui les supportent.
« Les sacrifices qu'un homme doit supporter nécessairement, comme la maladie, la perte de ses biens et de ses enfants ou quelque autre épreuve que ce soit, sont pour lui une occasion de mérite s'il se soumet entièrement à la volonté de Dieu. Car en agissant ainsi, il rend ces sacrifices volontaires, parce qu'il a une même volonté avec Dieu et qu'il ne récuse pas ce que Dieu demande de lui. Si, au contraire, cet homme murmure contre Dieu, et, loin d’être soumis à sa volonté, s’élève contre lui par le chagrin de son cœur et l’irritation de son âme, les sacrifices qu'il doit supporter bon gré mal gré seront pour lui une occasion de punition nouvelle dans le temps ou dans l’éternité.
« Les sacrifices qu'un homme s’impose volontairement sont ceux qui plaisent le plus à Dieu.
« Un homme peut s’imposer des sacrifices pour des motifs purement humains, pour des motifs surnaturels de foi, pour des motifs surnaturels d’espérance, pour des motifs surnaturels d’amour.
« Celui qui s’impose des sacrifices pour des motifs purement humains, qui trouve dans ces motifs la raison unique et le seul stimulant de ses sacrifices, celui-là, ma fille, a déjà reçu sa récompense dans la vaine gloire, dans l’approbation et les applaudissements des hommes qu'il recherche et qu'il obtient.
« Ceux, au contraire, qui s’imposent des sacrifices non pour gagner une couronne corruptible, mais une couronne incorruptible; ceux qui s’imposent des sacrifices pour éviter les peines de l’enfer ou du purgatoire et pour gagner le ciel, et par la considération que les souffrances de cette vie n’ont aucune proportion avec la gloire future qui se manifestera en elles, puisque des afflictions courtes et légères leur donneront une gloire inénarrable et d’une éternelle durée, ceux-là obtiendront leur but et ne seront pas déçus dans leurs espérances.
« Ceux qui s’imposent des sacrifices, qui volent au-devant de la souffrance, de la mortification et de la douleur pour marcher sur mes traces, pour imiter l'exemple que je leur ai donné, sans aviser à la récompense, mais pourtant sans la rejeter, ceux-là, ma fille, sont présentés par moi à mon Père dans le ciel, et mon Père les bénit sur la terre et les bénira à jamais dans le ciel.
« Ceux qui s’imposent des sacrifices, qui recherchent les tribulations, et qui se détachent de plus en plus d’eux-mêmes, uniquement par amour pour Dieu, par reconnaissance pour ses bienfaits, sans même désirer le ciel, si telle était sa volonté, ceux-là sont les plus agréables à Dieu. Il vient en eux, il les transforme en lui par l’effusion de toutes ses grâces, et leur accorde le plus haut degré de gloire dans le ciel. »

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 10

Un jour, le Sauveur Jésus me parla ainsi : « Ma fille, il y a trois sortes d’afflictions parmi les hommes; mais s’ils les examinaient, bien souvent, au lieu de s’affliger, ils se réjouiraient et réaliseraient cette parole : Bienheureux ceux qui pleurent, bienheureux ceux qui souffrent persécution!
« Pourquoi l'homme s’afflige-t-il? Parce qu'il a perdu sa fortune, sa position, une partie de ses biens, parce qu’il est délaissé? Est-ce donc là un motif d’affliction ou de réjouissance? Ah! s'il comprenait que Dieu, en agissant ainsi, veut le détacher des biens passagers de la terre pour l’unir à lui et être son souverain bien, loin de s’affliger, il se réjouirait.
« Pourquoi l'homme s’afflige-t-il? Parce qu'il a perdu un ami, un frère, un père, une mère? Mais la mort est-elle donc une séparation éternelle? Ne reverrez-vous pas cet ami, ce frère, ce père, cette mère? Pourquoi donc pleurer? Ne devriez-vous pas plutôt vous réjouir de ce qu'ils ont quitté le lieu de l’exil pour aller se reposer en Dieu? Non, il ne faut point pleurer un mort s'il est en état de grâce; s'il est en état de péché mortel, alors pleurez, pleurez encore, vos larmes sont justes; mais ne pleurez pas seulement sur lui, pleurez aussi sur vous qui êtes pécheur, et craignez d'avoir un jour un sort pareil au sien, si vous continuez à vivre dans le péché.
« Pourquoi l'homme s’afflige-t-il? Parce qu’il est dans la souffrance, parce que son corps éprouve des douleurs immenses, parce que son âme est torturée par les tentations, le dégoût et l'ennui.
« Et cependant, ma fille, ne vous ai-je pas dit que tous ces maux, toutes ces afflictions sont un bien? Heureux qui sait distinguer le bien du mal, qui a la véritable science du bien et du mal, pour ne pas les confondre l’un avec l’autre!
« Or, ma fille, je vous le dit en vérité, il n'y a qu'un seul mal sur la terre, c'est le péché. Tout le reste et bien ou source de bien, tout le reste est utile et méritoire, tout le reste porte à Dieu et unit à lui. Heureux qui le sait et ne l’oublie pas, qui le comprend et cherche à le comprendre plus encore! »

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 11

« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, il y a deux sortes de tristesse, l’une expressément défendue, et l’autre fortement recommandée.
« La tristesse défendue est celle qui produit de mauvais effets. Cette tristesse abat l’âme, lui inspire le dégoût de toutes choses, lui enlève sa force, sa ferveur, la rend craintive, pusillanime et incapable d’opérer le bien. Le démon inspire cette tristesse, et, quand il l’a assise dans une âme, il lui suggère de mauvaises pensées, la retire de Dieu, en amortissant l’amour qu'elle a pour lui. Que de ravages cette tristesse produit dans une âme! Tous peuvent y être soumis, mais tous doivent la rejeter, la repousser; elle ne vaut rien, elle est mauvaise, car ses fruits sont mauvais, et, comme un arbre qui ne produit pas de bons fruits, il faut la déraciner et la jeter au feu, c’est-à-dire la renvoyer ou l’abandonner à Satan qui l’a inspirée.
« Il y a une autre sorte de tristesse qui est bonne et qui produit de bons fruits. Cette tristesse n’abat point l’âme, elle la relève; elle ne la sépare point de Dieu, elle l’unit à lui; elle n’excite point le dégoût, mas l’amour pour Dieu. Cette tristesse donne une sainte confusion de l’état malheureux dans lequel on a été ou dans lequel on se trouve, état de péché et de séparation de Dieu. Elle fait verser des larmes de douleur et de componction; elle remplit de force, de courage et de confiance. O sainte tristesse! Heureuses les âmes qui ont cette tristesse et qui sont tristes jusqu'à la mort, c’est-à-dire jusqu'à la séparation de toutes choses! Cette tristesse convient aux âmes pécheresses afin qu'elles quittent leur état de péché; elle convient aux âmes justes afin qu'elles gémissent sur leur exil et soupirent après la patrie. Cette tristesse est bonne; je vous la recommande, ma fille; elle vous préservera des joies de la terre et vous fera obtenir celles du ciel. »

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 12

Ainsi me parlait le Sauveur Jésus; mais, voyant combien j’étais éloignée de ce qu'il demandait de moi, je me sentis un jour plus accablée qu’à l’ordinaire et même tout à fait dégoûtée de la vie. Le Seigneur vint encore à moi avec sa bonté habituelle, et me dit : « Il y a deux sortes de dégoûts de la vie, comme il y a deux sortes de tristesses. Leurs effets sont différents : les uns sont bons et les autres mauvais. Vous devez repousser le dégoût de la vie qui produit de mauvais effets, mais vous devez accepter l'autre et chercher à l'exciter en vous.
« Quand le dégoût de la vie produit en vous l’accablement, le découragement, l’affaiblissement dans le service de Dieu, il faut le rejeter et le combattre, parce qu’il vient d’un mauvais principe.
« Quand le dégoût de la vie vous rend plus fervente, plus fidèle, plus attachée à Dieu, il faut l'entretenir et l'alimenter en votre âme, parce qu'il vient d’un bon principe.
« Ne soyez jamais dégoûtée de la vie, ma fille, à cause de ses misères, de ses souffrances ou des tentations que vous devrez supporter; ce dégoût accablerait votre âme et finirait par l’abattre. Si, au contraire, le dégoût que vous éprouvez vient du désir de voir Dieu et de l’aimer plus parfaitement, de la crainte de lui déplaire et de l’offenser, s’il vous rend plus vigilante pour éviter le mal, plus attentive et plus avisée pour opérer le bien, acceptez-le, recevez-le, et ne supportez la vie que pour éprouver la souffrance de ce dégoût. »
C’est ainsi que me parlait le Sauveur Jésus aux heures de peine, de souffrance et d’accablement. Sa parole était un baume consolateur pour mon âme, et une huile fortifiante qui me redonnait courage et mouvement vers Dieu.

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 13

« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, l'homme sur la terre est tantôt dans la joie et tantôt dans la peine; car rien n’est stable sur la terre, et rien ne l’est moins que les sentiments divers de l'homme. La joie est dans l'homme; elle disparaît promptement et la peine remplace la joie dans son cœur, jusqu'à ce que la consolation vienne enlever peu à peu la peine elle-même, et redonner la joie à celui qui l’avait perdue.
« Il y a plusieurs sortes de consolations : les consolations divines et les consolations humaines. Les consolations divines sont celles qui viennent de Dieu, qui sont données par lui ou puisées en lui. Les consolations humaines sont celles qui viennent des hommes ou sont puisées parmi eux ou dans la nature humaine. Les consolations divines sont toujours bonnes, parce que Dieu est le bien, et que tout ce qui vient de lui est bien. Les consolations humaines peuvent être bonnes; elles peuvent être mauvaises aussi, parce qu’en l'homme il y a bien et mal. On ne peut recevoir les consolations des hommes, quand ces consolations viennent d’un principe qui est mauvais. Au contraire, on peut les recevoir quand elles partent d’un principe qui est bon. Mais pour bonnes que soient les consolations des hommes, on peut toujours les repousser pour ne vouloir uniquement que les consolations de Dieu. Il y eu des saints qui ont refusé constamment toute consolation humaine; qui n’ont voulu avoir d’autre consolation, d’autre appui, d’autre soutien que Dieu. Il faut pour cela être parvenu à un haut degré de sainteté, être dans la plus grande familiarité avec Dieu. Alors on ne pense qu’à Dieu, on ne veut que Dieu, tout le reste semble fade et insipide. Dieu seul est quelque chose pour ces âmes; Dieu seul est tout pour elles. Ma fille, ne désirez pas les consolations des hommes, mais si elles se présentent, acceptez-les et renvoyez-les à Dieu. »

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 14

Un jour, après la sainte communion, j’ouvris la porte de mon cœur et j’attendis Jésus avec mon ange gardien. Mon cœur m’apparut tel qu'il n’est pas ordinairement, mais je n’y fis point attention, ne pensant qu’au Sauveur Jésus. Il ne tarda pas à venir. Je fus au devant de lui et lui offris l’entrée de mon coeur. Quand il fut dans mon cœur, mon cœur m’apparut comme une fosse large, ronde, et d’une grande profondeur. L’intérieur de cette fosse me semblait garni par une boiserie sculptée, bien ornée et d’un très-joli aspect. Le Sauveur voulut que je descendisse dans cette fosse, je n’osait point : « Ne craignez point, me dit-il, cela ne vous sera point nuisible. » Je descendis. Il n’y avait ni escalier ni échelle pour descendre. Je devais pour cela me tenir contre les sculptures, ce qui ne me permettait pas de descendre promptement. Quand je me trouvai à peu près au milieu, Jésus qui était toujours en haut, sur le bord de la fosse, me regardant, me fit parvenir le bout d’une chaîne d’or qu’il tenait lui-même. Je la saisis pour faciliter ma descente jusqu'au bas de la fosse. Le bas était recouvert de sable. Je me plaçai au milieu, tenant toujours d’une main la chaîne que m’avait jetée le Sauveur Jésus. Mon ange gardien vint me tenir compagnie et converser avec moi : « Vous êtes heureuse, me dit-il, des grâces nombreuses que Dieu vous accorde. – Oui, mon ange, Dieu est plein de bonté pour moi. – Ne mettez jamais d’obstacles à ses grâces. – Et comment faut-il faire pour cela? – Suivre toujours l’attrait qui vous sera donné et demeurer sans cesse dans la plus profonde humilité. Vous allez soutenir ici un grand combat. – Comment pourrai-je combattre, je n’ai rien pour me défendre? – Je vous ai apporté une croix; tenez-vous fortement à la chaîne que vous avez en main; on voudra vous en détacher, mais avec la croix vous éloignerez tous ceux qui approcheront de vous. » Je saisis la croix que me présenta mon ange.
Aussitôt le sable se souleva et une bête immense, comme je n’en avais jamais vu, sortit de dessous terre et vint se coucher devant moi, à deux ou trois pas, parce que l'espace était très-étroit. Son corps était développé comme celui d’un bœuf, mais les jambes étaient plus courtes; sa tête ressemblait aussi à la tête d’un bœuf. Elle avait plusieurs cornes grandes et petites; ses yeux ressemblaient à ceux du bœuf; sa gueule était très-fendue; il en sortait une langue d’une longueur démesurée qui se terminait par deux pointes très-affilées. Elle portait sur le dos une ville, où je ne vis que des maisons de danse et de théâtre. Elle lançait vers moi des traits, des lances, des balles que je repoussais avec ma croix et qui rebondissaient sur elle et la blessaient. Bientôt survint une multitude considérable d’agresseurs qui ressemblaient à des hommes. Ils étaient très-petits et me paraissent très-légers. Ils couraient et tournaient autour de moi; quand ils s’approchaient, je leur présentais ma croix, ils se retiraient. Ils disparurent et furent remplacés par d’autres hommes plus grands que les premiers. Ceux-ci voulurent arracher de ma main la chaîne d’or, mais je les repoussai victorieusement en leur présentant ma croix. Ils firent un suprême effort et voulurent me renverser à terre; ma croix les mit en fuite. En combattant ces adversaires, je ne perdais point de vue la bête qui était devant moi. Je la vis approcher doucement sa tête pour me percer avec ses cornes ou sa langue; je la frappai avec ma croix, et les hommes et la bête me laissèrent en repos. Les hommes disparurent, mais un nombre immense de corbeaux s’abattit sur moi, cherchant à me crever les yeux. Ne pouvant me défendre seule, je tirai la chaîne et jetai un cri vers le Sauveur Jésus. Immédiatement une grêle de plomb tomba d’en haut sur eux et les étendit morts à mes pieds.
La bête jeta une nouvelle lance vers moi, je la repoussai avec ma croix; je la frappai trois fois, elle mourut.
Après le combat, je ne vis plus mon ange gardien; mais deux jeunes hommes vêtus de blanc, c'étaient deux anges sans doute, s’approchèrent de moi, me pressèrent avec leurs mains sur la poitrine et je rendis mon âme. Il me sembla en effet que je laissai là mon corps et que mon âme tout heureuse s’élevait vers Jésus : « Venez, ma fille, me dit-il, venez jouir de la récompense que vous méritez pour vos combats. » Je montai avec lui dans un char de lumière qui s’éleva vers le ciel et nous conduisit devant un autel magnifique autour duquel je vis diverses places en forme de trônes, qui se rapprochaient plus ou moins de l’autel qui les dominait tous.
« Voyez ces trônes, ma fille, me dit le Sauveur Jésus. Les uns sont plus élevés que les autres; plus vous vous élèverez en sainteté, plus aussi le trône qui vous sera donné pour récompense sera élevé et se rapprochera du trône de la Divinité. »

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 15

J’étais un jour près de Jésus; je récitais ma prière; j’entendis une voix qui me disait : Regarde! regarde! Je ne voulu point regarder dans la crainte d’être trompée.
Cependant, entendant de nouveau cette voix, je me recommandai à Dieu, je levai les yeux et j’aperçus devant moi un singulier personnage. Il me paraissait d’un tempérament fort et robuste et d’un caractère capable de résister à tout. Il portait une robe qui descendait jusqu’aux genoux; ses bras et ses pieds étaient nus. Je ne saurais dire de quelle matière était cette robe. Elle n’était ni en or, ni en argent, ni en fer, mais forte comme le fer, l’argent et l'or. Le diadème qu'il portait sur le front était de la même matière que sa robe. La chair de ses membres n’était pas comme celle du reste des hommes; elle paraissait être d’une dureté extrême.
Il se plaça dans le sanctuaire en face du tabernacle; il se tint droit sur ses deux pieds et resta inébranlable. Je vis une multitude de personnes vêtues de blanc se ranger autour de lui, et il prononça un discours ou un sermon; je veux dire que ce discours était conforme aux enseignements de l’Église. Je ne me rappelle point les paroles qu'il prononça, mais il exhorta à peu près comme l’Apôtre à vivre selon l’esprit et non selon la chair. Parmi les vices que nous devons fuir, il fit mention de celui que l’Apôtre défend de nommer. Il termina en engageant à éviter le mal et à pratiquer le bien. Après qu'il eut parlé, un homme tout noir se dirigea vers lui, mais il lui donna sur la tête un coup si vigoureux, que l'homme noir tomba mort à ses pieds. Aussitôt survint une multitude innombrable de corbeaux qui enlevèrent le cadavre hors de l’église. Bientôt ils retournèrent près de celui qu se tenait toujours dans le sanctuaire. Mais celui-ci se défendit sans s’émouvoir, en saisit un avec ses mains, le coupa par le milieu du corps et le jeta loin de lui; tous les autres s’enfuirent immédiatement. Quelques instants après, j’aperçus un nombre considérable d’autres oiseaux voler autour et l’importuner extrêmement. On lui apporta un filet avec lequel il les prit presque tous. Il jeta ce filet dans les airs avec une force extraordinaire, et les oiseaux qu'il n’avait point pris dans le filet s’enfuirent.
Une voix se fit entendre dans le ciel, qui disait : « Celui-là est vraiment un homme fort, il a vaincu ses ennemis. »
Après cela, je vis un énorme dragon ouvrant une gueule épouvantable, bondissant orgueilleusement autour de lui comme pour le dévorer mais celui qui se tenait au milieu du sanctuaire ne me parut ni ému ni effrayé.
En même temps apparut un autre personnage dont les mains, les pieds et le visage étaient plus blancs que la neige. Ses cheveux étaient d’or; il était ceint d’une écharpe d’argent et tenait une trompette à la main.
À sa vue, le dragon trembla, et dès qu'il entendit le son de la trompette, il cessa ses mouvements et demeura tranquille. Alors ce personnage remit la trompette à celui qui était debout et se prosterna ensuite aux pieds de Jésus, posant à terre son écharpe en signe de soumission.
Quand le dragon vit que celui dont il s’était approché d’abord avait la trompette, il devint furieux et s’élança sur lui. Mais le personnage sonna de la trompette et le dragon recula; il sonna une seconde fois, et le dragon, terrassé, tomba comme mort; il sonna une troisième fois, et le dragon se releva, se traîna jusqu’aux portes de l’église en poussant d’affreux hurlements. Le sanctuaire se remplit aussitôt de personnes vêtues de blanc, avec des guirlandes de roses sur leurs robes. Une de ces personnes s’éleva dans les airs, louant le Seigneur à peu près de cette manière : « Il a vaincu, il a vaincu. Gloire et louange au Seigneur, au Dieu trois fois saint. Que tout ce qui est sur la terre bénisse son saint nom. Il est également fort et puissant, et sa bonne volonté égale son pouvoir, etc., etc. »
Puis on plaça un chandelier allumé sur la tête du vainqueur; on l’enleva quelque temps après pour l’éteindre et il en sortit une grande fumée.
Je vis ensuite une personne travailler à une chaise, qu'elle orna de perles très-brillantes. Elle mit sur le dossier trois bouquets avec trois rubans bien beaux : le premier était blanc, le troisième vert, celui du milieu surpassait tous les autres en beauté. Je ne pouvais y fixer mes yeux, encore moins en estimer la valeur et le prix. Quand la chaise fut achevée, la personne qui l’avait faite, et qui me semblait être un ange, dit au vainqueur : « Tu as assez combattu, assez travaillé, il est temps de te reposer. » Aussitôt, le vainqueur fut frappé d’un coup invisible et renversé, les anges le soutinrent dans leurs bras. Une dame magnifiquement vêtue s’approcha de lui et lui dit : « Apprenez que je vais à l’heure de la mort au secours de ceux qui m’ont invoquée pendant leur vie. Vous m’avez invoquée, mon fils, pendant votre vie; je viens vous secourir. »
Je vis cette dame éloigner les mouches qui fatiguaient celui qui reposait sur les bras des anges; enfin, je l’entendis prononcer cette parole : « Il est temps, frappez-le à mort. » Une lance fut enfoncée dans son cœur, il mourut.

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 16

Le Sauveur Jésus me montra un jour une couronne ornée de perles superbes et magnifiques et surmontée de petites pointes qui jetaient beaucoup d’éclat. En la considérant attentivement, je m’aperçus bien vite que beaucoup de perles manquaient à cette couronne : « Vous voyez votre couronne, ma fille; ce sera par l’humilité et la patience que vous placerez en elle les perles qui manquent encore. » Je vis aussi tout près une paire de ciseaux : « Gardez-vous bien de les toucher, ils représentent l’orgueil, et l’orgueil arrache les perles de la couronne des enfants de Dieu. »
Il me sembla l'entendre un autre jour s’adresser aux justes qui sont dans l’épreuve; il les encouragea à vivre et à souffrir patiemment et leur dit : « Le Seigneur viendra vers sa bien-aimée et lui criera de loin : Ma bien-aimée, voici que je viens. Venez au devant de moi, sortez de votre tristesse, cessez vos larmes, quittez vos habits de deuil. Réjouissez-vous, prenez vos habits de fête, lavez-vous, peignez vos cheveux, parfumez votre tête; et la bien-aimée du Sauveur se lèvera, prendra ses habits de fête, peignera ses cheveux, parfumera sa tête, lavera ses mains et son visage, et, transportée de joie, parée comme une épouse, elle viendra au devant de son bien-aimé. Elle lui dira : mon bien-aimé, vous voilà, que je suis heureuse de vous voir! Bien longue a été votre absence et mon ennui bien grand, si éloignée de vous! Ah! je le sais, Seigneur, je ne suis pas digne d’entrer dans votre maison, mais dites seulement une parole et mon âme sera guérie de ses infirmités. Le Seigneur ne pourra pas résister à une telle humilité, et il introduira sa bien-aimée dans ses tabernacles éternels. Vous voyez, Marie, comme vous êtes encore petite. Priez le Seigneur qu'il vous fasse grandir; surtout ne regardez point d’un œil jaloux ceux qui sont plus élevés que vous. Estimez-vous bien heureuse qu’on vous laisse dans le palais du Roi pour voir ce qui s’y passe. »

LIVRE SEPTIÈME, chapitre 17

Je lisais un jour ces paroles du psalmiste : « Justes, réjouissez-vous dans le Seigneur et tressaillez d’allégresse; glorifiez-vous en lui, vous tous qui avez le cœur droit. »
Le Seigneur Jésus vint à moi et me dit : Je veux vous expliquer ces paroles, afin de vous apprendre à bien pénétrer le sens de toutes les paroles des saints Livres.
« Le prophète invite le juste à se réjouir dans le Seigneur. Qu’est-ce qu'un homme juste, ma fille? Un homme juste est celui qui est exempt de tout péché mortel. Celui-là est non-seulement enfant de Dieu, car tous les chrétiens le sont, mais encore l'ami de Dieu. Il a en lui la vie de Dieu, par conséquent il a part à tous mes mérites, il a part aussi à toutes les prières, à toutes les bonnes œuvres qui se font dans mon Église, dont il est un membre vivant. Le Saint-Esprit habite en lui, il trouve en lui une demeure, un temple, et il y fait sa résidence. Comprenez-vous la grandeur de cet état de justice, ma fille? Être juste, c'est vivre de Dieu, c'est être participant de mes mérites et des mérites de mon Église; c'est être le temple du Saint-Esprit. Oh! c'est avec raison que le psalmiste invite le juste à se réjouir. Justes, réjouissez-vous donc. La tristesse ne vous convient pas, elle ne doit même pas approcher de vous.
« Voilà en général ce qu'on entend par homme juste. Mais si l’on examine sous tous les aspects l’état de justice dans un homme, on y trouve trois degrés bien distincts. Le premier degré est celui d'une âme qui n’a pas de péché mortel sur la conscience, ni d’attache pour ce pécheur. Elle peut avoir, elle a même non-seulement des péchés véniels, mais encore de l’attache pour ces péchés. Le péché véniel ne lui fait pas perdre l'état de justice et ne la sépare pas de Dieu. Elle peut en obtenir le pardon de plusieurs manières : par la douleur et la contrition du coeur, par les prières, par les mortifications.
« Le second degré est celui d'une âme qui n’a point d’attache même pour le péché véniel et qui désire avancer de plus en plus dans perfection, faisant pour cela tout ce qui dépend d’elle. Combien elle est agréable à Dieu! Combien elle lui plaît! Combien Dieu aussi veille avec complaisance sur elle, comme il met sous sa main tous les moyens de s’avancer dans la vertu et la perfection!
« Le troisième degré est celui d’une âme parvenue au sommet de la perfection. Elle s’est mise au-dessus de tous ses ennemis : le démon, le monde, les passions; elle a tout foulé aux pieds, rien ne la retient plus captive, elle s’élève de plus en plus vers Dieu, portée, par ses vertus et par sa charité, comme sur un char rapide qui va au gré de ses désirs. O heureuse cette âme! qu'elle marche toujours inébranlable, qu'elle ne regarde que Dieu et qu'elle ne s’appuie que sur les sentiments de la plus profonde humilité. A ces conditions, cette âme sera toujours debout.
« Oui, ma fille, tous ces justes doivent se réjouir et se réjouir dans le Seigneur, qui est la joie de tout ce qui lui ressemble et veut lui ressembler.
« Le prophète ajoute : Glorifiez-vous en lui, vous tous qui avez le cœur droit.
« Dans ces paroles : Vous tous qui avez le cour droit, le prophète comprend non-seulement les justes dont je viens de vous parler, mais encore les pécheurs qui, comprenant la fausseté de la vie qu'ils mènent, veulent y renoncer, ont la douleur dans leur âme et sont prêts à faire tout ce que Dieu demande pour marcher dans la voie de la vérité. Car ceux-là ont véritablement le cœur droit.
« Que dit le prophète à ceux qui ont le cœur droit? Glorifiez-vous dans le Seigneur. Oui, qu'ils se glorifient non pas en eux-mêmes, mais en Dieu. Car c'est lui qui leur a donné la rectitude du coeur. Qu’ils se glorifient dans le Seigneur, c’est-à-dire qu'ils rendent gloire au Seigneur pour ses bienfaits, pour l’étendue de sa miséricorde et de sa bonté.
« Gardez précieusement dans votre esprit ces paroles que vous venez de lire : justes, réjouissez-vous dans le Seigneur, etc. »
Reconnaissance à jamais à Jésus au saint sacrement de l’autel! Amen

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Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847) Empty Re: Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847)

Message par Her Mar 12 Avr - 8:32

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Livre 8
La grâce et Les Vertus Théologales


LIVRE HUITIÈME, De la grâce et des vertus théologales.

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

LIVRE HUITIÈME, chapitre 1

Un jour, je priais à genoux devant le saint tabernacle. Je remerciais le Sauveur Jésus des nombreuses grâces qu'il m’avait accordées et qu'il ne cessait de m’accorder encore. Il se montra à moi sur l'autel; je ne sais pourquoi, n’osant m’approcher de lui, je demeurai à ma place. Il m’appela; je m’approchai, et je tombai à ses genoux : « Ma fille, me dit-il, j’ai entendu votre voix et vos remerciements. Je vous ai accordé des grâces nombreuses; votre reconnaissance pour mes bienfaits vous en obtiendra de plus considérables; et la première que je veux vous donner, c'est de bien comprendre ce que c'est que la grâce et les effets qu'elle produit dans les âmes.
« Savez-vous, ma fille, quelles sont les diverses significations de ce mot : Grâce? – Seigneur, je ne sais si je les connais; mais du moins ne saurais-je ni m’exprimer, ni dire mes idées sur ce mot. –Eh bien! ma fille, je vais vous l’apprendre.
« Le mot grâce signifie pardon. N’avez-vous point entendu dire qu’un roi, qu’un juge, qu’un homme puissant avait fait grâce à un coupable? Que le roi, le juge ou l'homme puissant ont pardonné à ce coupable?
« Le mot grâce signifie affection, amour, bienveillance. Vous vous rappelez sans doute cette parole de l’ange à Marie : « Vous avez trouvé grâce devant Dieu »? –
Oui, Seigneur. – Cela signifie que Dieu accorde à Marie toute sa bienveillance et qu'elle a gagné son amour.
« Le mot grâce signifie remerciement, comme quand vous me dites : Je vous rends grâce, Seigneur, de tous vos bienfaits.
« Le mot grâce, considéré dans un sens plus intime, signifie tout don de Dieu accordé aux hommes par sa seule libéralité et sans aucun mérite de leur part.
« Considérée ainsi, vous en pouvez distinguer de deux sortes : la grâce de l’ordre naturel qui regarde tous les besoins de la vie du temps, la grâce de l’ordre surnaturel qui regarde tous les besoins de votre âme pour la conduire à la félicité éternelle.
« Ainsi votre création, la conservation de votre vie, la force, la santé et le mouvement de votre corps, l’intelligence et les facultés de votre âme sont des grâces naturelles, des dons de Dieu. Ce sont des dons gratuits, car ces dons ne vous étaient pas dus. Comment la naissance eût-elle été un droit pour vous? Vous n’existiez pas. Le néant a-t-il des droits? L’intelligence, comment eût-elle été un droit pour vous? Est-ce que Dieu n’est pas libre de ses dons? Ne pouvait-il donc pas vous refuser l’intelligence? Ne pourrait-il pas encore vous en refuser l’usage?
« La grâce dans l’ordre surnaturel est un don surnaturel et invisible, mais que l’âme ressent et que Dieu accorde gratuitement aux êtres intelligents et raisonnables comme force et puissance pour arriver à la vie éternelle. C’est un don, comme tout ce qui est en vous; surnaturel, c’est-à-dire au-dessus des dons naturels, pour vous vivifier et vous transformer. C’est un don gratuit que Dieu aurait pu ne point donner et que les créatures ne pouvaient point exiger. Il est accordé aux êtres intelligents et raisonnables, par ceux-là seuls qui ont l’intelligence et la raison peuvent mériter ou démériter, mettre en usage ou laisser ce don, et ainsi atteindre ou perdre la vie éternelle.
« C'est pour cela que la grâce vous est donné, pour vous faire obtenir la gloire du ciel.
« De ce que je viens de dire par rapport à la grâce, vous devez conclure que Dieu en est l’auteur et le donateur, c’est-à-dire le principe, et que la fin qu'il se propose en la donnant est de faire participer les âmes fidèles à la gloire du ciel.
« Pensez-vous, ma fille, qu'il n'y ait aucune cause depuis la chute du premier homme, qui ait mérité le don de la grâce aux hommes, et qui n’empêche pas la grâce d’être un don gratuit? – Seigneur, il me semble, lui répondis-je, que vous êtes la cause méritoire de la grâce. Votre incarnation, votre vie, vos souffrances dans la passion, votre mort, nous ont mérité toutes les grâces du salut. Néanmoins, malgré votre mort et ses mérites, la grâce est un don gratuit, parce que vous êtes Dieu et que votre incarnation, cause méritoire de la grâce, a été libre.
« Oui, ma fille, c'est moi qui ai mérité aux hommes toutes les grâces que Dieu leur accorde, et je les ai méritées en souffrant volontairement, et sans y être obligé, les tourments de ma passion.
« Ma fille, il y a deux espèces de grâce que Dieu accorde aux hommes. Les premières pour eux-mêmes et pour leurs besoins. Les secondes pour les besoins et les nécessités d’autrui. Ces dernières ne sont pas par elles-mêmes une cause directe de mérites; mais les premières rendent toujours agréable à Dieu, quand on les reçoit avec de bonnes dispositions et quand on en fait un saint usage.
« Je vous parlerai plus tard des grâces que Dieu accorde à quelques âmes, non pour elles, mais pour les autres. Aujourd’hui je veux vous parler uniquement des grâces que Dieu accorde à chacun pour son utilité personnelle.

LIVRE HUITIÈME, chapitre 2

Je ne sais si je m’exprime bien, mais je ne sais pas m’exprimer autrement. J’écris selon l’intelligence qui m’a été accordée des paroles du Sauveur Jésus.
Je continue : « Parmi les grâces que Dieu accorde à chacun pour son utilité personnelle, on en distingue de deux sortes : celles qu'il accorde pour la sanctification et la bonté de tous les actes et celles qui constituent en l’âme un état, une manière d’être, ou autrement dit les grâces actuelles et les grâces habituelles ou sanctifiantes.
« Qu’est-ce que la grâce actuelle? Avant de répondre à cela, je dois vous rappeler, ma fille, que l'homme par lui-même ne peut rien faire de méritoire pour le ciel sans la grâce de Dieu. Après cela, vous comprendrez aisément ce que c'est que la grâce actuelle. La grâce actuelle est un secours passager que Dieu donne à l'homme pour connaître, vouloir ou faire un bien surnaturel, en l’excitant et l’aidant à cette connaissance, à ce vouloir, à cette action.
« C'est un secours nécessaire à l'homme que le péché a rempli de faiblesse et qui se trouve impuissant devant une fin surnaturelle. C'est un secours passager, cela le distingue de la grâce habituelle qui est en l'âme d’une manière permanente.
« J’ai ajouté, ma fille, que ce secours excite et aide l'homme, pour vous marquer que ce secours le dispose à l’action et le soutient quand il l’accomplit. Pour quelle action ce secours est-il donné à l'homme? pour une action ou intérieure ou extérieure. Or, pour toute action, il y a deux choses : la disposition à l’action et l’accomplissement de l’action. Dans la disposition à l’action, c'est l’intelligence de l'homme qui est précisément en jeu; ce secours de Dieu éclaire son intelligence. Dans l’accomplissement de l’action, c'est la volonté; ce secours de Dieu excite et aide la volonté à l’accomplir. Que l’action soit intérieure comme un acte d’amour, ou extérieure, comme un exercice de piété quelconque, pour que cette action soit bonne, il faut nécessairement le secours de Dieu, et il s’appelle la grâce actuelle.
« La grâce actuelle est donnée à deux fins; d’abord, de faire pratiquer le bien, comme je viens de vous l’indiquer; et puis, de faire éviter le mal; d’où il suit, ma fille, que si cette grâce est nécessaire, elle l’est pour opérer le bien, et puis pour éviter le mal.
« La grâce actuelle est nécessaire pour opérer le bien, pour produire des actes de foi, d’espérance et de charité surnaturels, car la foi, l’espérance et la charité sont des vertus surnaturelles, et par les seules forces de sa nature l'homme ne peut en produire les actes. Celui même qui a la grâce sanctifiante a besoin de la grâce actuelle pour produire ces actes, car cette grâce sanctifiante, comme toutes les habitudes surnaturelles que Dieu établit dans l’âme d'une manière permanente, est à peu près pour les actions surnaturelles ce que sont pour les actions simplement naturelles les puissances et les facultés naturelles.
« Il ne faut pas dire pour cela, ma fille, que les actions des hommes qui ne sont pas précédées et aidées de la grâce sont des actions mauvaises; que l'homme, sans la grâce, ne peut rien faire de bien; mais, en vérité, sans la grâce il ne peut rien faire de méritoire pour le ciel.
« La grâce actuelle est nécessaire pour faire le bien, et aussi pour éviter le mal.
« Oui, ma fille, elle est nécessaire même à l'homme qui est en état de grâce, et sans cette grâce actuelle, il lui est impossible de passer un long temps sans tomber dans le péché véniel. Elle est nécessaire non-seulement pour éviter le péché véniel, mais encore le péché mortel. Pour éviter le mal, en effet, il faut se déterminer au bien et l’accomplir; car qui n’avance pas recule, et celui qui n’amasse pas constamment dissipe. Or, pour se déterminer au bien, pour faire le bien, il faut, outre la prédisposition donnée par la grâce habituelle, une excitation, et un secours actuel pour l’accomplir.
« Ma fille, la grâce actuelle ne vous manquera jamais; recevez-la et servez-vous en selon le dessein de Dieu. Ainsi vous éviterez le mal et vous pratiquerez le bien. Je ne veux point vous retenir plus longtemps; demain, revenez près de moi, je vous parlerai de la grâce sanctifiante. Je vous dirai quels sont ses causes, sa nature et les effets qu'elle produit dans l'âme. »

LIVRE HUITIÈME, chapitre 3

Le Sauveur Jésus me parla ainsi le lendemain : « Ma fille, la grâce actuelle est le premier moyen qui dispose l'âme à la possession de Dieu, à la vision béatifique, à la gloire du ciel; mais il ne la met pas dans un rapport immédiat avec sa fin surnaturelle. Elle n'est donc pas le dernier moyen qui conduise à la vision de Dieu ou la fasse atteindre; mais elle conduit l'âme à l’acquisition de la grâce surnaturelle habituelle, qui est précisément la préparation immédiate à la possession de Dieu, parce qu'elle dépose en elle la participation de la vie divine.
« Il y a plusieurs causes de la grâce sanctifiante que Dieu met en vous.
« La cause productive ou créatrice de la grâce, qui est Dieu lui-même, auteur de tout don naturel et surnaturel.
« La cause méritoire de cette grâce, qui n'est autre que le fils de l'homme et les souffrances de sa passion.
« La cause instrumentale, ou ce par quoi Dieu vous donne la grâce, ce sont les sacrements.
« La cause formelle de la grâce ou la nature de la grâce en tant que placée dans l'âme, c'est la justice de Dieu communiquée à cette âme.
« Enfin, ma fille, la cause finale de la grâce ou les motifs pour lesquels Dieu la communique sont au nombre de trois : le premier motif, c'est sa propre gloire. Dieu, je vous l’ai déjà dit, a tout fait pour sa gloire; mais rien ne peut plus contribuer à sa gloire que le don de la grâce habituelle par laquelle il élève l’âme jusqu'à lui, comme une louange éternelle qu'il contemplera et recevra dans les siècles des siècles. Le second motif, c'est la gloire de son Fils fait homme pour sauver les hommes. Qu’est-ce que la gloire? C'est le rayonnement d’un être, c'est la manifestation des attributs qui sont en lui. Or, l'homme, par la grâce, devient membre de mon corps, et, uni à moi, il est juste, il est saint, il est ami de Dieu, il est fils de Dieu; et cette filiation, cette amitié, cette sainteté, cette justice brillent en lui dans tout leur éclat, et me manifestent moi-même, qui ne fais qu'un avec lui. Le troisième motif, c'est la participation de l'homme à la gloire de Dieu et à ma gloire, lesquelles ne sont définitivement, et pour jamais obtenues, que lorsque l'homme est définitivement, et pour jamais, participant de la gloire de mon Père et de ma gloire.
« Quelle est donc la nature de la grâce sanctifiante, ou qu’est-ce que la grâce sanctifiante? La grâce sanctifiante est un don de Dieu surnaturel, gratuit et créé, intrinsèquement inhérent à l'âme et demeurant en elle sous forme d’habitude, et par lequel l'homme, participant de la vie divine, justifié, sanctifié et agréable à Dieu, devient son fils adoptif, et acquiert des droits à la vie éternelle.
« Comprenez-vous ces paroles, ma fille? – Seigneur, j’en comprends quelques-unes; mais les autres sont pour moi pleines d’obscurité. – Désirez-vous en avoir l’explication? – Oui, Seigneur, et je la recevrai de vous avec empressement.
« Vous comprenez, ma fille, que la grâce sanctifiante est un don surnaturel et gratuit? – Oui, Seigneur, vous me l’avez déjà dit. – Eh bien! ma fille, la grâce sanctifiante est aussi un don créé, c’est-à-dire que, quelle que soit la perfection de ce don, ce don n'est pas la substance même de Dieu; car ce don est intrinsèquement inhérent à l'âme, c’est-à-dire qu'il vient modifier l'âme, mais non la détruire ou la changer à ce point qu'elle cesse d'être âme. Il est inhérent et sous forme d’habitude, c’est-à-dire d’inclination, de propension à faire le bien. Or, si ce don était la substance même de Dieu, il n'y aurait pas seulement inclination à faire le bien, il y aurait action continuelle du bien, parce que Dieu est souverainement et éternellement auteur du bien.
« La grâce sanctifiante est une participation à la nature divine. Ma fille, vous ne pouvez comprendre ni le sens ni la nature de cette parole : vous la comprendrez au ciel, et cela fera votre bonheur dans la patrie.
« Je veux néanmoins vous donner une explication ou vous faire concevoir par image ce que c'est que cette participation.
« Je vous ai dit, en vous parlant de Dieu, qu'il y a trois personnes en Dieu. Que le Père se connaît et engendre son Fils par cette connaissance; que le Père et le Fils s’aiment, et que cet amour du Père et du Fils est le Saint-Esprit, troisième personne de la sainte Trinité. Cette connaissance éternelle du Père, cette tendance éternelle du Fils vers le Père, cet amour éternel du Père vers le Fils et du Fils vers le Père par le Saint-Esprit constitue la vie intérieure de la sainte Trinité. Ma fille, il se passe quelque chose de semblable dans l'homme qui est fait à l’image de Dieu, bien plus encore par la seconde création opérée par la grâce que par la première, oeuvre de la nature. La grâce met dans l'homme la foi, l’espérance et la charité; et ces trois vertus constituent la vie intérieure de l'âme, vie active et de mouvement, puisque par la foi l'homme connaît Dieu, tend vers lui par l’espérance, et s’unit à lui par la charité. Or, vivre ainsi n'est-ce pas vivre à l’image de la vie de Dieu?
« Je vous ai dit, ma fille, que Dieu est saint, que Dieu est juste, que Dieu est tout-puissant, et que, par ses œuvres extérieures, Dieu manifeste ainsi ses attributs. Or, ma fille, tel est l'homme avec la grâce sanctifiante. Il est saint, car la grâce sanctifiante est incompatible avec le péché mortel; il est juste, parce qu’il discerne le bien du mal, évite le mal et pratique le bien. Il est tout-puissant, et ses bonnes œuvres manifestent sa force et son pouvoir. Il lutte contre le monde, contre le démon, contre lui-même; il lutte contre le mal, il ne combat que pour le bien, il peut tout pour l’opérer.
« Que de merveilles la grâce sanctifiante n’opère-t-elle donc pas! Ce n'est pas tout, elle rend encore agréable à Dieu. Car Dieu s’aime lui-même et aime sa vie. Il se trouve reproduit dans celui qui a la grâce sanctifiante; il y considère sa vie, il y voit sa justice, sa sainteté, comment donc n’aimerait-il pas celui qui a la grâce sanctifiante?
« Oui, ma fille, il l’aime comme il aime son Fils; car l'homme qui a la grâce sanctifiante devient par cela seul son fils adoptif. Il voit en lui mes mérites, ma passion et ma mort, et il dit : il est mon fils! Il voit en lui ma vie toute entière, et il dit : Il est mon fils!
« Or, cette adoption de l'homme comme fils de Dieu, produite par la grâce, entraîne immédiatement un autre résultat qui est inséparable de l’adoption; c'est le droit réel, véritable, de celui qui a la grâce sanctifiante, et de celui qui est adopté, à la gloire, à la félicité de Celui qui l’adopte.
« Voilà, ma fille, en quelques mots, l’explication de la définition que je vous adressais tout à l'heure, et quelle est la nature même de la grâce.
« Que pourriez-vous conclure de ce que je viens de vous dire sur la grâce sanctifiante? – Je ne sais, Seigneur; mais parlez à votre servante Marie, et la lumière se fera dans son intelligence. – Ma fille, ne vous ai-je pas dit que la grâce sanctifiante rend l'homme juste, saint, ami de Dieu? – Oui, Seigneur. – L’homme, ma fille, naît-il dans cet état de justice, de sainteté, d’amitié de Dieu? – Non, Seigneur. – En quel état naît l'homme? – Il naît dans le péché. – Comment sort-il de cet état? – Par le baptême. – Que dépose le baptême dans celui qui est baptisé outre et avec le caractère de chrétien? – La grâce sanctifiante. – Que fait donc la grâce sanctifiante dans le baptisé? – Elle le justifie, elle le rend saint. – La justification peut-elle exister sans la grâce sanctifiante? – Je ne le pense pas. – La grâce sanctifiante peut-elle exister dans une âme sans qu'elle soit justifiée? – Non, Seigneur. – Au même moment où une âme reçoit la grâce sanctifiante, reçoit-elle aussi la justification? – Oui, Seigneur. – Comment comprenez-vous cela? – Seigneur, je me figure le pécheur comme un pauvre dénudé de tout, et Dieu comme un roi infiniment riche. Ce roi vient vers le pauvre avec tous ses trésors qu'il met en sa possession; dès lors, ce pauvre cesse d’être pauvre et se trouve riche dès qu'il a reçu les dons du roi. Il en est de même pour le pécheur; il a le péché dans le cœur, Dieu lui donne la grâce, le péché s’en va. Le péché me semble incompatible avec la grâce sanctifiante, comme la pauvreté avec la richesse. – Ma fille, vous avez raison, l'homme ne peut être en même temps pécheur et ami de Dieu; s’il est pécheur, il reste dans la mort, parce que le péché est la mort de l'âme; dès lors il est séparé de Dieu; mais s’il a la grâce, il a la vie; s’il a la grâce, il est ami de Dieu, et si Dieu l’aime, il doit nécessairement être justifié. Dieu hait le péché, mais il aime la justice; par conséquent, celui qui est l’objet de l’amitié de Dieu par la grâce sanctifiante est nécessairement justifié.
« La grâce sanctifiante donnée à l'âme produit en elle autre chose que la justification. Elle renouvelle encore complètement l’intérieur de l'homme; elle le rajeunit, elle le rapproche de Dieu son principe, elle l’éloigne des créatures. Or, si Dieu se rapproche de l'homme ou l'homme de Dieu, il doit nécessairement y avoir changement ou en Dieu ou en l'homme. En Dieu, ma fille, cela ne se peut pas; c'est donc l'homme qui change, et qui est changé. Il devient un homme nouveau, un homme sans péché, un homme uni à Dieu, un homme avec une inclination qui le porte vers le bien.
« La grâce sanctifiante néanmoins n’enlève point de l'âme la concupiscence.
« Qu’est-ce que la concupiscence, ma fille? Ce n'est rien autre chose que l'inclination désordonnée de l’âme qui porte à s’attacher à la créature et à faire oublier le Créateur.
« Le péché originel a mis dans l'âme l'amour du bien créé. En lui-même, cet amour n'est pas un mal, il n'est point péché, mais il le devient très facilement; il l’est réellement dès que l'amour du bien infini n'est pas supérieur à l'amour du bien fini, dès que l'amour du Créateur n'est pas supérieur à celui de la créature.
« Cela doit vous suffire pour vous faire comprendre que la concupiscence ne disparaît point par la grâce sanctifiante, parce que l'amour du bien créé, de ce qui est fini, terrestre, n’étant pas un péché, et n’étant pas incompatible avec la grâce sanctifiante, celle-ci ne peut le faire disparaître.
« La grâce sanctifiante pourtant lutte contre la concupiscence; elle est une arme contre la concupiscence, elle est une tendance opposée à celle de la concupiscence, car elle donne à l’âme un amour prédominant du bien infini, qui l’emporte sur celui des biens matériels et terrestres.
« C’est là l’œuvre de la grâce dans l’âme. »

LIVRE HUITIÈME, chapitre 4

Je priais un jour près du saint tabernacle; je m’étais unie au Sauveur Jésus par la communion spirituelle, il vint à moi et me dit :
« Je vous ai parlé, ma fille, de la grâce et des diverses sortes de grâce; je veux que vous sachiez aussi que la grâce se donne à tous et que les obligations de chaque état n’empêchent pas son cours. La grâce est une source immense et inépuisable qui s’échappe de mon cœur, et à laquelle tous peuvent puiser abondamment. Quelle que soit la position et l'état des hommes, tous peuvent y prendre part, en m’offrant leurs actions, en les sanctifiant, en les faisant en vue de plaire à mon Père, et surtout par la pratique de la religion et la fréquentation des sacrements.
« Cependant, ma fille, voyez les hommes, ils fuient ma grâce, ils n’ont d’yeux que pour leurs intérêts matériels; ils vivent dans le péché, ils vivent dans la mort. Quelle ignorance en eux des vérités du salut! Et n'est-ce pas leur faute? Comment excuseront-ils leur indifférence, comment expliqueront-ils leur éloignement de Dieu? Mais leur ignorance est une ignorance coupable ou une ignorance qui n’est point vraie. Souvent ces hommes se rappellent bien les instructions de leur première communion, mais ils sont attachés à leurs péchés et ils ne veulent point y renoncer; à leurs rapines et ne veulent point les abandonner; à leurs passions, et, ne voulant point les maîtriser ils se disent ignorants. Pauvres hommes, quelle folie!
S’ils sont réellement ignorants, pourquoi n’écoutent-ils pas l’instruction de mes ministres? Pourquoi ne conforment-ils pas leur conduite aux enseignements qui leur sont donnés par mes prêtres? Mais ne savent-ils pas qu'ils ont fait mal, qu'ils ont commis le péché, qu'ils se sont révoltés contre Dieu, qu'ils sont privés de ma grâce?
« Ma fille, ce n'est point ni l’éclat ni la condition diverse des hommes qui empêche le cours de ma grâce, tous peuvent y participer et abondamment. Mon plus grand désir serait de la répandre avec profusion sur toutes les âmes. Ceux qui veulent y participer le peuvent, même les plus ignorants, parce qu'ils trouvent dans mes prêtres des amis qui les soutiennent, qui les guident, qui les éclairent, qui leur rendent la paix du cœur et de l'âme, qui les délivrent de leurs fautes, qui leur donnent ma grâce. O hommes! Ne savent-ils pas que Dieu regarde moins ce qu'ils savent, ce qu'ils font, que la bonne volonté avec laquelle ils agissent? N’éprouvent-ils pas en eux les mouvements quotidiens de la grâce qui les invite à revenir à Dieu, à se donner à lui? Dieu veut le salut de tous, je vous l’ai déjà dit, et il donne à tous les grâces qui leur sont nécessaires pour qu'ils opèrent leur salut.
« Néanmoins, ma fille, il y a une certaine mesure de grâce que Dieu, dans ses décrets éternels et insondables, destine à chacun. Il n’accorde pas à tous le même degré. Mais aussi ne demandera-t-il pas à tous non plus le même compte. Il proportionne la grâce au degré de sainteté auquel il veut que s’élève celui à qui il la donne; il proportionne sa grâce aussi aux besoins de chacun.
« Il y a des grâces générales auxquelles tous participent, les justes, les pécheurs, et tous les hommes dans leurs diverses conditions. Mais il y a des grâces particulières que Dieu n’accorde pas à tous les chrétiens, parce qu'elles ne sont nécessaires qu’à quelques âmes d’élite et à certaines vocations. Que de grâces plus grandes, par exemple, ne faut-il, pas à un prêtre pour vivre saint et sanctifier les autres; à un confesseur, à un directeur pour mener et conduire les âmes dans le sentier de la vérité et du bien? Celles-là ne vous sont point nécessaires, ma fille; aussi vous n’en rendrez pas compte.
« La grâce est pour tous une source de vie et le remède à tous les maux. Elle rend la vie à ceux qui sont morts par le péché. Elle donne la ferveur à ceux qui sont lâches et négligents, la componction aux insensibles, le recueillement aux dissipés, la soumission aux indociles, la charité à ceux qui sont froids et sans cœur.
« Comprenez toujours bien ce que c'est que la grâce, ma fille, estimez-la toujours davantage, augmentez-la dans votre cœur. N’oubliez pas que Dieu l’accorde à tous, mais plus particulièrement et en plus grande abondance à ceux qui la lui demandent et y correspondent. »

LIVRE HUITIÈME, chapitre 5

J’étais fort inquiète sur tout ce qui se passait en moi depuis quelque temps. Le doute que me témoignait mon directeur sur la vérité de ce que je voyais et entendais augmentait en moi la crainte d’être victime de quelque illusion. J’ai dit ailleurs comment le Sauveur Jésus lui-même m’a détrompée et m’a rassurée.
Voici ce qu'il m’a dit sur la conduite à tenir dans les faveurs extraordinaires que Dieu accorde, comme sont des révélations, des visions, des extases, des ravissements.
« Ma fille, une personne qui éprouve de ces sortes d’attraits qui la mettent hors d’elle-même, et qui réjouissent son cœur et son âme, doit-elle s’abandonner à ces attraits et les suivre? Mais qu’arrive-t-il à cette pauvre âme si c'est le démon qui se change en ange de lumière pour la séduire? Doit-elle résister opiniâtrement? Mais si cet attrait est une grâce de Dieu, elle n’y correspond point. Que doit-elle faire en pareille conjoncture?
« La première chose à faire, ma fille, c'est de déclarer à son directeur tout ce que l’on éprouve et tout ce qui se passe dans l’âme; puis il faut suivre en tout le conseil de son directeur.
« Le directeur, s’il est sage, s’il est prudent, s’il est instruit, examinera tout ce que cette âme lui aura rapporté; il verra si ces choses sont conformes à l’esprit de piété et à celui de l’Église. Il examinera les dispositions de la personne qu'il dirige, et s'il juge que ce qui se passe en elle la porte à la vanité et à l’indépendance ou opère en elle quelque résultat fâcheux, il l’engagera à résister à ces attraits et à les repousser.
« S’il voit, au contraire, que tout ce qu'elle dit est conforme à l'esprit de piété et de l’Église, et qu’au lieu de perdre sa piété, cette personne devient de plus en plus pieuse, simple, humble, soumise et fidèle à remplir ses devoirs, il l’engagera à se soumettre humblement à la volonté de Dieu et à s’abandonner à lui comme un enfant aux bras de sa mère.
« Quand le directeur a conseillé à une personne de recevoir ainsi cet attrait et d’y correspondre, comment doit agir cette personne pour correspondre à cet attrait?
« Au moment où elle sent son âme attirée vers un état autre que son état habituel ou normal, elle doit commencer par se dépouiller complètement de sa volonté, pour embrasser entièrement celle de son directeur, et puis conjurer Dieu de ne point permettre qu'elle soit trompée. Elle doit reconnaître enfin qu'elle n'est digne d’aucune de ces faveurs signalées et prier le Seigneur de lui faire miséricorde.
« Si cette âme agit ainsi, il est certain, ma fille, que Dieu ne permettra pas qu'elle soit victime d’aucune illusion, parce qu'elle a mis en lui toute sa confiance. Mais si cette faveur est une faveur que Dieu lui accorde, cette faveur, loin de lui être retirée, lui sera donnée avec plus d’abondance et de perfection, parce qu'elle la méritera plus encore par sa manière d’agir si soumise et si humble.
« Cette personne pourra non-seulement s’abandonner ainsi à ces ravissements qu'elle éprouvera, mais encore écouter et retenir les enseignements qui lui seront donnés, pourvu que ces enseignements soient conformes en tout aux enseignements de la sainte Église de Dieu. Comme elle ne peut pas en juger par elle-même, elle doit communiquer aussi à son directeur ce qui lui a été dit, comme cela lui a été dit, autant qu'elle pourra se le rappeler. Son directeur jugera ces enseignements avec prudence, discrétion, et consultera même, s'il le faut, des hommes, ministres de Dieu comme lui, mais plus instruits que lui. Après cela le directeur se prononcera. Si celle qu'il dirige reçoit ses décisions avec humilité et soumission, ce sera une preuve que l’esprit de Dieu est avec cette personne. Si, au contraire, elle les reçoit avec peine, si elle brise le joug de la dépendance pour suivre sa volonté, ce sera un signe non équivoque que l’esprit de Dieu n'est pas en elle.
« Ma fille, dans ces circonstances, il faut deux choses à ces âmes, une grande humilité et une grande soumission à leur directeur. De plus, pour que cette soumission soit non-seulement bonne en elle-même, mais produise de bons résultats, il faut que le directeur de ces âmes soit instruit, sage et prudent; sans cela, ce sera un aveugle qui en mènera un autre, et ils tomberont tous deux dans le précipice. »

LIVRE HUITIÈME, chapitre 6

Le Sauveur Jésus m’a dit une autre fois : « Ma fille, je vous ai parlé des grâces que Dieu accorde aux hommes pour eux-mêmes et pour leur avancement spirituel. Il est d’autres grâces que Dieu accorde à certaines âmes et qui sont plus pour l’utilité des autres que pour leur propre utilité : comme celles des apôtres qui faisaient des miracles, ressuscitaient les morts, redressaient les boiteux, confondaient les imposteurs, se faisaient comprendre de plusieurs nations dont le langage était différent, annonçaient longtemps à l’avance les événements futurs.
« Ces dons de miracles, de langues, de prophéties et autres semblables furent donnés aux apôtres, et sont encore données à quelques âmes d’élite pour le bien de leurs frères. C'est par les miracles qu'ils convainquent les incrédules; c'est par le langage qu'ils les instruisent; c'est par l’annonce des événements futurs qu'ils maintiennent dans les cœurs des fidèles des sentiments d’espérance ou qu'ils excitent en eux des sentiments de crainte.
« Il ne faut point désirer ces dons, ma fille, et Dieu ne les accorde qu’aux âmes qu'il a choisies pour cela. Mais quand Dieu donne ces grâces extraordinaires et purement gratuites, il faut en faire un usage conforme à sa volonté, afin d’opérer pour autrui et en autrui le bien que Dieu désire voir opérer.
« Ces enseignements sur la grâce et ses effets vous suffiront, ma fille, et vous permettront de vous montrer plus fidèle à toutes les grâces de Dieu, aux grâces de chaque jour, de chaque heure, de chaque moment, qui tombent sur votre âme comme une rosée bienfaisante pour faire germer en vous toutes sortes de vertus. »
Je remerciai le Sauveur Jésus, je me jetai à ses genoux et lui demandai sa bénédiction.
Le Sauveur leva les yeux au ciel et dit : « Mon Père, bénissez votre servante Marie, comme je la bénis, et que ma parole produise en son âme des fruits de vie. »


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Message par Her Mar 12 Avr - 8:32

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Livre 8
La grâce et Les Vertus Théologales


LIVRE HUITIÈME, chapitre 7

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.
« La grâce sanctifiante met dans l'âme les trois vertus de foi, d’espérance et de charité pour la diriger vers Dieu; celles de justice, de force, de prudence et de tempérance pour la diriger dans ses rapports avec les créatures, et enfin les sept dons du Saint-Esprit pour la disposer à recevoir les mouvements qu'il donne à ceux qui veulent se sauver. »
Il ne me parla ce jour-là que de la foi, de l’espérance et de la charité.
« La foi, me dit-il, peut s’entendre de plusieurs manières, comme l’espérance, la charité et la grâce.
« La foi désigne le jugement intérieur de l'âme, qui marque le bien et le mal; comme on vous dit d'un homme : Il a fait cela de bonne foi, ou de mauvaise foi.
« La foi désigne la fidélité à tenir un pacte ou une promesse.
« La foi désigne la confiance que l’on a en la parole de quelqu'un.
« La foi désigne cette inclination par laquelle quelqu'un donne son assentiment, sans crainte d’être trompé, à ce qu'il ne voit pas pourtant d'une manière précise.
« La foi désigne un des dons gratuits de Dieu par lequel on a une certitude suréminente des choses qu'on doit croire.
« La foi désigne le caractère distinctif entre les chrétiens et ceux qui ne le sont pas, c'est le baptême.
« La foi désigne la matière ou la réunion des vérités qu'il faut croire, ou les symboles.
« La foi désigne une habitude informe et sans vie, insuffisante au salut, la foi sans les œuvres.
« Voilà les diverses manières d’entendre la foi; mais la foi dont je veux vous parler t que vous ne devez pas confondre avec ces sortes de foi, c'est la foi théologique, la vertu surnaturelle de foi.
« Vous devez distinguer dans la vertu de foi quatre choses : sa nature, son acte, son objet, sa cause et son effet.
« La vertu de foi, ma fille, est une habitude surnaturelle que Dieu met dans l'âme et qui lui donne la conviction ferme et l’assentiment libre aux vérités qu'il a révélées, et que l’Église catholique propose à sa croyance.
« La foi est une vertu surnaturelle, par conséquent un don de Dieu. Elle donne la conviction ferme, c’est-à-dire qu'elle enlève toute crainte d’erreur dans ce que l’on croit. Cette conviction produit l’assentiment de la volonté, assentiment libre et non forcé, comme celui des démons, qui croient, eux aussi, mais avec nécessité. La foi se porte sur les vérités que Dieu a révélées et que l’Église catholique propose à sa croyance. Il a institué l’Église pour cela. Celui qui a la vertu de foi croit ces vérités sans peine ni difficulté; il est porté à les croire vérités, parce que la vertu de foi est une habitude, une inclination, une propension que l'âme reçoit de Dieu par cette vertu, et qui la porte à croire que qu'il révèle. Celui qui a la vertu de foi est convaincu de ces vérités, bien qu'il ne les comprenne pas. Ces vérités ne sont point une simple opinion, c'est une réalité divine; et la conviction est d’autant plus ferme qu'elle repose sur Dieu, vérité éternelle qui ne peut tromper. Celui qui a la foi a en lui le commencement de la vie éternelle, c’est-à-dire qu'il possède par la croyance ce qu'il ne voit point, mais qu'il espère, qu'il désire et vers quoi il tend par ce mouvement de son intelligence et cet assentiment de sa volonté.
« La foi est la première des vertus et le fondement des autres vertus. Elle est avant l’espérance, parce que pour espérer il faut savoir ce qui fait l’objet de cette espérance. Elle est avant la charité, parce que la charité c'est l'amour, et pour aimer aussi, il faut connaître l’objet de cet amour. Or, la foi fait connaître Dieu et ce qui a rapport à Dieu. C'est donc sur elle que reposent l’espérance et la charité.
« La foi peut exister seule sans la charité et l'espérance. Mais l’espérance ne peut exister sans la foi. La charité aussi, du moins ici-bas, demande la foi pour exister. Je dis du moins ici-bas, parce que la foi et l’espérance ne sont que des vertus du temps : elles n’existeront point dans l’éternité parce qu'elles n’auront plus de raison d’être. Dans le ciel on voit Dieu face à face, par conséquent la foi est inutile; dans le ciel on possède Dieu, par conséquent on ne l’espère plus.
« La foi est la première des vertus dans l’ordre de l’existence, mais non dans celui de la dignité. La charité est la plus considérable des vertus; elle en est la vie.
« La foi doit être une, catholique et vraie. Elle est une en tant que vertu; il n'y a point plusieurs vertus de foi, bien qu'elle soit donnée à plusieurs. Elle est une quant à son objet; tous doivent croire la même chose, Dieu et les révélations de Dieu. Elle est une quant à sa fin, elle ne dirige que vers la possession de Dieu.
« Elle doit être catholique et universelle, c’est-à-dire qu'elle doit s’étendre à toutes les vérités sans exception, remplir tous les lieux de la terre et embrasser le bien universel du temps et de l’éternité, Dieu.
« Elle doit être vraie. Si la foi était erronée, elle ne serait plus foi : elle serait erreur, mensonge, fausseté; la foi doit nécessairement porter sur la vérité, c’est-à-dire sur Dieu.
« La vertu de foi repose dans l’intelligence et dans la volonté. Dans l’intelligence comme dans le lieu spécial de sa demeure, d’où elle explore et regarde; dans la volonté, comme force de ce regard et comme assentiment à l’existence de ce qui est vu.
« Il y a, ma fille, deux sortes d’actes de foi : le premier est purement intérieur, le second est extérieur et se manifeste au dehors.
« L’acte de foi intérieur est de trois sortes. Il peut porter sur Dieu d’une manière générale, tel qu'il est en lui-même trinité et unité, sans chercher à pénétrer ce mystère; c'est l'âme qui dit simplement : Je crois.
« L’acte de foi peut porter sur Dieu, vérité infaillible et éternelle. Cet acte peut s’exprimer ainsi : Je crois à la parole de Dieu et à sa révélation.
« Enfin, l’acte de foi peut être un acte de l’intelligence que la volonté détermine à tendre vers Dieu; cet acte peut s’exprimer ainsi : Je crois en Dieu, vérité et bonté suprême.
« L’acte de foi extérieur est triple aussi. L’acte de foi extérieur n'est rien autre chose que la manifestation extérieure de ce qui est dans l'âme qui croit, et cette manifestation a lieu de trois manières.
« Le premier acte de foi est la reconnaissance publique de tous les articles de foi. Cette reconnaissance n'est pas de nécessité de salut, mais elle peut le devenir selon les lieux ou le temps. Si vous étiez citée devant le tribunal d’un prince, d’un juge ou d’un magistrat et qu’on vous interrogeât sur votre foi, vous seriez obligée de la manifester à ce point que si vous veniez à mourir après l’avoir méconnue ou dissimulée, sans vous être rétractée, vous seriez certainement damnée.
« Cette confession de sa foi est, vous le comprenez, ma fille, un des actes les plus glorieux du chrétien. Confesser sa foi, en effet, c'est honorer et glorifier Dieu; confesser sa foi, c'est être son défenseur; confesser sa foi, c'est confondre les incrédules; confesser sa foi, c'est édifier son prochain et lui donner le bon exemple.
« Le second acte extérieur de foi, c'est l’acte d’adoration de Dieu par le culte extérieur qu'on lui rend pour reconnaître ses divins attributs.
« Le troisième acte extérieur de foi, c'est la confession de ses péchés par laquelle on reconnaît avoir offensé Dieu, et par laquelle aussi on lui demande pardon et oubli de ses offenses.
La foi est nécessaire au salut, ma fille. Le salut, en effet, n'est que la conclusion de la perfection d’un être raisonnable. Or, la perfection de cet être ne consiste pas seulement dans la possession de tout ce qui en constitue la nature, mais encore dans la réception du mouvement qui est donné à cette nature par une nature supérieure. Vous rappelez-vous ce que je vous ai dit des deux mouvements de l'homme, le mouvement vers l’existence et le mouvement de retour vers Dieu ? Le mouvement vers l’existence, c'est le don de tout ce qui convient à la nature humaine ; le mouvement de retour vers Dieu, c'est le mouvement que la nature divine, supérieure à la nature humaine, donne à celle-ci pour la diriger dans le bien. Avec ce mouvement, on va droit au bien, droit à Dieu, droit à l’éternelle félicité. Or, la première condition pour la réception de ce mouvement, c'est la foi qui fait connaître Dieu, qui fait tendre vers lui en appréciant ce qui est en lui et ce qu'il veut mettre en vous. Celui qui n’a pas la foi ressemble à une maison dont les portes sont fermées, où Dieu voudrait entrer, mais où il n’entre pas parce que le maître ne l’ouvre pas. S’il y entrait, il y apporterait la lumière, mais parce qu'il n'y pénètre pas, cette maison demeure dans l’obscurité et les ténèbres. Sans la foi donc, il est impossible de plaire à Dieu, parce que c'est repousser Dieu. Sans la foi on ne peut être sauvé, parce qu'on n'est pas uni à Dieu. Sans la foi, on encourt la condamnation de Dieu, parce qu'on se laissera aller à toutes ses inclinations, parce qu’on commettra le péché, et que le péché demande condamnation.
« Ma fille, que devez-vous croire ? La vérité ; la vérité éternelle, la vérité qui demeure toujours et demeurera dans les siècles des siècles. La vérité, c'est Dieu ; la vérité, c'est moi. Je suis l’expression personnelle de la vérité, et c'est avec droit que j’ai dit aux hommes et que je vous dis en ce moment : Je suis la vérité ! Je suis la vérité première qui contient toutes les autres vérités, la vérité qui les rassemble toutes, et toutes les vérités réunies en moi ne font qu’une vérité : la vérité de Dieu ou Dieu, vérité éternelle.
« Or, vous devez croire la vérité première. Vous devez croire aussi les autres vérités qui découlent de moi et par lesquelles vous êtes aidée à tendre vers moi. La manifestation de la vérité première à une âme attire cette âme vers la vérité. Pour l’attirer plus facilement, cette vérité se manifeste sous diverses formes, et, comme autant de liens, elles viennent l’enlacer doucement et la porter vers Dieu.
« Ainsi, tout ce qui a rapport à la divinité, en tant qu’elle est Dieu en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, ce qui a rapport à mon humanité, à mon Église, aux sacrements que j’ai institués, sont autant de formes diverses de la vérité première qui se présentent à l'homme et lui disent : Crois et marche vers Dieu !
« Toutes ces vérités sont renfermées dans les symboles de l’Église et les décisions qu’elle porte sur la vérité première, décisions qui lui sont inspirées par Dieu lui-même.
« Ces vérités, l'homme ne les comprend pas dans leur nature intime, parce que la vérité c'est Dieu, mais il les croit et les doit croire parce qu’elles viennent de Dieu.
« La foi, ma fille, est donnée par Dieu. C'est lui qui est la cause première de la foi. Mais la foi a plusieurs causes secondaires qui la produisent : la révélation de ce qu'il faut croire, la vision des miracles qui ne sont autre chose qu’une persuasion motivée de foi, enfin l’assentiment de l’âme à ce qu'il faut croire.
« La révélation est cause de la foi. Comment avoir la foi, en effet, si Dieu ne révèle pas ce qu'il faut croire, ou si ceux à qui Dieu l’a révélé ne vous font point participer à la révélation qui leur a été faite ? La foi véritable est une foi vivante, et pour qu’elle vivre, il lui faut une nourriture, un objet qu’elle saisisse. La révélation est cause secondaire de la foi, mais cause venant de Dieu, révélateur de la vérité.
« La vue des miracles est cause de la foi, non-seulement en ce sens que les miracles sont opérés par Dieu, mais en ce sens que Dieu doit exciter la foi par la vue des miracles. C’est aussi une cause secondaire et insuffisante. Et n’en avez-vous pas la preuve dans ce qui s’est passé durant ma vie ? Combien de personnes ont vu mes miracles et combien peu pourtant ont eu la foi en eux-mêmes ? C'est pourquoi les miracles sont aussi bien un motif qu’une cause de la foi.
« L’assentiment de l’âme à la vérité est une cause de la foi, non en ce sens que l’âme puisse par elle-même recevoir et admettre la vérité éternelle qui lui est proposée, ce qui est faux, parce que cet acte dépasse les forces de la nature humaine, mais en ce sens que Dieu donne à l’âme l’inclination, la force pour arriver à la foi.
« Les avantages de la foi sont immenses pour une âme. La foi, c'est une arme contre le monde : elle triomphe de lui et le foule aux pieds. Car, par la foi, on repousse la concupiscence de la chair, parce qu’on sait que tout passera en ce monde et qu'il ne restera qu’une seule chose : le bien et le mal qu’on aura fait. On repousse la concupiscence des yeux, parce qu’on sait qu'il n’y a qu’une seule richesse que les voleurs ne puissent point enlever ni la rouille faire disparaître, Dieu ! On repousse l’orgueil de la vie, parce que la vue d’un Dieu humilié, crucifié et mort pour les hommes fait connaître le néant, la misère et le péché de l'homme qui ne lui permet pas de s’enorgueillir.
« La foi est un bouclier contre Satan et contre ses traits. Vainement cherchera-t-il à frapper celui qui a la foi, à l’entraîner dans la révolte, à le faire tomber dans le péché. Celui qui a la foi sait que Satan veut sa perte et sa damnation, il sait que Dieu veut son salut et son bonheur, il écoutera Dieu et repoussera Satan.
« La foi est par conséquent un éloignement du péché. Celui qui résiste au monde et à Satan n’a plus qu’un autre ennemi : lui-même et ses passions ; mais il a en lui la même force pour se combattre que pour repousser ses deux premiers ennemis ; il lutte, et triomphe de lui-même et de ses passions, qui deviennent pour lui l’occasion de mérites considérables.
« La foi produit la sanctification du cœur. Elle fait fuir le péché, par conséquent elle conserve la grâce, qui est état de sainteté ; elle fait avouer le péché quand on a eu la faiblesse de le commettre ; elle fait expier par la pénitence. Aussi est-elle une source de sanctification pour l’âme.
« La foi produit la crainte, non point seulement la crainte servile, c'est-à-dire la crainte de l’enfer, la crainte de la punition, mais la crainte de la séparation de Dieu, la crainte de ne point l’aimer, de ne point le servir fidèlement, de ne point lui être uni sur la terre et dans le ciel.
« La foi opère des prodiges : Celui qui a la foi transporte des montagnes.
« La foi fait exaucer les prières qu’on adresse à Dieu.
« La foi, sur la terre, relève la dignité de l'homme et le déifie en le faisant participer à la vie divine, dont elle est le commencement et l’origine en l'homme.
« Enfin, la foi assure la vie éternelle, parce que celui qui a la foi vit dans la justice, opère des œuvres bonnes et saintes qui seront l’objet de sa récompense dans l’éternité.
« Ce que je viens de vous dire sur la foi doit vous la faire estimer beaucoup, vous la faire désirer de plus en plus et vous inciter à l’augmenter autant qu'il vous sera possible, en ne faisant rien de contraire à ce don qu'il a plu au Seigneur de déposer en vous.

LIVRE HUITIÈME, chapitre 8

« Je veux vous parler maintenant de l’espérance.
« Ma fille, il y a trois sortes d’espérance : l’espérance naturelle, l’espérance surnaturelle et l’espérance criminelle.
« L’espérance naturelle est une inclination qui se trouve dans chaque individu, et le fait tendre vers un but naturel qu'il croit être bon et dans lequel il croit posséder le bonheur.
« L’espérance surnaturelle ou la vertu d’espérance est une habitude surnaturelle que Dieu met dans l’âme pour lui faire attendre avec une confiance certaine la vie éternelle et les moyens de l’obtenir par le secours de Dieu.
« L’espérance criminelle n'est une espérance que de nom. Qui dit espérance marque le bien; et quel bien peut-on attendre du crime? Ah! c'est avec raison que le prophète disait : ne mettez point votre espérance dans l’iniquité. Cette espérance est une espérance nulle, trompeuse et mensongère.
« L’espérance criminelle peut s’entendre de trois manières : l’espérance fondée sur soi, l’espérance fondée sur autrui, l’espérance fondée sur la vanité.
La première est criminelle. Qu’est-ce que l'homme, ma fille, pour espérer en lui-même? L'homme n’est-il pas incapable de se suffire à lui-même, de se défendre et de mériter la récompense de l’éternité? L'homme n'est pas capable de se suffire à lui-même, car il est de l’essence des êtres tirés du néant de tendre au néant, si l’action de Dieu ne les soutenait. L'homme est faible et le démon ne tarderait pas, par ses ruses et son habileté, sa puissance et sa malice, de l’entraîner au mal, si la miséricorde de Dieu ne le soutenait à chaque moment. L'homme ne peut rien mériter par lui-même, et la pensée qui semble être la première possession de l'homme en puissance de raison, la pensée, si elle revêt un caractère de bonté surnaturelle, n'est pas à lui, car elle lui vient de Dieu.
« Par conséquent, fonder sur soi son espérance, c'est faire injure à Dieu, c'est opérer le mal, c'est se perdre.
« L’espérance fondée sur les autres est une espérance criminelle. En qui placeriez-vous votre espérance, ma fille, si vous ne pouvez la placer sur vous-même? Serait-ce dans votre famille, dans vos amis, dans des hommes puissants? Mais tous les hommes, unis ensemble, sont la personnification même de la faiblesse; ils sont plus fragiles qu’un roseau et, compter sur eux, c'est être sûr d’être trompé et confondu à l'heure du danger. Votre espérance doit s’arrêter à Dieu et demeurez toujours en lui; il ne vous trompera pas, et vous pourrez dire un jour : Seigneur, j’ai espéré en vous; je ne serai point confondue.
« L’espérance dans la vanité est une espérance criminelle. Espérer dans la vanité, c'est espérer sur sa vie, qui est fugitive et transitoire comme la fumée emportée par le vent; c'est espérer sur la renommée, la gloire ou l’estime des hommes; et la renommée, la gloire et l’estime disparaissent avec la vie en face de l’éternité; c'est enfin espérer sur les richesses et les biens de ce monde; mais les richesses, les biens de ce monde, le monde lui-même, auront un terme; et peut-on placer une espérance solide sur ce qui aura un terme et une fin? L’espérance dans la vanité est une vaine espérance, une espérance qui éloigne de Dieu, par conséquent coupable et criminelle.
« La seule véritable, c'est l’espérance surnaturelle; je veux vous en faire connaître la nature, l’acte, l’objet, l’effet, la nécessité et le sujet.
« La nature de l’espérance n'est autre chose qu'une habitude, une inclination surnaturelle; par conséquent, l’espérance est un don de Dieu; toute chose surnaturelle vient de Dieu et dépasse les forces de la nature humaine. Par cette inclination, l'homme a constamment les yeux sur les biens futurs : il les regarde, il les attend avec courage, avec fermeté, avec certitude de les obtenir, parce qu'il sait que Dieu lui accordera les moyens nécessaires pour les acquérir, et en être un jour le possesseur. Celui qui a la vertu d’espérance s’oublie lui-même pour s’abandonner complètement à Dieu, pour se reposer en lui.
« L’acte d’espérance n’est rien autre chose qu'une attente, une expectative certaine, et quand vous faites un acte d’espérance, quand vous dites à Dieu : Mon Dieu, j’espère votre grâce en cette vie et la vue de votre gloire dans le ciel, vous dites en vérité : Mon Dieu, j’attends votre grâce en cette vie et la vue de votre gloire dans l’autre. Je vous ai dit que cette expectative est certaine, parce qu’elle repose sur des fondements certains, le secours de la toute-puissance de Dieu et de son immense miséricorde, sa libéralité infinie et son désir éternel que vous parveniez à la possession de ce que vous attendez.
« L’objet de l’espérance, c'est la béatitude éternelle dont vous jouirez; tel est le premier objet de votre espérance, la possession de Dieu. L’objet secondaire, ce sont les grâces de Dieu, les secours de Dieu, la protection de votre Sauveur, l’effusion sur vous de mes mérites, la tutelle de Marie, qui éloignera de vous les dangers.
« Et savez-vous, ma fille, quels heureux effets l’espérance produira en votre âme? Les voici. Elle vous excitera à faire pénitence de vos péchés, parce que vous en espérerez le pardon; elle vous donnera force et courage dans les dangers, parce qu’avec elle vous ne compterez point sur vous, mais sur le bras de Dieu, qui renverse tous les ennemis; elle vous délivrera des dangers, car Dieu n’abandonne jamais ceux qui se fient en lui. Voyez comme il délivra Daniel et Suzanne qui espéraient en lui. Elle vous fera triompher des tentations, parce que vous aurez la force de l’espérance et le désir de la voir se réaliser, ce qui vous fera lutter avec fermeté contre les tentations, et cette lutte ferme est toujours suivie de la victoire. Elle éclairera votre intelligence. Espérer en Dieu, c'est se rapprocher de lui; or, Dieu est lumière, et sa lumière répand le jour dans les ténèbres et montre la vérité. Elle gardera et sauvera la bonté de vos intentions. Vous n’espérerez que le bien; vous ne voudrez par conséquent jamais que le bien, et c'est ainsi encore, ma fille, que l’espérance sera pour vous une source de multiplicité de bonnes œuvres que vous n’auriez point opérées sans elle.
« Or, ma fille, l’espérance ne doit pas être seulement en vous quelques jours, quelques années, tant que vous jouissez des bénédictions de Dieu, tant que vous êtes en état de grâce, elle doit y être toujours.
« Vous devez espérer aussi bien dans la tentation que dans l’affliction, dans la sécheresse comme dans l’état de péché.
« Vous devez espérer dans la tentation. C'est alors, surtout, que votre espérance doit être forte; c'est elle qui doit être le bouclier avec lequel vous renverserez vos tentations. Or, vous n’espérez point, si vous vous procurez à vous-même des tentations; si vous ne les fuyez point, c'est là de la présomption. Vous n’espérez point, si vous ne considérez que votre fragilité et non la peine due à votre défaite dans la tentation, c'est de l’aveuglement. Vous n’espérez point, si dans la tentation vous ne priez pas, c'est vous mettre dans la certitude de succomber et de pécher. Espérez donc, ma fille, à l'heure de la tentation.
« Espérez dans l’affliction. Espérez, parce que Dieu n’abandonne jamais les malheureux; espérez, parce que Dieu mettra un terme à vos afflictions; espérez, parce que Dieu vous donnera une sécurité entière au milieu même de vos tribulations.
« Espérez dans la sécheresse de l'âme, dans la pauvreté, comme un serviteur espère dans la fortune de son maître, et espérez, comme ce serviteur, que Dieu vous donnera la nourriture dont vous avez besoin, le secours qui vous est indispensable pour vous soutenir, un abri pour vous couvrir, et vous ne serez point trompée dans votre espérance.
« Espérez quand vous êtes dans l’état de péché. Pourquoi, ma fille? Parce que Dieu est un médecin qui connaît la manière de guérir l’infirmité de votre âme, qui peut la guérir et le désire.
« Ce que je viens de vous dire, ma fille, vous fait comprendre la nécessité de l’espérance. Sans elle, vous ne pouvez obtenir le ciel, parce que Dieu ne veut le donner qu'à ceux qui l’espèrent. Ceux qui l’espèrent, en effet, seuls font ce qui est nécessaire pour l’obtenir, et nul ne l’obtiendra s’il ne l’a mérité.
« En qui peut et doit se trouver l’espérance? L’espérance n'est point dans le ciel où les anges et les élus jouissent de la vue de Dieu. S’ils le possèdent, ils n’en attendent plus la possession; par conséquent ils n’ont point l’espérance. L’espérance n'est point dans l’enfer. Les démons et les damnés savent qu'ils sont à jamais séparés de Dieu. Ils n’attendent donc point la jouissance de sa vue et de sa gloire; par conséquent ils n’ont point l’espérance. L’espérance était parmi les âmes qui attendaient ma venue, et le bonheur du ciel que je devais leur donner par la satisfaction de ma croix offerte à mon Père. L’espérance est dans le purgatoire, parmi les âmes qui n’ont point encore satisfait à la justice de Dieu, et qui attendent le moment où elles jouiront du bonheur. L’espérance est parmi les hommes tant qu’ils sont sur la terre. C'est, en effet, dans la vie que le ciel leur est montré comme une récompense, et qu'ils cherchent à l’obtenir par les actes de vertus qu'ils accomplissent.
« Ayez une ferme espérance en Dieu, ma fille, une ferme espérance en moi. Cette vertu est comme un trait qui me perce le coeur, non pour me faire souffrir, mais pour que j’en laisse sortir les flots de ma miséricorde sur l'âme qui espère en son Sauveur. Allez, ma fille, marchez dans cette belle voie de la sainte espérance, vous ne serez point trompée. »

LIVRE HUITIÈME, chapitre 9

Après m’avoir parlé ainsi, le Sauveur Jésus s’arrêta quelque temps et me regarda avec une expression de bonté qui me pénétra jusqu’au fond de mon âme. J’étais toujours à ses genoux. Je trouvais un charme inexprimable en ses paroles. Je craignis un instant qu’il ne continuât point à m’entretenir. Je désirais bien entendre encore sa parole. Il me semblait qu'il lisait en mon âme le désir que j’avais, et je lui dis : Seigneur, je désire encore que vous me parliez; mais que votre volonté soit faite et non la mienne.
« Ma fille, me dit-il, je veux vous entretenir encore et vous parler de la charité.
« La charité est triple, et vous pouvez la considérer dans son essence, qui est Dieu, dans sa personne, qui est le Saint-Esprit, et dans le don que Dieu en fait à l'homme, savoir : la vertu de charité.
« La charité est l’essence de Dieu; c'est ce qui constitue la Divinité; la charité c'est Dieu. La charité en Dieu n'est point un simple accident, c'est-à-dire quelque chose qui pourrait ne pas être en lui; la charité, c'est l’être même de Dieu.
« La charité est la personne du Saint-Esprit. La personne du Saint-Esprit, en effet, qui procède du Père et du Fils, est l’éternel amour du père pour le Fils et du Fils pour le Père. Le Saint-Esprit est le lien du Père et du Fils, et ce lien vient du père et du Fils; il est dans le Père et dans le Fils; il en est pourtant distinct, et ne fait qu’un néanmoins avec le Père et le Fils. Le Père est charité, le Fils est charité, le Saint-Esprit est charité. Je dis néanmoins que la charité est la personne du Saint-Esprit, qui procède du Père et du Fils, et qui unit, par la charité, qui est lui-même, la personne du Fils à la personne du Père.
« La charité comme vertu est le don que Dieu fait à l'homme du mouvement surnaturel de son cœur vers la Divinité, comme objet de son amour.
« C'est de la charité comme vertu que je veux vous entretenir.
« La charité, ma fille, remarquez-le bien, diffère de l’amour, de la bienveillance, de l’amitié et de l’affection. On confond souvent ces choses entre elles. Je veux que vous en ayez une idée claire et nette, afin que vous compreniez mieux la nature de la charité.
« L’amour est un nom générique qui désigne la propension naturelle vers une chose bonne ou mauvaise; c'est une passion de l’âme. Ce nom s’applique à la tendance, à la propension vers une chose dont on recherche le bien qui est en elle. Ainsi on aime une fleur, une habitation, un lieu. Cet amour vous pouvez l’appeler l’amour de désir.
« Mais quand on aime ainsi un objet ou une personne, et qu’on désire du bien à cet objet ou à cette personne, cet amour s’appelle bienveillance, parce qu’on veut du bien à ce qu’on aime.
« L’amitié renferme plus que la bienveillance. Il y a bienveillance quand on désire du bien à quelqu'un sans qu'il y ait réciprocité de sa part. L’amitié requiert cette réciprocité. L’amitié consiste à aimer et à être aimé, à aimer et à savoir qu'on est aimé. Il y a entre deux amis communication réciproque du cœur.
« La charité est l’amour de Dieu fondé sur la communication future de la béatitude. La charité ne s’adresse d’abord qu’à Dieu, elle n’a que Dieu pour objet; secondairement elle s’adresse aux hommes en qui on voit l’image de Dieu, et parce que Dieu l’a voulu comme condition de la communication de son bonheur.
« La charité est une vertu ou un don surnaturel intrinsèquement inhérent à l’âme, par lequel l'homme aime Dieu par-dessus tout, à cause de ses perfections, et le prochain en Dieu et pour Dieu.
« La charité est au dessus de toutes les autres vertus, à cause de sa nécessité, de ses œuvres, de sa durée et de sa dignité.
« Pour la nécessité, elle est évidente. Quand vous auriez tous les autres dons spirituels, si vous n’avez point la charité, ces dons ne vous servent de rien pour le salut; et avec la charité sans rien de plus, vous feriez sûrement votre salut.
« La foi elle-même, cette foi qui transporte les montagnes, ne vous servirait de rien sans la charité. Le martyre, s’il pouvait être enduré sans la charité, ne vous servirait de rien. La conversion du monde entier opérée par votre parole, sans la charité, ne vous servirait de rien.
« Il n'y a point de vertu sans la charité, de vertu véritable, vivante, opérante. La vertu, en effet, est un mouvement vers le bien. Or, le bien suprême c'est Dieu; pour tendre vers lui, il faut le connaître et l’aimer. On ne va point vers celui qu’on n’aime pas; on ne le cherche pas, on ne désire point jouir de sa présence, on ne s’empresse point de lui être agréable. La charité vous fait aimer Dieu, vous le fait désirer, vous porte à lui être agréable, afin qu'il se rapproche de vous, et vous de lui. La charité vous attache à lui, c'est là le caractère spécial du mouvement vers le bien. Comme il y a plusieurs vertus, il faut que chacune ait un mouvement particulier. La vertu de foi meut l’âme vers Dieu et la porte à affirmer son existence; la vertu d’espérance meut l’âme vers Dieu et la porte à attendre la jouissance de sa vue; la vertu de charité meut l’âme vers Dieu et la porte à s’attacher à lui. Le mouvement de la vertu de charité est la vie des deux mouvements donnés à l’âme par les vertus de foi et d’espérance. On peut avoir la foi et l’espérance sans la charité; mais cette foi et cette espérance sont sans couleur, sans force, sans action féconde et fructueuse. Vous avez la foi, vous n’avez point la charité; cette foi tournera à votre ruine et à votre condamnation; cette foi n’est donc pas une vertu véritable, une vertu vivante, puisque toute vertu doit tourner à la gloire et à la béatification de celui qui la possède. Vous avez l’espérance; mais quel est donc le fondement de cette vertu? Que pouvez-vous espérer, si vous n’aimez point Dieu? Vous attendez la vision de sa gloire? Mais Dieu ne l’accorde qu'à ceux qui l’aiment. Vous ne l’aimez pas, vous ne participerez point à la récompense qu'il donne à ses amis.
« La charité, ma fille, est la voie qui mène au ciel. Vous ne pourriez rentrer dans votre maison, si vous n’aviez point une voie que vous puissiez suivre; de même, sans la charité, vous ne pouvez point aller au ciel.
« Par conséquent, de toutes les vertus, la charité est la plus nécessaire, celle que vous devez le plus désirer, le plus conserver, le plus aussi chercher à augmenter.
« La charité est au dessus de toutes les autres vertus, à cause de l’excellence de ses œuvres.
« Toutes les œuvres produites par la charité sont bonnes; voilà pourquoi je suis venu en allumer le feu sur la terre, n’ayant qu’un seul désir, celui de voir le monde entier embrasé par ses flammes. Celui qui a la charité, qui aime Dieu, cherche à lui plaire, observe sa loi et ses commandements, n’agit que pour suivre en tout sa divine volonté.
« Celui qui a la charité opère par conséquent des œuvres de vertu, puisque la charité en est le fondement et comme le souffle qui les inspire. Enfin, celui qui a la charité, faisant le bien, évite le mal, afin que le bien qu'il opère se conserve et demeure, afin qu’aimant Dieu, il ne fasse rien qui puisse l’attrister ou lui déplaire.
« Estimez donc la charité qui vous obtiendra tant de mérites pour la vie qui ne passera jamais.
« La charité est de toutes les vertus celle qui dure le plus. La durée de la charité peut se considérer sous trois aspects principaux, et, sous ces trois aspects, on peut dire que la charité ne tombera jamais et qu'elle demeurera toujours. La charité dure toujours en ce sens qu'elle ne tombe jamais dans le péché mortel¨tant que la charité est dans une âme, cette âme a la vie, conserve la vie et fuit la mort, c'est-à-dire le péché.
« La charité dure toujours dans ceux qui sont confirmés en grâce comme dans les apôtres, parce que la grâce donne la charité, et qu’avec la confirmation dans la grâce on reçoit aussi la confirmation dans la charité.
« La charité dure toujours, même après cette vie. La foi et l’espérance finissent avec la vie; mais après la mort la charité est reçue dans le ciel avec les âmes, et la félicité de ces âmes consistera dans la conservation, et, bien mieux, dans la perfection de la charité.
« La charité est de toutes les vertus la plus précieuse, parce que c'est celle qui rapporte le plus à l’âme. La foi fait regarder Dieu; l’espérance le fait attendre; la charité le fait posséder. Or, vous le comprenez, la possession d’une chose quelconque est de beaucoup préférable à son regard ou à son attente. La charité est aussi de toutes les vertus la plus estimable, parce que la charité est la vertu qui rehausse le plus une âme. C'est elle qui élève l'âme jusqu'à Dieu, c'est elle qui l’unit à Dieu, c'est elle qui la couronne en lui.
« Voilà, ma fille, en quelques paroles, la nature de la charité. Quel est le sujet de la vertu de charité? En quelle proportion est-elle dans les âmes? Peut-elle croître, diminuer ou se perfectionner, ou bien reste-t-elle toujours dans le même état? Quelle est la perfection de la charité? Peut-on avoir sur la terre la perfection absolue de la charité? Vous ne vous êtes jamais demandé cela à vous-même. Il est pourtant bon et utile de réfléchir ainsi et de considérer la vie intérieure de l’âme. Sans cette considération, peu à peu on se relâche, on tombe dans l’engourdissement, on perd le bien surnaturel que l’on possède.
« Écoutez-moi avec attention. La charité, je vous l’ai déjà dit, ne finit point avec la vie. Elle continue dans le ciel. La charité n’existe pas dans l’enfer, séjour du désordre et de la haine éternelle contre Dieu. La charité sur la terre se trouve dans les âmes qui ont en elles la grâce.
« La charité réside principalement dans une des facultés de l’âme; cette faculté, c'est la volonté. C'est la volonté en effet, qui saisit Dieu et s’attache à lui dès qu'il lui est présenté par l’intelligence.
« Il y a des degrés dans la charité et dans le don de la vertu de charité que Dieu accorde aux hommes. Ce degré est plus ou moins grand, selon la volonté divine et selon les dispositions que Dieu découvre dans l’âme. Quand la vertu de charité lui est donnée, l'âme peut augmenter en elle l’intensité de sa charité. La charité augmente à mesure qu'on se rapproche de Dieu. La charité n’augmente pas d’une manière sensible par chaque acte de charité, mais chaque acte dispose à l’augmentation de la charité, parce que chacun de ces actes rend l'homme plus apte à agir de nouveau selon la charité. Celui qui est dans l’état de charité peut désirer de l’augmenter de plus en plus, et trouve toujours en lui une capacité qui n’est jamais remplie.
« Il y a trois degrés dans la charité qui vous montreront qu'elle est susceptible d’augmentation et de progrès.
« La charité telle qu'elle est donnée par la grâce de Dieu; la charité déposée dans l'âme, mais soutenue et fortifiée; et enfin la charité parfaite ou la charité que rien ne peut enlever d’une âme.
« Il y a trois sortes de perfections dans la charité : la perfection de la charité en Dieu, la perfection de la charité dans le ciel et la perfection de la charité sur la terre. »En Dieu; car il est parfait et Dieu est charité, par conséquent il y a en lui perfection dans la charité. Cette perfection divine de la charité qui est Dieu, n’appartient qu’à Dieu.
« Dans le ciel, la perfection de la charité consiste en ce que toutes les puissances de l'âme sont uniquement attachées à Dieu et ne peuvent tendre que vers lui.
« La perfection de la charité sur la terre est triple et renferme trois degrés. La charité est parfaite dans un homme qui se donne tout entier à l’étude de Dieu, à la recherche de Dieu et de ce qui est à Dieu, oubliant tout le reste et s’occupant à peine de ce qui est nécessaire pour l’entretien de sa vie. La charité est parfaite dans celui qui tient habituellement son cœur uni à Dieu, de telle manière qu'il ne veuille et ne désire rien qui soit contraire à l’amour de Dieu. La charité est parfaite dans celui qui tend vers Dieu, non seulement par l’accomplissement des commandements, mais encore par la pratique des conseils évangéliques.
« Telle est la perfection possible de la charité sur la terre; la perfection absolue de la charité ou le plus haut degré de charité qui puisse se concevoir n'est point possible sur la terre, parce qu'on peut toujours concevoir une charité plus parfaite dans celui qui a la charité parfaite.
« Je n’ai pas besoin d’insister longuement, ma fille, pour vous montrer que la charité peut diminuer et se perdre. Adam avait la charité, il la perdit par son péché. Les chrétiens, après leur baptême, ont la charité, un seul péché mortel suffit pour la leur faire perdre. En effet, ma fille, pécher mortellement, c'est se retirer et s’éloigner de Dieu, c'est se révolter contre lui, et l’éloignement et la révolte sont opposés à la charité, ils la ruinent et la font disparaître. Le péché mortel est la mort de la charité dans une âme; le péché véniel en est la diminution. Le péché véniel n'est qu’une petite offense, une légère révolte, mais néanmoins c'est une révolte et une offense; ces péchés, par conséquent, diminuent la charité; ils ne séparent pas tout à fait, ils n’éloignent pas complètement de Dieu, néanmoins ils commencent la séparation et l’éloignement.
« Fuyez donc, ma fille, non seulement le péché mortel, mais encore le péché véniel, qui est si préjudiciable aux âmes. Conservez précieusement la charité. Si vous avez la charité, vous le reconnaîtrez aux signes que je vais vous indiquer. Nul ne sait s’il est digne d'amour ou de haine, à moins que cela ne lui soit révélé. On peut néanmoins avoir une connaissance suffisante de l’état de sa conscience et de son âme quand on fait attention aux signes principaux qui témoignent de la possession de la charité.
« Si vous pensez à Dieu volontiers et avec plaisir, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité. Là où est votre cœur, là est votre trésor, c'est-à-dire Dieu, et celui qui a Dieu pour trésor n’a rien à craindre.
« Si vous entendez parler de Dieu avec plaisir, si vous retenez les paroles bonnes et édifiantes que vous aurez entendues, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.
« Si vous vous entretenez souvent avec Dieu, si vous lui parlez par la prière, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.
« Si vous donnez volontiers pour Dieu ce qui vous appartient, ce dont vous pouvez disposer, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.
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Message par Her Mar 12 Avr - 8:35

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Livre 9
Les vertus morales et Les dons du Saint-Esprit


LIVRE NEUVIÈME, Des vertus morales et des dons du Saint-Esprit.

LIVRE NEUVIÈME, chapitre 1

« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, je veux vous parler des vertus de prudence, de justice, de force et de tempérance, c'est-à-dire des vertus morales. Ces vertus, comme l’indique leur nom, servent à diriger les mœurs du chrétien. Elles sont données avec la grâce sanctifiante.
« La prudence est parmi les vertus morales ce qu'est la foi parmi les vertus théologales. Elle affecte l’intelligence dont l’action précède celle de la volonté et dirige toutes les forces, toutes les puissances qui sont dans l'homme. Il y plusieurs espèces de prudence, plusieurs parties qui entrent dans la constitution de la prudence, plusieurs vertus qui sont comme les compagnes de la prudence.
« La prudence par laquelle un confesseur, un magistrat, un empereur se dirigent, est différente de la prudence par laquelle ils dirigent les hommes qui leur sont soumis ou qui leur demandent conseil; il y a donc deux sortes de prudence.
« Voici les diverses parties qui constituent la prudence; pour que vous compreniez mieux, je vais vous apprendre d'abord en quoi consiste la prudence. La prudence est cette inclination de l'âme qui fait que l'homme dirige ses actions avec une connaissance sûre pour opérer le bien. Puisque telle est la nature de la prudence, je dis que la mémoire, l’intelligence, la docilité, l’habileté, la raison, la prévoyance, la circonspection, les précautions, sont autant de parties intégrantes de la prudence. La mémoire qui rappelle le passé; l'intelligence qui donne la connaissance du présent; la docilité qui fait qu'on s’instruit par l'enseignement d’autrui et qu'on suit ses conseils; l'habilité qui fait qu'on interprète bien ce qui est passé; la raison qui par la connaissance d'une chose vous en fait connaître une autre; la prévoyance, par laquelle on devine les moyens pour arriver au but qu'on se propose; la circonspection, par laquelle on remarque les circonstances d'un événement, et la précaution, par laquelle on prévient les obstacles ou les dangers. Sans toutes ces choses, il n'y a point de prudence possible; il y a un côté faible, et la prudence n'est point une prudence véritable.
« Les trois puissances de la vertu de prudence sont : le bon conseil, un jugement droit et une vue claire et distincte.
« Comme je veux vous parler uniquement de la vertu surnaturelle de prudence, je vous entretiendrai seulement de cette vertu et des autres vertus secondaires qui doivent lui être nécessairement annexées : la discrétion, la docilité, la sollicitude et la circonspection. Si vous réunissez en vous tout ce que je vous dirai sur la prudence, vous aurez réellement cette vertu.
« La prudence, je vous l'ai déjà dit, ma fille, est cette inclination de l'âme qui fait que l'homme dirige toutes ses actions avec une connaissance sûre d’opérer le bien. La prudence est la vertu de l'intelligence en action pour opérer le bien. Par la prudence, l'intelligence cherche dans le conseil le moyen d’arriver au bien, elle trouve ces moyens dans le jugement vrai de ce qu'elle voit, et elle emploie ces moyens en suivant la voie capable de la mener au but.
« Comme vous pouvez le penser, ma fille, la prudence, cette prudence surnaturelle, seule capable d’opérer le bien surnaturel, seule capable de faire atteindre aussi la fin surnaturelle, elle vient de Dieu, c'est Dieu qui la donne et la place dans l’âme.
« Désirez ardemment cette vertu, demandez-la à Dieu, demandez-lui qu'il la développe en vous. Sans elle, toutes les autres vertus perdraient en vous leur éclat et leur beauté, elles se changeraient même aisément en vices. Car, sans la prudence, il y a toujours dans les actes excès, diminution ou défaillance, et par conséquent vice. Sans la prudence, l'homme risque de tomber dans les plus grands dangers, parce qu'il marche comme un aveugle avec pleine sécurité, et à l'heure où il y pensera le moins, il trouvera sous ses pieds sa perte et sa ruine. Sans la prudence, on ne peut faire le bien, on ne peut éviter le mal, parce que la prudence montre ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter, et empêche de prendre le bien pour le mal et le mal pour le bien. Rappelez-vous, ma fille, la parabole des dix vierges de l’Évangile : les cinq vierges folles étaient des vierges sans prudence; les vierges sages, au contraire, possédaient la prudence. Aussi, seules, trouvèrent-elles leurs lampes allumées à l'heure de la venue de l’époux.
« Demandez à Dieu la prudence, il vous l’accordera; vous la reconnaîtrez dans vos actions.
« Vous serez prudente si, dans toutes vos actions, vous cherchez le bon plaisir et la gloire de Dieu, si vous vous proposez par vos actes de vertu d’obtenir le ciel.
« Vous serez prudente si, pour obtenir la gloire de Dieu et votre salut, vous consultez les lois de Dieu, si vous priez pour connaître en tout la volonté divine, et si vous recourez à votre réflexion ou à celle d’autrui, parce que vous vous défiez de vous-même.
« Vous serez prudente si, dans les conseils que vous avez reçus, vous savez distinguer ce qui est bon de ce qui ne l’est pas, ce qui est utile des choses inutiles, ce qui est en rapport avec votre vocation et vos forces d’avec ce qui les surpasse ou s’oppose à votre genre de vie.
« Vous serez prudente si vous savez distinguer ce qu'il y a de meilleur et de plus propre à vous conduire à votre fin.
« Vous serez prudente si vous dominez votre volonté et l’obligez à accomplir ce qui est bien et à l’accomplir le mieux possible.
« Ainsi, ma fille, vous le voyez, la prudence s’exerce sur les actions extérieures des œuvres morales; il est une autre sorte de prudence qui s’exerce sur les œuvres intimes ou intérieures de l’âme, c'est le discernement.
« Le discernement, c'est la prudence spirituelle par laquelle on distingue, dans tout ce qui a rapport à l’intérieur, le bien du mal, le vrai du faux, le mieux de ce qui est bien, pour opérer ce qui est bien et meilleur, saisir ce qui est vrai, laisser le mal et répudier ce qui est faux.
« De même que Dieu dans l’œuvre de la création sépara l'eau de la terre, la terre des cieux, la lumière des ténèbres, ainsi le juste, par le discernement que lui donne la grâce, discerne toutes choses dans le monde qui est en lui, et qu'il ment et fait vivre, mettant toutes choses à leur place et réservant pour Dieu ce qui est et doit être à Dieu.
« Le discernement, c'est l’œil de l'âme; celui qui n’a pas le discernement est un pauvre aveugle, victime de mille maux qu'il ne peut éviter parce qu'il n'y voit point.
« Le discernement fait connaître ce qui est bien, ce qui est mieux, ce qui est parfait, ce qui est mal, ce qu'il y a de plus mauvais.
« Le discernement fait connaître les devoirs envers le prochain, les parents, les amis et les étrangers, envers les saints et les élus de Dieu, envers les trois personnes de la sainte Trinité.
« Le discernement fait connaître le temps du repos et du travail, de la parole et du silence.
« Le discernement fait connaître la règle des pensées et leur ordre vis-à-vis de Dieu, vis-à-vis de soi-même et des créatures.
« Pour que la prudence soit entière et parfaite, il faut qu'elle soit suivie de la docilité à écouter les conseils de Dieu, les conseils des hommes sages, les conseils de l’intelligence propre de chacun, quand elle est en rapport avec la raison et la pensée de ceux qui sont plus sages et plus expérimentés.
« Tous les saints ont usé de docilité, et parce qu'ils ont été dociles, ils ont été prudents, et la prudence les a sanctifiés.
« Moïse fut docile à écouter les conseils de Jéthro, saint Paul ceux d’Ananie, et le premier avait vu Dieu face à face, le second avait été ravi jusqu’au troisième ciel. À combien plus forte raison devez-vous être docile, vous ma fille, si vous voulez arriver à la perfection.
« Il y a, en effet, une infinité de choses dictées par la prudence et le discernement, et le plus sage ne peut les observer toutes par lui-même; par conséquent rien de plus nécessaire que la docilité à écouter les discours d’autrui et à les mettre en pratique. Je ne veux point dire pour cela que vous devez écouter et recevoir les conseils de tout homme qui se présentera à vous. Non, ma fille; ne recevez et ne demandez de conseil qu’aux personnes mûres, réfléchies et sages, aux personnes qui elles-mêmes sont pleines de docilité et dont la parole sera claire, sans dissimulation, ni nuages, ni malveillance.
« La docilité vous portera à suivre en tout les avis de votre directeur comme à lui dévoiler tout ce qui se passe dans l’intérieur de votre cœur. Elle vous portera à abandonner votre propre jugement pour vous conformer au sien, et cette docilité suppléera à ce qui pourrait vous manquer de prudence et de discrétion.
« Soyez docile, ma fille, soyez aussi pleine de sollicitude dans vos actions pour opérer le bien.
« La sollicitude est la promptitude de l'âme à opérer ce que la prudence et le discernement lui ont montré être conforme aux règles du vrai et du bien. La sollicitude, c'est l’empressement chaleureux de l'âme à faire le bien. Rien de plus précieux que cette sollicitude; elle arrête la tiédeur, elle empêche de tomber dans le péché. Voyez quelle sollicitude parmi les mondains pour accroître leur fortune, pour ramasser gloire et honneur sur le chemin de leur vie. Ils ne négligent rien, ils sont toujours en mouvement. Et qu’est-ce que la gloire du monde, que sont les richesses de la terre devant la gloire du ciel et les trésors de l’éternité?
« La sollicitude, ma fille, vous portera à faire vos bonnes œuvres avec empressement, avec attention, à l’heure convenable, dans le lieu opportun.
« La sollicitude vous fera éloigner les obstacles et les difficultés, et vous fera accomplir chaque action comme si elle était la dernière de votre vie.
« Enfin, ma fille, pour que la prudence soit entière et parfaite, il faut avoir encore la circonspection c'est-à-dire cette attention ferme de l'âme sur tout ce qui entoure l’action qu’on veut entreprendre, afin qu'elle se fasse selon les règles du vrai et du bien, et qu'on éloigne tous les obstacles, afin qu’une fois entreprise on ne soit point obligé de l’abandonner.
« Sans la circonspection, il sera impossible d’opérer le bien; voilà pourquoi en envoyant mes disciples prêcher la bonne nouvelle de l’Évangile, je leur parlai ainsi : Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups; soyez simples comme des colombes et prudents comme des serpents.
« Je ne voulais, par ces paroles, que leur recommander la circonspection : voilà pourquoi ils devaient être simples comme des colombes, c'est-à-dire accomplir tout ce que je leur avais recommandé et se fier à moi; prudents comme des serpents, c'est-à-dire pleins d’avisement au milieu des crimes, des vices et des scandales qu'ils devaient trouver dans le monde. Or, dès que le serpent aperçoit le danger, il cache immédiatement sa tête pour la préserver, ainsi devez-vous à l’approche du danger mettre votre âme à couvert pour qu'elle ne succombe pas. Et que de périls dans le monde. Satan est toujours prêt, comme un lion rugissant, à vous dévorer. Les passions sont toujours prêtes à se déchaîner. La vertu elle-même, dans les autres comme chez soi, devient un écueil. Combien donc faut-il avoir l’œil ouvert pour apercevoir tous les dangers et aussi les moyens de les éviter.
« La circonspection évite les extrêmes, elle marche dans le droit chemin où se trouve la vertu. Elle observe, elle pèse les moyens pour arriver à la fin proposée, elle consulte dans le doute; elle ne se hâte pas pour agir, elle attend et la réflexion et le moment opportun. Néanmoins, elle ne traîne pas en longueur pour ne point laisser échapper l’occasion de faire le bien.
« La circonspection mesure toutes les pensées, toutes les paroles, toutes les actions, tous les sentiments; elle ne se fie point à tous, et ne dévoile point ce qu'il faut tenir secret.
« La circonspection ne craint point sans un sujet de crainte, et dans les dangers qu'elle ne cherche pas, elle se fie à Dieu et demeure impassible. Elle ne se laisse ni tromper, ni séduire par l’extérieur, elle pénètre au fond des choses et puis elle se prononce et agit.
« La circonspection n’ajoute point foi aisément à toutes choses, elle ne concède rien sans réflexion, ne juge point sans motifs, ne fait point de promesse qu’elle ne puisse tenir facilement; elle parle peu et se fâche rarement.
« O ma fille, soyez circonspecte, soyez docile, soyez pleine de sollicitude, acquérez le discernement et la prudence; je vous le dis, même pour le bien de votre vie matérielle et terrestre; vous ferez toutes choses selon Dieu et son divin Fils, votre Sauveur, Dieu et homme tout ensemble, et la paix qui vous donnera la vie spirituelle, reposant dans le bien, vous donnera aussi la paix du cœur. »

LIVRE NEUVIÈME, chapitre 2

« Une des vertus les plus admirables dans l’ordre moral c'est la justice. Elle est parmi les vertus morales ce qu'est la charité parmi les vertus théologales. La justice dure dans le temps où elle commence et durera à jamais dans l’éternité.
« La justice a plusieurs aspects. Elle consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû; par conséquent selon la diversité des devoirs, vous trouverez autant d’espèces ou d’aspects dans la justice. Je ne vous parlerai point de la justice humaine ou naturelle; je ne vous entretiendrai que de la vertu surnaturelle de justice.
« La vertu de justice est une inclination surnaturelle qui porte l'homme à rendre à Dieu, au prochain et à soi-même, ce qui est dû à chacun.
« Vous devez à Dieu, ma fille, les devoirs de religion qu'il vous a prescrits, l’observation des commandements qu'il vous a donnés. Vous lui devez la reconnaissance pour tous les bienfaits dont il vous a comblée; enfin, si vous l’avez offensé, vous lui devez réparation et repentir; tels sont vos devoirs envers Dieu.
« Je vous ai déjà fait connaître quel est votre prochain. Or, je distingue dans votre prochain, vos parents, vos supérieurs, les personnes qui sont au dessus de votre position, vos égaux et vos inférieurs.
« Vous devez à tous le respect, l’amour et la vérité. Le respect, car tout homme venant de Dieu mérite que vous le respectiez; Dieu vous a fait un ordre de les aimer tous, et l’ordre vous impose l’obligation de dire à tous la vérité par vos paroles, vos signes ou vos écrits.
« Vous devez agir envers tous avec simplicité, de telle manière que vous apparaissiez à chacun dans tous vos actes et toutes vos démarches telle que vous êtes en réalité.
« Vous devez en particulier à vos parents un amour spécial parce qu'ils sont près de vous les représentants de Dieu; vous leur devez l’obéissance en tout ce qui n'est point contraire à la loi de Dieu, vous leur devez le respect le plus profond, vous leur devez la reconnaissance pour tout ce que vous avez reçu d’eux.
« Vous devez en particulier à vos supérieurs comme à vos parents amour spécial, obéissance, respect et reconnaissance.
« Vous devez en particulier à ceux qui sont dans une position supérieure à la vôtre le respect et l’honneur qui leur sont dus par le rang qu'ils occupent.
« Vous devez en particulier à vos inférieurs les secours et les soutiens que vous pouvez leur donner.
« Vous ne devez à vous-même, après avoir rempli vos devoirs envers Dieu et le prochain, que le mépris et le désir de l’humiliation.
« On pèche contre la justice envers Dieu par négligence, envers son prochain par cupidité, envers soi-même par amour-propre.
« Fuyez la négligence et vous serez exacte à rendre à Dieu tous vos devoirs; fuyez la cupidité des biens terrestres, la cupidité de vos satisfactions personnelles, et vous remplirez vos devoirs envers le prochain; fuyez l’amour-propre, ma fille, et vous remplirez aussi tous vos devoirs envers vous-même. »

LIVRE NEUVIÈME, chapitre 3

« La vertu de force pose dans l’âme la fermeté nécessaire pour soutenir ou repousser ce que la raison et la foi disent de repousser ou de soutenir.
« La force est une vertu qui repousse une crainte coupable qui empêcherait de faire le bien, et qui chasse au loin une témérité qui ferait entreprendre une œuvre contraire à la raison.
« La force est dans l'âme comme le tronc d’un arbre qui soutient l’arbre, les branches, les feuilles et les fruits, la force soutient toutes les autres vertus. Par conséquent, ma fille, si vous ne voulez point perdre les vertus que Dieu a mises dans votre âme, vous devez conserver et tâcher d’augmenter la vertu de force en vous. Par elle vous conserverez le bien qui est en vous, par elle vous perfectionnerez ce bien, vous y attirerez celui qui n’y est point encore.
« Car si vous avez la vertu de force, vous ne craindrez ni les périls, ni la mort; vous ne craindrez ni les épreuves, ni les afflictions, ni les douleurs, ni les misères de la vie; vous ne craindrez ni les attaques du démon, ni ses tentations; vous ne craindrez ni les assauts du monde, ni ceux de vos passions.
« Vous combattrez noblement tous vos ennemis, ne cherchant pas votre gloire, mais celle de Dieu.
« Vous entreprendrez avec sécurité tout ce que Dieu vous inspirera sans craindre de vous tromper, sans craindre de ne pas atteindre votre fin.
« Vous ne regretterez rien de ce que vos pourrez donner à Dieu, ni jeunesse, ni fortune, ni tranquillité, ni bonheur; vous lui donnerez tout et vous reposerez en lui, comme un enfant sur les genoux de sa mère.
« Vous serez patiente et soutiendrez sans faillir les épreuves de la vie, sans vous troubler intérieurement ni manifester extérieurement votre tristesse.
« Vous soutiendrez longtemps les peines de votre corps et de votre âme, les maladies de votre corps, les aridités et la sécheresse de votre âme. Vous soupirerez vers la patrie du ciel, il est vrai, mais vous attendrez patiemment l’heure de Dieu.
« Vous persévérerez dans le bien jusqu’au dernier instant de votre vie. Jusqu’à la mort, vous ferez le bien et éviterez le mal.
« Vous serez comme une colonne de fer assise sur un roc de l’océan. Vainement les flots et les vents se déchaînent contre elle, elle demeure inébranlable. Vous serez ainsi, ma fille, vous serez ferme comme la montagne de Sion. »
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Message par Her Mar 12 Avr - 8:35

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Livre 9
Les vertus morales et Les dons du Saint-Esprit


LIVRE NEUVIÈME, chapitre 4

« La tempérance est la quatrième des vertus morales. On peut considérer la tempérance d'une manière tout à fait générale : alors on entend par tempérance une règle quelconque dans les actions et l’usage de la vie. Je veux vous entretenir de la vertu de tempérance, c'est-à-dire de la règle qui dirige l'homme dans l’usage des choses qui le captivent le plus et peuvent le plus facilement le séparer du bien, savoir, les plaisirs de la nourriture et des sens.
« Les vertus morales sont celles qui dirigent le coeur de l'homme selon la raison des choses, pour l’éloigner du mal et lui faire pratiquer le bien dans l’usage des créatures.
« Or, parmi les choses qui se portent contre la raison et voudraient l’opprimer, il n’en est pas dont l’empire soit plus puissant que celui des plaisirs des sens, d’autant plus sentis qu'ils viennent d'un acte plus naturel ou plus en rapport avec la nature; par conséquent, le plaisir sera plus grand dans les actes qui tendent à la conservation de la nature humaine. Ces actes peuvent être considérés par rapport à la conservation de l’individu, qui s’opère par le boire et le manger, ou par rapport à la conservation de l’espèce humaine, qui s’opère par la génération. Voilà les actes les plus naturels à l’homme, les actes où il éprouve le plus de plaisir, les actes, par conséquent, qui tendent le plus à l’éloigner de Dieu. C'est donc sur ces actes que la raison, qui a été donnée à l'homme pour lui servir de lumière et de guide, doit s’exercer d’une manière toute particulière. C'est l’exercice de cette raison et la règle par laquelle elle dirige ces actes qui est la vertu de tempérance.
« Par la vertu de tempérance que Dieu lui donne, l'homme exerce une domination ferme et juste sur les plaisirs qui sont dans le goût et le toucher, pour vivre d’une manière raisonnable et conformément aux desseins de Dieu sur lui.
« On distingue dans la vertu ce qui est nécessaire pour son existence, les objets sur lesquels elle se porte et les effets qu'elle produit.
« Or, deux choses sont essentielles à la vertu de tempérance, savoir; la honte, ou ce sentiment qui éloigne de la turpitude de tout acte contraire à la tempérance, et l’honnêteté, ou ce sentiment qui fait aimer la beauté inhérente à la tempérance; car, entre toutes les vertus, la tempérance réclame cet honneur qui ressort de la vertu, et l’intempérance, le déshonneur qui ressort du vice.
« La vertu de tempérance a pour objet principal le toucher, dont elle règle l’usage.
« C'est la tempérance qui règle la sensation de plaisir qu'on éprouve au toucher. C'est pourquoi toute vertu qui tend à refréner, à modérer ou à diriger une inclination quelconque vers le mal, est une partie de la vertu de tempérance. Or, les vertus produisent cet effet de trois manières : en agissant sur les mouvements intérieurs du cœur, sur les mouvements extérieurs et les actes du corps, ou bien en observant la valeur réelle des choses de la vie.
« Outre les sensations du toucher, la tempérance règle encore les mouvements de l'âme qui l’attirent vers quelque chose, attraction qui est le toucher intérieur de l'âme.
« Le premier mouvement est celui de la volonté, émue par l’impétuosité de la passion; il est maîtrisé par la continence, qui fait que l'homme, éprouvant les assauts de la concupiscence, loin d’être battu par elle, lui résiste et lui commande en maître.
« Le second est celui que produit une espérance fausse et une audace criminelle; il est réprimé par l’humilité, qui ne s’attend à rien, qui ne réclame rien et se croit incapable de tout par elle-même.
« Le troisième est celui de la colère, qui porte à la vengeance; il est réprimé par la douceur et la clémence.
« La tempérance règle aussi les mouvements du corps en lui-même, par la modestie et les mouvements de la langue, par la réserve et le silence; elle règle enfin les mouvements du corps vers les choses créées, par la discrétion, la pauvreté et l’économie.
« Ma fille, je vous ai déjà parlé de la pureté, de la chasteté, de la virginité et de la pauvreté. Je vous parlerai maintenant sur la honte, l’honnêteté, l’abstinence, la sobriété, la continence, l’humilité, la douceur, la clémence, la modestie, le silence, la discrétion et l’économie.
« Je vous ai dit, ma fille, que les sentiments de honte et d'honnêteté sont deux sentiments ou deux inclinations de l'âme nécessaires pour la vertu de tempérance.
« La honte est la crainte du déshonneur par l’accomplissement d'un acte mauvais. Il y a quatre espèces de honte : celle du mal qu'on a commis, celle du mal qu'on commet, celle qui fait éviter le mal et celle qui empêche de faire le bien.
« La honte qui empêche de faire le bien est coupable, mauvaise, c'est le respect humain; ne craignez jamais de faire le bien, n’en rougissez jamais, ne craignez que le mal.
« La honte du mal qu'on commet est mauvaise, si elle ne produit rien que la fuite des regards d’autrui, si elle ne fait point éviter le péché.
« La honte du mal qu'on a commis est bonne, si elle porte à éviter le mal; elle est sans effet véritable, si elle ne fait point éviter le péché.
« La honte qui empêche non-seulement de commettre le péché, mais encore qui le fait fuir et donne de l’horreur pour lui, est bonne et appartient à la vertu de prudence.
« Cette honte ne mérite point le nom de vertu dans sa signification véritable, parce que le mot vertu implique en lui-même un certain degré de perfection. Or dans la honte, il n'y a que tendance à fuir le mal.
« Ainsi la honte ne se trouve ni dans ceux qui sont endurcis dans le vice, ni dans les parfaits. Les uns ne font que le bien, les autres, loin de craindre l’opération du mal, vivent continuellement dans le mal.
« Elle n’est point dans les enfants, parce qu'elle suppose un jugement, et qu'ils n'ont point l’usage de la raison et ne peuvent juger de rien.
« La honte se trouve dans les imparfaits qui tendent vers la perfection; elle est d’autant plus forte, elle a d’autant plus d’empire sur les hommes, que le vice ou le péché est plus grand, qu'ils se trouvent en face de personnages probes et vertueux, ou de personnes qui les voient plus souvent et sont plus à même de s’apercevoir de leurs défauts.
« Pour que la honte ne soit pas nuisible et qu'elle soit avantageuse, il faut tantôt l’éviter et la mépriser, et tantôt la modérer ou l’exciter en soi.
« Il faut fuir et éviter la honte dans tout ce qui est bon. Si vous rougissez de moi, ma fille, pendant votre vie, je rougirai de vous à la fin des temps.
« Il faut mépriser la honte dans les conditions et les états où il n’y a aucun motif de rougir, ni crainte de déshonneur, comme la pauvreté et la misère.
« Il faut modérer la honte que l'on a des péchés dont on s’est rendu coupable, afin qu'elle n’empêche point d’en faire l’aveu au ministre chargé de les pardonner.
« Il faut exciter la honte en soi quand on est tenté violemment et qu’on court risque de tomber dans le péché. C'est alors le moment de considérer la noirceur de l’offense envers Dieu et l’opprobre dont on se couvre par cette faute, parce que cette vue fait éviter le péché.
« La honte est essentielle à la vertu de tempérance; le second sentiment nécessaire à cette vertu c'est l’honnêteté.
« L’honnêteté est le sentiment de l'âme qui fait aimer la beauté inhérente à la vertu ou à la tempérance. Elle consiste dans le jugement de l’excellence d'un acte que l’on accomplit, et comme tout acte bon est beau, et tout acte beau digne d’honneur, celui qui a l’honnêteté juge de la bonté et de la beauté de cet acte et de l'honneur qui lui revient.
« L’honnêteté est l’accomplissement d’un acte bon dicté par le jugement intime de l'âme. Ainsi elle a sa source, son principe dans l’intérieur, mais elle ressort extérieurement par l’accomplissement de l’acte, et c'est l’acte bon accompli qui fait juger de l’honnêteté de quelqu'un. Tant que l’acte n'est point accompli, on ne peut juger de l’honnêteté de celui qu'on examine, ni lui rendre l’honneur qu'il mérite.
« Or, comme la tempérance est précisément la vertu qui incline à faire le bien et à éviter le mal, vous comprenez, ma fille, que l’honnêteté doit nécessairement précéder la tempérance et être constamment avec elle.
« L'abstinence est une vertu par laquelle on modère le plaisir et l’usage de la nourriture.
« Ainsi, l’abstinence consiste non à se priver complètement de nourriture, ce qui serait détruire sa santé et sa vie, mais à prendre la quantité suffisante afin de ne pas trop exciter les mouvements déréglés de la nature, et à savoir même distraire une légère partie de cette quantité pour réprimer ces mouvements.
« Je vous ai donné l’exemple de l’abstinence dans l’usage que je fis sur la terre des mets les plus communs et dans le jeûne que je supportai dans le désert. Suivez mon exemple et pratiquez l’abstinence telle que je vous l’ai indiquée, elle produira les plus heureux effets sur votre âme et votre corps.
« Elle disposera votre âme à prier avec plus de ferveur. Celui qui ne pratique pas l’abstinence ressent dans son âme la pesanteur de son corps chargé de nourriture, qui lui enlève toute sa vigueur de l’esprit et lui enlève par conséquent toute aptitude pour la prière.
« Elle développera votre mémoire et la rendra plus apte à se rappeler tous les bienfaits dont Dieu vous a comblée et que vous lui devez. Celui qui ne pratique pas l’abstinence est toujours dans une sorte d’engourdissement qui empêche le développement ou l’usage de ses facultés, et l’oblige à l’inaction intellectuelle. Ce qui vous le fera bien comprendre, ma fille, c'est ce que vous éprouvez en vous-même. Le matin, quand vous êtes levée, vous vous trouvez plus disposée, plus apte à la prière, votre esprit se porte plus naturellement vers moi; il est plus frappé par les paroles que je vous adresse le matin que dans la journée, et voilà pourquoi j’ai voulu de préférence vous entretenir et vous parler le matin, soit dans votre chambre, à l'heure de votre prière, soit plus particulièrement dans le lieu saint, près de mon tabernacle.
« L'abstinence produit aussi le développement de l’intelligence. L’intelligence ne se trouve pas arrêtée dans son essor par le poids des choses sensibles, par la matière qui l’entoure et l’enveloppe comme un nuage. C'est le matin aussi que vous comprenez mieux les paroles que je vous adresse, que vous vous rendez mieux raison des choses.
« Puisque l’abstinence est si avantageuse, pratiquez-la ma fille; elle servira non-seulement à votre âme, mais aussi à votre corps.
« L’abstinence rend le corps le temple de Dieu. Le temple de Dieu est saint, dit l’apôtre, et ce temple, c'est l'homme.
« Or, l’abstinence est une dédicace du corps à Dieu. Par l'abstinence, en effet, ne semblez-vous point ne vouloir y introduire rien de ce qui est superflu? En outre, le corps est l’instrument de l’âme, et l'âme par le corps opère des œuvres de vertu et évite le péché; il évite le péché quand il a la force de résister, quand il n'est point mou et efféminé; il pratique le bien, il fait de bonnes œuvres parce qu'il a la vigueur nécessaire, et que les aliments qu'il a pris ne le lient et ne le retiennent point attaché à la matière. L’abstinence est donc comme une porte fermée au mal et ouverte à la vertu. C'est donc elle qui rend le corps saint, qui en fait véritablement le temple de Dieu.
« L’abstinence est l’assaisonnement de la nourriture de l'homme et le soutien de sa santé. Celui qui pratique l’abstinence ne mange que ce qui lui est nécessaire. Aussi, quelle que soit la nourriture qui lui est présentée, il l’accepte et la trouve bonne. Et cette nourriture le soutient, le fortifie sans altérer sa santé.
« Enfin, l’abstinence est le soutien des relations de la vie. Celui qui ne la pratique point ne peut vivre dans la société de ses pairs; il est méprisé, honni par tous. Celui qui ne pratique pas l’abstinence peut à peine se supporter lui-même, tant il a pris de nourriture.
« Pratiquez l’abstinence, ma fille; elle est utile aux intérêts de votre corps comme à ceux de votre âme; elle conservera la santé de votre âme et celle de votre corps. Pratiquez-la dès à présent. C'est la première condition pour que vous la pratiquiez toute votre vie. Ne recherchez point les mets délicats et bien préparés. Ne mangez jamais autant que votre appétit vous le permettrait. Ne mangez pas avec trop d’empressement. Enfin ne vous occupez point de la nourriture que vous aurez pour en désirer une plus recherchée, et, à ces conditions, vous pratiquerez l’abstinence.
« La sobriété est pour l’usage du vin ce que l’abstinence est pour l'usage de la nourriture. C'est une vertu par laquelle on modère le plaisir et l’usage de la boisson.
« C’est une vertu morale qui dépend de la vertu de tempérance. C'est une vertu morale, car les vertus morales ont pour but de conserver et de défendre le bien de la raison contre tout ce qui peut l’attaquer et le faire perdre. Par conséquent, là où se trouve un écueil pour la raison, là doit se trouver une vertu pour combattre cet écueil. Or, l'usage du vin, quand il est immodéré, fait perdre la raison. Il faut donc un rempart contre ce vice : vous le trouverez dans la sobriété, qui donne la règle dans l'usage qu'on doit faire du vin que Dieu a donné à l'homme pour le désaltérer et réparer ses forces, non pour lui faire perdre sa raison.
« La sobriété produit quatre effets principaux : elle conserve et entretient la lumière de l’intelligence, car l'usage modéré du vin fortifie le cœur, d’où procèdent tous les actes naturels et vitaux de l'homme; elle développe la puissance de l'esprit en l’excitant doucement et avec mesure; elle conserve le cerveau dans toute sa pureté; enfin, elle réjouit l'âme dans toutes ses facultés, et en particulier, celle qui saisit la vérité pour perfectionner toutes ses œuvres et leur donner de la fermeté. Voilà pourquoi vous avez vu que dans les Livres saints la sobriété est appelée la santé du corps et de l'âme. Il est facile de comprendre comment la sobriété dispose l’intelligence à saisir ce qu'il y a de plus subtil et de plus fin, parce que la sobriété place la personne dans la règle parfaite de son être, et que l'homme n'est jamais plus apte à agir intellectuellement ou matériellement que lorsqu'il se trouve en cet état.
« La sobriété réprime la concupiscence de la chair. Le vin en effet, ma fille, excite tout l’organisme de l'homme; il augmente le penchant qu'il a pour le mal et porte naturellement au vice d’impureté. Voilà pourquoi Dieu avait ordonné aux Nazaréens de ne point boire de vin ni de liqueur enivrante. Vous avez une preuve de cet effet dans Noé, que l’ivresse mit dans un état complet de nudité, et dans saint Jean-Baptiste, que la sobriété ou plutôt, la privation complète de vin conserva dans une si parfaite pureté.
« La sobriété est la conservatrice de la paix parmi les hommes. La paix disparaît parmi les hommes quand ils perdent la raison, ou que leur intelligence est voilée, ou que leur esprit est surexcité. Or, la sobriété conserve la raison, empêche la raison de se voiler et les esprits ou les forces de l'homme de se surexciter. La sobriété donc conserve la paix et la bonne harmonie parmi eux.
« La sobriété n'est pas l’abstention complète du vin, elle est la règle de son usage. Elle convient à tout le monde. En premier lieu, elle convient aux ministres de mes autels, puis aux princes et aux magistrats, afin qu'ils soient toujours à même d’agir conformément à la mission qui leur est confiée.
« Elle convient en particulier aux religieux, afin qu'ils puissent vaquer aux œuvres de piété que leur devoir leur impose, afin qu'ils mortifient leur chair et s’exercent facilement dans la pratique de toutes les vertus
« Elle convient surtout à la jeunesse et aux femmes : à la jeunesse, pour ne point augmenter l’entraînement qu'elle a vers le mal; elle convient aux femmes pour conserver toujours intacte la dignité de leur sexe.
« La continence, ma fille, est une vertu qui donne la force de résister à toute passion.
« On peut entendre la continence de trois manières. La continence, dans un sens large et général, est la répression des entraînements mauvais provenant du toucher et de tous les autres sens. La continence s'entend encore de la chasteté dans l’état de mariage. Enfin, la continence est la répression actuelle des mouvements déréglés de la concupiscence qu'on éprouve dans son âme.
« De quelque manière que vous l’entendiez, la continence est la fermeté de la raison et du devoir contre les passions pour qu'elles n’entraînent point au mal.
« Cela doit vous faire comprendre les immenses avantages de la continence pendant votre vie, qui est si courte et qui n'est pour vous qu'un temps d’épreuve. Que de maux, que de peines, que de regrets, que de malheurs dont préserve la continence! La continence, en effet, prolonge les jours de la vie du temps et assure la possession de l’éternité. La continence conserve le souvenir des fins dernières et fait prendre les moyens pour arriver à la félicité suprême. C'est là l’heureux résultat de la continence; elle donne une vie tranquille et pacifique, elle donne une vie estimable et estimée des hommes, des anges et de Dieu; elle assure la vie heureuse du ciel.
« L’humilité est encore une vertu qui appartient à la vertu de tempérance, car elle porte l'homme à ne point s’élever au dessus de ce qu'il est.
« C'est une vertu par laquelle l'homme, d'après la connaissance intime de la majesté de Dieu et de son propre néant, se méprise lui-même et aime à se voir méprisé par autrui. L’humilité ne consiste pas seulement dans la connaissance de Dieu, ni de soi-même, mais dans la répression du mouvement qui porte l'homme à s’élever au dessus de lui-même. La connaissance de Dieu et de soi produit cette répression qui constitue l’humilité.
« Or, celui qui réprime ce mouvement désordonné de lui-même est véritablement humble, parce qu'il se connaît lui-même, et que s'il trouve en soi quelque chose de bien, il reconnaît ne l’avoir pas de lui-même, mais par le don de la miséricorde de Dieu.
« Il est véritablement humble, parce qu'il se méprise lui-même, et qu'il sait bien qu'il est indigne des biens que Dieu lui a accordés et de ceux qu'il veut lui accorder encore.
« Il est véritablement humble, parce que bien loin de désirer l’estime, l’honneur ou les louanges d’autrui, il ne cherche que le mépris et rapporte à Dieu toutes les faveurs qui lui viennent des hommes afin qu'elles retournent à Celui qui seul les a véritablement méritées.
« Il est véritablement humble, parce qu'il se croit la plus vile des créatures, à la vue de ce que Dieu a fait pour lui et du peu de reconnaissance qu'il lui en a rendu, et qu'il ne considère en autrui que le bien qu'il possède.
« Il est véritablement humble, parce qu'il se fait volontiers le serviteur de tous, qu'il cherche partout la dernière place et les emplois les plus vils.
« Il est véritablement humble, parce qu'il se tient vis-à-vis de Dieu comme un esclave soumis en toutes choses à la volonté de son maître, et comme un pauvre pécheur indigne de paraître devant lui et d’être souffert en sa présence.
« Or, rien n'est supérieur à la vertu d'humilité; l’humilité, en effet, est la première des vertus. Elle est avant la foi, l’espérance et la charité. Elle est leur fondement. Cela vous étonne, ma fille? — Oui, Seigneur. — Pourquoi cela? — Parce que je me souviens que vous m’avez dit en me parlant de la foi, qu'elle est le fondement de toutes les vertus. Comment donc les vertus peuvent-elles avoir deux fondements? — Ma fille, me répondit le Seigneur Jésus, si votre humilité avait été plus grande, vous n’auriez éprouvé aucun étonnement de mes paroles. Vous auriez pensé que je suis la vérité et que par conséquent mes paroles sont des paroles de vérité.
Je demandai pardon au Sauveur Jésus de ma manière d’agir, je le conjurai de continuer à m’instruire et je l’écoutai avec docilité.
« L'humilité, me dit-il, est le fondement des vertus, mais d’une manière différente ou sous un autre aspect que la foi. Vous allez le comprendre aisément. La connaissance d’une chose précède le désir qu'on a de cette chose, et le désir précède les moyens pour acquérir sa possession. Les vertus théologales précèdent donc les vertus morales, parce qu'elles sont la connaissance, le désir et l’amour de Dieu, tandis que les vertus morales ne sont que les moyens pour atteindre Dieu. Or, la foi est une vertu théologale, et la première des vertus théologales dans l’ordre de l’existence; donc elle est avant l’humilité, qui est une vertu morale, puisqu’elle se rattache à la tempérance, et, sous ce rapport, la foi est le fondement de toutes les vertus, même de l'humilité.
« Sous un autre rapport, au contraire, l’humilité est le fondement de toutes les vertus, même de la vertu de foi.
« Personne, en effet, n’aura la foi s’il ne commence par chasser l’orgueil de son âme et s'il n’y place l’humilité qui le soumet à la parole et à la révélation de Dieu. L’humilité est donc le fondement de la foi.
« L'humilité est le fondement de l’espérance. C'est l’humilité qui dit : Je ne suis que faiblesse, je ne suis qu’impuissance, mais je puis tout dans Celui qui me fortifie. Car celui qui est humble se connaît lui-même, et sachant qu'il ne peut rien par lui-même, il met tout son espoir en Dieu, et dans son espérance, il s’écrie : Je puis tout dans Celui qui me fortifie. Ainsi, l’humilité ne repousse pas, ne refuse pas les grandes entreprises quand Dieu les demande et les attend; elle ne refuse rien, mais elle met tout son espoir en Dieu.
« L'humilité est le fondement de la charité. C'est l’estime de soi qui éloigne de Dieu, c'est le mépris de soi qui rapproche de lui. Celui qui s’estime ne pense qu’à soi, voilà pourquoi il oublie Dieu. Celui qui se méprise ne pense qu’à Dieu, et cette pensée n'est point vaine, car elle produit l'amour, et plus cette pensée est ferme, plus elle est constante et plus l'amour pour Dieu devient intense.
« L’humilité est donc le fondement des vertus théologales. Voyez plutôt, ma fille, sans elle, la foi chancelle; sans l’humilité, l’espérance diminue; sans l'humilité, la charité est détruite. Ce que je dis des vertus théologales, je le dis aussi des vertus morales. Sans l’humilité, la prudence est aveugle, la justice trompeuse, la force impuissante et la tempérance immodérée.
« L’humilité, ma fille, est encore la grande voix de l'âme qui va de la terre au ciel et qui pénètre jusqu'au trône de Dieu. C'est la voix la plus agréable qui résonne aux oreilles de Dieu; c'est la prière la plus puissante qui monte jusqu'à lui, et voilà pourquoi elle obtient à l'âme les faveurs de Dieu les plus signalées. Marie fut la plus humble des créatures et elle est devenue ma mère. Est-il faveur comparable à cette faveur?
« L'humilité préserve du péché, maintient et fortifie dans le bien, elle enseigne la véritable sagesse, et donne enfin le bonheur véritable par la participation à la vue de Dieu.
« Ma fille, aimez donc l’humilité, cherchez l’oubli et le mépris. Marchez, sur mon exemple, dans la voie des humiliations; ne cherchez point à vous produire, effacez-vous en tout, n’élevez jamais ni votre tête, ni votre voix, ni votre cœur; votre tête pour dominer quelqu'un, votre voix pour vous imposer à qui que ce soit, votre cœur pour vous estimer vous-même. Comprenez que tout ce que vous avez, vous l’avez reçu de Dieu, par conséquent ne vous en glorifiez point. Si je vous comble de mes faveurs les plus signalées, méritez-les encore plus par votre humilité, et en reconnaissant qu'il n'y a rien en vous qui vous rende digne de si grands témoignages de mon amitié pour vous. Recevez sans vous plaindre, sans murmurer, tous les mépris dont vous serez l’objet; estimez-vous heureuse d'être ainsi méprisée, honnie ou mal vue, et dans ces sentiments de l’humilité la plus profonde, tenez-vous toujours comme une servante devant Dieu.
« Si vous avez ces sentiments, ma fille, vous serez toujours calme. Qu’est-ce donc qui pourrait vous troubler, si vous croyez être un rien, un néant? Qu’est-ce qui pourrait vous affliger, si vous croyez mériter tous les mépris? L’humilité, c'est le calme, la tranquillité, la joie sur la terre, c'est le mérite du bonheur dans l’éternité.
« La douceur et la clémence sont deux vertus qui ont une grande analogie; elles diffèrent pourtant l’une de l’autre. Je vous l’ai déjà dit, ma fille, les passions intérieures sont le principe ou l’empêchement des actes extérieurs. De même les vertus qui règlent les passions concourent au même effet que les vertus qui règlent les actions, quoique d’une manière différente. Si vous appliquez ces paroles à la douceur et à la clémence, vous comprendrez leur différence. La douceur et la clémence concourent à refréner la colère, c'est là leur but commun, et en cela ces deux vertus paraissent se ressembler; elles diffèrent pourtant par leur manière d’opérer.
« La colère porte à se venger d'une offense et à infliger une sévère punition. La douceur est une force qui empêche la colère et par conséquent qui prévient toute punition. La clémence, au contraire, porte à diminuer la peine ou la punition méritée et que la colère a augmentée. Ces deux vertus tendent donc à régler la colère; la douceur en la faisant disparaître, la clémence en diminuant la vengeance excitée par la colère; la douceur en combattant la colère, la clémence en combattant l’acte produit par la colère.
« Ma fille, c'est avec raison qu'on a comparé la douceur au lait et au miel. Il n'est rien en effet de plus suave dans la vie que les relations avec les personnes qui sont douces. C'est un parfum délicieux dont l’odeur se répandant sur toute la terre ravit tous les cœurs. Elle ressemble à celui qui coula le long de la robe d’Aaron; c'est ainsi, en effet, qu'elle se répand sur toutes les actions de celui qui la possède. Elle est si aimable qu'elle s’insinue et pénètre dans les âmes dont vous approchez, autant par votre air et vos manières que par vos paroles. C'est la compagne fidèle de l’humilité. Toute personne humble est douce en même temps; mais une personne qui est douce peut bien n'être pas humble; alors néanmoins elle n'a pas la véritable vertu de douceur. Elle a une douceur naturelle ou, comme vous le dites habituellement, elle a la douceur de caractère, ou encore une douceur calculée, préméditée, douceur qui n'est pas toujours dans la conduite ni les paroles.
« Quelle différence entre celui qui a la douceur et celui qui n'a point cette vertu. Quand on l’a, on est affable, prévenant, aimable, patient, sans chercher jamais à déplaire en rien; on est toujours égal dans ses actions comme dans ses paroles; on a toujours une figure calme et sereine; on se possède même dans les torts ou les injures qu'on reçoit; on oublie le mal et on le pardonne; on fait du bien à ses plus grands ennemis. On m’imite dans ma manière d’agir, et au dernier jour on entendra cette parole : parce que vous avez été doux et humble de cœur, venez, bon serviteur, posséder la terre qui vous a été promise, c'est-à-dire le ciel.
« Quand on n'a pas la douceur, au contraire, on est brusque, froid, sévère, irascible; on éloigne les coeurs de soi.
« Exercez-vous, ma fille, dans la vertu de douceur. Elle convient à tous en général, mais en particulier aux supérieurs quels qu'ils soient, afin qu'ils puissent gagner la confiance et l’affection des inférieurs; elle convient en particulier aux prêtres, à cause de leurs relations intimes avec les consciences des fidèles. Elle vous convient en particulier, afin d’édifier, de donner le bon exemple et de vous perfectionner de plus en plus. Demandez à Dieu cette belle vertu de douceur.
« La clémence est une vertu qui porte à pardonner une peine méritée ou une partie de cette peine. La clémence est, par conséquent, une vertu morale, car elle soumet le mouvement du cœur à la raison. Que fait la clémence en pardonnant une peine ou une partie de cette peine, si ce n'est voir quand et pourquoi il faut pardonner et moins punir, et considérer aussi s'il y a motif ou non d’infliger une peine. La sévérité est l’application rigoureuse de la loi. La clémence diminue la peine qui serait due, selon l’expression de la loi, parce que celui qui l’applique interprète l’intention du législateur plutôt que sa loi; aussi la clémence modère le mouvement du cœur pour que la peine ne soit pas appliquée dans toute sa rigueur.
« La clémence doit être la grande vertu des princes, des prélats, des magistrats et des supérieurs. Ils doivent se rappeler la clémence de Dieu et de son Fils sur les hommes, et ne point punir selon l’étendue de leurs pouvoirs. La clémence guérit plus de maux que la sévérité. Les passions sont surexcitées par la sévérité et apaisées par la clémence, qui souvent obtient ce que jamais n’aurait obtenu la sévérité. Rien de plus propre à exciter en vous la clémence que la considération de la fragilité humaine, de votre propre fragilité. Que de fautes aussi commises par mégarde ou par ignorance! Aussi ne faut-il point les punir selon la rigueur de la loi.
« Soyez clémente, ma fille, c'est-à-dire pardonnez toute la peine que mériteraient ceux qui pourraient vous offenser. Ne cherchez point à les faire punir. Pardonnez-leur de grand cœur; traitez-les comme frères et amis. Rendez-leur service si vous le pouvez; témoignez-leur que vous avez tout oublié et que votre esprit n'a gardé aucun souvenir de leurs injures.
« Ma fille, la tempérance règle les mouvements intérieurs de l'âme par la continence, l’humilité, la douceur et la prudence; elle règle aussi les mouvements personnels et extérieurs du corps par la modestie et le silence.
« La modestie est une vertu qui règle les mouvements du corps, qui gouverne les sens, indique la manière dont on doit se récréer et préside à l’arrangement extérieur des vêtements, selon la conduite dans laquelle on est placé.
« Vous comprenez que le mouvement du corps, que les sens, les jeux, les délaissements et les habits dont on se couvre sont susceptibles de recevoir une règle dictée par la raison; par conséquent la modestie est une vertu morale.
« Elle vous apprendra à régler les mouvements du corps; à ne point marcher avec précipitation ni avec trop de lenteur; à ne point agiter les bras d’une manière inconvenante; à ne point étendre votre corps avec mollesse; à vous tenir toujours, même seule, comme devant les personnes de distinction ou qui méritent votre respect.
« La modestie vous apprendra à ne point tourner la tête légèrement de tous cotés et à chaque instant; mais à la tourner doucement quand il y a nécessité, à la tenir un peu inclinée sur le devant, sans la pencher immodérément ni à droite ni à gauche.
« La modestie vous apprendra surtout à ne point tourner vos yeux de tous cotés, à ne point les fixer sur toutes choses; elle vous apprendra à regarder non avec fureur, mais avec bonté; non avec orgueil, mais avec humilité; non avec inconvenance, mais avec chasteté et pudeur; elle vous apprendra, quand vous parlerez à quelqu'un, à le regarder non fixement et d’un air sérieux, mais avec douceur et un peu en dessous de ses yeux, comme si vous regardiez plutôt l’intérieur de son âme que l’extérieur de sa figure.
« Elle vous apprendra à revêtir votre figure d’un air plein de douceur et de bonté, sans contracter ni vos sourcils ni vos lèvres; à ne point garder un silence obstiné, mais à adresser quelques paroles dictées par la circonstance et toujours empreintes de dignité autant que de franchise et de sincérité.
« Elle vous apprendra à user de délassements convenables à votre âge, à votre condition, à votre sexe, pour récréer et refaire votre esprit et ne point le tenir toujours tendu. Elle vous apprendra à ne jamais vous tenir seule avec un homme seul, et à fuir dans vos récréations tout ce qui peut blesser l’honnêteté ou la politesse. Elle vous apprendra à ne point trop satisfaire votre esprit, à ne pas trop le délasser par vos amusements, et à ne vous récréer que dans les lieux et aux moments convenables.
« Elle vous apprendra à vous habiller d'une manière digne et en rapport avec votre position, sans chercher des habits de luxe ou des formes trop élégantes qui favorisent le dérèglement des passions. Elle vous apprendra à être au contraire toujours vêtue avec simplicité, ordre et propreté.
« Elle vous apprendra la même simplicité dans la disposition de votre maison, dans les meubles et dans la nourriture qui sera servie sur votre table.
« C'est là, ma fille, la première vertu qui règle les mouvements extérieurs du corps; voici la seconde, le silence.
« Le silence, ma fille, peut s’entendre de deux manières, en tant qu’acte ou abstention de langage et en tant qu’inclination à retenir et à modérer la parole. Pour les distinguer, j’appellerai l’acte par lequel on s’abstient de parler, silence, et l’inclination ou la force par laquelle on modère sa propension à parler, l'amour du silence.
« L'amour du silence est une vertu qui a un double but. Le premier est d’interdire à la langue toute parole illicite, comme la médisance, la calomnie, le mensonge, le parjure, toute parole déshonnête, impure, oiseuse ou inutile. Le second, d’interdire à la langue des paroles même utiles ou licites quand il n'y a point de nécessité.
« Vous reconnaîtrez en vous l'amour du silence, si vous ne prononcez jamais de paroles déplacées, si vous ne parlez que dans le lieu où vous pouvez parler, c'est-à-dire hors du lieu saint; si pour vous recueillir, réparer les forces de votre esprit, vous vous abstenez pendant un certain temps de la journée de parler et de converser; si vous vous abstenez non-seulement du langage extérieur, mais encore du langage intérieur de votre esprit, en contenant votre imagination; si vous ne parlez jamais pour votre propre satisfaction, par amour-propre, mais toujours par charité et pour la plus grande gloire de Dieu.
« Ma fille, je vous recommande l'amour du silence. Suivez l’exemple que je vous ai donné quand j'étais sur la terre. Je suis la parole éternelle de Dieu le Père, et j’ai demeuré les trente premières années de ma vie sans me manifester qu'une seule fois dans le temple de Jérusalem. Je suis la parole éternelle de Dieu et je demeure en silence dans le sacrement de l'autel, ne parlant aux hommes que par la voix de ma grâce et de mon amour.
« Gardez le silence et vous aurez la paix avec Dieu, avec le prochain, avec vous-même. Gardez le silence et vous avancerez rapidement dans la perfection, car vous fuirez de nombreuses occasions de péché; vos n’exciterez ni vos passions ni celles d’autrui, et vous serez plus à même d’apercevoir les pièges que vous tendra l’ennemi de votre salut.
« La discrétion est une vertu morale qui règle le don de la science ou de la connaissance. C'est le contraire de la curiosité.
« Il y a des sciences qui sont utiles, d’autres dangereuses et d’autres coupables; d’autres qui ne peuvent servir de rien, et qui par conséquent sont inutiles.
« La discrétion apprend à connaître celles qui sont utiles et à repousser les autres comme mauvaises ou entraînant au mal. Elle apprend aussi à réprimer le désir trop grand des sciences même utiles, parce que la science enfle le cœur et engendre l’orgueil.
« La discrétion apprend à connaître les choses utiles et porte à les étudier, à cause de l’avantage qui ressort de l’étude tant pour soi que pour autrui. Or, la première science, la première connaissance nécessaire, c'est la science de Dieu, la connaissance de la religion, la science et la connaissance du salut. Après celle-là viennent les sciences secondaires qui facilitent le moyen de perfectionner la science du salut, comme la lecture et l’écriture, par lesquelles on apprend par soi-même et on retient ce que l’on a appris en le gravant sur le papier pour le graver ensuite dans le cœur.
« La discrétion apprend à repousser les sciences inutiles pour le bien, parce que ces sciences peuvent très facilement entraîner au mal; elle apprend à repousser les sciences dangereuses, la science du mal, parce que l'homme qui connaît le mal peut l’opérer très facilement.
« La discrétion apprend à réprimer le désir qu'on a de connaître ce qui regarde autrui, elle porte aussi à ne point communiquer ce qu'on a appris quand il y a des motifs suffisants pour ne point faire ces communications.
« Demandez à Dieu la discrétion, ma fille, et vous croîtrez comme votre Sauveur en âge, en sagesse et en grâce devant Dieu; vous apprendrez à connaître Dieu de plus en plus, de plus en plus à vous attacher à lui et à n’aimer que lui.
« L’économie est la dernière vertu qui a rapport à la vertu de tempérance. L’économie est la vertu qui règle l'usage convenable et nécessaire des choses dont on se sert. Cette vertu a un triple objet, l'âme, le corps et les objets matériels qui l’environnent.
« L’économie règle les forces de l'âme en mesurant leur emploi, en donnant celles qui sont indispensables et n’employant point celles dont l’usage serait superflu.
« L’économie règle les forces du corps en mesurant la manière dont l'homme doit travailler, le travail qu'il doit faire, l'heure et le temps dans lequel il doit le faire.
« Enfin, l’économie règle l'emploi des choses extérieures que l'homme a à sa disposition, afin d’en user selon ses besoins, et de ne point les dissiper d'une manière inutile.
« D’où vous voyez que l’économie est essentiellement une conservation des forces de l'âme et du corps et des biens de la fortune. Cette conservation des forces de l'âme tend à les augmenter pour qu'elle grandisse et croisse en vertu par l’accomplissement du bien et la conformation à la vérité, en appliquant toutes ses forces quand il est nécessaire à cet accomplissement et à cette conformation.
« Cette conservation des forces du corps tend à les augmenter pour conserver à l'âme qu'il renferme sa vigueur et sa fermeté, et permettre au corps soumis à l'âme d’accomplir les actions nécessaires à la vie naturelle et surnaturelle.
« Cette conservation des biens de la fortune tend à les augmenter, afin de s’en servir ensuite selon les desseins de Dieu, afin de secourir les pauvres et les malheureux, et de pourvoir soi-même à des malheurs imprévus qui pourraient advenir. Ainsi, ma fille, l’économie se rapporte à la tempérance et règle en vous toutes vos actions selon l'ordre et la raison. Demandez à Dieu toutes ces vertus, et quand Dieu vous les donne, tachez de les augmenter et de les accroître par une correspondance fidèle à l’inclination qu’elles mettront en votre âme. »

LIVRE NEUVIÈME, chapitre 5

Je vais rapporter aussi ce que le Sauveur Jésus m'a dit, en deux circonstances différentes, sur la pureté et les cœurs purs. Je méditais un jour sur la passion. Je le considérais dépouillé de ses vêtements par ses bourreaux : « Si vous saviez combien j’ai souffert, ma fille, en ce moment! Vous ne le comprendrez jamais, cela dépasse la portée de votre intelligence. Quelle confusion j’éprouvais en me voyant en la présence de mon Père, chargé de toutes les infamies, de toutes les turpitudes, de tous les péchés dont les hommes s’étaient rendus et devaient se rendre coupables, moi Dieu de sainteté! Ah! Dieu seul a pu apprécier l’étendue de la honte et de la douleur que j’éprouvais. Comprenez, du moins un peu, combien j'aime la pureté et à quel prix je voudrais l’établir sur la terre. Les cieux ne sont pas assez purs pour contenir ma sainteté et je viens habiter dans vos temples; je descends sur vos autels et même dans votre cœur. Priez Dieu de vous purifier de plus en plus, afin que de plus en plus vous soyez digne de me recevoir. Jamais pour la communion vous n’auriez assez de pureté, assez de sainteté, si mon amour n'y suppléait. O sainte et aimable pureté! tu mérites l’honneur et le respect des hommes, l’estime des anges et l'amour de Dieu. Comme un parfum suave tu t’élèves jusqu'au ciel pour revenir ensuite sur la terre avec la bénédiction de Dieu.
« Il y a, ma fille, trois sortes de pureté : la première consiste à n’avoir aucun péché mortel sur la conscience; la seconde dans l’exemption du péché véniel et de l’attache à ce péché; la troisième dans l’exemption ou le désir ferme d’exemption de toute imperfection, dans la privation de toute attache aux choses créées et dans l’amour parfait.
« Être pur, c'est être séparé de toute attache déréglée; être pur, c'est ne vivre qu'en Dieu, avec Dieu et pour Dieu; être pur, c'est renoncer à tous les plaisirs les plus légitimes pour n’avoir qu'un seul plaisir, la volonté de Dieu; et vivre comme cela, c'est ressembler aux anges, c'est être un ange dans un corps mortel. O ma fille! Tendez toujours vers la pureté la plus parfaite, en vous détachant non seulement du mal, mais de ce qui est permis, pour ne vous attacher qu'à moi; tout le reste ternirait votre pureté, votre innocence; je serai pour vous ce qu'est le soleil pour un cristal très pur qu'il pénètre et dont il rehausse l'éclat.
Quelque temps après Jésus me dit encore : « Heureux les cœurs purs, ma fille, parce qu'ils verront Dieu. Ma fille, il y a deux sortes de vision de Dieu : la vision en ses œuvres, et puis en lui-même. Les cœurs purs ont la première de ces visions sur la terre, ils les auront toutes les deux dans l’éternité.
« Dieu se manifeste par ses œuvres et dans ses œuvres. Celui qui les voit peut et doit dire : Ces œuvres dont d'un Dieu. Il y a deux sortes d’œuvres opérées par Dieu, les unes de création, les autres de réparation et de rédemption. Ces deux œuvres sont pleines de réalités; mais tous ceux qui ont des yeux pour voir ne les voient pas; tous ceux qui ont des yeux pour les considérer ne savent point y distinguer leur auteur. Il faut pour cela, ma fille, voir un cœur pur, c'est-à-dire un cœur détaché du péché, exempt du péché, un cœur où la grâce habite, un cœur où la Divinité trouve un séjour digne d’elle, un cœur où elle vienne demeurer et prendre son repos, un cœur embelli des plus belles vertus, un coeur non de marbre et de pierre, mais un cœur sensible, un cœur éclairé. Celui qui a le cœur ainsi fait a des yeux pour voir, parce que Dieu est sa lumière, et à la clarté de cette lumière, il aperçoit le nom de Dieu écrit dans toutes ses œuvres. Il regarde le ciel et dit : Le ciel est l’oeuvre de Dieu; la terre et il dit : C'est l’œuvre de Dieu; le jour et il dit : C’est l’œuvre de Dieu; la nuit et il dit : C'est l’oeuvre de Dieu; l’Océan et les mers et il dit : C'est l’œuvre de Dieu. Celui qu a le cœur ainsi fait a des yeux pour voir, parce Dieu est sa lumière, et, à la clarté de cette lumière, il aperçoit le nom de Dieu dans toutes les œuvres de réparation et de rédemption. Il regarde ma naissance et il dit : C'est là l’œuvre de Dieu; ma vie et il dit : C'est là l’oeuvre de Dieu; ma passion, mon humiliation, mes peines, mes souffrances, ma mort, et il dit : C'est là l’oeuvre de Dieu; ma résurrection et il dit : C'est là l’oeuvre de Dieu. Il regarde ma croix, mon tabernacle, le sacrement de mon amour, tous les sacrements, mon Église, ma religion, et il dit : C'est là l’oeuvre de Dieu.
« Ainsi, ma fille, se réalise la vérité de cette parole : Heureux les cœurs purs, parce qu'ils verront Dieu. Mais les cœurs purs ne verront pas Dieu seulement à travers le voile de la création et comme dans une énigme dont ils ont trouvé le nœud, ils le verront face à face, tel qu'il est dans sa gloire au ciel, en lui-même. Ils le verront dans cette création première qui est le ciel ou la manifestation de lui-même, et dans cette manifestation, ils se rendront compte de la manifestation qu’il a faite dans le temps par la création du monde, manifestation qu'ils ne pouvaient saisir parfaitement alors qu'ils la voyaient avec les yeux du corps, mais qu'ils comprendront sous tous ses aspects alors qu'ils l’auront quittée pour jamais. Ils le verront dans sa vie, dans sa nature, dans ses relations intimes avec les anges, dans ses relations avec les élus, dans ses relations ave eux-mêmes, et cela fera leur bonheur et leur félicité. Oui, heureux les cœurs purs, parce qu'ils verront Dieu!
« Ma fille, purifiez votre cœur de plus en plus; détachez-le de vous-même et de vos inclinations; détachez-le du monde et de tout ce qui est du monde; détachez-le de Satan et de ses inspirations pour l’unir de la manière la parfaite à votre Dieu et Sauveur. Ne vous découragez point, luttez contre vos imperfections; gémissez sur la misère de votre nature; humiliez-vous profondément, ouvrez vos yeux à ma lumière, votre oreille à ma parole, votre âme à ma grâce et votre cœur deviendra pur. Alors j’habiterai dans votre cœur, je me manifesterai à vous, non pas seulement dans la création extérieure, mais dans votre propre cœur. Je le disposerai comme une habitation de plaisance où je veux demeurer; je vous en confierai la clef et vous m'y trouverez quand vous vous sentirez l’attrait de venir à moi. Alors vous aurez dans l’exil et dans cette vallée de larmes un avant-goût de la réalisation de ma parole : Heureux les cœurs purs, parce qu'ils verront Dieu; vos serez heureuse parce que vous me verrez. »

LIVRE NEUVIÈME, chapitre 6

Le Sauveur Jésus m’a ainsi parlé des sept dons du Saint-Esprit. Je ne sais pas trop si je me rappellerai ses paroles comme il me les a dites. Je ferai comme je pourrai.
« Ma fille, me dit-il, je veux vous faire connaître les dons du Saint-Esprit que la grâce sanctifiante communique à l'âme. Ils sont au nombre de sept : Le don de sagesse et d’intelligence, le don de conseil et de force, le don de science et de piété, et le don de la crainte du Seigneur.
« Les dons du Saint-Esprit sont des habitudes ou des inclinations inhérentes à l'âme, distinctes des vertus surnaturelles infuses, nécessaires pour opérer le bien et obtenir le salut, et inséparables les unes des autres. Je vous les ai fait connaître selon le rang de leur dignité. Les dons du Saint-Esprit sont inférieurs en dignité aux vertus théologales, mais ils sont supérieurs aux vertus morales.
« Les dons du Saint-Esprit sont des habitudes infuses, c'est-à-dire inhérentes à l'âme. Car, par la grâce, l'Esprit-Saint habite dans l'âme et il y demeure avec ses dons. Cette permanence du don n'est point par conséquent quelque chose de transitoire, mais une réalité fixe qui demeure dans l'âme, une inclination, une habitude qui la porte à agir selon la tendance du don du Saint-Esprit.
« Vous ne savez pas comment il se fait que les dons du Saint-Esprit soient distincts des vertus? Vous allez le comprendre facilement. Les dons du Saint-Esprit seraient mieux appelés les inspirations du Saint-Esprit, parce que ce mot indiquerait la nature même de ces dons, c'est-à-dire qu'ils sont dans l’âme comme le souffle de l'Esprit-Saint. Or, l’inspiration marque un mouvement venu de l’extérieur.
« Dans l'homme il y a deux principes de mouvement : un principe intérieur, qui est la raison; un principe extérieur, qui est Dieu. Or, pour le mouvement, il faut qu'il y ait proportion entre l’objet du mouvement et son principe, et le mouvement sera parfait si le moteur sait bien diriger la disposition mobile de l’objet qu'il veut mettre en mouvement. De même, plus le principe du mouvement sera considérable, et plus aussi l’objet doit avoir une disposition mobile plus considérable. Un maître distingué, savant, érudit, élevé dans la doctrine, demande nécessairement en son élève une intelligence qui soit à la hauteur de son enseignement. Les vertus humaines perfectionnent l'homme, selon qu'il est mû par la raison à agir intérieurement ou extérieurement. Mais il faut qu'il y ait en l'homme des perfections ou des vertus plus élevées par lesquelles il soit disposé à recevoir en lui l’action de Dieu. Les dons du Saint-Esprit sont ces perfections et ces vertus qui soufflent sur l'âme, afin qu'elle reçoive le mouvement que Dieu veut lui donner. Les dons du Saint-Esprit élèvent l'homme à Dieu et le disposent à recevoir le mouvement qu’il veut lui donner.
« Voilà pourquoi les dons du Saint-Esprit sont inférieurs aux vertus théologales. Les vertus théologales, en effet, attachent l'âme à Dieu, tandis que les dons du Saint-Esprit ne font que la diriger et la mouvoir vers lui.
« Voilà pourquoi aussi ils sont supérieurs aux vertus morales, parce que les vertus morales ne font qu’enlever les obstacles qui éloignent de Dieu, tandis que les dons du Saint-Esprit dirigent véritablement et meuvent vers Dieu.
« Les dons du Saint-Esprit sont nécessaires pour opérer le bien et obtenir le salut.
« Les œuvres de l'homme sont perfectionnées de deux manières : par la lumière naturelle qui est la raison, et par la lumière surnaturelle donnée par les vertus théologales. Mais cette perfection est imparfaite, puisque même avec ces vertus vous ne connaissez et n’aimez Dieu qu’imparfaitement. Par conséquent il faut à ces vertus une force différente d’elles-mêmes pour les pousser à agir. La raison, n’étant éclairée qu’imparfaitement par les vertus théologales, a besoin, pour tendre avec plus de sûreté vers la fin surnaturelle, de l’inspiration et du mouvement qui lui sont données par l'Esprit-Saint. Ceux qui sont conduits par lui sont vraiment fils de Dieu et partageront son héritage que nul ne peut atteindre, à moins d'y être poussé par le souffle du Saint-Esprit. De même, l’éloignement des obstacles qui l’empêchent d’aller à Dieu ne suffit pas à la volonté de l'homme, il faut encore que cette volonté soit poussée vers Dieu, c'est là l’œuvre des dons du Saint-Esprit.
« Par conséquent les vertus théologales et morales ne suffisent pas à l'homme, il lui faut encore les dons du Saint-Esprit pour lui faire atteindre sa fin dernière.
« Vous le comprenez, en effet, ma fille, si les vertus théologales et morales donnent à l'homme de nombreuses connaissances et éloignent de lui mille embarras, elles ne lui font point tout connaître et ne lui rendent pas tout possible. Mais Dieu, qui est tout-puissant et qui connaît tout, perfectionne en l'homme l'œuvre de sa grâce par les dons du Saint-Esprit.
« Les vertus théologales et morales sont au nombre de sept, de même on compte sept dons du Saint-Esprit qui perfectionnent l'oeuvre de ces vertus.
« Les vertus théologales et morales reposent toutes dans la raison ou dans la volonté, parce que la raison et la volonté sont dans l'homme seuls principes d’action.
« La raison est spéculative, c'est-à-dire observatrice; ou pratique, c'est-à-dire agissante. Or, dans la raison spéculative comme dans la raison pratique, vous pouvez considérer l’appréhension du bien ou de la vérité par la vue de la vérité ou du bien, et par le jugement que vous en portez.
« Dans la vue de la vérité, la raison spéculative est perfectionnée par le don d’intelligence, et la raison pratique par le don de conseil.
« Dans le jugement de la vérité, la raison spéculative est perfectionnée par le don de sagesse, et la raison pratique par le don de science.
« Si, après la raison ou l’intelligence, vous considérez la volonté et l’opération des vertus sur elle, vous verrez que les vertus exercent la puissance de la volonté par rapport à Dieu, à soi et aux passions.
« Or, cette puissance que développent les vertus est perfectionnée par rapport à Dieu par le don de piété, par rapport à soi par le don de force, et contre les passions par le don de la crainte du Seigneur.
« Ces dons du Saint-Esprit sont tous donnés par la grâce sanctifiante, et ils reposent sur la charité qui unit l'âme à Dieu. Celui qui a la charité a en lui tous les dons du Saint-Esprit; mais celui qui perd la charité, perd aussi les dons du Saint-Esprit, c'est-à-dire qu'il n’éprouve point l’effet du souffle de l'Esprit-Saint qui le pousse vers Dieu. »
Je ne me rappelle pas mieux que je ne viens de le dire cette question.

LIVRE NEUVIÈME, chapitre 7

Voici ce que le Sauveur Jésus m'a dit sur chacun de ces dons :
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Message par Her Mar 12 Avr - 8:36

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mystique catholique
Livre 10
Le Péché


LIVRE DIXIÈME, Du péché.

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

LIVRE DIXIÈME, chapitre 1

Le Sauveur Jésus m'a parlé de trois sortes de personnes qui vivent dans le monde et de ce qui les attend en l'autre vie. Il m'a parlé d'abord de celles qui vivent et meurent dans le péché mortel; puis de celles qui, malgré leur état de grâce, vivent dans l’imperfection, ne faisant rien ou peu de chose pour s’améliorer et meurent dans cet état; enfin, de celles qui, ayant toujours la perfection et la sainteté sous les yeux, font tous leurs efforts pour l’acquérir et meurent pleines de vertus et de mérites.
« Voyez cet homme, me disait-il, il a devant lui Dieu et Satan. Satan lui présente la tentation pour l’entraîner dans le péché; Dieu lui présente sa grâce pour qu'il résiste à la tentation et qu'il évite ce péché. Que fait cet homme? Il détourne son œil de Dieu et de sa grâce, il donne la préférence à Satan et commet le péché. Cependant Dieu le rappelle à lui, soit par les bons exemples qu'il place sous ses regards, soit par les exhortations de ses ministres, soit par les inspirations nouvelles de sa grâce. Rien n’agit sur cet homme uniquement occupé des choses extérieures, plongé dans l’aveuglement et l’insensibilité; il regarde son salut avec indifférence. Voici l'heure de la mort. Son âme, dégagée de ses liens, s’élance vers Dieu, qui est son principe. Mais Dieu la repousse, et cette âme alors comprend la grandeur de la perte qu'elle a faite. Tant que l'homme est sur la terre, il ne comprend pas le prix de la possession de Dieu; mais, après la mort, la lumière apparaît dans tout son jour et l'âme voit bien que, sortie de Dieu, elle était faite pour retourner à lui, s’unir à lui, trouver en lui son bonheur et sa fin. Aussi n'est-il point de peine plus sensible, de séparation plus douloureuse et plus désespérante que celle d’une âme rejetée de Dieu et séparée de lui pour une éternité. Cette âme coupable a entendu son jugement de réprobation; la voilà aux portes de l'enfer où elle doit entrer pour jamais. À la vue de cet affreux spectacle, de cet abîme de maux, de cette multitude de damnés, effrayée, désespérée, elle voudrait s’enfuir, mais l'abîme s’entr’ouvre à la voix de Dieu. Quel désespoir que celui de cette âme éternellement séparée de Dieu! C'est alors qu'elle comprend sa folie d'avoir préféré ce qu'elle a préféré et perdu ce qu'elle a perdu. Sa mémoire, comme un ver rongeur, la tourmente éternellement et lui rappelle les moyens de salut que Dieu lui avait donnés. Sa volonté, éternellement contrariée, aura ce qu'elle ne voudra pas. Entendez les cris de l’orgueilleux : Malheureux que je suis, je ne cherchais que la gloire et les grandeurs, et me voici plongé à jamais dans la honte et la confusion à cause de ma folie! Entendez les cris de l’avare : Malheureux que je suis, je ne cherchais que les biens de ce monde, et ils sont cause que j'ai tout perdu; ils m’ont plongé dans la misère et les tourments les plus affreux! Entendez les cris de tous les pécheurs : que de reproches, que de lamentations, que de gémissements, que de blasphèmes en ces lieux! Dieu y règne, et sa présence fait le plus cruel supplice des damnés.
Voici ce que m'a dit le Sauveur Jésus de l’état d’une âme en état de grâce, mais imparfaite et ne cherchant point à diminuer son imperfection : « Voyez, me dit-il, cette personne. Elle est unie à Dieu; mais comme elle l’oublie facilement pour se satisfaire en tout et se récréer à son aise! Au lieu de penser à Dieu et de lui tout rapporter, elle aime les louanges, les honneurs, se réjouit d'être aimée, honorée, estimée, avise peu à cette complaisance pour elle-même et ne fait rien pour se corriger de son amour-propre, sous prétexte que cela ne lui fait point perdre l’amitié de Dieu. Il est vrai, mais Dieu n’entre pas avec elle dans des communications si intimes, et ne lui accorde pas autant de grâces que si elle purifiait son cœur de toutes ses affections aux péchés, même les plus légers, et tâchait de déraciner entièrement de son cœur jusqu'aux plus petites passions.
« Voyez cette autre personne, elle reçoit une injure, un affront sanglant. La voilà tout émue, son impatience est près d’éclater; mais elle se retient, elle sait se maîtriser quoi qu’il lui en coûte. Quelle agitation! quel combat dans son coeur! Chaque fois qu'elle aperçoit celui qui l'a outragée, le trouble reparaît; elle fait des efforts pour se posséder et pardonner. Elle n’ose pourtant pas compter sur une force suffisante; aussi évite-t-elle de rencontrer celui qui l'a injuriée et de lui parler. Pourquoi agit-elle ainsi? Parce qu'elle ne veut point combattre sa passion, et qu'elle préfère la calmer et l’endormir que de l’arracher par la racine. Ce serait là cependant le seul moyen d’obtenir et de conserver la paix. Ainsi, restant dans l’imperfection sans faire d’efforts pour sortir de cet état, elle contracte un nombre infini de petites dettes envers la justice divine, dont elle pourrait ne point se charger par l’accomplissement des pratiques qu'elle néglige.
« Voici l'heure de sa mort. Son âme paraît devant Dieu. Dégagée des liens du corps, elle s’élance naturellement vers Celui qui est son principe et sa fin. Mais quelle n’est pas sa douleur en voyant que pour un temps elle doit être privée de la vue de Dieu, parce qu'elle a négligé les moyens si faciles qu'elle avait d’éviter le péché et de satisfaire pour ses offenses! Ce qui la fait souffrir davantage, c'est bien moins les tourments du purgatoire que la peine d'être séparée de Dieu, et de ne pouvoir le contempler face à face et le louer avec les saints. Elle a du moins une consolation, c'est qu'un jour elle verra Dieu, elle le possédera, elle le glorifiera à jamais. Cette pensée lui donne le désir de souffrir encore davantage pour expier plus promptement, elle lui donne surtout une patience parfaite au milieu de son affliction. Cette affliction est bien grande; aussi sa voix s’élève vers ses frères de la terre, qui peuvent la soulager par leurs prières, leur demandant piété et secours. Rappelez-vous, ma fille, que vous devez prier pour ces âmes, parce que Dieu le veut; car il les aime, il désire qu'elles aillent au plus tôt le louer et le bénir éternellement dans le ciel. Priez pour elles, afin de les délivrer de leurs tourments, de hâter leur délivrance, et de les mettre en possession du bonheur éternel. Priez pour elles; en priant ainsi, vous prierez pour vous, vous ferez chose agréable à Dieu, qui vous en saura gré; vous délivrerez ces âmes, et vous aurez en elles autant d’intercesseurs dans le ciel pour vous sanctifier de plus en plus pendant que vous serez sur la terre, ou pour vous délivrer du purgatoire, si après votre mort vous n’aviez point entièrement satisfait à la justice de Dieu.
Voici ce que m'a dit le Sauveur Jésus d'une personne qui avance de plus en plus dans la perfection et qui meurt en cet état : « Voyez cette personne; elle reconnaît Dieu créateur et maître de toutes choses; elle reconnaît qu'il mérite d'être aimé et servi fidèlement, soit pour lui-même à cause de ses perfections infinies, soit à cause des bienfaits dont il l'a comblée. Aussi elle tâche d’accomplir ses moindres volontés, de s’abstenir de tout ce qui peut lui déplaire, de satisfaire à sa justice pour ses péchés, et de réparer ainsi sa gloire. Elle ne néglige rien pour cela, ne perd presque jamais Dieu de vue, et lui rapporte toutes choses en tout temps et en tout lieu. Voici l'heure de la mort. Elle la voit arriver avec plaisir; en s’étant jamais attachée aux choses de ce monde, elle les quitte sans regret pour aller s’unir à jamais à l’unique objet de ses désirs et de ses affections. Elle paraît devant Dieu toute belle et toute pure, et Dieu la trouve digne d’entrer aussitôt dans le lieu de l'éternel repos. Quel bonheur! quelle joie ! Elle est dans le séjour de la gloire; elle voit Dieu face à face, elle le contemple, elle l’aime, elle le bénit, elle se perd dans la divinité, dont la splendeur l’éblouit et la pénètre de toutes parts. Des torrents de délices découlent de Dieu sur elle et l’inondent comme une mer qui la recouvre en entier; elle ne pourrait point les supporter si elle n’était unie à Dieu et en quelque sorte divinisée. Sa mémoire lui rappelle les peines, les souffrances, les humiliations, les persécutions, les mortifications, tout ce qu'elle a souffert et qui lui a mérité son bonheur. Elle éclate en cantiques d’actions de grâces, remerciant mille fois la miséricorde de Dieu qui a voulu récompenser si peu de chose par une si grande félicité. Elle est souverainement heureuse, et ce qui double son bonheur, c'est la pensée qu'il ne finira jamais. Son entendement est tout rempli, tout pénétré de Dieu. Sa volonté est entièrement satisfaite; elle n'a qu'un désir, Dieu! Elle le possède sans partage, elle le possèdera toujours. Est-il rien de comparable à cette possession? »

LIVRE DIXIÈME, chapitre 2

Un dimanche du carême, je priais à genoux devant le Saint-Sacrement. Je demandais pardon à Jésus pour mes iniquités et celles de tous les chrétiens. Le Sauveur était venu dans mon âme par la sainte communion. J’entrai dans mon cœur, où je le vis assis comme sur l'autel; il me parla ainsi : « Ma fille, je suis le Très-Haut et j’habite les sommités les plus élevées des cieux. J’abaisse mes regards sur le monde, je pénètre jusque dans le plus profond du cœur de l'homme et découvre ses plus secrètes pensées. Je commande aux astres du firmament, je commande aux cataractes du ciel, je commande à la terre, je commande aux animaux sans raison qui peuplent les forêts et les déserts, et mes commandements atteignent aussi toutes les puissances des cieux. Les astres du firmament obéissent à ma voix par la régularité de leur course et l’effusion de leur lumière; les cataractes obéissent à ma voix en répandant en abondance sur la terre leurs eaux, dont le superflu coule dans la mer; la terre obéit à ma voix et se pare de sa verdure, de ses fruits et de ses grains pour la nourriture de l'homme. Je commande aux animaux, ils entendent ma voix, déposent leur férocité et deviennent timides comme des agneaux. Je commande aux archanges et à toutes les puissances des cieux, et mes ordres sont ponctuellement exécutés.
« Je commande aussi à l'homme, je lui fais connaître mes volontés, je grave mes commandements dans son cœur et sur le marbre. L'homme seul n’obéit pas, il repousse mes lois, il les foule aux pieds. L'homme se révolte contre moi. Je lui ai envoyé mes prophètes pour le ramener dans la voie droite et lui rappeler mes volontés. Il a mis à mort ces prophètes ou repoussé leurs avertissements. Je suis venu moi-même parmi les hommes en me faisant homme. Vous savez, ma fille, de quelle manière ils ont écouté ma voix, de quelle manière ils ont agi vis-à-vis de moi. Ils se sont élevés contre moi, ils ont appelé à leur secours la malice des puissances de l'enfer, ils m’ont livré par la trahison entre les mains de mes bourreaux, ils m’ont fait mourir de la mort la plus ignominieuse et la plus cruelle.
« Voilà l'homme seul en révolte contre son Dieu, seul désobéissant à Dieu. Et chaque jour, pourtant, l’œuvre de ma vie mortelle, l’oeuvre de rédemption opérée sur le Calvaire continue par le ministère de mes prêtres et l’efficacité de mon sacrifice sur l'autel. Cependant, combien petit est le nombre des bons serviteurs! Parmi les anges j’ai trouvé des révoltés, mais ils n’ont senti et éprouvé que la rigueur de mes justices et de mes vengeances. Je viens parmi les hommes avec mon amour et ma miséricorde, et ces révoltés coupables et criminels s’enhardissent chaque jour de plus en plus pour s’élever contre moi. Ils violent mes lois et mes commandements. Je les invite à venir se ranger parmi ceux qui me sont fidèles, parmi ceux qui goûtent la suavité de mon joug, parmi ceux que je comble de mes grâces et de mes bénédictions, et ils refusent de croire à mes exhortations pour écouter la voix trompeuse et mensongère de Satan. O ma fille, quelle est la conduite des hommes! Malheur à ces hommes criminels, le jour de la vengeance et des punitions arrivera pour eux! Ils ne pourront point m’échapper. Ma voix sera toute-puissante alors. Ce sera la voix de ma justice, qui brise les chênes altiers du Liban comme un enfant rompt une paille entre ses mains.
« Ma fille, soumettez-vous toujours entièrement à mes lois et à mes commandements. Consacrez-moi votre volonté, faites-m’en l’abandon, et vous vivrez en paix avec votre Sauveur.

LIVRE DIXIÈME, chapitre 3

Un jour après la sainte communion, Jésus se plaça dans mon coeur sur un trône magnifique. Il répandit une grande lumière dans l’intérieur qui me paru plus beau qu'à l’ordinaire. Mon coeur ressemblait à une petite chambre, dont la voûte et les côtés brillaient comme des nuages blancs éclairés par le soleil. Autour, je vis un large galon d’or qui soutenait des branches d’arbre. Le parquet n'était point de bois ciré, c'était une grande plaque d’or très pur qui couvrait la surface de la chambre. Le trône de Jésus était un peu élevé et fermé par un petit balustre d’or. Je me mis à genoux devant ce balustre pour regarder et entendre Jésus. Mais bientôt je me sentis portée à aller considérer le côté opposé du trône du Sauveur. Je ne pus résister à cet attrait. Mon ange me prit par la main, je le suivis. Il ouvrit une petite porte et j’aperçus une chambre noire et obscure. Au milieu brûlait un feu entretenu par de grandes bûches et remué et excité de temps en temps par des démons affreux à voir. L’ange ferma la porte à clef, et je revins devant le Sauveur Jésus.
« Ma fille, me dit-il, voici l’explication de ce que vous avez vu. La chambre noire et obscure, c'est le corps de l'homme; le feu qui brûle dans cette chambre, c'est la concupiscence; les bûches qui entretiennent ce feu sont les passions, que les démons agitent sans cesse. C'est moi qui tiens cette porte fermée par ma puissance et qui amortis le feu par les eaux de ma grâce. Si votre cœur vous paraît si brillant, c'est que j’habite en lui et que je l’illumine par ma lumière. Abandonné à lui-même, il deviendrait noir et obscur comme cette chambre.
« Ma fille, c'est le péché mortel qui a mis la concupiscence dans l’âme de l'homme, c'est-à-dire, comme je vous l’ai déjà appris, l’inclination désordonnée de l'âme, qui porte à s’attacher à la créature et à faire oublier le Créateur. Vous êtes sur la terre, ma fille, comme Ève dans le paradis. Vous avez d’un côté Dieu et ses commandements, dont il vous est permis d’user comme à vos premiers parents de tous les fruits du paradis, et cet usage de Dieu et de ses commandements est pour vous assurance de la vie. Mais vous avez aussi les créatures, le bien créé, et Dieu vous a dit : Au jour où tu t’attacheras plus à ces créatures qu’à moi, tu mourras. Or, savez vous ma fille, qui vous montre constamment ces créatures comme un fruit à cueillir et à vous approprier au lieu de vous attacher à Dieu plus qu’à ces créatures, ce n’est pas le serpent, mais votre concupiscence ou cet entraînement secret que le péché originel met en vous.
« Cet entraînement n'est pas un mal, un péché qui vous soit imputable, tout comme la tentation du démon qui montrait à Ève le fruit défendu et l’engageait à le cueillir, et puis à le manger, n’eût point été un mal ni un péché pour Ève, si elle avait résistée; mais, au contraire, cette tentation surmontée eût été le principe de sa confirmation dans la justice par l’obéissance à la volonté de Dieu. Ainsi, ma fille, la concupiscence n'est pas un mal si vous lui résistez et si vous la domptez; elle est, au contraire, pour vous une occasion de mérite considérable. Mais si vous vous laissez abattre par elle, vos passions viendront donner un aliment à sa flamme, les démons les attiseront comme les bûches d’un foyer, et ce feu, ce brasier ardent vous consumera et entraînera votre ruine. »

LIVRE DIXIÈME, chapitre 4

Ces paroles du Sauveur Jésus m’attristèrent parce que je craignis les effets funestes de la concupiscence en moi; mais elles me donnèrent aussi confiance parce que je savais bien qu'il ne m’abandonnerait pas et qu’il serait avec moi pour résister à cet entraînement que nous éprouvons tous, mais auquel nous devons résister. Puis, je vis Jésus se lever, ouvrir la balustrade qui environnait son trône et venir à moi : « Levez-vous, ma fille, me dit-il, et suivez-moi. » Je me levai et suivi le Sauveur. Nous traversâmes un petit corridor qui se trouvait du côté gauche. Il était si étroit qu'une personne pouvait à peine y passer. Au bout du corridor, nous descendîmes un escalier également fort étroit, au bas duquel j’en vis un autre que nous gravîmes. Ce dernier était large. Quand nous arrivâmes au milieu à peu près, Jésus se mit par côté, et je restai au milieu des degrés. Je voulus regarder en bas, et je vis un abîme immense que mes yeux n’avaient pas aperçu en montant. Bientôt je vis arriver un lion rugissant qui voulait me dévore. Je n’osais avancer. « Ma fille, me dit le Sauveur, ne craignez point, avancez contre ce lion, mettez-lui le pied sur le cou, il mourra. » J’obéis; je mis mon pied sur le cou du lion, je le pressai fortement et sans crainte, et, après quelques mouvements violents, il mourut. « Prenez-le par les mâchoires, ajouta-t-il, et fendez-le par le milieu. » Je pris le lion par les mâchoires, et je le rompis en deux comme un morceau de pain. Je le jetai dans l’abîme.
Nous continuâmes alors notre ascension. Jésus allait devant, je venais après lui. À peine avais-je franchi quelques degrés que j’aperçus un oiseau de proie d’une grandeur considérable; il avait un bec énorme et des griffes affreuses. Le Sauveur me mit alors devant lui. J’avançai hardiment, et, au moment où l’oiseau voulut me frapper de son bec, je le saisis par le cou avec vigueur et le précipitai dans l’abîme.
Nous arrivâmes ensuite au haut de l’escalier, où je vis une place quadrangulaire entourée de murs par trois côtés. Ces murs avaient à peu près huit pieds en largeur et autant en hauteur.
Aussitôt je vis venir vers moi une bête affreuse; elle m’épouvanta, et aujourd'hui même, quand j’y pense, je ne puis me défendre d’un certain effroi. Je n’ai jamais rien vu d’aussi hideux. Ce n’était ni un scorpion ni un serpent; elle rampait pourtant à terre. Sa peau n’était point couverte de poil; elle était épaisse sans être dure; elle semblait être gorgée d’un sang noir et épais. Elle avait quatre pattes auprès de la tête, mais elles ne lui permettaient pas néanmoins de marcher; elles les allongeait et puis avançait péniblement son corps qui avait à peu près trois pieds de long. Sa tête paraissait à peine. Quand je la vis dresser sa queue vers moi, j’eus peur et me tournai vers Jésus, comme un enfant vers sa mère à l'heure du danger.
Je n’aurais jamais osé toucher cette bête. Le Sauveur me donna une petite croix pour me défendre. Je la plaçai avec attention sur le dos de la bête. Elle se mit aussitôt à remuer et à bondir, puis elle prit la croix entre ses dents et la brisa. Il m’en donna une plus grande dont elle ne put soutenir le poids; elle mourut. Le Sauveur me donna alors un bâton, et je la fis rouler dans le précipice. Le sang coula à grands flots de ses blessures.
Puis le Sauveur me conduisit par un autre chemin, et je me trouvai dans mon coeur, et je vis Jésus encore assis sur son trône et entouré d’une balustrade d’or.
« Ma fille, me dit-il, je vous ai montré d’une manière sensible ce que c'est que la concupiscence; j’ai voulu vous montrer aussi de la même manière ce que c'est que le péché, le démon et les pécheurs.
« Vous avez trouvé sur votre chemin, en marchant avec moi, un lion qui voulait vous dévorer, je vous ai donné la force de le tuer et de le fendre par le milieu; vous avez trouvé un oiseau de proie; je vous ai donné la force de le saisir et de le précipiter dans l'abîme; vous avez trouvé une bête affreuse dont la vue vous a saisie d’horreur, vous lui avez mis deux croix sur le dos, elle est morte et l'abîme l’a engloutie.
« Le lion représente le péché mortel contre lequel il faut lutter, qu'il faut tuer et fendre en deux pour qu'il ne paraisse plus. L’oiseau de proie représente le démon, qui veut enlever les âmes et attaque même les plus saintes; il faut le repousser et le relancer dans l'abîme en lui faisant bonne contenance. La bête représente les pécheurs, ces grands pécheurs dont les inclinations perverses, les vices honteux, les passions et la cruauté leur enlèvent toute ressemblance avec Dieu pour leur donner plus de ressemblance avec les animaux. Ils ne peuvent marcher ni regarder au ciel; ils se traînent et rampent honteusement à terre; ils inspirent un tel effroi qu'on n’ose ni en approcher ni les toucher. Vous avez mis une petite croix sur elle, elle l’a prise entre ses dents et l’a brisée. C'est ainsi que Dieu leur envoie des peines et des croix; mais, au lieu de se soumettre et de revenir à lui, ils brisent ces croix, c'est-à-dire qu'ils les rendent inutiles et se révoltent plus encore. Qu’une croix plus grande leur soit imposée, ils ne peuvent en supporter le poids, ils meurent et ne tardent pas à se corrompre, ce qui vous est figuré par les plaies de la bête, d’où le sang coule abondamment, ce sang de leurs frères injustement répandu, ce sang de leurs propres veines, vicié par leurs affreux plaisirs et leurs sales voluptés.
« Vous l’avez précipitée avec un bâton dans l'abîme : ce bâton est l’image de la verge de Dieu, qui dans sa justice précipite les pécheurs dans l'enfer.
« Ma fille, quand j’étais sur la terre, j’aimais à parler en paraboles et par figures à mes apôtres. Ces paraboles gravaient mieux mes enseignements dans leurs esprits. C'est ainsi que j’agis vis-à-vis de vous. Je fais même quelque chose de plus pour vous, je me manifeste à vous et je vous fais voir les figures ou la réalité des choses dont je vous parle.
« Sachez estimer cette faveur spéciale que je vous accorde, afin de profiter de mes enseignements, de vous attacher de plus en plus à moi et de vous détacher des créatures. Alors, ma fille, vous éviterez véritablement le péché.
« Vous le savez, il y a deux sortes de péché : le mortel et le véniel. Or, savez-vous en quoi ils consistent? Dans l’éloignement de Dieu et le rapprochement de la créature, avec une différence pourtant, puisqu'ils sont différents.
« Celui, ma fille, qui s’attache aux créatures, ne pèche point par le seul fait de son attachement. Dieu a fait les créatures, il est donc permis d’en user. Mais il y a une règle dans cet usage. Les créatures ne sont point la fin dernière de l'homme, et il est défendu à l'homme de s’y attacher comme à sa fin dernière. Par conséquent, si vous vous y attachez d'une manière directe et définitive, comme à votre fin, et que vous oubliiez Dieu, qui seul est et doit être votre fin, et que vous vous éloigniez de lui, alors, ma fille, il y a péché mortel.
« Cette adhésion, cet attachement qui produit l’éloignement de Dieu, c'est le péché mortel.
« Le péché véniel est aussi un rapprochement de la créature et un éloignement de Dieu; mais ils n’ont pas le même caractère que dans le péché mortel.
« Celui qui s’attache à la créature ou à l’usage des choses créées, mais non pourtant comme à sa fin dernière, et qui par cet attachement est éloigné de Dieu, non pas directement et réellement, mais en ce sens qu'il a plus d’obstacles et de difficultés pour se rapprocher de lui, celui-là pèche véniellement.
« Vous pouvez comprendre par là, ma fille, quelle est la malice et la noirceur du péché mortel.
« La religion pour l'homme consiste à avoir confiance en Dieu, à l’aimer, à s’attacher à lui. Que fait l'homme par le péché mortel? Il retire sa confiance à Dieu, comme s'il n’en était pas digne, pour la donner à la créature, comme si elle la méritait. Il brise les liens si doux qui l’attachent à Dieu pour se lier à la créature avec des liens de fer. Il dit à Dieu : Viens dans mon coeur, viens frapper à ma porte. La porte de mon coeur te demeurera fermée, et si tu es déjà entré, je t’éloignerai. Il dit à la créature : Je te donne mon coeur, viens en prendre possession; il t’appartient.
« Cela, ma fille, est aussi coupable que l’idolâtrie; c'est une idolâtrie véritable; c'est diviniser la créature; c'est lui rendre les mêmes honneurs qu'à Dieu; c'est placer en elle sa fin dernière; c'est l’idolâtrie du coeur.
« Aussi, ma fille, rien n'est comparable à l’ingratitude de l'homme par cet acte; rien n'est comparable à la noirceur dont il couvre son âme. Dieu, qui était sa lumière et qui faisait briller son âme par sa grâce comme un astre du ciel, s’est retiré de lui, le laissant dans les ténèbres qu'il a cherchées pour faire son crime, et qui l’ont entouré comme l’eau un poisson des mers. Les ténèbres sont désormais l’élément dans lequel il s’agitera, ténèbres de l’esprit, ténèbres de la volonté, ténèbres du cœur. Ces ténèbres le pénétreront et s’infiltreront dans tout son être pour le rendre plus noir qu'un charbon éteint de votre foyer. Il y aura désormais dans cet homme un vice général dans son être et dans sa nature. Son œil, fait pour voir Dieu, ne verra que Satan. Son oreille, qui ne devait s’ouvrir qu’aux inspirations de l'Esprit-Saint, n’obéira qu’aux inspirations du prince des ténèbres. Son palais, qui ne devait savourer que la douceur du pain des anges, ne savourera que l’amertume des plaisirs criminels. Ses mains, qui ne devaient se joindre que pour implorer Dieu, s’armeront contre lui pour opérer le mal. Quelle monstruosité le péché mortel n’aura-t-il pas opérée en lui! Quelle pente plus rapide l’entraînera à pécher de nouveau!
« Est-il rien de comparable au péché mortel? O ma fille! je vous le dis en vérité, quand même tous les hommes auraient uni leurs efforts pour effacer un seul péché mortel, pour réparer l’injure qu'il fait à Dieu, pour faire disparaître la noirceur et le désordre qu'il porte dans une âme, ils n'y seraient jamais parvenus. Il a fallu pour effacer le péché mortel mon incarnation; il a fallu que je prisse l'humanité, que j’apportasse en elle la lumière de ma divinité pour lui rendre son éclat et faire disparaître les souillures qui la couvraient. Il a fallu que j’apportasse en elle la rectitude de ma divinité pour lui apprendre le chemin de la vérité; il a fallu que ma divinité s’unit à elle pour réparer véritablement l’offense faite à mon Père.
« Ah! les pécheurs n'y font point attention, ma fille. Ils continuent à vivre dans le péché, à commettre le péché. Ils s’efforcent de rendre inutiles les mérites et la vertu de mon incarnation et de ma passion. Malheur à eux, malheur à eux!
« Voyez comme Dieu a puni le péché des anges, comme il a puni le péché d’Adam, comme dans tous les temps il a puni les péchés des peuples par des fléaux terribles. Voyez comme dans un temps bien rapproché de vous il a puni les crimes de votre France par des guerres qui l’ont désolée, et quels malheurs encore sont près de fondre sur elle. Dieu punira également le péché mortel dans chacun des pécheurs, s'ils ne se convertissent pas, pour vivre de la vie véritable, il les condamnera au feu de l’enfer et les privera du bonheur du ciel.
« Ma fille, que la malice, que la noirceur du péché mortel, que la pensée des éternelles vengeances de Dieu qui vous poursuivraient dans le lieu de sa justice vous fassent éviter avec soin le péché! Oui, demeurez toujours unie à mon Père, demeurez toujours unie à moi, que ce soit là votre seul lien et votre seul bien.
« Vous ne devez pas seulement éviter et fuir le péché mortel, vous devez aussi repousser de tout votre cœur le plus petit péché mortel.
« Le péché véniel est une offense si sensible au cœur de Dieu, que vous ne sauriez jamais assez l’expier ni la regretter. O ma fille! Fuyez donc aussi un péché qui déplait si fort à Dieu et lui cause tant de peine. Fuyez ce péché et fuyez-le avec soin, car ce péché vous conduira naturellement et avec grande facilité au péché mortel. Fuyez ce péché, car Dieu le punit par des peines très graves dans cette vie et dans la vie future. Les flammes du purgatoire sont terribles, et ceux qui seront en état de péché véniel à l'heure de la mort devront passer par ces flammes pour l’expier avant d’entrer au ciel. Fuyez ce péché, parce qu'il diminue vos forces pour opérer le bien, en vous privant des grâces nombreuses que Dieu accorderait sans ce péché.
« Je le sais, ma fille, votre faiblesse et la faiblesse des hommes est si grande que vous ne pouvez, sans une grâce spéciale de Dieu, éviter tous les péchés véniels, mais vous pouvez, avec les grâces habituelles et de chaque jour que Dieu vous accorde, travailler de plus en plus à diminuer vos péchés véniels; vous pouvez ne pas commettre des péchés véniels de propos délibéré, et ainsi vous concilier de plus en plus mes faveurs et celles de mon Père.
« Si vous voulez fuir et détester de plus en plus toutes sortes de péchés, commencez par vous pénétrer de la vérité de votre faiblesse et de votre impuissance. Cette connaissance réfléchie de vous-même vous fera craindre de tomber et de vous séparer de Dieu : elle vous portera à mettre en lui toute votre espérance. Vous donnerez à Dieu votre cœur; vous le lui consacrerez et l’attacherez à lui pour l'amour que vous aurez pour lui.
« Puis, ma fille, si vous avez déjà commis le péché, ou si vous le commettez encore plus tard, excitez-vous à la douleur de ces fautes; agenouillée devant ma croix, promettez à Dieu de ne plus l’offenser. Que votre repentir soit vrai et sincère, et en cet instant Dieu vous regardera de nouveau avec complaisance, surtout à ce moment où, faisant à votre confesseur l’aveu de vos fautes, il vous en accordera le pardon par l’entremise de mon ministre. Remerciez Dieu ensuite du pardon que vous avez reçu et offrez-lui, en expiation de vos fautes pardonnées, toutes les peines, toutes les contradictions, toutes les souffrances de votre vie, toutes vos douleurs, toutes vos épreuves de chaque jour, et vous ferez ainsi de chaque instant une louange à Dieu par le bien que vous opérerez et une expiation de vos fautes qui diminuera celle de l’éternité. Enfin, priez beaucoup et vous éviterez le péché. » Ainsi me parla le Sauveur. Je l’écoutai attentivement et, quand il eut cessé de parler, je vis la balustrade s’élever et le voiler totalement; je sortis de mon cœur et je me retirai.

LIVRE DIXIÈME, chapitre 5

Un dimanche j'avais, pendant la sainte messe, les yeux fixés sur l'autel. Au moment de la consécration j’aperçus Jésus sur son trône, resplendissant de lumière. D'abord, cette lumière m’éblouit, mais je la supportai néanmoins, et à mesure que je regardais Jésus, sa lumière devenait de plus en plus douce et suave. Je remarquai sur sa figure une empreinte de tristesse qui me pénétra jusqu'au fond de mon âme. Je ne pouvais lui adresser aucune parole. Après avoir communié, je pénétrai bien vite dans mon cœur. J'y trouvai Jésus comme je l’avais vu sur l'autel : Seigneur, lui dis-je en me mettant à ses genoux, quel est le sujet de votre affliction? Il me regarda avec bonté et me dit : « Ma fille, ce qui cause mon affliction ce sont les vices nombreux que je vois dans les cœurs des hommes et qui les entraînent à leur ruine et à leur malheur éternel.
« Les vices sont les adversaires des vertus, ils les enlèvent et les font disparaître complètement du cœur des hommes; ils souillent les cœurs et leur font perdre toute beauté; enfin ils s’attachent aux cœurs et les pénètrent à ce point qu'il est bien difficile de les en extirper. Le vice dans un cœur, c'est l’origine du péché, l’origine de tous les maux, la racine de la mort. C'est une chaîne de fer qui entoure et serre l'âme comme le corps d'un malheureux captif. Le vice, c'est une souillure plus pénétrante que la poix et qui corrompt tout ce qu'il touche. Le vice c'est le plus grand ennemi de l'homme; il a l'homme sous sa domination, il l’opprime avec une cruauté affreuse. Il lutte constamment contre l'homme pour le vaincre et le faire succomber, il ne lui laisse pas un moment de repos. Dès qu'il est maître de l'homme, dès que l'homme lui a ouvert la porte de son coeur pour la fermer à la vertu, cet envoyé de Satan y demeure en maître pour empêcher la vertu, messagère de Dieu, de venir en prendre possession.
« Il n'y a pas un instant de repos, de calme ni de tranquillité pour un cœur vicieux. Ah! c'est que le repos est impossible quand on est loin de Dieu. Or, le vice éloigne de son Dieu le coeur de l'homme. C'est que le calme est impossible quand on ne s’appuie point sur Dieu. Or, le vice brise le bâton que Dieu donne à l'homme, pèlerin de la vie à l’éternité, pour se défendre contre ses ennemis, la croix et l’amour de ma croix. C'est que la tranquillité est impossible quand on n’a pas Dieu avec soi. Or, le vice a chassé Dieu loin du cœur et soufflé en lui le vent des tempêtes, qui menace de le faire naufrager et lui fait faire vraiment naufrage. Que d'âmes perdues ont succombé sous le poids de leurs vices, que de mérites amassés ont été rendus inutiles par les vices qu'elles ont laissé s’introduire en elles-mêmes! O ma fille! à la vue de tous ces désastres je ne puis que m’affliger; je voudrais que toutes les âmes fussent embellies par les vertus dont je leur ai donné l’exemple par ma vie, et la grâce par ma passion; je voudrais qu’elles s’unissent à moi, afin que je pusse les présenter toutes à Dieu mon Père, et parce que ce désir de mon cœur ne se réalise pas, je gémis, ma fille, sur l’aveuglement, l’indifférence et l’ingratitude des hommes qui font rien pour m’être agréables, rien pour travailler à leurs véritables intérêts.
« Ma fille, venez consoler mon coeur affligé, luttez constamment contre les vices qui voudraient s’implanter dans votre cœur. Les vices poussent à commettre les péchés dont ils sont la source et le principe. Déracinez tous les vices, vous ne pécherez plus, vous lutterez contre les péchés; n’ouvrez point la porte aux vices et elle sera fermée aux péchés.
« Je vais vous indiquer comment il faut faire pour cela.
« Celui qui veut faire la guerre aux vices de sa nature corrompue et les éloigner de son cœur doit s’attacher d’abord à connaître la nature, les degrés et les actes de ces vices. Comment combattriez-vous un ennemi que vous ne connaîtriez pas, que vous ne verriez pas ou que vous prendriez pour un ami?
« Celui qui veut éloigner de lui les vices de sa nature corrompue doit les poursuivre avec une haine implacable à cause des malheurs qu'ils opèrent en lui; car ils sont la source de tous les péchés, l’aliment de toutes sortes de mouvements désordonnés et le sujet des plus cruelles inquiétudes.
« Celui qui veut éloigner de lui les vices de sa nature corrompue doit fuir toutes les occasions capables d’entretenir ou de fortifier ces vices. Si vous êtes portée à la colère, fuyez les disputes, fuyez les débats et les contradictions.
« Celui qui veut éloigner de lui les vices de sa nature corrompue doit leur résister dès qu'il sent venir leur attaque, dès qu'il les voit prêts à s’insurger et à se dresser contre lui, afin de ne point leur laisser gagner du terrain et de l’empire.
« Celui qui veut éloigner de lui les vices de sa nature corrompue combattra ces vices par les vertus opposées, l’impureté par la chasteté, l’orgueil par l’humilité, la colère par la douceur. Il ne se pardonnera pas le moindre échec, et le punira par quelque austérité et punition sévère qui maîtrisera la révolte produite par ce vice.
« Celui qui veut éloigner de lui les vices de sa nature corrompue s’observera fidèlement et avec toutes les précautions dont il sera capable pour ne rien faire par pensées, par paroles ou par actions qui soit capable de les stimuler.
« Celui qui veut éloigner de lui les vices de sa nature corrompue ne cherchera point à les combattre tous à la fois, il attaquera le plus enraciné, le plus dangereux, celui qui lui fait le plus oublier Dieu et veut le plus aussi l’éloigner de lui. Il portera contre ce vice toutes ses forces, sa vigueur, son courage, et, quand il l’aura abattu, il en attaquera un autre. Séparément il les vaincra tous, mais il ne parviendrait jamais à les vaincre tous à la fois s'ils sont tous maîtres de son cœur.
« Celui qui veut éloigner de lui les vices de sa nature corrompue ne demeurera jamais oisif. Le travail est l’ennemi de tous les vices; mais comme il en est qui résistent même au travail, et que le travail dans certaines occasions peut même développer, comme l’orgueil par exemple, il joindra au travail la prière, il demandera à Dieu son secours et sa grâce, il s’abandonnera à sa miséricorde et à sa providence il invoquera le secours de ma Mère et des saints qui contemplent sa lutte; et quand il aura triomphé, il ne s’attribuera point la victoire, il reconnaîtra qu'il tient tout de Dieu et que sans lui il aurait succombé mille fois.

LIVRE DIXIÈME, chapitre 6

Le Sauveur Jésus m'a fait connaître aussi le nombre, la nature, les effets et les remèdes des vices capitaux qui peuvent entrer dans l’âme et la réduire en esclavage.
« On compte, ma fille, sept vices capitaux, c'est-à-dire sept vices, sources et origines de tous les autres vices. Ce sont : l’orgueil, la gourmandise, la luxure, l’avarice, l’envie, la colère et la paresse.
« L’orgueil est une exagération ou un désir immodéré de sa propre excellence et de ses propres mérites.
« Il est permis à l'homme, ma fille, de s’aimer lui-même, d’estimer le bien que Dieu a mis en lui, l’intelligence, et tous les dons de la fortune, mais à condition qu'il reconnaîtra que tout lui vient de Dieu, qu'il n'a rien de lui-même, et que par conséquent il ne doit point regarder ce qui est bien en lui comme son œuvre ou comme son droit. Il est même permis de désirer le bien en soi, de quelque nature que soit ce bien, pourvu qu'on le désire, non pour s’élever et se grandir, mais pour travailler à la gloire de Dieu.
« Celui qui est orgueilleux sépare Dieu de tout ce qui est bien en lui-même; il ne lui rapporte pas toute chose comme à son principe, il rapporte tout à lui-même et s’en croit l’auteur et le maître. L’orgueilleux se complaît en tout ce qu'il voit en lui, dons de l’esprit, dons du cœur, dons de la fortune, au lieu de ne s’attacher à rien et de tout rapporter à Dieu.
« L’orgueilleux n’écoute les avis de personne, pas même des personnes les plus sages et les plus avancées en âge; il ne veut point qu'on lui fasse connaître ses négligences, ou bien il se fâche et murmure contre celui qui l’avertit.
« L’orgueilleux cherche en tout les premières places, se préférant a tout ce qu'il y a de plus élevé; il tourne en ridicule la simplicité des humbles, se soumet difficilement ou jamais, aime la contradiction, préfère une haute naissance à de bonnes mœurs, ne s’abaisse point à s’entretenir avec de plus jeunes que lui et dédaigne de se mêler parmi les vieillards, auxquels il croit être supérieur.
« L’orgueilleux ne connaît point la discipline dans ses mœurs, la modestie dans sa parole, le respect dans son obéissance. Il est dur en son cœur, tenace dans sa volonté, plein de jactance dans ses discours; il est trompeur dans son humilité, mordant dans ses conversations, opiniâtre dans sa haine, ennemi de la soumission, désireux de la puissance, disposé à supplanter tout le monde, paresseux dans l’action et le travail; il veut tout savoir et sait très peu, toujours parler même de ce qu'il ne connaît point, tout entreprendre, et ignore de quelle manière il doit agir.
« Enfin, l’orgueilleux croit ne faire que des actes de vertu, et s'il reconnaît ses péchés, il trouve toujours mille causes pour en diminuer la gravité ou lui servir d’excuse.
« C’est ainsi, ma fille, que tous les défauts se trouvent dans l’orgueilleux. Voici quels sont les principaux engendrés par lui : la vaine gloire, l’ambition, la présomption, l’opiniâtreté, l’esprit de contradiction, l’hypocrisie, le faste et la grandeur.
« La vaine gloire est la complaisance extérieure et quelquefois secrète des avantages qu'on croit avoir sur les autres, et le désir d'être remarqué et loué par autrui. Est-il rien de plus vain que d’augmenter et d’élever le degré de ces avantages, et de les placer au dessus de ceux d’autrui? Est-il rien de plus vain que de chercher l’estime des hommes, fumée qui passe et que le moindre vent dissipe?
« L’ambition est un désir immodéré du cœur qui fait désirer les dignités et les honneurs, à cause de la considération qui s'y trouve attachée.
« La présomption est cette confiance exagérée en soi-même qui fait qu'on se persuade être capable de ce qui dépasse ses forces.
« L’opiniâtreté est l’attache irraisonnable et non raisonnée à son sentiment, qu'on croit supérieur à celui d’autrui.
« L’esprit de contradiction est un mouvement du coeur qui porte à réfuter l’opinion d’un autre pour se montrer au dessus de lui par sa science et son esprit.
« L’hypocrisie est l’accomplissement menteur et faux de certains actes de vertu pour s’attirer l’estime des hommes.
« Le faste est l’emploi immodéré de la magnificence en toutes les nécessités de la vie : les habitations, les vêtements, la nourriture, afin d’obtenir une plus grande considération.
« La grandeur est cette inclination qui porte à traiter le prochain avec empire, à lui parler avec fierté, à le regarder avec mépris.
« Voilà l’orgueil et les vices qu'il fait naître dans l’âme. Vous devez comprendre par ces paroles combien l’orgueil est un vice commun. Comprenez aussi combien c'est un vice dangereux. C'est lui qui dissipe toutes les vertus, qui les coupe dans leurs racines; c'est lui qui entraîne ensuite à toutes sortes de désordres. L’orgueilleux est capable de tout; il tenterait même de s’élever réellement au dessus de Dieu, s’il le pouvait.
« Aussi, de tous les péchés, le péché d’orgueil est celui que Dieu déteste le plus. Voyez comme Dieu a puni le péché des anges, qui était un péché d’orgueil; voyez comme il a puni le péché d’Adam, qui était un péché d’orgueil. Ainsi il punira sévèrement dans tous les hommes l’orgueil qui sera en eux. L’orgueilleux veut s’élever, mais Dieu l’abaissera jusqu'au plus profond des abîmes.
« Fuyez, ma fille, ce vice affreux, pour demeurer toujours sous la protection de Dieu et à l’abri de la domination de Satan; fuyez ce vice affreux, pour ne point donner entrée dans votre cœur à tous les crimes et pour y faire germer toutes les vertus.
« Pour cela, ma fille, considérez que l’orgueil est la cause de tous les maux de l’humanité, et qu'il domine dans tous les péchés qu'on commet contre Dieu.
« Considérez tout ce qui est en vous et ce qui est dans toutes les créatures. Qu’y trouverez-vous? néant et bassesse, et vous fuirez l’orgueil.
« Considérez que Dieu réserve aux orgueilleux les flammes éternelles d'un feu vengeur dans la société des démons, et vous fuirez l’orgueil.
« Éloignez de vous tout ce qui pourrait vous porter à l’orgueil; maîtrisez ce sentiment quand vous le sentez venir dans votre cœur.
« Enfin, ma fille, ayez toujours sous les yeux l’exemple de mon humilité, ayez toujours dans l’esprit le souvenir des promesses qui sont faites aux humbles et des vengeances réservées aux orgueilleux; attachez-vous à Dieu de toute votre âme, recourez à lui à l'heure de la tentation, venez vous entretenir doucement avec moi, vous reposer dans mon coeur, et l’orgueil fuira loin de vous.
« Voici comment vous pourrez connaître si l’orgueil est éloigné de vous et s'il n’habite point en votre cœur. Si vous rapportez toutes choses à Dieu, si vous voulez lui soumettre tout ce qui est en vous et dans les autres créatures; si vous aimez à être oubliée, méprisée et comptée pour rien; si vous ne recherchez point les premières places, ni les honneurs, ni les dignités; si vous reconnaissez qu'il n’y a en vous et par vous que péché et corruption, et que tout bien vous vient de Dieu; si vous vous croyez indigne de tout bienfait de Dieu; si vous supportez patiemment toute les épreuves et les contradictions de la vie; si vous ne cherchez point à faire le bien pour être applaudie ou recevoir des louanges; si vous rapportez à Dieu celles qu'on vous donne; si vous savez vous procurer quelques humiliations et n’en repousser aucune; si vous ne vous flattez en rien; si vous êtes toute de Dieu et tout à moi, ma fille, vous ne serez point orgueilleuse.

LIVRE DIXIÈME, chapitre 7

« Un des vices les plus honteux, c'est la gourmandise. La gourmandise est un désir et un usage immodéré des aliments nécessaires à la vie. Il faut dans la nourriture de l'homme une règle qui fixe la quantité et l'heure de la nourriture, la manière de prendre sa nourriture et l’esprit avec lequel on doit la prendre. Le défaut de cette règle, qui est la tempérance et la sobriété, constitue le vice de gourmandise, son désordre et sa malice. Cette règle ne peut pas être une pour tous les individus, parce que les uns doivent prendre une nourriture plus abondante et plus souvent répétée à cause de leur tempérament ou de leurs travaux, mais elle est une en ce sens qu'elle ne permet l’excès à personne.
« Vous pouvez pécher par gourmandise, ma fille, de plusieurs manières.
« Celui qui mange ou boit avec excès, et plus qu'il n’en a besoin pour réparer et soutenir ses forces, pèche par gourmandise, et son péché est d’autant plus grave que son excès est plus considérable.
« Celui qui désire des mets rares, recherchés et dont la délicatesse puisse accommoder sa sensualité, celui qui désire que sa nourriture ait tous les assaisonnements les plus fins, celui-là pèche par gourmandise. On peut pourtant user, sans pécher, de ces aliments, par circonstance, pour être agréable à quelqu'un, mais non pour satisfaire son goût, et alors on a soin de se mortifier dans la quantité ou bien encore en laissant de côté ce qui plairait le plus à la sensualité.
« Celui qui mange avec empressement, avec avidité; celui qui dévore déjà des yeux les mets qui sont sur la table avant qu'ils ne soient servis, celui-là pèche par gourmandise.
« Celui qui, dans ses repas, n’emploie que des mets de grand prix, fait parer sa table de mets nombreux et variés, celui-là pèche par gourmandise.
« Celui qui devance l'heure de ses repas sans nécessité, uniquement pour le plaisir de manger, celui-là pèche encore par gourmandise.
« Quel vice honteux que celui de la gourmandise » C’est lui, ma fille, qui a chassé vos premiers parents du paradis terrestre, lui qui les a entraînés au péché, lui qui les a condamnés à la mort, car la mort est la peine du péché.
« Pour éviter ce vice, considérez combien je vous ai donné l’exemple de la pénitence, de la sobriété, de l’abstinence, de la mortification. Considérez l’exemple que les saints vous ont aussi donné dans la fuite de ce vice, et combien en le fuyant ils ont acquis de vertus sérieuses et solides. C’est la fuite de ce vice qui leur a permis de soupirer ardemment après la nourriture céleste de l’âme, qui les a attachés à moi, qui leur a fait goûter la suavité des relations avec moi, qui a purifié des mouvements désordonnés leur personne, qui a réduit leur corps en servitude pour conserver la liberté de l'âme, qui a maintenu en eux la force, la vigueur et le courage.
« Que fait au contraire la gourmandise? Elle fait oublier Dieu et fait perdre la raison; elle enlève à l'âme sa vigueur, parce qu'elle énerve le corps; elle lui fait perdre les pensées pieuses, les affections saintes vers Dieu, parce qu'elle excite la concupiscence, augmente la force de la chair et l’entraîne dans l’abîme du péché. Considérez combien ce plaisir est funeste et combien vite il a disparu; combien, par conséquent, il mérite peu que vous vous y attachiez.
« Pour éviter ce vice, mettez-vous dans la ferme résolution de ne jamais rien prendre au-delà de ce qui vous sera nécessaire, de ne point aviser à la qualité des mets, de vous maîtriser même dans le moment où vous sentirez la faim, de ne point chercher à l’apaiser immédiatement, en un mot d’observer toutes les règles de la tempérance.
« Vous les observerez, ma fille, si vous craignez d'être surprise par la gourmandise, si vous êtes dans l’intention de la combattre et si vous commencez vos repas avec cette ferme intention; si vous éloignez le plaisir du goût ou si vous ne vous y arrêtez point; si vous ne prenez jamais plus que le nécessaire, et si étant obligée quelquefois de manger davantage, vous le faites avec peine; enfin si vous êtes fidèle à offrir à Dieu votre nourriture et à le remercier après l’avoir prise. Agissez ainsi, ma fille, et jamais la gourmandise n’aura accès dans votre coeur.

LIVRE DIXIÈME, chapitre 8

« La luxure est le vice qui excite en l'homme tous les mouvements désordonnés de la chair et lui fait accomplir les actes contraires à la pureté.
« Celui qui s’arrête volontairement à des pensées déshonnêtes, celui qui ne règle pas son regard et lui permet la vue d’objets indécents, celui qui ne réprime pas en lui les mouvements coupables et se permet des actes défendus sur lui-même ou sur autrui, celui qui ne met pas un frein à sa langue et lui fait proférer des discours mauvais, celui qui ne s’observe pas dans ses relations et recherche la compagnie des personnes d'un sexe différent, celui qui lit ou écrit des ouvrages immoraux, celui-là, ma fille, est la victime du vice de luxure.
« Les nombreux châtiments que ce vice a attirés sur le monde, les tristes effets qu'il produit dans l'âme, l’injure qu'il fait à Dieu, doivent vous porter, ma fille, à le fuir et à le détester de tout votre cœur.
« C’est ce vice qui a provoqué le déluge, c'est ce vice qui a causé la destruction de Sodome et de Gomorrhe, c'est ce vice que Dieu punissait d’une manière si terrible parmi le peuple juif, c'est ce vice dont mes apôtres recommandaient tant la fuite aux âmes chrétiennes, c'est ce vice qui dans tous les temps a peuplé l’enfer. Combien donc il faut le fuir et le détester pour n’avoir point de part aux malédictions de Dieu.
« Ceux qui sont adonnés à ce vice, ma fille, sont rarement pénitents et rarement se convertissent à Dieu; c'est une lèpre affreuse qui les ronge et les dévore en secret; c'est une passion qui s’empare bientôt à ce point de celui en qui elle entre qu'elle le torture constamment et qu'elle ne peut jamais être assouvie; c'est une inclination qui l’abrutit et le rend plus vil que les animaux. L’intelligence du luxurieux s’épaissit et finit par disparaître complètement; sa volonté devient impuissante et plus faible qu'un roseau agité par le vent, car le roseau tient ferme, et sa volonté est brisée; son corps s’épuise et devient un fonds de pourriture et de corruption. Combien donc il faut fuir ce vice pour ne pas en éprouver les tristes effets.
« Parmi tous les motifs qui doivent vous porter à fuir ce vice, il n’en est pas de plus puissant que celui de l’immensité de l’injure qu'il fait à Dieu.
« Qu’est-ce que l'homme, ma fille? C’est un être vivant et raisonnable, composé de corps et d’âme, et fait à l’image de Dieu. Que fait le luxurieux? Il souille cette image, il la détériore, il la couvre d’ignominie, il dit à Dieu : Je suis votre image, mais je vous méprise, et je traînerai dans la fange et la boue de mes passions cette image de vous-même si belle et si pure dont vous m’aviez donné la garde et le soin.
« Que fait le luxurieux? Il résiste à la volonté de Dieu le Père qui veut que l'homme se sanctifie et repousse loin de lui toute impureté.
« Que fait le luxurieux? Il m’outrage en rendant inutile le prix de la rançon que j’ai payée pour lui, il m’outrage en souillant une partie de mon corps mystique, il m’outrage en se séparant de moi et refusant l’alliance que j’ai voulu faire avec lui.
« Que fait le luxurieux? Il fait injure au Saint-Esprit, qui a choisi son corps comme le temple où il veut habiter, il lui fait injure en repoussant sa grâce et ses dons; pour se livrer à Satan et à ses inspirations.
« Pour fuir à jamais ce vice honteux, considérez toujours sa malice, abstenez-vous de tout acte qui pourrait devenir le commencement de ce vice; repoussez les premières pensées de luxure, comme un charbon ardent qui tomberait sur vos habits; ne leur donnez jamais entrée dans votre cœur; faites pénitence, mortifiez-vous, et surtout priez beaucoup. La prière et le jeûne sont les deux armes qui seules peuvent lutter avec avantage contre la luxure, elles l’éteignent et la font mourir.
« Vous reconnaîtrez votre force contre ce vice, si vous souffrez avec peine et douleur les aiguillons de la chair, sans néanmoins vous laisser blesser par eux; si chaque jour vous les maîtrisez à ce point qu'ils deviennent de plus en plus faibles; si vous repoussez toutes les mauvaises pensées sans vous y arrêter volontairement; si vous aimez la chasteté comme la prunelle de vos yeux, et ne permettez jamais qu'elle reçoive aucune atteinte; enfin si vous êtes arrivée à ce point que vous préveniez la moindre chose opposée à la pureté. »

LIVRE DIXIÈME, chapitre 9

« L’avarice, ma fille, est un amour déréglé des richesses. Désirer les richesses ou les biens de ce monde pour s’en servir d’une manière convenable et selon les besoins de sa condition et de son état est une chose permise; mais désirer les richesses uniquement pour les voir s’accroître et pour les posséder, désirer les richesses et se servir de toutes sortes de moyens injustes pour les augmenter, c'est un vice des plus coupables.
« L’avare est le plus scélérat des hommes non-seulement il portera à son prochain toutes sortes de préjudices, mais encore il vendrait son âme pour de l’argent; aussi n'y aura-t-il point de place pour lui dans le ciel.
« L’avare, en effet, n’aime point Dieu, il n’aime point son prochain, il ne s’aime point lui-même, il n’aime que l’argent. Il n’aime point Dieu, car je l’ai dit quand j’étais sur la terre, et je vous le répète, ma fille, nul ne peut servir deux maîtres à la fois, Dieu et l’argent. Il n’aime point le prochain, car il est disposé à accomplir, il accomplit même toutes sortes d’injustices vis-à-vis de lui pour accroître sa fortune. Il ne s’aime point lui-même; il n’aime point son corps puisqu'il lui refuse souvent ce qui lui serait nécessaire; il n’aime point son âme puisqu'il ne fait point de son argent l’usage qui seul pourrait augmenter ses trésors spirituels.
« S’il n'a pas de charité, comment entrera-t-il dans le ciel? s'il n'a pas de charité, comment observera-t-il ses devoirs? s’il n’a pas de charité, quelle sera sa conduite envers Dieu? Il le reniera, il l’abandonnera : quel vice donc que l’avarice, et combien il déplaît souverainement à Dieu.
« L’avare ne laisse perdre aucune occasion d’augmenter son trésor. L’avare emploie tous les moyens pour accroître sa fortune, sans examiner leur justice ni leur injustice. L’avare vit d'une manière pauvre et misérable, non seulement pour conserver ce qu'il a, mais encore pour l’augmenter en excitant la pitié. L’avare gémit sur le moindre malheur, sur la plus petite perte qu'il doit essuyer. Enfin, l’avare n’a qu'une pensée, la pensée de l’argent.
« Pour fuir l’avarice, considérez, ma fille, les crimes nombreux dans lesquels elle entraîne; considérez comme elle sépare de Dieu, comme elle éloigne de la charité envers le prochain, comme elle vous porte préjudice à vous-même.
« Considérez combien les biens de ce monde, les richesses passent vite, et quels petits accidents peuvent ravir les plus brillantes fortunes.
« Considérez combien les richesses sont incapables de satisfaire les désirs de votre âme. La capacité de votre âme est immense, il lui faut Dieu pour la remplir.
« Considérez enfin, ma fille, l’exemple que je vous ai donné pour le détachement et la pauvreté, et vous vous détacherez vous-même de tout pour ne chercher, ne désirer et n’aimer que Dieu.
« Celui qui n'est pas avare, ma fille, partage volontiers ses biens avec les pauvres, ne craint point de manquer du nécessaire, se met peu en peine du lendemain, n’occupe point continuellement son esprit d’or et d’argent, ne commet point d’injustice vis-à-vis de ses frères, espère en Dieu et s’abandonne à lui. »

LIVRE DIXIÈME, chapitre 10

« L’envie est une tristesse et une douleur conçues à la vue de la prospérité d’autrui.
« Cette tristesse et cette douleur peuvent être produites par la crainte du mal que peut vous causer ou à votre famille ou à la société la puissance ou la prospérité de celui que vous considérez et qui est votre ennemi, celui de votre famille ou celui de la société à laquelle vous appartenez. Cette tristesse n'est point une envie coupable, parce quelle ne vient pas tant de la prospérité que vous voyez en autrui, que du mal que vous redoutez pour vous ou pour d’autres par suite de cette prospérité.
« Cette tristesse et cette douleur peuvent être produites par la vue de l’abondance des biens spirituels que vous voyez en autrui et dont vous reconnaissez la privation en vous. Cette envie n'est point criminelle, si elle vous fait marcher vous-même dans la voie de la justice et de la vérité pour mériter les biens de Dieu. Elle est coupable, si vous êtes triste de voir ces biens en autrui uniquement parce qu'ils y sont, et que vous préféreriez voir votre prochain pauvre et dépouillé comme vous.
« Cette tristesse et cette douleur peuvent être produites encore parce que vous voyez les autres vous surpasser en biens et en fortune, et que vous ne voudriez être surpassée par personne; cette tristesse et cette douleur constituent le vice de l’envie, car la vue des biens d’autrui, loin de vous attrister, devrait au contraire vous réjouir et vous être agréable.
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Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847) Empty Re: Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847)

Message par Her Mar 12 Avr - 8:37

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Livre 11
Les Relations


LIVRE ONZIÈME, Des relations.

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

LIVRE ONZIÈME, chapitre 1

Le Sauveur Jésus a voulu par ses instructions me former au moule de sa sagesse. Combien je serais heureuse si je savais profiter de sa parole! Il n'est pas de vérité utile à connaître, d’enseignement profitable pour la vie du temps ou de l’éternité que ne m’ait donnés ce Dieu si bon, si aimable, si aimant et si peu aimé. Voici à peu près, si je me le rappelle bien, comment il m'a parlé des relations de la vie.
« Ma fille, la vie de l'homme sur la terre n'est qu'une série successive et continue de relations. Elles sont entre l'homme et l'homme, entre l'homme et l'ange entre l'homme et son Sauveur, entre l'homme et son Dieu.
« Je vous ai parlé des relations entre l'homme et l'ange, entre l'homme et la Trinité, je veux vous parler des relations entre l'homme et son prochain, et des relations entre l'homme et le Fils de Dieu, comme sauveur et rédempteur.
« Les relations générales consistent à être bienséant avec tout le monde, et à respecter tout le monde pour être soi-même respecté.
« La bienséance dans les relations avec le prochain consiste, comme l’indique son nom, à se tenir bien partout où l’on est présent, c'est-à-dire à se tenir toujours d’une manière conforme à l’esprit de religion, règle universelle du bien.
« Pour observer parfaitement la bienséance, vous devez l’observer pour tout ce qui vous concerne vous-même et aussi pour tout ce qui concerne le prochain.
« Or, ma fille, la bienséance par rapport à vous-même comprend la contenance et la posture de votre corps, le maintien de votre tête et la composition de votre visage, votre rire et votre regard, votre parole et votre silence.
« La bienséance est parfaite parmi les parfaits. J’ai observé, ma fille, la bienséance en tous les points que je viens de vous énumérer quand j’étais sur la terre, et je les ai observés d'une manière parfaite, parce que je suis très parfait. Aussi devez-vous m’avoir constamment présent à vos yeux, afin de m’imiter toujours et de marcher sans cesse sur mes traces.
« Regardez-moi, et je vous apprendrai à tenir votre corps droit sans affectation ni contrainte, sans le pencher ni le courber, ce qui serait l’indice de la faiblesse ou de la nonchalance de votre esprit.
« Regardez-moi, et je vous apprendrai à ne point vous remuer de côté et d’autre comme une feuille au souffle du vent, ce qui serait l’indice de la légèreté de votre esprit.
« Regardez-moi, et je vous apprendrai quand vous êtes assise à ne point vous tenir avec mollesse, à ne point vous incliner immodérément, ce qui serait l’indice de la paresse de votre esprit.
« Regardez-moi, et je vous apprendrai à ne jamais prendre un air fier, hautain et dédaigneux, ce qui serait l’indice de l’orgueil de votre esprit.
« Regardez-moi, et je vous apprendrai à ne point tourner la tête à chaque moment de côté et d'autre, à ne point rire à haute voix, ni souvent, à conserver vos regards doux, humbles et modestes, ne les fixant jamais avec roideur sur personne, et à composer si bien votre visage qu'il soit toujours l’expression d'un cœur pur et vertueux.
« Oui, ma fille, ayez toujours un visage ouvert, calme, plein de bonté, de douceur, d’aménité, et qui, par le reflet d'une piété franche et sincère, gagne tous les cœurs et les porte vers Dieu.
« C'est surtout dans vos paroles, dans vos conversations, que vous devez observer la bienséance.
« La première condition de la bienséance dans la parole, c'est de parler peu. Celui qui parle peu est sage et prudent, et préserve son âme de mille embarras. Celui qui parle peu édifie par sa modestie, conserve la dignité de sa personne, et demeure plus facilement aussi attaché à Dieu, parce qu'il se détache de lui-même.
« La seconde condition de la bienséance dans la parole, c'est de fuir tout ce qui doit être évité dans la conversation, savoir : les railleries, les disputes, les contestations, la médisance, la calomnie, le mensonge, les discours mondains, oiseux et tout à fait inutiles, la précipitation, la prétention, la contention, la suffisance et la hauteur.
« La troisième condition de la bienséance dans la parole, c'est de parler toujours d'une manière conforme au bien, à la vérité et à la justice, avec affabilité, modestie, douceur et charité.
« Ainsi donc, ma fille, parlez peu; n’affectez pas néanmoins d'être trop morne ou trop silencieuse. Parlez quand la nécessité, la charité ou l’honnêteté le demanderont; mais avisez à vos intentions, ne parlez jamais par amour-propre et pour plaire au monde. Si vous êtes obligée de parler à quelqu'un, offrez à Dieu vos paroles et priez-le de vous préserver de pécher. Si vous voulez parler par plaisir, taisez-vous; pour vous plaindre, taisez-vous encore. Le silence est préférable ou obligatoire en ces circonstances.
« Si vous voulez parler pour épancher votre cœur, ne le faites que devant quelques personnes choisies, pieuses et amies de la vertu; en un mot, parlez toujours utilement et saintement, et vous observerez la bienséance.
« La bienséance, par rapport à votre prochain, consiste à lui rendre tous les devoirs de charité que vous pouvez quand vous êtes avec lui, à supporter et pardonner tout ce qu'il y a de défectueux en lui.
« La bienséance demande qu'on sacrifie ses goûts, ses inclinations, sa volonté, pour suivre les goûts, les inclinations, la volonté du prochain en tout ce qui n'est pas contraire à la loi de Dieu, et cela sans contention, avec bonté et tout naturellement; à prévenir le besoin ou la nécessité du prochain pour lui rendre service ou lui être agréable.
« La bienséance demande encore qu'on supporte avec patience tous les défauts du prochain, les infirmités du corps ou du caractère, de l’esprit ou du coeur. Se supporter ainsi mutuellement et se rendre service, c'est là, ma fille, la souveraine et parfaite bienséance, parce que c'est l’accomplissement de ma loi.

LIVRE ONZIÈME, chapitre 2

« Les relations intimes, ma fille, sont entre deux amis, entre deux fiancés, entre deux époux, entre les parents et leurs enfants, entre un maître et un serviteur.
« L’amour est le propre du cœur. Il semble qu'il soit pétri d’amour, car il doit nécessairement s’attacher à quelque chose. Quelque méchant ou barbare que soit un homme, son cœur le portera, quand même, à s’attacher à quelque chose ou à quelque personne; il a un coeur, par conséquent il doit aimer, à cause de la nature même de ce cœur. Je ne vous parle pas à cette heure de l’amour qui est un commandement que Dieu a fait à l'homme d’aimer son prochain, de l’aimer comme soi-même en Dieu et pour Dieu, je vous parle de cet amour intime et affectueux, qu'on appelle amitié, et qui dit nécessairement réciprocité d'amour de la part de la personne qu'on aime.
« Cet amour d’amitié, on ne le doit pas à son prochain; aussi n’est-il point général, mais particulier. Il y a plusieurs degrés, comme plusieurs espèces différentes d’amitié.
« Il y a des amitiés bonnes, inutiles, permises, dangereuses, criminelles, commandées. Je veux vous les faire connaître; vous comprendrez mieux ensuite ce que j’ai à vous dire sur les diverses relations intimes de la vie.
« L’amitié est un sentiment du cœur produit par l’estime qu'on porte à une personne; on aime ce que l’on estime, comme on hait ce que l’on méprise. Quand on estime selon Dieu, l’amitié produite par cette estime est toujours bonne. Quand on estime selon le monde, l'amitié est au moins inutile. Je vous dirai quant elle est coupable.
« L’amitié, ma fille, est toujours bonne quand elle est selon Dieu. Car elle a Dieu pour principe; elle a aussi Dieu pour fin. Elle a Dieu pour principe; par conséquent, c'est lui qui l’a inspirée par la vertu réciproque des deux amis, ou par la vertu d'un des deux amis qui, par ce sentiment d'amitié, mènera à la vertu celui qu'il aime et dont il est aimé. Elle a Dieu pour fin; ces deux amis ne s’aiment que pour jouir tous les deux un jour de la vue de Dieu, en faisant ce que Dieu prescrit à cet effet et en se soutenant dans la pratique du bien. Oui, ma fille, cette amitié est bonne, ferme, solide, inébranlable, parce qu'elle repose sur Dieu.
« L'amitié est toujours inutile quand elle repose sur le monde. Quel est, en effet, le fondement de cette amitié? Les avantages matériels, temporels ou mondains, l’esprit, la richesse ou la beauté. Or, tout cela est vanité; c'est un sable mouvant qui tourbillonne et tombe. Combien d’amis selon le monde sont devenus plus tard des ennemis irréconciliables. Il n'y avait donc point là de véritable amitié.
« Il est permis à un jeune homme et à une jeune fille de s’unir d’amitié en vue d'un juste et légitime mariage.
« Mais pour que cette amitié soit bonne et durable, elle ne doit point être fondée sur les richesses, les bonnes grâces, le talent ou la beauté, car ces choses ne sont point un fondement solide de l’amitié. Elle doit, au contraire, reposer uniquement sur Dieu afin de ne former à jamais qu'une chair et qu'un esprit, un cœur et une âme.
« Il y a des amitiés dangereuses; ce sont les amitiés entre des personnes de sexe différent. Elles peuvent être bonnes, innocentes, mais elles sont toujours dangereuses, à cause de l’inclination perverse de la nature corrompue et des efforts continuels de Satan qui cherche toujours à entraîner au mal. Aussi, dans ces amitiés, faut-il user de beaucoup de circonspection, de vigilance et de prudence, car quelquefois ce qui est bon devient mauvais, ce qui est innocent devient coupable et criminel.
« Une jeune personne doit toujours veiller sur ses yeux et ses oreilles, qui sont les portes par lesquelles le démon entre en elle le plus souvent. Elle doit veiller sur ses yeux pour fuir le serpent infernal chaque fois qu'elle l’apercevra; elle doit veiller sur ses oreilles pour fuir le serpent infernal chaque fois qu'elle l’entendra jeter de loin ses sifflements. Par conséquent, lorsqu’elle voit qu'une affection affaiblit ou ruine sa vertu, elle doit y renoncer immédiatement, lui fût-elle aussi chère que la prunelle de son oeil. Une jeune personne doit toujours conserver son intérieur dans la pratique du bien et conformer son extérieur à son intérieur. Son intérieur sera bon s'il est pur, innocent et éloigné de toute pensée, de toute image inconvenante ou déshonnête; son extérieur sera bon si elle éloigne de ses manières, de ses habits, de ses regards et de ses paroles tout ce qui pourrait porter atteinte à la modestie et à la pureté. Cette modestie doit être véritable et non fausse et mensongère, pour qu'elle ne devienne pas un piège plus dangereux en cachant un cœur gâté sous le voile de l’hypocrisie.
« Le jeune homme doit ressembler à la jeune fille. Il doit veiller sur ses yeux, pour ne point tomber dans la tentation du mal; sur sa langue, pour ne point l’enseigner à autrui : sur ses oreilles, pour ne point l’apprendre à lui-même.
« Rien de ce qui est souillé n’entrera dans le royaume des cieux; rien de ce qui est souillé ne peut former une bonne amitié.
« Il y a des amitiés criminelles. Je ne vous en dirai rien, ma fille. tout le monde les connaît; mais sachez que la malédiction de Dieu retombera sur la jeunesse corrompue, dont le cœur, esclave de ses passions, est devenu plus vil qu'un sale fumier; sur les époux qui brisent les nœuds de leurs liens les plus sacrés; sur les vieillards courbés sous le poids des ans, et qui, un pied dans le tombeau, conservent dans toute la vivacité de leurs désirs et de leurs souvenirs les hontes de leur passé, et sur ceux qui, m’ayant consacré volontairement leur corps et leur âme, ne craignent point de les profaner par des actes sacrilèges d’iniquité.
« Enfin il y a des amitiés commandées. Un père et une mère sont obligés d’aimer leurs enfants, comme un enfant est obligé d’aimer son père et sa mère. De même deux époux sont obligés de s’aimer d’une manière toute particulière, et de resserrer par cet amour les liens de leur mariage.

LIVRE ONZIÈME, chapitre 3

« Les relations intimes reposent toutes sur l’amitié; or, comme toutes les relations intimes doivent être bonnes, il faut aussi que toutes les amitiés soient bonnes.
« Je vous ai dit, ma fille, que la première des relations intimes est entre un ami et son ami.
« Rien, ma fille, n'est comparable à un ami véritable, à un ami fidèle. Or, ma fille, il n'y a pas d’ami parmi les méchants, et le meilleur ami, c'est le plus vertueux. Il faut donc choisir ses amis, les choisir entre mille. On finit par devenir comme celui qu'on fréquente, avec qui on vit constamment, à qui on parle dans la sincérité de son cœur, c'est-à-dire à son ami; d’où le proverbe : Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es, est plein de vérité.
« Combien de jeunes gens malheureux, ruinés, corrompus par un ami lui-même corrompu!
« Combien de jeunes filles qui pleureront toujours sur la terre la perte de leur honneur, à cause d’amies qui les ont entraînées dans les voies de corruption!
« Combien d’époux divisés par des amis pervertis, cause de leur désunion et de leur séparation!
« L’amitié, ma fille, se forme et s’entretient par la conformité de sentiments. Si les sentiments sont contraires, l’amitié nécessairement doit se rompre ou les sentiments devenir semblables quand un ami est bon et l’autre mauvais, il faut que le mauvais devienne bon ou que le bon devienne mauvais.
« Par conséquent, quand vous voyez rechercher votre amitié, examinez, avant de la donner, quelles sont les mœurs et la conduite de celle qui demande part à votre amitié. Voyez si cette personne est douce, modeste, retenue, appliquée au travail, soumise à ses parents, pieuse; s'il en est ainsi, vous pouvez l’aimer; attendez néanmoins quelque temps encore avant que de lui ouvrir votre cœur, pour mieux vous assurer de la vérité de ses qualités et vous épargner beaucoup de peines et d’inquiétudes pour l’avenir. Quand vous l’aurez éprouvée et que vous connaîtrez sa fidélité, sa modestie, sa prudence, sa charité et toutes ses vertus, alors liez-vous d'amitié avec elle, avec l'amour de Dieu pour principe. Animez-vous mutuellement par vos paroles et vos exemples à avancer de plus en plus dans le bien et la perfection. Que celle qui reste debout relève celle qui tombera; consolez votre amie si elle est triste, soyez gaie si elle est gaie et réjouissez-vous avec elle.
« Si au contraire, c'est une personne qui aime le monde, sa vanité, ses amusements, ses fêtes, ses plaisirs, ses joies et ses folies; si vous voyez qu'elle aime la médisance, la calomnie et le mensonge, qu'elle est légère et peu portée à la piété; ma fille, fuyez-la, ne cherchez point sa compagnie.
« Néanmoins, il ne faut pas toujours fuir, éviter ou abandonner ces personnes qui sont ainsi légères et amies du monde. Car si les mauvais entraînent les bons, les bons ramènent aussi quelquefois les mauvais. Alors il faut avoir une vertu ferme et solide, il faut avoir une grande confiance en Dieu, ne pas compter sur soi, mais tout espérer de Dieu. Mais si celle qui est bonne sent sa bonté faiblir et la méchanceté ou la malice de son amie prendre le dessus, elle doit rompre immédiatement, afin de ne pas devenir mauvaise, elle aussi. Vous pourriez donc, ma fille, par un sentiment de charité, tâcher de gagner l'amitié d'une jeune personne que vous verriez entraînée par le courant du monde. Vous pourriez lui adresser quelques bonnes paroles, lui inspirer quelques bons sentiments. En agissant ainsi, épiez ses mouvements, voyez si elle reçoit de bon cœur les avances que vous faites, ou bien si elle raille, méprise ou tourne en ridicule la religion. Si tout va bien, allez plus avant, mais avec discrétion et sagesse. Quand vous lui parlerez du mal, n’en parlez pas comme s'il était en elle, cela lui déplairait; quand vous lui parlerez du bien, ne dites pas que vous ne l’avez point vu en elle, cela pourrait la décourager. Procédez avec mesure et lenteur, mais travaillez solidement. Quelle que soit la bonté de ses sentiments, sous l’influence de votre exemple et de votre amitié, ne lui révélez pas tous les secrets de la vie intime avec Dieu, ne les lui faites connaître qu’autant qu'elle en aura besoin, faim ou soif.
« Si, au contraire, elle est rebutée par vos paroles ou si elle ne répond pas à votre bonne volonté, attendez quelque temps encore, priez pour cette personne, mais ne la voyez point habituellement; elle pourrait par ses railleries vous dégoûter de la religion et vous rendre pire qu'elle; puis, quand vous verrez le moment opportun, profitez-en, revenez à la charge, tentez un nouvel effort. Une personne, aussi mauvaise qu'elle soit, comprend bien et interprète en bonne part ce zèle de la charité. Quelquefois elle voudrait se laisser aller à vous, suivre votre impulsion, écouter votre parole, marcher sur votre exemple, vous ouvrir son cœur, vous le dévoiler à nu; ce serait un besoin pour son âme, elle se trouverait ensuite calme, heureuse et tranquille; mais elle est retenue par une force secrète, elle n’ose point, elle conserve ce poids sur son cœur, ce qui l’étouffe et l’empêche de vivre. Que faudrait-il? Pénétrer plus avant dans son cœur, toucher le point sensible, l’amener à vous dire : Vous avez raison, et j’ai tort; dès lors tout serait fini. Mais, ma fille, cela est une chose pénible et bien difficile; il faut un secours extraordinaire de la grâce. Aussi devriez-vous prier beaucoup en ces circonstances, ne rien négliger, profiter de tous les moments où il vous serait possible d’agir, vous multiplier en quelque sorte, vous fatiguer, vous épuiser même pour sauver cette âme.
« C’est là, ma fille, la marque de la véritable amitié. Les sacrifices, les peines, les souffrances, les contradictions, les humeurs de caractère, les difficultés de toute nature ne rebutent point un ami véritable, parce que celui qui aime véritablement aime en Dieu et pour Dieu; or, cette amitié est forte, durable et résiste à tout. Elle est plus forte que la mort. Cette amitié n'est point sujette aux changements, elle n'est point pointilleuse, elle ne se rompt point pour une bagatelle, pour un petit manquement, pour une inattention. Elle n'est pas fondée sur la fortune, sur la beauté, sur l’esprit ou l’intelligence; elle est fondée sur la vertu, elle repose sur Dieu. Ainsi doivent être les relations entre deux amis véritables. »

LIVRE ONZIÈME, chapitre 4

« La seconde est entre deux fiancés.
« Le mariage, ma fille, est un état saint institué par Dieu; il n’a, par conséquent, rien de contraire à la pureté ni à la chasteté, et la chasteté et la pureté ne disparaissent point dans l’état du mariage, quand on criant et quand on aime Dieu. Voilà pourquoi le ciel compte tant de saints et de saintes qui se sont sanctifiés dans l’état du mariage, et qui par conséquent n’ont point perdu leur pureté. La virginité, il est vrai, est un état plus parfait, un état d’une pureté et d’une chasteté beaucoup plus grandes, mais ce n'est point l’état propre des hommes c'est celui des anges, à qui devient semblable celui qui l’observe.
« Ainsi cet état ne peut-être généralement recommandé à tout le monde, il ne peut être l’état que du très petit nombre.
« L’état du mariage est un état saint, par conséquent agréable à Dieu qui est le Dieu de la sainteté. Le plus souvent pourtant le mariage est un état dans lequel on ne se sanctifie point, parce qu’on n'y apporte pas les dispositions convenables.
« Voici les dispositions avant et après le mariage.
« La première disposition avant d’y entrer, c'est d’y être appelé, c'est d’avoir la vocation. Une jeune personne qui veut se marier doit bien examiner sa vocation et l’état vers lequel la porte sa vocation, afin qu’après l’avoir embrassé, elle puisse supporter les peines de cet état par cette pensée : C’était la volonté de Dieu. Elle doit bien se garder d’entrer en cet état par légèreté, par caprice, encore moins par passion, mais uniquement parce que c'est là la vocation que Dieu lui a donnée. Lors donc qu'elle connaît sa vocation et qu'elle y a mûrement réfléchi, elle doit demander à Dieu de lui faire connaître celui à qui elle doit unir ses jours, demander un appui pendant sa vie et donner son cœur. Si elle demande cela à Dieu avec foi et un désir véritable de connaître sa divine volonté, Dieu l’écoutera et l’exaucera. Il ne lui enverra pas un ange pour cela, mais il agira néanmoins de telle manière qu'elle puisse avoir une certitude morale que sa prière est exaucée. Il ne lui enverra pas un ange, mais il se servira de sa famille, qui a des grâces spéciales pour la diriger dans le choix qu'elle doit faire de son époux, ou bien d’un ami de sa famille, qui disposera toutes choses selon ses desseins secrets et impénétrables. Quelquefois encore, il ne se servira point de sa famille, parce que les sentiments de sa famille ne seront point droits, vertueux, désintéressés, mais fondés uniquement sur la nature et la raison, qui regardent plus la terre que le ciel. Il ne se servira d’aucun intermédiaire; il éclairera lui-même l’esprit de cette jeune personne; il lui montrera la sagesse, la modestie, la retenue de celui qu'il lui réserve et son choix sera fixé d’une manière irrévocable par cette vue. Alors, après de nouvelles et de plus mûres réflexions, elle devra s’en ternir à ce choix, malgré les obstacles qui pourront survenir, compter sur la grâce de Dieu qui les aplanira, et demeurer en tout confiante en lui.
« Alors, par crainte pourtant d’illusion de sa part, cette jeune personne qui connaîtra d’ailleurs l’intention et le désir réciproque de celui qu'elle a choisi et qu'elle se croit destiné de la part de Dieu, en informera sa famille et son directeur. Elle en informera sa famille, à cause du respect et de l’obéissance qu'elle lui doit, et pour connaître ses vues à cet égard. Elle en informera son directeur pour lui demander conseil et avis. Il serait bon qu’en cette circonstance son confesseur, qui la connaît bien par ses confessions, fût aussi son directeur. Cela n’est pourtant point nécessaire, et à certains égards vaut-il mieux quelquefois que ce ne soit point le confesseur; car il faut pour cela s’adresser à un homme prudent, sage, circonspect, éclairé, en qui on ait confiance, avec lequel on se trouve plus à son aise, et qui soit à même de pouvoir traiter cette affaire si grave d’une manière sûre.
« Quand elle a écouté les avis de ce directeur, comme je viens de vous le faire connaître, elle doit les suivre et les mettre à exécution comme l’expression de la volonté de Dieu. Les conseils du directeur, qui sont toujours désintéressés et par conséquent mieux réfléchis, doivent être préférés aux conseils de sa propre lumière ou de sa famille.
« Quand son choix sera fait et approuvé, qu'elle donne dès ce moment son amour à celui qu'elle a choisi, qu’elle lui donne sa parole et qu'elle ne lui retire jamais ni sa parole ni son cœur. Pour cela, qu'elle ne fixe point ses regards sur d’autres, et ne cherche point à faire un nouveau choix. Celui-ci est selon Dieu; le second pourrait être selon le péché et le démon.
« Dans les premières entrevues avec celui qu'elle a choisi, cette jeune personne doit surtout garder ses yeux, se souvenant que les yeux sont les portes principales par où entre l’esprit impur. Elle doit les garder pleins de réserve, non seulement à cause d’elle, mais encore à cause de lui. Elle doit aussi veiller beaucoup sur ses paroles, mais sans excès : une trop grande réserve pourrait être mal interprétée et prise pour du dédain, de la froideur, ou comme un refus formel. Il faut donc éviter et trop de liberté et trop de réserve. Que ses manières soient bonnes, douces, polies, honnêtes, franches, affectueuses, et que tout répande en elle la bonne odeur de ma grâce et de la modestie. Que tout dans sa conduite témoigne qu'elle n’embrasse point l’état de mariage par caprice ni passion, mais pour accomplir la volonté de Dieu qui lui a donné cette vocation.
« Que les premières entrevues ne soient jamais solitaires, qu'elles aient toujours des parents pour témoins; qu'elles soient assez fréquentes, afin que les deux futurs époux se connaissent et apprennent à s’aimer par cette connaissance; qu'elles ne soient point trop prolongées par des discours oiseux et inutiles. Que jamais leur conversation ne soit entretenue par des paroles inconvenantes, déshonnêtes et criminelles. Qu’ils bannissent de leur conversation, non seulement tout ce qui est contre la modestie, mais tout ce qui est opposé à la loi de Dieu, la médisance, la calomnie, le mensonge, la jalousie et mille autres choses défendues. Que leurs paroles au contraire soient pour l’un et l’autre des paroles d’édification, et qui inspirent réciproquement une vénération mutuelle.
« Quand ils se verront seul à seul, que ce ne soit jamais dans un lieu secret, mais où ils puissent être vus facilement, et que ce soit promptement et rapidement.
« Une jeune personne doit se montrer aimable et affectueuse pour son futur époux; mais elle ne doit jamais permettre ni flatterie, ni familiarité d’aucune sorte. Elle doit toujours avoir devant elle la loi de Dieu, l’honnêteté et le devoir. Cette conduite à la fois prévenante, cordiale et respectueuse, lui méritera et l’affection et la vénération de son époux.
« Après une connaissance réciproque et mutuelle suffisante, il est prudent de conclure immédiatement le mariage et de ne point le différer trop longtemps. Ce délai pourrait être une cause de péché. Aussi, pour se fortifier l’un et l’autre et demander à Dieu la grâce dont ils ont besoin pour demeurer toujours justes et saints jusqu’à la célébration de leur mariage, ils feront bien de s’unir à moi de temps en temps dans le sacrement de mon amour.
« Ces avis sont pour le jeune homme comme pour la jeune fille.
« Un jeune homme doit chercher et désirer pour son épouse une jeune personne modeste, pieuse et vertueuse. S’il la trouve, elle le rendra heureux et ils se sanctifieront dans l’état qu'ils embrasseront tous deux. Qu'il ne cherche point la beauté. La beauté passe plus rapide que la fleur des champs. Que lui resterait-il dans son épouse, si elle n’avait que la beauté et si cette beauté disparaissant en quelques jours? Qu’il ne cherche point uniquement la fortune. La fortune ne fait ni la vertu, ni la paix, ni la tranquillité, ni le bonheur dans une famille. Qu’il ne cherche point uniquement l’esprit et l’intelligence pour les choses de la terre, qu'il cherche plutôt l’esprit et l’intelligence pour les choses du ciel. Qu’il ne cherche point dans le mariage à satisfaire sa passion. Malheureuse la femme d’un tel homme! Il n'est homme que de nom; en réalité, c'est un démon et un animal sans raison. »

LIVRE ONZIÈME, chapitre 5

« Les époux doivent s’aimer mutuellement, et par cet amour resserrer de plus en plus les liens de leur union. Ils ne doivent point vivre comme des païens. Ils sont les enfants des saints, et doivent par conséquent garder les règles et les lois qui leur sont imposées par leur état. Ils doivent garder la chasteté et la continence prescrite à leur condition et n’abuser point de la liberté qui leur est donnée; car la liberté dans cet état, comme dans tous, est la liberté pour le bien et non pour le mal et l’impureté. Combien de personnes damnées pour leurs péchés dans l’état du mariage, et qui se fussent sauvées si elles avaient été soumises aux règles qui leur sont tracées. Ah! dans ces personnes, il n'y a point un amour véritable, un amour fondé sur Dieu, mais un amour coupable et criminel, uniquement fondé sur la chair qui entraîne au péché.
« L’amour de deux époux doit être vrai et fondé sur Dieu, afin qu'il soit constant et qu'il demeure toujours. Deux époux doivent se garder une inviolable fidélité et craindre qu'une affection étrangère ne vienne rompre des liens aussi sacrés. Ils doivent s’exciter mutuellement à remplir leurs devoirs, dont le parfait accomplissement fera leur bonheur ici-bas et dans l’autre vie. Ils doivent s’aider, se soutenir, se consoler, se réjouir ensemble et ne former qu'un coeur et qu'une âme.
« Une épouse chrétienne doit veiller avec soin sur le fruit de ses entrailles, craindre de lui faire perdre la vie par sa faute et de le priver du plus grand bonheur en le privant du baptême. Un enfant qui n'est pas baptisé ne verra jamais Dieu. Ce malheur devrait rendre une mère inconsolable. Cependant, combien de malheureuses qui, par leur légèreté, leur avarice, leurs emportements ou leurs excès, étouffent le fruit de leur sein!
« Une épouse chrétienne doit surtout prier Dieu de préserver son enfant de pareil malheur, et prendre pour cela toutes les précautions que peuvent inspirer la prudence et la réflexion. Elle doit même avant sa naissance l’offrir à Dieu et lui demander de veiller sur lui.
« Une épouse chrétienne doit garder son enfant après sa naissance et lui prodiguer tous les soins que lui inspirera son amour maternel et que réclame sa faiblesse. Dès que la langue de son enfant commencera à se délier et sa raison à se développer, elle lui fera connaître Dieu et gravera son amour dans son tendre cœur. Elle lui donnera de bonne heure le goût de la piété et de la vertu; elle lui apprendra à tout faire en vue de plaire à Dieu; elle le suivra toute sa vie, en l’entourant de sa sollicitude maternelle.
« Des parents chrétiens dirigeront toujours leurs enfants par la raison et non point par caprice; les reprenant, les avertissant ou les corrigeant quand ils le croient opportun et nécessaire, afin de ne point leur laisser contracter de mauvaises habitudes, qu'il est impossible de déraciner plus tard. Cette formation à la piété et à la vertu fera grandir dans le bien les enfants, et ils deviendront la joie et la couronne de leurs parents.
« Enfin, ma fille, quand l’un des deux époux s’est uni à une personne sans vertu et sans religion, il doit en demander pardon à Dieu et supporter en expiation de sa conduite tout ce qu'il a à souffrir. Il doit prendre sur lui tous les devoirs qui retomberaient sur tous deux par rapport à la conduite des enfants, afin qu'ils soient bons et vertueux. Il doit essayer de ramener à de meilleurs sentiments celui qui est sans vertu, et pour cela prier beaucoup, prier sans cesse, prier avec confiance et espoir d’être exaucé. »

LIVRE ONZIÈME, chapitre 6

« Voici les relations entre parents et enfants.
« Les relations entre un père, une mère et leurs enfants doivent être tout à fait intimes. Le père et la mère revivent dans leurs enfants, les enfants tiennent la vie de leur père et de leur mère après Dieu; peut-il être un sujet de relations plus intimes? Ces relations doivent avoir de part et d’autre l’amour le plus puissant et le plus fort pour principe. Que pourraient donc aimer un père et une mère, sinon leurs enfants? Et un enfant, sinon son père et sa mère? Tous les cœurs d’une même famille doivent être unis, n’avoir qu'un même sentiment, une même volonté. Ils doivent tous travailler à leur bonheur réciproque, s’entr’aider, se soutenir. Un père et une mère doivent protéger, défendre et nourrir leurs enfants tant qu'ils sont en bas âge. Les enfants doivent être plus tard, selon leurs facultés, le soutien et la défense de leurs parents. Leurs relations doivent durer toujours, toute la vie et même au-delà de la tombe. Il faut que l'enfant se souvienne des peines, des souffrances, des labeurs, des soucis qu'il a causés à sa famille quand il était dans l’impuissance de pourvoir à sa subsistance; il faut qu'il se souvienne des entrailles qui l’ont porté, du sein qui l’a allaité, de la sollicitude dont la mère l’a entouré, pour rendre à son tour à sa famille le travail de sa jeunesse et la soumission qu'il doit aux auteurs de ses jours. Il faut qu'il donne tous les témoignages de son amour à son père et à sa mère; il faut qu'il n’afflige point par ses vices ou sa révolte l’auteur de ses jours, et que sa vie déréglée et irréligieuse ne fasse point couler les larmes de sa mère.
« Malheur aux enfants qui rendent pénibles les vieux jours de leurs parents, malheur aux enfants surtout qui attirent sur leur tête la malédiction de leur père et de leur mère mourants!
« Malheur aussi aux parents qui sont sans cœur pour leurs enfants, qui les abandonnent dès leur plus jeune âge ou qui ne les dirigent point dans le sentier de la vertu!
« Heureuses les familles qui vivent en paix et dans l’union, l’œil de Dieu se repose sur elles avec complaisance! »
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Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847) Empty Re: Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847)

Message par Her Mar 12 Avr - 8:38

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Livre 11
Les Relations


LIVRE ONZIÈME, chapitre 7

« Il y a enfin, ma fille, des relations moins intimes, mais qui doivent avoir pourtant un certain degré d’intimité : c'est entre supérieur et inférieur, maître et domestique.
« Ces relations sont très difficiles à observer et à conserver telles qu'elles doivent être.
« Ordinairement elles seront toujours bonnes si le supérieur ou le maître fais vis-à-vis de ses inférieurs ce qu'il doit faire. Si le supérieur ou le maître a de la charité, c'est-à-dire s'il est bon sans préférence, doux sans lâcheté, condescendant sans faiblesse, ferme sas fierté, sans aucun doute il gagnera l’affection, l’estime et le respect de celui qui lui est subordonné. Mais si un supérieur agit avec partialité, il excitera contre lui la jalousie; s’il est lâche, il encouragera le désordre; s'il est fier et impatient, il rebutera, et la conduite de ses inférieurs se modèlera sur sa conduite.
« Un supérieur doit beaucoup pardonner à son inférieur, et pardonner pourtant avec sagesse et discrétion. Pour cela, il doit observer le caractère, l’esprit, le tempérament de son inférieur; il doit encourager pour relever les faibles, il doit être doux et affable pour gagner les cœurs, il doit être grave pour ne point attirer le mépris sur lui.
« Il doit se considérer comme le représentant de Dieu sur ses inférieurs, et agir vis-à-vis d’eux comme il voudra que Dieu agisse vis-à-vis de lui au jour de la justice. Cette conduite sage, réglée, charitable et vertueuse des supérieurs influera sur celle de leurs inférieurs, et introduira entre eux les relations les plus agréables et les plus amicales ils comprendront qu'ils sont tous frères, et ils éprouveront combien il est doux pour des frères de vivre unis en Dieu et pour Dieu.
« Voilà, ma fille, les relations des hommes entre eux. »

LIVRE ONZIÈME, chapitre 8

Voici ce que le Sauveur m'a fait voir et comprendre et ce qu'il m'a dit à propos de ses relations avec les âmes. Elles sont plus intimes que toutes les autres, et sont fondées sur son union avec les âmes, union admirable, union incompréhensible, mais union pleine de vérité et plus parfaite que toute union des créatures entre elles, puisque c'est l’union de la créature avec la divinité.
Il m’a entretenue des relations toutes particulières qui existent entre lui et les âmes qui lui sont spécialement consacrées par la virginité, qui l’ont choisi pour époux, et qui ont célébré leurs noces avec l’Agneau au jour où du fond de leur cœur elles lui dirent : Sauveur Jésus, votre beauté me ravit, je vous choisis pour mon époux, daignez m’accepter aussi pour votre épouse.
Je rapporterai en toute simplicité ce que j’ai éprouvé et la manière dont je l’ai éprouvé.
Un jour, après la sainte communion, j’adorai le Sauveur Jésus dans mon cœur. J’aperçus une belle vallée que me montra le Sauveur. « Ma fille, parcourez cette vallée, me dit Jésus, et atteignez la plaine qui la domine. » J’obéis aussitôt. De chaque côté de la vallée j’aperçus de distance en distance des arbres magnifiques dont les feuilles brillaient comme des perles. Entre chaque arbre il y avait une sentinelle. Elles n’avaient point l’uniforme de soldat et ne portaient point de fusil. Toutes avaient les bras croisés sur la poitrine, se tenaient debout et regardaient au ciel. Je les vis tout à tour abaisser leurs yeux sur moi et puis les relever au ciel.
Je ne craignais point et j’avançais toujours. Bientôt j’atteignis le commencement de cette vallée. Un immense mur avait été jeté de chaque côté, et ces deux murs étaient joints par des marches en pierre d’à peu près douze pieds de longueur sur trois de largeur et un en hauteur. Sur chaque mur j’aperçus des figures de lion, d’éléphant et de taureau.
Quand j’eus atteint la dernière marche, je vis une plaine immense tout entourée de murs, et au milieu de cette plaine un palais magnifique. Une grille en fer m’empêchait de pénétrer dans cette plaine; mais tout à coup elle s’ouvrit, roulant sur le pavé qui était en pierre bien polie. J’entrai, et la grille se referma aussitôt. Je parcourus seule cette plaine. Le palais était fermé et me semblait inhabité. Je me trouvai prisonnière, ignorant ce que j’allais devenir. Je me trouvais heureuse, pourtant, pensant que j’allais mourir là, et m’envoler au ciel. Seigneur, m’écriai-je, venez à mon aide, hâtez-vous de me secourir et délivrez mon âme. Seigneur, ayez pitié de moi; tournez-vous vers moi, mon Dieu, et montrez-moi un visage favorable. Oublierez-vous votre humble servante, ô Jésus, et jusques à quand lui cacherez-vous la vue de votre gloire? O Jérusalem, sainte Sion, qu'ils sont heureux ceux qui vivent dans ton sein! Pour moi, je gémis ici comme une exilée, comme une pauvre prisonnière. Seigneur Jésus, n’entendrez-vous point la voix de votre servante?
Alors une voix venue du palais se fit entendre et dit : « Quelle est celle qui se trouve en dehors et qui m’appelle? » Seigneur, lui répondis-je, vous connaissez toutes choses, vous connaissez même les plus secrètes pensées des hommes, vous connaissez le nombre des cheveux de ma tête, vous savez bien que la voix que vous avez entendue est celle de votre servante Marie. Je tombai à genoux, la face contre terre.
Les portes du palais s’ouvrirent, et, me relevant, j’aperçus une multitude de vierges qui portaient des couronnes sur leur tête et des palmes dans leurs mains. Jésus était au milieu d’elles, les surpassant toutes par son éclat et sa beauté. Les voyant s’approcher de moi, je m’écriai : Seigneur, je ne suis qu’une pécheresse, je ne mérite point de paraître en votre présence : Jésus s’approcha de moi. Je lui dis : Votre beauté surpasse toute beauté et votre gloire surpasse toute gloire. Alors, je devins belle comme les autres vierges, qui mirent une couronne sur ma tête et une palme dans ma main. Je pris rang parmi elles. Toutes rentrèrent dans le palais en chantant un cantique plein d’harmonie, dans lequel elles promettaient à Jésus de l’aimer toujours et de le suivre partout où il irait.

LIVRE ONZIÈME, chapitre 9

Un jour de devais avoir le bonheur de faire la sainte communion. J’entendis la voix du Sauveur qui me disait : « Combien il me tarde, ma fille, d’entrer dans votre cœur pour vous donner les grâces que je vous ai préparées! » Pour moi, je le dis à ma confusion, au lieu d’être remplie d’amour et de reconnaissance pour un Dieu si bon, j’étais privée, ce me semble, de tout sentiment affectueux pour lui; mon cœur néanmoins gardait de sa parole une impression très douce. Après avoir communié, j’entrai dans mon cœur, je fléchis le genou devant Jésus que je trouvai assis comme un maître et un souverain. Il ne me donna aucune marque de tendresse, pas même un de ses regards pleins de douceur qui pénètrent jusqu’au fond de l’âme. Je n’osais porter mes yeux sur lui. Je me tenais silencieusement à ses pieds, m’estimant bien heureuse qu'il voulût m’y supporter, faisant le sacrifice du désir que j’avais de participer à ses douceurs et reconnaissant combien j’en étais indigne. Je ne tardai pas à me sentir suavement attirée. Puis, s’adressant à son Père, il lui dit : « Mon Père, envoyez-lui le Saint-Esprit. Répandez sur cette enfant vos grâces les plus abondantes, vous savez les desseins que j’ai sur elle, ne regardez point ses mérites, mais rien que les miens. » Me regardant ensuite avec un œil plein de bonté : « Offrez-vous en sacrifice à Dieu mon Père, comme je le fis moi-même dans le temple entre les bras de ma Mère. » J’exécutai sa volonté, et il me sembla que Dieu répandait sur moi sa grâce et la douceur de son Esprit.
Après cela, je vis une personne vêtue de blanc se diriger vers moi. Je la pris pour un ange. Voici ce dont je fus témoin et les pensées qui me vinrent à l’esprit en même temps : L’ange prit une grande chaîne d’or attachée à la ceinture de Jésus, et, sans me dire une seule parole, il l’attacha par une extrémité à ma ceinture, passant entre deux anneaux de cette chaîne, un cadenas, qu'il ferma avec une clef d’or. Il attacha aussi mes mains et mes pieds aux pieds et aux mains de Jésus de la même manière, mais avec des chaînes plus petites, et je me dis à moi-même : Ces chaînes sont la figure de la charité qui doit m’unir à Dieu dans toutes mes actions.
L’ange apporta ensuite une robe d’une blancheur éclatante, mais d’étoffe fort simple, et il m’en revêtit, et je me dis à moi-même; Cette robe est la figure de l’innocence et de la simplicité qui doivent être en moi.
L’ange me revêtit encore d’une mantille rouge, qu'il croisa sur ma poitrine; et je me dis : C'est la figure des souffrances que j’aurai à supporter, mais sur lesquelles je ne dois point arrêter mon esprit.
Après cela, l’ange jeta sur mes épaules un manteau superbe dont je ne saurais dire les couleurs si variées et si belles. Il était enrichi de broderies magnifiques en or, très larges et retenu sur ma poitrine par une agrafe d’or; et je me dis à moi-même : C’est la figure de la charité.
Je remarquai au milieu de ce manteau un ruban blanc très large dont la sainte Vierge tenait l’extrémité. Marie s’avança près de moi, passa ce ruban trois fois autour de mon cou et le disposa avec beaucoup de grâce; et je me dis à moi-même : C'est la figure de la dévotion pure et tendre que tu dois avoir pour Marie.
Enfin, l’ange peigna mes cheveux et les mit en désordre sur mes épaules; et je me dis à moi-même : Cela te figure l’esprit de pénitence que tu dois avoir. Il laissa mes pieds nus, et je me dis : Cela te figure le détachement complet que tu dois avoir de toutes choses. Il lava mes pieds, mes mains et mon visage, et ils devinrent d'une blancheur éblouissante, et l’eau qu'il avait employée fut répandue sur ma tête; et je me dis à moi-même : Cela figure la pureté d’intention nécessaire dans toutes les actions. Il mit une couronne d’épines sur ma tête, une croix simple et pauvre entre mes mains, sous mes yeux une lance et un glaive aux pointes teintes de sang, qu'il essuya et trempa dans l’eau ; et je me dis à moi-même; Cette couronne et cette croix te figurent ta souffrance future, cette lance et ce glaive te figurent non ton sang répandu, mais tes larmes versées ou encore des peines que tu souffriras, non dans ton corps, mais dans ton âme. Il me couvrit ensuite d’un grand voile noir. Il couvrit aussi la moitié de la lance et du glaive sous ce voile; et je me dis à moi-même : Le glaive et la lance cachés à moitié te figurent tes peines qui seront à moitié cachées, le voile te figure l’humilité dont tu dois t’environner toute ta vie.
Alors Jésus me dit : « Ma fille, soyez heureuse, je vous choisis pour épouse. Que ce titre soit pour vous préférable à celui de reine : je suis votre époux. Ne partagez donc jamais votre cœur avec aucune créature. Qui trouveriez-vous de plus beau, de plus aimant, de plus riche, de plus puissant, de plus parfait que moi? Qui donc mérite, qui a le droit d’être mon rival? Dites aux hommes : Je suis vierge, et j’aimerais mieux, avec ce titre, passer ma vie dans la misère que de devenir reine en le perdant. Ou encore : Jésus est mon époux, il m’a choisie pour son épouse; je n’en suis pas digne, mais je ne veux lui préférer personne. Une vierge véritablement vierge est humble, douce, modeste dans ses yeux, ses oreilles et ses paroles; elle évite toute familiarité avec les personnes de différent sexe, elle ne désire point une vie facile et aisée; elle aime le travail, la mortification, le recueillement, la retraite et la prière; elle évite dans ses habits l’ajustement trop recherché comme la négligence; elle s’habille conformément à son rang et à sa condition; elle est détachée de tout, elle ne flatte point son corps, elle le regarde comme sa prison, elle le respecte comme le temple où son époux vient habiter; elle gémit et languit dans son exil, elle soupire après la vue de son époux et n’a de consolation sur la terre que quand elle le reçoit dans son coeur par la sainte communion.
« Une vierge qui m'a choisi pour époux est comme ce serviteur de l’Évangile qui veille toujours et se tient prêt pour attendre l’arrivée de son maître. Elle est comme une épouse qui aime véritablement son époux, qui s’afflige et s’ennuie quand il est absent, qui attend avec impatience son retour, qui tend toujours l’oreille pour distinguer ses pas, qui ne sort pas et ne visite point ses amies, craignant de n’être point présente pour recevoir son époux à l’heure de son arrivée; qui ne dort point ou qui a un sommeil bien léger pour ne point laisser son époux frapper longtemps à la porte; qui se lève dès qu’elle entend sa voix, va au devant de lui et, toute transportée de joie, l’embrasse en lui disant : Combien votre absence a été longue! Combien je me suis ennuyée sans vous! J’attendais avec impatience votre retour et je ne dormais point pour ne pas vous faire attendre longtemps. L’époux est touché de tant d’amour de la part de son épouse, et lui fait part des présents qu'il lui a apportés pour la dédommager de la peine qui lui a causé son absence.
« L’épouse donne encore tous ses soins à son époux. Elle a pour lui toutes sortes de prévenances et d’attentions, elle a toujours ses yeux attachés sur lui pour deviner, s’il est possible, ses désirs et ses volontés et les exécuter aussitôt.
« L’époux, ma fille, n'est point indifférent à ces témoignages affectueux de son épouse ; il lui rend amour pour amour, il lui complaît en tout. Ses absences deviennent moins longues et moins fréquentes. Il dispose toutes choses pour demeurer avec elle constamment et ne s’en séparer jamais.
« Je suis l’époux, ma fille. Avez-vous pour moi les sentiments de cette épouse dont je viens de vous parler? Avez-vous sa joie dans votre cœur quand vous me voyez venir? Vous ne l’avez point, je ne l’exige point; mais ce que je demande de vous, c'est que vous vous observiez toujours, c'est que vous soyez toujours attentive à suivre l’attrait et l’inspiration de ma grâce lorsqu’elle vous sera donnée, et à accomplir mes moindres volontés. Cette disposition de votre cœur vous attachera de plus en plus à moi, rendra plus forte votre union avec moi, vous fera grandir dans la perfection à laquelle j’appelle toutes les âmes qui se donnent à moi, et je vous comblerai de toutes les faveurs les plus précieuses, les plus riches; je vous ferai éprouver la douceur et la suavité de mon amour, et bientôt vous ne pourrez plus vivre sans moi; je serai votre vie, parce que je posséderai réellement votre cœur et que j’y aurai établie une demeure permanente. »

LIVRE ONZIÈME, chapitre 10

Un jour, après la sainte communion, je remerciais le Sauveur Jésus de la grâce qu'il m’avait faite de m’unir à lui. J’étais là devant lui, lui offrant la reconnaissance de mon coeur, mais sans rien dire. Il me sembla entendre sa voix : « Ma colombe, me dit-il, ma bien-aimée, où êtes-vous? » Je m’approchai de Jésus. Il se plaça sur son trône, dans mon coeur, et me dit : « Suivez ce chemin. » Il me le montra du doigt. J’avançai quelques pas, mais, je l’avoue, avec tristesse. Je me fis violence néanmoins; j’arrivai à un escalier dont les degrés étaient d’or massif. Je descendis et je vis devant moi un immense fossé qui entourait une citadelle. Sur le haut des fossés j’aperçus des remparts qui défendaient la citadelle; sur ces remparts étaient représentées en relief diverses têtes d’animaux; c’était comme cela aussi dans les fossés. J’étais là seule, sans guide, sans soutien, et ne voyant personne. Je sentais presque mon courage faiblir. Je m’adressai à Dieu de tout mon coeur, le conjurant de venir à mon secours afin de ne point me laisser tomber entre les bras de mes ennemis. En même temps, je roulai dans le fossé; mais je fus soutenue par une main invisible, qui me promena autour du fossé. J’entendis une voix sortir d’une des nombreuses fenêtres de la citadelle : Elle ne fera point, dit cette voix, elle ne fera point sa demeure parmi les tentes des pécheurs.
La même main me transporta ensuite en pleine mer sur n vaisseau magnifique dont les câbles étaient en argent et les chaînes en or. Je fus placée sur un lit superbe dont la beauté surpassait celle de tous ceux que j’avais vus dans ma vie. Je me trouvai là aussi bien que je m’étais trouvée mal ailleurs, et je dis : Il fait bon être ici! Néanmoins, je vis bien que ce n’était pas là le lieu de mon repos, car je soupirais après la vue de mon bien-aimé : il n’était point en ces lieux. J’étais bien fatiguée, et tournant la tête, je m’endormis.
Bientôt après, je fus réveillée par une voix qui m’appelait : Marie! Marie! J’ouvris les yeux, et regardant un beau personnage qui était devant moi : Qui êtes-vous? lui dis-je. Je ne vous connais pas. Il ne répondit rien. Retirez-vous, vous n’êtes pas le bien-aimé. Je détournai la tête, je fermai les yeux, et je me rendormis.
Quelque temps après, une nouvelle voix se fit entendre. J’ouvris les yeux et j’aperçus un personnage. Il s’approcha de moi et me frappa doucement sur la joue. Je fus saisie de frayeur, car il était hideux à voir. Ses cheveux crépus semblaient être grillés, deux cornes se dressaient sur sa tête, et ses yeux et ses lèvres se contractaient d’une manière horrible. Qui que vous soyez, lui dis-je, retirez-vous, fuyez loin d’ici! Mon Dieu! m’écriai-je ensuite, veillez sur moi. Je détournai la tête, je fermai les yeux et je me rendormis.
Une nouvelle voix se fit encore entendre. Je la reconnus, c'était celle du Sauveur. J’ouvris les yeux, je ne m’étais point trompée, c'était bien Jésus, avec son air doux et majestueux, sa contenance humble et sans affectation. « Ma fille, me dit-il, levez-vous. » Je me levai. Il me prit par la main et dit; « Nous sommes au port. » Nous abordâmes et entrâmes dans un lieu ravissant. « C'est ici, ma bien-aimée, me dit le Sauveur, que vous demeurerez éternellement avec moi, parce que vous m’avez reconnu et n’avez voulu reconnaître que moi seul. » Seigneur, lui répondis-je, le lieu de mon repos sera partout où vous serez; j’y ferai mon séjour, parce que je n’en veux pas d’autre que celui de mon bien-aimé, du sauveur et époux de mon âme.

LIVRE ONZIÈME, chapitre 11

Le Sauveur me regarda un jour avec un air de bonté extrême et me dit : « Ma fille, à partir de ce moment, soyez-moi unie pour toujours, resserrez de plus en plus les liens qui nous unissent. Je vous ai choisie pour mon épouse, je vous accepte aujourd'hui; donnez-vous à moi, je me donne à vous, et vous apprécierez dans l’intimité de nos relations la dignité, le bonheur et l’avantage de m’avoir pour époux.
« Est-il rien, en effet, de plus glorieux pour vous que d’avoir pour époux le roi du ciel et de la terre, celui qui commande aux hommes les plus puissants, qui commande aux monarques et aux potentats, les fait trembler sur leurs trônes et les brise comme un vase d’argile sur un pavé? Est-il une dignité supérieure à cette dignité? Tout ce qui est à l’époux appartient à l’épouse aussi. Tout est commun entre eux. Si l’époux est roi, il établit son épouse reine dans ses états. Si l’époux est puissant, couvert de gloire, porté en triomphe, il met son épouse à son côté pour la faire participer à sa puissance, à sa gloire et à ses triomphes. Ainsi, ma fille, je livre tout à l’âme qui veut être mon épouse; je lui livre ma puissance, mes grâces, mes mérites; je la constitue reine dans le royaume de mon Père.
« Le bonheur de la vie, c'est l’union des âmes. Le fondement de l’union, c'est la force, l’amour en fait le charme.
« Or, peut-il être un bonheur supérieur à celui de l’union entre Dieu et une âme. Cette union est durable, parce qu'elle est fondée sur la paix. Je suis le Dieu de la paix, et les âmes qui me sont unies reçoivent de moi la paix de la conscience. Cette union est préférable à toute autre union, car je suis le Dieu de la charité. Je suis charité, et je l’insinue dans celle qui veut être mon épouse.
« Aussi, entre une âme qui m’est unie et moi, il n’y a point de secrets, mais la confiance la plus entière. Je vois cette âme telle qu'elle est, et cette âme se montre aussi telle qu'elle est en réalité. Je lui montre tout ce qui est en moi; elle l’aperçoit, elle le regarde comme en plein jour. Quels suaves épanchements entre mon cœur et celui de mon épouse! Elle s’est donnée tout à moi, je me suis donné aussi tout à elle. Elle ne me refuse rien, je lui accorde tout ce qu'elle me demande, et dans le secret de ces épanchements intimes, notre union devient de plus en plus forte, de plus en plus heureuse.
« Enfin, ma fille, une âme qui est mon épouse, dans quelque position qu'elle se trouve, comprend que tout est pour son avantage. Si elle est pauvre, elle voit ma pauvreté et s’estime heureuse de me ressembler. Si elle est persécutée, elle voit toutes les persécutions que j’ai souffertes et s’estime heureuse de me ressembler. Si elle est dans les peines, les tribulations, les douleurs de la vie, elle jette un regard sur moi et s’estime heureuse de me ressembler. Si Dieu lui accorde des consolations, des grâces, des faveurs, elle comprend que c'est à son titre de mon épouse qu'elle les doit, et tâche par sa correspondance de croître de plus en plus en vertus.
« Est-il donc rien de plus avantageux, de plus heureux, de plus glorieux pour vous que d’être mon épouse? Je puis vous suffire et vous suffirai, ma fille, car je suis Dieu. Je prendrai plus de soin de vous, je veillerai plus sur vous, je vous rendrai plus heureuse que l’époux le plus tendre, parce que je commande en maître à toutes choses et dispose de tout pour réjouir les âmes qui se donnent à moi.
« Donnez-vous donc tout à moi, unissez-vous de plus en plus à moi par une plus grande pureté. Éloignez de votre cœur tout ce qui pourrait y blesser mes yeux purs, chastes et saints. Je suis jaloux des affections de mes épouses; je veux posséder leur coeur tout entier, afin de le remplir de la suavité et de la tendresse de mon amour, et rendre leurs relations avec moi les relations les plus parfaites, les plus glorieuses, les plus intimes qui puissent être au ciel et sur la terre après les relations éternelles des personnes de la sainte Trinité. »

LIVRE ONZIÈME, chapitre 12

Le lendemain je m’unis au Sauveur Jésus par la communion spirituelle. Il me parla ainsi :
« Ma fille, je vous ai dit et je vous ai fait comprendre le bonheur et la dignité des âmes qui sont mes épouses. Cette grâce d’union avec moi, je la donne à qui il me plaît. Quand j’ai jeté mes regards sur une âme et que je veux l’attirer à moi, je souffle dans son cœur une pensée qui grandit et se développe comme un germe mystérieux. Puis cette âme manifeste cette pensée que j’ai déposée en elle, elle dit : Je serai l’épouse de Jésus. Elle a entendu ma voix, elle y répond. Heureuses ces âmes qui répondent à ma voix! Mais malheur à ceux qui veulent les détourner de moi, les arrêter, étouffer en elles la vocation que je leur ai donnée! Malheur aux parents à qui je demande ainsi un enfant et qui ne veulent point me l’accorder! De qui donc ont-ils reçu leurs enfants, si ce n'est de Dieu? Dieu n’en est-il donc pas le premier père? N’a-t-il pas sur eux des droits bien plus forts et plus vrais que leurs parents?
« De quelle injustice ne se rendent-ils donc pas coupables envers Dieu et envers leurs enfants? Envers Dieu, puisqu’ils lui ravissent ses droits; envers leurs enfants, puisqu’ils lui ravissent ce qu’il y a de plus précieux pour eux, la faveur de m’appartenir et de me posséder dans l’intimité. Quelle injustice envers Dieu et envers leurs enfants! Envers Dieu, car si un roi de la terre leur demandait une enfant pour en faire son épouse, ils la lui accorderaient et consentiraient même à ne pas la voir, se croyant dédommagés par l’honneur qu'il leur reviendrait de sa haute alliance. Mais quand le Roi des rois leur demande un enfant, il est, lui, refusé, comme s’il n’était pas au dessus de tous les rois de la terre! Quelle injustice et quel outrage! Injustice à l’égard de leurs enfants; car ces enfants, éclairés par la lumière divine, voient non avec les yeux du corps, mais avec les yeux de l'âme, et non par conséquent comme leurs parents. Ils voient le bonheur dans leur union avec moi et le malheur et l’infortune loin de moi. N’est-ce donc pas les éloigner de la félicité, n'est-ce pas les rendre malheureux? Quelle injustice de la part des parents et quelle dureté de cœur!
« Combien ils ont à redouter les châtiments de Dieu pour leur inconduite. Ah! malheur à ces parents!
« Malheur aussi à ceux à qui je fais entendre ma voix et qui ne l’écoutent point! Un jour aussi ils crieront vers moi; je les éloignerai et je resterai sourd à leur supplication.
« Celui qui entend ma voix doit la suivre. Celui qui éprouve le souffle de mon esprit doit suivre l’impulsion de ce souffle et se diriger vers le but qui lui est indiqué.
« J’aime à me multiplier à l’infini et à attirer vers moi les âmes par mille attraits différents, mille moyens divers. Il en est que je laisse dans le monde combattre vaillamment mes combats. Ces âmes sont fortes, ces âmes sont à l’abri de toutes les attaques, rien ne les ébranlera, rien ne les séparera de moi.
« Il en est d’autres que j’appelle dans la solitude pour leur parler seul à seul, coeur à coeur, loin du monde et de ses séductions, pour les vivifier constamment par ma grâce, ma parole, mon regard.
« Il en est que j’attire uniquement, et dès le premier instant, par l’amour qu'elles ont pour moi, et d’autres par la crainte d’être séparées de moi pendant l’éternité.
« Le plus souvent, ma fille, je sépare du monde les âmes que je veux ainsi m’unir et que je choisis pour épouses, et elles entrent en religion, c'est-à-dire, comme je vous l’ai déjà expliqué, elles se lient à moi d'une manière plus intime en se séparant du monde.
« Il y a quelquefois des âmes qui se croient appelées et qui ne le sont point; il y en a dont les sentiments ne sont ni purs ni désintéressés. C'est pour cela que je veux vous dire les dispositions nécessaires pour entrer en religion.
« Pour cela, ma fille, il faut d’abord être appelée, et puis correspondre à sa vocation, qui n'est rien autre chose que l’inclination donnée par Dieu à une âme pour un état de vie qui la sanctifiera par la pratique spéciale des vertus.
« Cette inclination est développée par l'âme de deux manières. La première est l’inclination d'une âme qui accepte l’impulsion de Dieu, non point pour éviter les peines et les combats qui se trouvent dans le monde, mais pour glorifier davantage le Seigneur en prenant un genre de vie plus parfait.
« La seconde est l’inclination d’une âme qui accepte l’impulsion de Dieu, parce qu'elle voit les combats qu'il faut soutenir dans le monde et les dangers qu’on y rencontre, et parce qu'elle craint pour sa faiblesse.
« Cette manière d’accepter l’impulsion de Dieu est bonne, mais moins parfaite que l’autre.
« Mais il faut se garder de vouloir suppléer à cette vocation, à cet appel de Dieu, par une volonté personnelle qui donne une dévotion fausse, ou par un dégoût du monde qu'on ne veut point supporter. En effet, ma fille, celui qui veut entrer en religion doit d’abord renoncer à sa volonté, et puis savoir se supporter lui-même patiemment et supporter autrui. Sans cela, cette détermination irréfléchie et dénuée d’un véritable fondement mettrait en danger de passer des jours tristes, pénibles et tout à fait malheureux, une fois que serait éteint le premier feu excité dans un moment d’enthousiasme, d’impatience ou d’irréflexion. Le nombre de ceux qui agissent comme cela est grand, et au lieu de s’avancer dans la perfection en s’unissant de plus en plus à moi, ils scandalisent les autres et les empêchent d’avancer dans le bien et la vertu.
« Quand on a entendu l’appel de ma voix, on doit se préparer à en exécuter le commandement par une grande pureté de cœur, en suivant les avis de celui à qui on aura fait connaître sa vocation et qui l’aura reconnue véritable. Il faut se défaire du vieux levain qui pousse au péché en déracinant, par des efforts généreux, toutes les mauvaises habitudes. Car, malheur à celui qui apporterait parmi les bénis de mon cœur, un cœur coupable et enclin au péché!
« Celui qui veut ainsi tout quitter pour me posséder et vivre avec moi doit se regarder comme mort au monde, au démon, à lui-même. 1° Au monde, c'est-à-dire oublier ses parents, ses amis, éloignant même toute pensée qui se rapporterait à eux d’une manière humaine et naturelle, pour n'y penser que devant Dieu; 2° au démon qui fait la guerre à tout le monde, mais particulièrement aux âmes qui se donnent à moi. Il ne leur présente pas d’abord de grands péchés, mais il les porte au relâchement par des pensées vaines et des imperfections qui leur nuisent autant que les péchés véniels aux personnes du monde. Si on écoute le démon, peu à peu on tombe dans l’oubli de ses devoirs, on se sépare de moi; 3° à lui-même, c'est-à-dire de ne pas écouter les suggestions perverses de la chair et des sens. Cette mort est une victoire véritable et la plus difficile. C'est une victoire, car c'est réellement triompher de soi. C'est une victoire difficile; il en coûte en effet beaucoup pour se dompter en tout, pour n'être pas plus touché des outrages et des injures que des louanges et des honneurs; pour ne tenir à rien, se défaire de tout, pour se reposer uniquement en moi.
« Cette triple mort est une vie véritable et la seule qui puisse mériter le nom de vie. Car être dans cette mort, c'est être uni à moi, c'est me posséder, et je suis la vie de tous ceux qui sont dans ce monde et qui veulent vivre dans l’éternité de la vie à laquelle je les initie ici-bas.
« Le monde, le démon et la concupiscence luttent contre ces âmes que je me choisis : le monde, par le désir qu'il leur inspire des biens d’ici-bas; le démon, par l’esprit de rébellion; la concupiscence, par les tentations impures. Mais je donne à ces âmes trois armes qui abattent le monde, le démon et la concupiscence; ce sont : le vœu de pauvreté contre le monde, le vœu d’obéissance contre le démon, le vœu de chasteté contre la concupiscence. »

LIVRE ONZIÈME, chapitre 13

« Le vœu, ma fille, est un soutien, un appui, un abri, une défense pour l'âme. L'âme sent que le désir des richesses triompherait bientôt d’elle-même; elle met le vœu de pauvreté comme une barrière qui l’arrêtera et l’empêchera de succomber, et de même pour les autres vœux. Le vœu est quelque chose d’essentiellement libre; mais le vœu est quelquefois une chose souverainement nécessaire. Il peut être et devenir aussi chose très importante. Aussi ne faut-il faire des vœux qu’avec circonspection.
« Le vœu est une promesse faite à Dieu par serment de l’accomplissement d’un acte bon. Il y a deux sortes de vœux : le vœu conditionnel, et celui par lequel on s’engage sans condition. La condition réalisée, on doit accomplir le vœu qu'on a fait; le vœu absolu, ou qui ne renferme pas de condition, doit être toujours accompli. Le vœu est une chose fort agréable à Dieu, et les actes accomplis sous l’empire ou la nécessité d’un vœu sont plus agréables à Dieu que les autres, parce qu'on s’est engagé volontairement à les faire. On ne pèche point en ne faisant pas des vœux; mais on pèche si on ne les accomplit pas, et le péché est d’autant plus grave que la chose promise est grave et importante, à moins qu'on ne se soit réservé expressément de ne vouloir point s’engager à l’observation du vœu, sous peine de péché mortel. Il est prudent de ne jamais faire de vœu sans l’autorisation de son confesseur, et un confesseur ne doit jamais permettre des vœux perpétuels et pour la vie, qu’après s’être bien assuré de la vertu, de la fermeté et de la vigueur de celui qui veut s’engager ainsi.
« Que de peines on se crée par des vœux prononcés légèrement! Que d’embarras on s’épargne en ne prononçant point ces vœux! Que de grâces on attire sur soi quand on correspond au désir que Dieu manifeste de l’émission d’un vœu! Que de secours on obtient pour soi! Oh! bienheureux sont ceux qui résistent au monde et à ses richesses par le vœu de pauvreté, et qui demeurent fidèles dans l’observation de ce vœu! Bienheureux sont ceux qui résistent au démon et à son esprit de révolte et d’orgueil par le vœu d’obéissance, et qui demeurent fidèles dans l’observation de ce vœu!
« Je serai leur richesse dans l’éternité; je serai leur gloire dans l’éternité; je serai leur félicité dans l’éternité.
« Nos relations auront commencé dans le temps, elles dureront dans les siècles des siècles. Ayez espoir, ma fille, vous triompherez de tout. Je vous cacherai comme ma colombe dans le trou du rocher; je vous enlèverai au monde, je vous donnerai une place dans la famille sainte consacrée à mon divin Cœur; là vous serez tout à moi et je serai tout à vous. »

Amour à Jésus à jamais dans le sacrement de l’autel. Amen.

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Message par Her Mar 12 Avr - 8:38

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mystique catholique
Livre 12
Les Fins Dernières


LIVRE DOUXIÈME, chapitre 1 – Des fins dernières.

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

Le Sauveur Jésus m’a dit un jour : « Ma fille, la vie c'est Dieu, la vie c'est moi; je me nomme la vie, je suis la vie, je donne la vie à tout ce qui la possède; je l’ai donnée à tout ce qui l’a possédée dans le temps; je la donnerai à tout ce qui la possédera dans les siècles à venir. Ma vie ne ressemble point à la vie des créatures. Les créatures n’ont qu’une participation de la vie, tandis que je possède la vie dans toute sa réalité, dans toute sa plénitude. Ma vie est éternelle; elle n’a jamais eu de commencement, elle n’aura jamais de fin. La vie de l'homme est finie, bornée, elle a un terme; mais cette vie n'est pas la véritable vie; elle n'est qu'une ébauche de la vie qu'il doit recevoir après qu'il aura perdu cette première vie.
« La vie de l'homme après sa résurrection n’aura jamais de fin; elle durera à jamais, et je lui donnerai cette participation immense de la vie qui le rendra Fils de Dieu, comme je me suis donné la participation à la vie de l'homme qui m’a rendu Fils de l'homme. C'est par l’humiliation de ma divinité que j’ai pris part à la vie de l'homme, et que je suis devenu Fils de l'homme. C'est par l’humiliation de ma divinité que j’ai pris part à la vie de l'homme, et que je suis devenu Fils de l'homme. C'est par l’exaltation de son humanité que l'homme prendra part à la vie de Dieu, et qu'il lui deviendra semblable par cette participation.
« Voilà pourquoi j’ai créé l'homme, pour le rendre participant de ma vie; voilà pourquoi je l’ai racheté, pour le rendre participant de ma vie; voilà pourquoi je lui donne mes grâces, pour le rendre participant de ma vie.
« Il y a donc trois vies en l'homme : l’une pour le temps, la vie naturelle ou de la création; la vie pour le temps et pour l’éternité, la vie surnaturelle ou de la rédemption; la vie de l’éternité ou de la gloire.
« C'est trois vies sont données à l'homme; il n’y a aucun droit, il les tient de Dieu. Tous doivent recevoir de Dieu ces trois vies, c'est la volonté et le désir de Dieu, et cependant tous ne les reçoivent pas. Les deux premières mènent à la troisième, mais seulement quand on les emploie selon les lois données à l'homme par son Dieu. S’il viole ces lois, l'homme ne reçoit point la vie éternelle de la gloire, il reçoit pourtant la vie éternelle, mais dans la malédiction et la séparation de Dieu.
« Je vous ai parlé, ma fille, de la vie surnaturelle que je donne à l'homme par ma grâce, vie admirable qui élève l'homme à la dignité de Fils de Dieu, et qui rend ses actions méritoires pour le ciel. Cette vie est à la fois dans la vie du temps et celle de l’éternité. Elle est dans la vie du temps par la vie naturelle de l'homme; elle est dans la vie de l’éternité par la vie de la gloire. C'est pourquoi, en vous parlant de la vie naturelle et de la vie glorieuse, je ne séparerai point de ces deux vies l’idée de vie surnaturelle, puisqu’elle se trouve dans l’une et l’autre vie.
« La vie de l'homme dans le temps est le travail d’un être intelligent et raisonnable, méritant ou la vie de la gloire ou celle de l'éternité malheureuse.
« Cette vie est un travail, donc une peine, une tribulation, une souffrance continuelle. Les pleurs, les larmes et les gémissements conviennent à cette vie. C'est un exil, un lieu de passage et de transition, c'est une tente dressée dans un désert qu'il faut lever le lendemain. Elle passe comme une ombre dissipée par le vent; elle passe comme un rêve, et la vie la plus longue, quand elle est au moment de finir, qu’est-elle pour celui qui la perd?
« Aussi ne devez-vous point vous attacher à cette vie, ma fille, ni y arrêter votre cœur et vous laisser captiver par elle. Tout ce qu'il y a d’heureux en elle, si vous l’examinez bien, ne vous paraîtra que misère; mais tous ses maux, toutes ses afflictions, tous ses tourments seront des biens inappréciables, si vous savez les recevoir comme je vous l’ai enseigné.
« Pourquoi donc, ma fille, avez-vous reçu cette vie du temps? Pour connaître Dieu, pour l’aimer, pour le servir, et par cette connaissance, par ce service, par cet amour, obtenir la vie de la gloire dans l’éternité.
« Voilà pourquoi vous avez reçu la vie. Si vous employez ainsi votre vie dans le temps, elle sera bonne, car elle vous engendrera à la seule vie véritable, à la vie qui ne passera jamais. Si vous employez ainsi votre vie, vous ne vous attacherez point à cette vie pour elle-même, mais pour Dieu qui vous l’a donnée; vous ne vous attacherez point à cette vie pour gagner les biens qu’elle possède, mais les biens que possède Dieu qui vous l’a donnée; vous vivrez de la vie du temps, sans regarder le temps, mais l’éternité.
« Vous vivrez de la vie du temps, non pour vivre, mais pour désirer la mort et l'union avec Dieu, pour opérer votre salut, pour mériter la miséricorde de Dieu, pour rendre sa justice favorable, pour entendre un jour le Seigneur vous dire : Courage, ma fille, et venez participer à la récompense que j’ai promise à mes élus.
« Si vous n’employez point votre vie du temps à conquérir la vie de la gloire, vous tomberez nécessairement dans la vie de la malédiction et de la damnation.
« Fuyez ce malheur, ma fille; ayez toujours sous les yeux la vie éternelle de la gloire; ayez en toujours le désir dans le cœur. La vie éternelle de la gloire est celle qui vous est destinée; celle après laquelle seule vous devez soupirer; celle qui ne passera jamais; celle qui vous donnera le seul bien véritable, Dieu. La vie éternelle, c'est Dieu et la connaissance de Dieu. La vie éternelle, c'est Dieu et l’amour de Dieu. La vie éternelle, c'est Dieu et la possession de Dieu. La vie éternelle, c'est Dieu et l’union intime avec Dieu. La vie éternelle, c'est l’œuvre de la charité de Dieu sur l'homme et de la charité de l'homme pour Dieu dans les siècles des siècles. O vie heureuse! ô vie sans laquelle il n'y a point de bonheur véritable! ô vie inépuisable et communiquée pour l’éternité à tous les élus! Vie de la louange éternelle de Dieu! vie de l’éternelle paix de l'homme! vie du triomphe de Dieu en l'homme! vie du triomphe de l'homme en Dieu! O vie de l’éternité! vie de l'homme en Dieu! vie de l'homme avec Dieu! vie de l'homme pour Dieu! Demeurez unie à moi par la grâce et les sentiments de votre cœur, et vous aurez part à cette vie à jamais. »

LIVRE DOUXIÈME, chapitre 2

Un jour où j’avais eu le bonheur de faire la sainte communion, j’entrai dans mon cœur, je me mis à genoux aux pieds de Jésus qui me parla ainsi : « Ma fille, détachez-vous du monde, de ses possessions, de ses richesses; détachez-vous de vous-même, éloignez les pensées d’ambition, de vaine gloire et d’orgueil; ne pensez qu’à vivre selon Dieu et pour Dieu; ne pensez qu’à accomplir sa sainte volonté; ne pensez qu’à lui appartenir; ne pensez qu’à gagner le ciel, à sauver votre âme. Que ce soit là la pensée continuelle de votre esprit. Cette pensée est celle qui vous fortifiera le plus, qui vous sera la plus utile, et dont les résultats dureront pendant l’éternité.
« De quoi vous servirait, ma fille, de gagner l’univers, si vous veniez à perdre votre âme? Que vous importe de perdre tout le reste, si vous gagnez le ciel? Que vous importe de vivre malheureuse, de vivre dans la tribulation, dans les peines, la souffrance sur la terre, si vous devez vivre à jamais heureuse dans le ciel?
« Vous êtes destinée au bonheur de l’éternité. Cette participation de la gloire, Dieu vous la réserve de toute éternité. Cette pensée l’a occupé de toute éternité, même avant la création du monde. Cette pensée l’occupe encore à cette heure, puisqu’il vous accorde ses grâces, ses faveurs les plus précieuses, pour vous faciliter les moyens d’arriver au ciel.
« Or, Dieu, ma fille, n’agit pas ainsi vis-à-vis de vous par intérêt personnel. Dieu se suffit à lui-même; il n’a besoin de personne. Correspondez donc à ces desseins de Dieu sur vous, et que la pensée qui est en Dieu soit aussi celle de votre âme.
« Vous mourrez un jour, c’est-à-dire que votre âme se séparera de votre corps. Votre corps rentrera en poussière, mais votre âme s’élèvera vers Dieu pour recevoir sa récompense ou sa peine, récompense ou peine pour l’éternité. Votre corps ne demeurera pas toujours en terre, il ressuscitera au dernier jour, afin de partager à jamais le sort de votre âme. il est donc important pour vous, ma fille, d’aviser à votre avenir éternel et d'y aviser plus qu’à vos possessions, plus qu’à vos richesses, plus qu’à une position dans la vie, plus qu’à une contradiction, à une épreuve, à une souffrance, à la santé. Dieu ne vous demandera point si vous avez acquis de grandes richesses, si vous avez eu une heureuse position dans le monde, si vous avez joui de la santé; il vous demandera si vous avez opéré votre salut.
« Dieu vous donne tout ce qui vous est nécessaire pour vous sauver; mettez tout à profit, agissez toujours comme vous voudriez avoir agi à l’heure de votre mort, ou au tribunal de Dieu. Pensez plus à votre âme qu’à votre corps, soignez plus votre âme que votre corps, sauvez votre âme et n’avisez point au salut de votre corps pour la vie présente, si pour le sauver vous devez perdre votre âme.
« Pensez plus à Dieu qu’à toute autre chose, plus qu’à vous-même. Pensez à Dieu pour lui rendre vos devoirs, suivre ses commandements et observer ses lois. Pensez à Dieu partout, quand vous êtes seule, quand vous êtes en compagnie, quand vous êtes dans le monde, partout, et vous ne l’offenserez point; car vous direz à vous-même : Dieu veut mon salut, je dois l’opérer en faisant le bien, en évitant le mal, en correspondant à ses grâces.
« O ma fille ! n’imitez point cette jeunesse qui oublie entièrement qu’elle a une âme à sauver pour une éternité; n’imitez point ces ouvriers que Dieu appelle pour venir travailler à sa vigne, et qui, demeurant sourds à sa voix, restent oisifs. Ah! ceux-là, ma fille, ne recevront point le denier qui est promis à tous ceux qui sont appelés par le Père de famille. Ils ne recevront point ce denier qui est la possession du ciel; ils seront jetés dans les ténèbres extérieures, c’est-à-dire loin de Dieu, dans les flammes de l’enfer.
« Consacrez à Dieu votre jeunesse, consacrez-lui tous les moments de votre vie, afin d’opérer votre salut. »

LIVRE DOUXIÈME, chapitre 3

Le Sauveur Jésus m’a dit un jour : « Ma fille, vous n’ignorez pas ce qui est dit dans l’Évangile, qu'il est aussi difficile à un riche d’entrer dans le royaume des cieux qu’à un chameau de passer par le trou d’une aiguille. Je dis plus encore, les riches n’entreront jamais dans le ciel. J’entends par les riches, ceux qui sont attachés aux richesses et ceux qui les désirent. On peut être pauvre par conséquent et riche néanmoins en son esprit, en ses pensées, en ses désirs. Un homme abrité sous un toit de chaume, dénué de tout, réduit à la mendicité, malgré sa misère peut être riche par le désir qu'il a des richesses. Il s’attache au peu qu'il a, il fait tous ses efforts pour l'accroître et l'augmenter, au moins dans son imagination, s’il ne peut le faire en réalité. Il pense à ce qu'il ferait s'il était riche, et puis reconnaissant que malgré ses désirs il n'est pas plus avancé, il porte un œil d’envie aux riches et ambitionne de pouvoir agir comme ils agissent. Pauvre en réalité, cet homme est riche par les désirs de son cœur; il ne pense qu’aux richesses, il ne convoite que les richesses, il ne vit que pour les richesses. Cet homme n’entrera jamais dans le ciel.
« Le riche qui s’attache à ce qu'il possède, à sa fortune, à ses propriétés, à ses domaines, qui en a l’esprit constamment occupé, qui se procure par ses richesses toutes sortes de satisfactions, tous les plaisirs, toutes les commodités, toutes les aides, tout ce qui peut rendre la vie douce et agréable, qui ne craint pas la prodigalité pour lui-même et qui jamais ne donne un secours au pauvre, celui-là aura part aussi à la malédiction portée contre les riches.
« Mais de même qu'il y a des pauvres qui sont riches, de même je connais des riches qui sont pauvres. Voyez cet homme, il a des richesses immenses; il est comblé d’honneurs, environné de gloire, il peut jouir de toutes les commodités de la vie. Que se passe-t-il au-dedans de son cœur? Il pense que la véritable richesse c'est Dieu, et il n’est nullement attaché à ses possessions; il regarde la gloire qui environne son nom comme une vaine fumée, et loin de se laisser éblouir par les flatteries ou les louanges des hommes, il renvoie à Dieu tous les honneurs qu’on lui rend. Parce qu'il sent bien qu'il n’est que néant, et que la louange est due à Dieu seul. Il aime les pauvres, il agit à leur égard avec la plus grande charité; il les assiste dans leurs nécessités, il est le fidèle économe et dépositaire des biens que Dieu lui a donnés; il ne craint pas de s’appauvrir par ses largesses envers les pauvres; il est même prêt à devenir pauvre lui-même, si telle est la volonté du ciel. Il aime les pauvres, il aime aussi la pauvreté, il se prive de toute satisfaction, il supporte les incommodités qui se présentent à lui, attachant son cœur, ses pensées et ses désirs uniquement à Dieu. En vérité, en vérité, je vous le dis, ce riche est véritablement pauvre, et il partagera les bénédictions promises aux pauvres.
« Le ciel est pour lui comme pour ce pauvre qui, malgré son dénuement, son indigence, est content de son sort et ne profère jamais une plainte. Le ciel est pour lui comme pour ce pauvre qui méprise les richesses pour ne s’attacher qu’aux biens fermes et impérissables de l’éternité, qui plaint les riches, à cause des dangers où ils sont exposés, et qui, loin de leur porter envie, prie au contraire pour eux, afin que Dieu leur accorde la grâce de se sauver. Le ciel est pour lui comme pour ce pauvre qui aime sa pauvreté et se dépouille même de ce qu'il a pour ceux qui sont encore plus pauvres que lui.
« Le ciel est pour ce riche comme pour ce pauvre; car ils ont les mêmes sentiments : ils sont détachés tous les deux des richesses, des plaisirs, des satisfactions de la terre. Ils pratiquent tous les deux la pauvreté avec gaieté d’âme, l’un par nécessité et l’autre volontairement. Ils assistent les pauvres chacun selon leurs facultés. Ils n’ont qu’un seul bien, un seul trésor, une seule pensée, Dieu. O heureux et mille fois heureux ces deux pauvres, le royaume des cieux est pour eux!
« O riches! Entrez dans les vues de la Providence. Quand elle vous a donné les biens que vous possédez, elle ne vous les a point livrés pour que vous preniez vos plaisirs, vos commodités, vos aises; elle vous les a livrés pour que vous en soyez les économes, et les instruments de sa sollicitude envers ceux qui n’en ont point. Auriez-vous le cœur assez dur, quand vous êtes dans l’abondance, de refuser assistance aux malheureux, qui frappent à votre porte, quelquefois dans les plus pressants besoins, dénués de tout ou dévorés par la faim? Quelles excuses apporteriez-vous? Les dépenses de vos maisons, l’éducation et l’établissement de vos enfants et mille autres raisons? Vous dites vrai, les dépenses de vos maisons sont considérables; mais ne pouvez-vous pas supprimer une grande partie de ces dépenses dans vos festins, dans vos réunions, dans vos soirées, dans vos parures, dans votre suite? Supprimez ces dépenses inutiles, versez alors le superflu dans les mains des pauvres; vous n’enlèverez rien à l’éclat de votre rang, loin de là; vous lui donnerez un éclat qui ne frappera pas seulement les yeux des hommes, mais qui pénétrera les cieux. Privez-vous de toutes ces satisfactions inutiles de chaque jour, et vous aurez suffisamment pour secourir les pauvres, et ces pauvres prieront pour vous. vous pourrez encore élever vos enfants, leur donner une éducation plus ferme et plus solide, en leur apprenant à marcher sur vos traces dans la simplicité, dans l’amour des pauvres, dans la pratique des vertus. Dieu vous bénira et bénira vos enfants, et il vous facilitera l’établissement de votre famille, et vous la verrez grandir et se multiplier portant avec elle les heureux résultats des bénédictions divines.
« Sachez que Dieu ne vous a donné vos richesses que pour secourir les pauvres. Il leur commande de vous tendre la main, il vous commande de leur venir en aide. C'est là, pour vous, un devoir de justice. En faisant cela, vous ne mériterez pas de récompense; si Dieu veut vous récompenser pourtant, ce n'est que parce qu'il a pris engagement de le faire.
« Voilà donc les devoirs du chrétien : il ne doit point s’attacher aux richesses, il ne doit point les désirer. S'il est riche il doit secourir les pauvres; s’il est pauvre, il doit ne point ambitionner le bien des riches, mais espérer sur la miséricorde et la providence de Celui qui nourrit les oiseaux des champs. Dieu a bien disposé toutes choses par sa sagesse. Il demandera au riche compte de l’administration de ses biens, il demandera au pauvre compte de sa soumission.
« Ne l’oubliez pas, ma fille, les richesses sont l’occasion de la ruine d'un grand nombre. Heureux qui ne succombe pas à la tentation de désirer les richesses! Heureux qui ne s’y attache pas quand il les possède! Heureux qui ne veut, ne désire, ne cherche, ne convoite d’autres biens que ceux de l’éternité.

LIVRE DOUXIÈME, chapitre 4

J’avais assisté un jour à l’enterrement d'une femme. Pendant que je priais pour elle et que je demandais à Dieu de lui faire miséricorde, j’entendis le Sauveur Jésus qui me parla ainsi :
« Ma fille, il y a trois sortes de mort : la mort naturelle, la mort spirituelle et la mort éternelle. La mort naturelle est la séparation de l’âme et du corps; la mort spirituelle est la séparation de l'âme et de la grâce par le péché; la mort éternelle est la séparation de l'âme et de Dieu par la punition éternelle du péché.
« La mort naturelle, ma fille, est la séparation de l’âme et du corps; cette mort est la première punition portée contre le péché. Le péché a été la cause de la mort. l'homme n’était point destiné à mourir, mais, parce qu'il s'est révolté contre Dieu, il a été condamné à la mort.
« Tous les hommes sont condamnés à la mort naturelle parce qu'ils ont tous péché en Adam. Les grands et les petits, les savants et les ignorants, les riches et les pauvres, les potentats et leurs sujets, tous sont marqués du signe de la mort et pas un ne lui échappe. Chacun disparaît tour à tour, et chaque jour est un pas de plus vers la mort.
« Tous les hommes sont condamnés à la mort naturelle, l’arrêt est porté contre tous; mais nul ne connaît, à moins d’une révélation spéciale, ni le jour, ni l’heure, ni la manière, ni le lieu de sa mort. la mort arrive comme un voleur; elle surprend, quand on y pense le moins, le plus souvent alors qu’on se promet quelquefois encore une longue existence. La mort arrive et ruine tous les plaisirs de la vie, les richesses de la vie, les honneurs de la vie, la force et la vigueur de la vie; elle ne laisse rien de l'homme qu'un cadavre; elle ne laisse qu'une vile pâture pour les vers du tombeau.
« La mort spirituelle est la séparation de l'âme et de la grâce de Dieu. votre âme, ma fille, est immortelle; elle n’a pas besoin comme votre corps d’être vivifiée par un principe supérieur à elle-même; elle ne se crée pas elle-même, elle vient de Dieu; mais Dieu crée l'âme pleine de vie, et la vie que Dieu donne à l'âme est une vie immortelle. Cette vie de l’âme n'est pas pourtant sa vie véritable; il y a une vie préférable à cette vie, une vie plus élevée, plus précieuse, qui lui est communiquée et qui devient sa propre vie, que l'âme peut posséder et perdre une fois qu'elle l’a reçue. Cette vie lui est donnée par la grâce sanctifiante dont je vous ai déjà entretenue.
« La grâce sanctifiante est la vie spirituelle et surnaturelle de l'âme. Elle lui est donnée par le baptême et les autres sacrements; elle lui est enlevée par le péché mortel. Toute âme qui est en état de péché mortel a perdu la vie de la grâce. Il y a incompatibilité radicale entre la vie de la grâce et le péché mortel. Aussi toute âme qui est en état de péché mortel est morte à la vie de la grâce, bien qu'elle conserve sa vie naturelle, qui lui a été donnée au moment de sa création.
« Cette mort est terrible et souverainement déplorable, parce qu'elle peut fixer l'âme dans la mort éternelle.
« La mort éternelle, ma fille, est la séparation éternelle de l'âme d’avec Dieu par la punition que Dieu inflige à l'âme en état de péché.
« Quand une âme est séparée du corps qu'elle vivifiait et qu'elle apparaît devant Dieu, son sort est immédiatement fixé et pour l’éternité. Si elle est unie à Dieu par la grâce sanctifiante, elle sera éternellement heureuse et jouira éternellement de la vue de Dieu; si elle est séparée de Dieu, non par le péché mortel, mais par la peine due à ce péché qu'elle n’a point expié ou par le péché véniel, cette séparation ne sera que temporaire, elle est unie à Dieu par la grâce sanctifiante; Dieu, après lui avoir fait expier ce qu'elle doit à la justice divine, l’appellera dans ses tabernacles éternels; si cette âme, au contraire, est séparée de Dieu par le péché mortel et qu'elle soit trouvée dans cet état au moment où il lui demandera compte de sa vie dans le temps, elle sera éternellement damnée. La vie de la grâce a fui de cette âme, la mort du péché l’a pénétrée tout entière; elle restera éternellement dans cette mort, et cette mort éternelle sera punie par une peine qui n’aura jamais de fin.
« Tous doivent mourir, mais seulement de la mort naturelle. Nul n’y peut échapper, mais tous doivent fuir les deux autres. Or, pour cela, le meilleur moyen, c'est de penser souvent à la première, à la séparation de l'âme et du corps. La pensée de la mort détache en effet du monde, de ses pompes, de ses plaisirs et de ses joies, qui sont causes de péché, de mort spirituelle et éternelle.
« La pensée de la mort ferme l’oreille aux tentations de Satan, arrête les mouvements de la concupiscence, résiste au péché, cause de la mort spirituelle et de la mort éternelle.
« La pensée de la mort est une arme contre l’orgueil, l’avarice, la luxure, l’envie, la gourmandise, la colère et la paresse, qui causent la mort spirituelle et la mort éternelle.
« Tout péché vient de ce qu’on oublie la mort. Celui qui y pense ne pèche point, parce que l'homme aime la vie, chérit la vie, désire la vie, et qu’en péchant il perd la seule vie véritable, la vie de l'âme et la vie de la gloire.
« Quand on a sous les yeux la pensée de la mort, on voit la vanité du monde, la vanité de ses plaisirs, la vanité de ses richesses, la vanité de tout ce qui est en lui; on fuit le monde et tout ce qui est du monde pour s’attacher à Dieu.
« Quand on a sous les yeux la pensée de la mort, on voit son néant, le néant des richesses, le néant de l’amour-propre, le néant des plaisirs charnels, le néant des satisfactions de l’esprit et du cœur; on fuit le tout pour s’attacher à Dieu.
« De quelle utilité ne sera donc pas pour vous, ma fille, la pensée de la mort, puisqu’elle vous fera fuir le péché et toutes sortes de péché?
« En quelque position que vous vous trouviez, la pensée de la mort vous sera salutaire.
« Si vous êtes dans la peine, vous vous direz à vous-même en pensant à la mort : Courage, mon âme, la mort viendra bientôt; si nous supportons bien ces peines elle y mettra fin pour toujours.
« Si vous êtes dans la joie, vous vous direz à vous-même en pensant à la mort : O mon âme ! la joie que nous avons sur cette terre passera bientôt; ne nous y attachons point, mais faisons le bien pour avoir une joie qui ne passera jamais.
« Si vous êtes dans l’accablement et le dégoût, vous vous direz à vous-même en pensant à la mort : Allons, mon âme, travaillons avec ferveur afin que la mort, à son arrivée, ne nous trouve point les mains vides.
« Si vous êtes dans le péché, vous vous direz à vous-même en pensant à la mort : O mon âme! sortons de cet état, revenons à la vie de la grâce pour ne point tomber dans l’éternelle mort, et demeurer unie à Dieu pour jamais.
« Si vous commencez à marcher dans la voie du salut, si vous combattez depuis peu les combats du Seigneur, vous vous direz à vous-même : O mon âme! courage contre nos passions, courage contre Satan et le monde, courage contre nos faiblesses; luttons et marchons toujours, selon le désir de Dieu, dans le bien et la vertu pour acquérir la vie de l’éternité.
« Si vous êtes déjà avancée dans la voie du bien et de la sagesse, vous vous direz à vous-même en pensant à la mort : O mon âme! acquérons toutes sortes de vertus, faisons-nous des trésors que la rouille et les voleurs ne feront point disparaître; la mort peut arriver sans tarder, ne perdons pas de temps.
« Si vous marchez à grands pas dans le chemin de la perfection, vous vous direz à vous-même en pensant à la mort : O mon âme, qu'il est doux d’être uni à Dieu! redoublons d’efforts pour mériter de le posséder à jamais, donnons-lui tout ce que nous avons, ne disposons de rien que pour lui, vivons pour lui, pour mourir en lui et vivre à jamais avec lui.
« Ainsi, ma fille, la pensée de la mort ne fait pas seulement éviter le péché, elle fait encore pratiquer le bien, elle fait acquérir toues sortes de vertus et mène, par conséquent, droit à la vie éternelle par la conservation et l’augmentation de la vie spirituelle par la grâce sanctifiante.
« Pensez ainsi à la mort, ma fille, et quand l'heure de votre trépas viendra, vous ne tremblerez point comme les pécheurs, mais vous espérerez comme les justes ; vous ne serez point troublée comme les pécheurs, vous serez calme comme les justes.
« À l'heure de la mort, quels regrets pour le pécheur qui a fait un si mauvais usage de la vie, qui a abusé de mes grâces, qui a commis plus de péchés qu'il ne porte de cheveux sur sa tête! Quelle consolation pour le juste qui a consacré à Dieu tout son temps, son enfance, sa jeunesse, son âge mûr et sa vieillesse, qui a correspondu aux grâces de Dieu et qui a embelli son âme de toutes sortes de vertus!
« À l'heure de la mort, quelle peine horrible pour le pécheur qui souffre dans tout son corps les douleurs de sa maladie; dans son esprit les douleurs du remords de son iniquité; qui doit se séparer pour toujours de ses parents, de sa famille, de ses biens, de tout ce qui lui est cher, et qui désespère d’obtenir son pardon et sa grâce! Quelles douces consolations pour le juste qui voit dans ses souffrances une source de nouveaux mérites, qui jouit de la paix de l'âme et qui met toute sa confiance en Dieu, qu'il aime de toutes ses forces!
« À l’heure de la mort, quel effroi pour le pécheur qui entend déjà le jugement que Dieu prononce contre lui, qui entrevoit l’enfer entr’ouvert sous ses pas pour une éternité.
« À l’heure de la mort, quelle fête pour le juste! Il sait que Dieu est juste, bon et miséricordieux; il sait que Dieu aime les âmes de bonne volonté, qu'il a promis la récompense de l’éternité au serviteur fidèle; il s’abandonne à lui, remet son esprit entre ses mains divines et meurt en paix.
« Oui, ma fille, autant la mort est terrible pour le pécheur, autant elle est douce pour le juste, qui, bien loin de la redouter, la désire de tout son cœur et avec raison.
« La mort, en effet, délivre le juste des tentations et du danger de perdre son salut : voilà pourquoi il la désire comme un bien et le plus précieux des biens.
« La mort le délivre des souffrances du corps, de l’esprit et du cœur : voilà pourquoi il la désire comme un bien et le plus précieux de tous les biens.
« La mort le délivre de sa misère, de sa pauvreté, de son dénuement. Il ne possède pas Dieu tant qu'il possède la vie, la mort va le lui donner; voilà pourquoi il la désire comme un bien et le plus précieux des biens, puisqu’elle va lui donner Dieu, le seul bien véritable.
« Vivez dans la justice, ma fille, et vous désirerez mourir; vivez dans la justice, et la mort sera pour vous pleine de douceur; vivez dans la justice, la mort vous unira à Dieu pour toujours. »

LIVRE DOUXIÈME, chapitre 5

Le Sauveur Jésus m’a dit un jour : « Ma fille, tout homme est jugé par moi après sa mort et reçoit la récompense ou la peine qu'il a méritée.
« Un autre jugement viendra après ce premier jugement. Il aura lieu à la fin des temps, et ne sera que la confirmation de mon premier jugement sur chaque âme en particulier. Il sera en tout semblable au premier; seulement, il sera prononcé sur tous les hommes et devant tous les hommes à la fois, condamnant les uns à la peine éternelle de l’enfer, appelant les autres à la félicité suprême du ciel. Ce jugement sera prononcé aussi sur les anges et devant tous les anges de l’enfer et du ciel, pour assurer aux uns la possession éternelle du paradis et lancer les autres dans les flammes éternelles de ma justice.
« Mon Père, ma fille, ne juge personne, mais il m’a donné l’autorité pour juger toutes choses, et je les jugerai dans ma sagesse et ma justice.
« L'homme livré à sa liberté commet le mal ou opère le bien. Or, ma fille, ma sainteté doit éloigner d’elle à jamais tout ce qui est mal et s'unir au contraire tout ce qui est bien. L'homme livré à sa liberté opère le bien ou fait le mal. Or, ma fille, il faut que l'homme sache ce qui a été bien et ce qui a été mal en lui; par lui-même il ne peut le savoir, il faut que je le lui apprenne. L'homme livré à sa liberté opère le bien ou le mal; il faut que le bien soit récompensé et le mal puni. C'est moi qui lui donnerai en le jugeant sa récompense ou sa punition. L'homme livré à sa liberté opère le bien et tend vers Dieu, son principe; opère le mal et s’éloigne de Dieu. C'est moi qui l’établirai à jamais, non dans la possession de la gloire de Dieu, mais dans la malédiction de la justice, s'il a fait le mal.
« Ce jugement sera infaillible. Ma lumière éternelle brillera sur toutes les âmes, et j’en pénétrerai les plis les plus secrets. Je commanderai à ma lumière, et elle montrera à mes yeux tous les crimes ou les vertus des hommes, toutes mes grâces reçues avec piété ou repoussées et devenues inutiles. Je verrai toutes les actions des hommes et je les jugerai.
« Ce jugement, ma fille, sera sévère. Car je ne jugerai pas seulement en mon nom, mais au nom de Dieu, mon Père, qui m’a donné son jugement. Il sera dicté par la justice. Je dirai aux justes : Venez, les bénis de mon Père, jouir de la récompense qui vous a été destinée dès l’éternité. Je dirai aux pécheurs : Allez, maudits, au feu éternel.
« Le ciel s’ouvrira pour tous mes élus, et les abîmes engloutiront Satan et les damnés.
« En ce jour, ma fille, les pécheurs ne pourront plus implorer ma miséricorde; je serai inexorable et laisserai ma justice suivre son cours.
« En ce jour, les plaies de ma passion brilleront d'un éclat si grand, que les astres des cieux pâliront devant leur clarté; ma croix sera le sceptre puissant que je porterai dans mes mains il abritera les justes et renversera les pécheurs.
« En ce jour, je dévoilerai toutes les turpitudes, tous les crimes, tous les péchés des damnés, toutes les vertus, toute la perfection et toute la justice des élus.
« En ce jour je détruirai le temps, et l’éternité poursuivra son cours.
« Vivez, ma fille, de telle sorte que le jour du jugement ne soit point pour vous un jour d’éternelle confusion. »

LIVRE DOUXIÈME, chapitre 6

Il dit un autre jour : « Ma fille, rien de souillé n’entrera jamais dans le royaume du ciel. Or, l'âme est souillé non-seulement par le péché mortel, mais encore par le péché véniel et les imperfections. Savez-vous, ma fille, ce que devient une âme quand elle est séparée de son corps et qu'elle est souillée par des péchés véniels ou des imperfections? Elle ne va point en enfer, parce que l'enfer est réservé pour celles qui ont commis le péché mortel et qui sont mortes en cet état. Elle va dans le purgatoire, c’est-à-dire là où Dieu la place pour expier ses souillures et les faire disparaître toutes. C'est là encore que Dieu retient les âmes qui n'ont point encore satisfait à sa justice pour leurs péchés mortels, mais qui en ont reçu le pardon par l'absolution du prêtre ou un acte de contrition parfaite avant de mourir. Ainsi, ma fille, toutes les âmes des justes en état de péché véniel ou coupables de quelque imperfection, toutes les âmes justes qui n'ont point entièrement satisfait à la justice de Dieu vont au purgatoire expier leurs péchés et rendre satisfaction à Dieu.
« Toutes les âmes du purgatoire sont en état de justice : elles ont la vie de la grâce, elles sont confirmées en grâce, elles ne peuvent ni pécher ni commettre aucune sorte de mal. Elles aiment Dieu par-dessus tout et de l’amour le plus pur, et ne peuvent point ne pas l’aimer. Elles tendent vers Dieu, elles soupirent vers lui, mais ne peuvent encore aller à lui. Elles doivent expier, et elles expient au purgatoire.
« La peine de ces âmes est double : elles souffrent la peine de la privation de Dieu; elles souffrent aussi la peine du feu.
« La peine qu’elles éprouvent de la privation de la vue de Dieu est au-dessus de tout ce que vous pouvez vous figurer, ma fille. Ces âmes, en effet, comprennent en ces lieux quel est le prix de la possession de Dieu; elles ne tiennent à rien, si ce n'est à Dieu; elles n’aiment rien, si ce n'est Dieu; elles voudraient le posséder, et sont retenues captives loin de lui. Leur amour pour Dieu est si grand, qu'elles souffrent infiniment d'être séparées de lui. Sur la terre, elles n’ont point avisé à ces petites fautes qui offensent Dieu; dans le purgatoire, elles les expient par une séparation temporaire de Dieu.
« À cette peine tout intérieure se joint la peine du feu, qui leur cause des tourments affreux. Le feu du purgatoire, ma fille, est au-dessus de tous les feux de la terre; le feu du purgatoire fait plus souffrir ces âmes que tous les martyres, toutes les maladies, tous les maux de la terre réunis sur un seul homme pour l'accabler et le torturer.
« O ma fille! Que cette pensée du purgatoire vous porte à fuir, non-seulement le péché véniel, mais encore les plus petites imperfections. Qu’elle vous fasse expier aussi toutes les fautes de votre vie, afin qu’à l’heure de votre mort vous puissiez entrer dans le ciel sans souffrir les tourments du purgatoire.
« Méritez cette grâce par la perfection de votre conduite. Dans le purgatoire, vous ne pourriez point mériter par vous-même la diminution de vos peines; mais sur la terre, vous pouvez entièrement satisfaire à Dieu pour ne point satisfaire dans l’éternité; vous pouvez satisfaire aussi pour les âmes du purgatoire en offrant à Dieu vos actions, vos bonnes œuvres, vos communions, en gagnant des indulgences et les appliquant à ces âmes. Priez pour ces pauvres âmes, soulagez-les au milieu de leurs tourments. Vous ne sauriez rien faire qui pût m’être plus agréable, car j’aime ces âmes, et je désire leur donner au plus tôt la gloire du paradis. Vous ne sauriez rien faire de plus avantageux pour vous, car ces âmes s’en souviendront au ciel et ne cesseront de prier pour vous, afin de vous obtenir toutes les grâces de Dieu qui vous seront nécessaires pour marcher constamment dans le bien. »

LIVRE DOUXIÈME, chapitre 7

Le jour de la Toussaint, je m’étais réveillée de grand matin. Je me rendis près du Sauveur Jésus. Je méditai sur le mystère du jour. Dieu me laissa entrevoir combien il est admirable dans ses saints et quelle grande récompense il leur donne dans le ciel. J’entendis ensuite la voix du Sauveur Jésus. Il me dit : « Dieu, ma fille, fait paraître sa miséricorde sur la terre et dans le ciel. Elle paraît sur la terre, car il a donné à l'homme un Sauveur qui a réparé sa faute. Ce Sauveur, c'est moi, Fils de Dieu, Dieu comme mon Père, égal en tout à mon Père. J’ai pris la nature de l'homme, le corps de l'homme, l'âme de l'homme. J’ai souffert, je suis mort pour l'homme. À cause de ma mort, Dieu a pardonné à l'homme; à cause de ma mort, il a rendu à l'homme sa première dignité; à cause de ma mort, il a augmenté la grandeur de l'homme à ce point qu'il a adopté l'homme pour son Fils, et a voulu que l'homme le nommât son Père. Voilà ce que Dieu fait pour tout homme sur la terre, voilà l’œuvre par excellence de la miséricorde de Dieu.
« La miséricorde de Dieu paraît aussi dans le ciel, où il comble les saints de gloire et de bonheur, il leur accorde ce qu'il leur avait promis pour récompenser leur fidélité. Dans le ciel, y a divers degrés dans la félicité des élus. Dieu les glorifie selon qu'ils l’ont eux-mêmes glorifié sur la terre. La sainte Vierge tient la première place dans le ciel, après la sainte Trinité. Au-dessous de Marie viennent les patriarches, les prophètes, les Apôtres, les vierges, les martyrs et tous les autres saints du paradis. Parmi eux, chacun occupe un trône que Dieu a rapproché de lui, selon la grandeur de leur sainteté respective, et tous, malgré cette diversité de gloire, sont parfaitement heureux et ne désirent rien de plus. Ils voient Dieu face à face, ils le possèdent, et cette vue, et cette possession font leur félicité, félicité parfaite, félicité sans peine d’aucune sorte, félicité sans douleur, félicité inaltérable, félicité perpétuelle et permanente, félicité éternelle, félicité toujours égale et toujours nouvelle. Ah! si les hommes savaient combien est grande la félicité au ciel, ils feraient tous leurs efforts pour la mériter. Toutes les peines, tous les sacrifices, toutes les tribulations de la vie ne sont rien pour la possession de la félicité du ciel; c'est moins qu'une obole avec laquelle on acquerrait l’empire du monde entier. Ayez toujours les yeux tournés vers le ciel, ma fille; pensez au bonheur qui vous attend; soyez à Dieu dans le temps, il sera à vous dans l’éternité.
En ce moment le prêtre montait à l’autel pour offrir le saint sacrifice. Je ne dirai point dans quel état m’avait mise la parole du Sauveur Jésus. Je ne pus ni ouvrir mon livre ni faire de prière, je dus m’abandonner à l’attrait du moment qui m’absorbait tout entière. Je me sentis pénétrée, non par les sentiments venus de mon âme, mais par une force intérieure que je n’avais jamais ressentie encore, et qui devait venir d’en haut; je me sentis pénétrée de vifs sentiments de componction, et mon cœur en souffrit à ce point que je crus qu'il allait se briser. Je fus ensuite saisie du plus profond respect pour la présence de Dieu, pour sa grandeur et sa majesté; j’aurais voulu m’anéantir devant lui. À la consécration, je vis Jésus descendre sur l’autel couvert de gloire et les mains pleines de grâces. Un ange les prit des mains du Sauveur et les répandit sur les fidèles, puis il s’avança vers moi et me présenta une coupe en disant : Voici les grâces privilégiées que le Sauveur Jésus vous envoie. J’approchai mes mains de cette coupe et je sentis, non d'une manière sensible mais spirituelle, ces grâces inonder mon âme et la remplir presque au-delà de ce qu'elle pouvait en contenir. Après cela, l’ange mit sa main sur ma bouche, comme pour montrer que toutes ces grâces devaient rester en moi. Combien je me trouvai heureuse alors. Toute mon âme, tout mon cœur, tout mon être me sembla transformé. Mon âme était pleine de Dieu, mon cœur plein de Dieu, tout mon être plein de Dieu. Je ne pouvais tirer mes regards de la personne de Jésus, tant il y avait en lui de bonté, de douceur, d’amabilité. Je ne pouvais parler, je fis pourtant un effort, et au moment de la communion du prêtre, je dis à Jésus : Seigneur, répandez aussi vos grâces sur votre serviteur : je voulais dire mon pasteur. Il écouta ma prière. Je le vis prendre la coupe que l'ange tenait dans ses mains, lever les yeux au ciel, bénir cette coupe et la présenter lui-même à son ministre, sur la bouche duquel il posa lui-même sa main, comme l’ange l’avait posée sur la mienne.
Je m’avançai ensuite vers la table sainte pour recevoir Jésus en communion. Il descendit dans mon cœur et s'y plaça sur un trône, comme il était avant placé sur l’autel. Là, je reposai près de Jésus et m’endormis comme un enfant près de sa mère, cependant ce sommeil n’était pas un sommeil véritable. Je dormais et je voyais, j’entendais, je comprenais toutes choses; cela n’était, par conséquent, pas un sommeil. Ce n’était pas le réveil non plus. Qu’était-ce? Je ne sais. Ce n’était ni vie, ni sommeil, ni mort, et je ne puis dire autre chose sinon que Jésus était dans mon cœur et que mon bonheur était au-delà de tout ce que peut exprimer la langue des hommes.
J’entendis alors des voix qui criaient bien fort : Ayez pitié de nous, ayez pitié de nous, vous qui nous aimez. Ces paroles firent sur moi une profonde impression, et je priai le Sauveur pour les âmes qui imploraient ma pitié. Je le priai, mais ma prière était trop fondée sur moi; je priai comme si j’avais droit d’être exaucée. Jésus ne m’écouta point. Je craignais alors de l’avoir offensé et lui demandai si je m’étais rendue coupable. Jésus me regarda doucement et me dit : « Non, ma fille. » Mais, ne sachant comment expliquer le refus de ma prière, je lui demandai une seconde, une troisième fois, si je m’étais rendue coupable. Il me répondit avec la même douceur : « Non, ma fille. — Pourquoi donc, Seigneur, ne m’avez-vous point écoutée? — C’est uniquement pour vous montrer que quand bien même je me plais à vous combler de mes plus grandes faveurs, il ne vous est rien dû. Restez toujours dans les sentiments de la plus profonde humilité. »
Puis il ajouta : « Pour qui me prenez-vous, ma fille? » Je lui répondis : Pour mon Dieu. » — Pourquoi, pour votre Dieu? — Parce que vous êtes tout-puissant. — Où reconnaissez-vous ma toute-puissance? — En ce que vous pouvez tout ce que vous voulez. — Pourquoi me priez-vous? — Parce que vous êtes mon Dieu, parce que vous êtes tout-puissant, parce que vous pouvez m’accorder tout ce que je vous demande. — Que me demandez-vous? — Seigneur, je vous demande la délivrance de toutes les âmes du purgatoire. — Puis-je vous accorder cela, ma fille? — Oui, Seigneur, si vous appliquez vos mérites à ces âmes. — Ne voulez-vous donc que des jugements de miséricorde? Et la justice de Dieu? — Seigneur, vos mérites ont plus que suffisamment donné satisfaction à la justice de Dieu. — Un grand pécheur qui se sera converti à l’heure de la mort, après avoir commis de nombreuses fautes, peut-il donc être admis immédiatement dans le ciel, sans donner lui-même satisfaction! — Non, Seigneur, mais en vue de vos mérites, que je vous prie de lui appliquer, Dieu peut le délivrer de sa peine et lui ouvrir le ciel.
En ce moment, je vis la figure du Sauveur devenir grave et sérieuse. « Ah! ma fille, me dit-il, combien sont nombreuses les âmes qui retardent la gloire qu’elles rendraient à Dieu, et qui négligent de profiter des moyens de sanctification que je leur donne pour expier tout ce qu'elles doivent à la justice divine. Elles paraissent au tribunal de Dieu chargées de dettes envers lui. Mais voyez quelle est la charité de Dieu pour ces âmes, de permettre que d’autres prient pour elles et hâtent ainsi leur délivrance. »
Jésus resta dans mon cœur. Un ange me prit par la main et me conduisit je ne sais où. Nous gravîmes d’abord une hauteur fort élevée; au milieu de la plaine qui s’étendait sur cette hauteur, je vis un immense précipice taillé en forme de tour. Il en sortait une fumée abondante. J’examinai cela avec effroi. Mon effroi redoubla quand je vis Jésus sortir de mon cœur pour gagner l’extrémité opposée du précipice, où une multitude de jeunes hommes, tête nue, et revêtus de robes blanches vinrent l’entourer. Ne craignez rien, me dit l’ange qui me guidait, venez, suivez-moi. L’ange descendit un escalier taillé le long du mur qui entourait l’abîme; je descendis avec lui à une très-grande profondeur. Là, nous trouvâmes une porte fermée, l'ange l’ouvrit et je vis un grand feu comme je n’en avais jamais vu, et, au milieu de ces flammes, des personnes sans nombre affreusement torturées. Leur état me toucha à ce point que je versai des larmes, ce que je ne fais pas facilement, et je m’écriai : Ah! mes frères, combien vos tourments sont grands! Que Dieu vous fasse miséricorde. L'ange referma la porte; nous remontâmes du côté opposé à celui par lequel nous étions descendus, et nous arrivâmes près du Sauveur Jésus, qui était encore entouré des jeunes hommes que j’avais aperçus.
Ils étaient venus là pour offrir à Jésus toutes les prières de l’Église en faveur des âmes du purgatoire.
« Apportez la grande balance de la justice, dit le Sauveur Jésus. » Deux anges, suivis de la sainte Vierge Marie, apportèrent la balance de la justice. Les jeunes hommes vêtus de blanc, qui étaient des anges aussi, je pense, mirent d'un côté les prières des fidèles. Les anges de la justice placèrent du côté opposé une immense quantité de papiers écrits qui étaient l’inscription des dettes qu’avaient encore à payer les âmes du purgatoire, et les prières des fidèles se trouvèrent plus légères que les écrits déposés par les deux anges.
Mais Marie, se plaçant en face de son Fils, posa la main du côté des prières des fidèles, et leur valeur surpassa de beaucoup le poids des papiers écrits.
Jésus regardant avec bonté sa mère lui dit : « Soyez toujours la Mère de la miséricorde. »
Les jeunes hommes se précipitèrent dans l’abîme plusieurs fois et en ramenèrent toujours une victime, qu'ils revêtaient d'une robe blanche comme la leur et qu'ils présentaient ensuite à Marie. Marie l'embrassait avec amour, mettaient entre ses mains un papier blanc, et puis demandait pour elle à son Fils une bénédiction éternelle.
Ce spectacle n’était point du temps, mais de l'éternité. Sa vue me combla de satisfaction et augmenta la paix de mon âme.

LIVRE DOUXIÈME, chapitre 8

Je priais un jour devant le Saint-Sacrement et demandais à Dieu de me tenir toujours unie à lui par la charité. Le Sauveur Jésus me fit entendre sa parole dans mon cœur : « Ma fille, me dit-il, vous avez bien raison de demander la charité. C'est le bien le plus précieux de l'âme sur la terre et dans l’éternité; au ciel elle n’aura rien que la charité, mais cela lui suffira pour la rendre heureuse pendant les siècles des siècles.
« Celui qui n’a pas la charité est le plus malheureux des hommes sur la terre; celui qui meurt et n’a point la charité sera malheureux dans l’éternité. Dieu le séparera de lui et le plongera pour toujours dans l’abîme de l’enfer. L’enfer, ma fille, est un lieu de supplices que Dieu a créé dans sa justice pour les anges révoltés contre lui. C'est là qu'il punit aussi les pécheurs qui meurent sans s’être réconciliés avec lui. L’enfer diffère du purgatoire en ce que sa peine est éternelle, sans consolation ni espérance.
« Les peines de l'enfer consistent aussi dans la privation de la vue de Dieu et dans la souffrance du feu. Les âmes qui sont en enfer sont privées de la vue de Dieu; elles en sont privées pour toujours, et cette privation les accable de son poids éternel; car il n’y a plus pour elles espoir de le posséder jamais, mais certitude du contraire. Être éternellement séparé de Dieu, le maudire éternellement, éprouver éternellement la répulsion de Dieu, se voir éternellement au milieu des abîmes, victime éternelle de la haine et de la malédiction de Dieu, c'est là, ma fille, le plus grand supplice des damnés. Ici-bas, l'âme ne comprend point ce que c'est que la possession de Dieu; son corps lui voile les yeux et l’attache à la terre; mais dans l’enfer il n'y a plus de voile pour cette âme, et malgré les ténèbres impénétrables de ces lieux, elle voit, elle comprend qu’être séparé de Dieu, être privé de sa vue pour jamais, c'est le plus grand des malheurs.
« Les damnés sont encore soumis à la peine du feu. Ce feu, ma fille, a été allumé au souffle de la colère de mon Père. Il n'est point de feu qui lui puisse être comparé. Ce feu ne brûle point seulement par sa substance, mais il agit encore comme un instrument vivant et intelligent de la colère divine, pour torturer les âmes qu'il entoure et qu'il pénètre en tous sens. Si le feu de la terre vous parait si terrible que vous ne pourriez point supporter son action sur une partie de votre chair pendant une heure, que doit-ce être de ce feu bien plus actif et agissant sur toutes les parties des damnés? À ce feu se joindront tous les tourments, toutes les douleurs, toutes les afflictions qui peuvent être éprouvées par les damnés dans le corps et dans l’âme.
« La vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher des damnés seront atteints et pénétrés par toutes les souffrances les plus cruelles et les plus atroces.
« L’intelligence, la volonté, la mémoire seront livrées comme une vile pâture à la crainte, à la tristesse, aux regrets, à la haine, au désespoir. L’intelligence sera entourée de ténèbres épaisses, la volonté brisée par des contradictions perpétuelles, et la mémoire tourmentée par le souvenir perpétuel des plaisirs de la vie du temps, qui sont causes d'un éternel malheur.
« Tout reprochera aux damnés les actes de leur vie, le mépris de mes grâces, leur révolte contre mes lois.
« O souffrances affreuses du damné, et souffrances sans consolations! Sur la terre, quel que soit le malheur qui vous afflige, quelle que soit la douleur qui vous torture, vous avez au moins pour consolation l’espérance de voir vos peines finir; vous avez mes grâces qui vous aident à les supporter et qui tombent sur vous comme une rosée bienfaisante pour vous redonner force et courage; vous avez pour consolation l'attente du ciel, et vous supportez patiemment toutes vos afflictions.
« Dans le purgatoire, c'est une grande consolation pour les âmes qui y sont retenues d’avoir la certitude du ciel, de penser que leurs peines finiront; mais dans l’enfer, point de consolations. Dieu ne visite les damnés que dans ses fureurs, ses malédictions et ses vengeances, et les âmes qui sont séparées de lui, loin de pouvoir espérer un terme à leurs supplices, ont la certitude qu'ils ne finiront jamais.
« Être damné pour une éternité, pour une éternité être séparé de Dieu, pour une éternité être supplicié dans les flammes de l'enfer, quel désespoir!
« Combien de pécheurs qui pensent peu à cette éternité qui les attend. Ils seront surpris dans leurs péchés et leurs turpitudes, et ils se réveilleront dans la justice et les flammes de l'enfer. Quel réveil et quel désespoir!
« O ma fille! Pensez toujours à l’éternité. Unissez-vous toujours de plus en plus à Dieu; augmentez en vous la charité, fuyez l’enfer et préférez sur la terre la souffrance, la tribulation, la douleur, la croix; le chemin de la croix mène au ciel. »

LIVRE DOUXIÈME, chapitre 9

Le Sauveur m’a dit un autre jour : « Ma fille, j’ouvrirai ma bouche et je ferai entendre ma voix à celle que j’ai choisie pour augmenter et accroître l'étendue de mon royaume, et qui m’est devenue plus chère que l’or le plus pur, les diamants les plus fins et les pierres les plus précieuses. Mes paroles seront plus douces à son cœur que le miel le plus exquis.
« Je vous ai parlé, ma fille, des vérités révélées par la religion catholique, religion seule véritable et seule capable d’encourager, de consoler, de soutenir et de fortifier les hommes. Aujourd'hui, je veux vous parler de la vérité la plus consolante de toutes, de la récompense promise aux justes et aux saints.
« Vous ne pouvez comprendre ni vous figurer qu’imparfaitement le bonheur du ciel, la gloire du paradis, l’étendue et l'immensité de la récompense que Dieu donne à ceux qui le servent fidèlement. C'est dans le ciel que Dieu habite particulièrement, encore qu'il soit en tous lieux, car c'est là qu'il déploie la magnificence et les grandeurs de sa divinité. C'est là qu'il se révèle et qu'il se montre tel qu'il est, et face à face, à ses élus. L'âme, entièrement dégagée de ses liens, s’unit à Dieu, son principe et sa fin, pour ne faire qu'un avec lui, être couverte de l’éclat de la majesté divine par l'efficacité de cette union admirable.
« L'âme, dans cette vue qu'elle a de Dieu, vue intelligente et non-seulement sensible, trouve son bonheur parce qu'au ciel, voir, aimer et posséder Dieu, ou être heureux, jouir du souverain bonheur et de la suprême béatitude, c'est une seule et même chose.
« Elle se perd dans l’immensité de la divinité, où elle trouve son éternel repos. Elle se perd dans l’immensité du Saint-Esprit pour aimer Dieu le Père et Dieu le Fils, et trouve dans cet amour son éternel repos. Elle se perd dans la réparation de l'éternel sacrifice que j’offre à Dieu mon Père et trouve dans mes plaies son éternel repos.
« Elle regarde ma Mère que j’ai élevée sur le trône de ma divinité, elle regarde les patriarches et tous les saints de l’ancienne et de la nouvelle loi; elle écoute la voix des martyrs, des confesseurs et des vierges qui chantent la gloire de Dieu; elle regarde l’accord, l’harmonie et la paix dont jouissent tous les habitants du ciel et s’écrie : Mon Dieu, vous êtes trois fois saint! Mon Dieu, que votre bonté et votre miséricorde sont immenses! Mon Dieu, ma vie et mon bonheur éternel seront de vous voir, de vous aimer, de vous louer à jamais!
« Dans le ciel, ma fille, l'âme goûtera toutes sortes de biens et ne sera jamais soumise à aucune peine, à aucune douleur, à aucune contradiction. Le ciel, c'est Dieu, sa possession et sa vue. Or, Dieu est souverainement bon, il se donne tel qu'il est : à l’intelligence comme l’éternel objet de sa connaissance, à la volonté comme l’éternel objet de son amour.
« Ma fille, le ciel est le lieu de la récompense éternelle. Méritez-la par votre soumission à ma volonté, par votre amour envers mon Père, par votre correspondance à tous les dons du Saint-Esprit. Abandonnez-vous tout entière à Dieu mon Père; vivez pour lui sur la terre, afin de vivre avec lui dans l’éternité. Abandonnez-vous tout entière à moi qui suis votre Sauveur; je vous donnerai le mouvement sûr qui vous portera dans le sein de mon Père. Attachez-vous à moi; vous vous élèverez avec moi vers mon Père, et il vous révélera sa gloire et sa magnificence, parce que je vous présenterai à lui et que je lui rendrai témoignage en votre faveur. Abandonnez-vous tout entière au Saint-Esprit; le souffle de sa grâce brisera le souffle du monde, le souffle de Satan, et vous atteindrez le port de l’éternelle patrie.
« Courage, ma fille, combattez sans relâche les pénibles combats de la vie présente, et levez vos yeux et votre cœur vers les montagnes saintes d’où vous viendra le secours. Ne regrettez point les sacrifices que vous devrez vous imposer, les peines que vous devrez supporter, les contradictions de la vie; tout cela aura un terme, et vous trouverez en Dieu votre félicité sans bornes. »
Amour et reconnaissance à jamais à Jésus dans le sacrement de son amour. Amen.

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Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847) Empty Re: Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847)

Message par Her Mar 12 Avr - 8:39

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Livre 13
Le Passé figure de l'Avenir


LIVRE TREIZIÈME, Le passé figure de l’avenir.

Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.

Le Sauveur Jésus m’a tout appris. C'est lui qui a fait connaître à mon intelligence ces vérités admirables de l’ordre surnaturel qu'elle connaissait si peu; c'est lui qui, par des images, des figures des comparaisons, les a gravées ineffaçables dans mon esprit.
Il m’a dit un jour : « Ma fille, quand j’étais sur la terre, j’aimais à parler en paraboles; je veux aussi vous parler comme cela. »
Or, dans les instructions diverses que m’a données le Sauveur, il m’a souvent montré combien l’Ancien Testament était l’image du Nouveau; comment l’action de Dieu sur le peuple juif était la figure de son action sur les âmes.
Je vais rapporter tout ce qu'il ma dit de cette manière, autant que je pourrai me le rappeler et selon que je saurai m’exprimer.

LIVRE TREISIÈME, chapitre 1

Le Sauveur Jésus m'a dit un jour : « Ma fille, il est rapporté dans les saints Livres que Noé envoya une colombe de l’arche où il s’était enfermé pour ne point mourir dans le déluge, afin de connaître si les eaux avaient baissé, et que la colombe rentra dans l’arche portant dans son bec une branche d’olivier.
« Cette colombe est l’image de l’âme solitaire. Il n'est point nécessaire, pour trouver la solitude, de se retirer dans les couvents ou dans les cloîtres; on la trouve dans les villages, les cités, et même à la cour des rois; et, de toutes les solitudes, la meilleure et la plus utile est la solitude intérieure. Il est des âmes qui ont besoin de la solitude extérieure pour parvenir à l’intérieure; mais il en est d’autres qui se trouvent aussi solitaires au milieu du plus grand tumulte, du plus grand mouvement, que dans la profondeur d’un désert. L’âme solitaire fait ses délices de la solitude, car elle y trouve Dieu, et Dieu lui suffit; elle s’y unit à Dieu, et cette union lui suffit, rien ne l’y sépare de Dieu, et cette tranquillité est le seul objet qu'elle désire. Vivre pour Dieu, souffrir pour Dieu, mourir pour Dieu et se reposer en lui, voilà toute l’ambition de cette âme.
« Elle est simple et innocente comme une colombe, elle laisse son cœur tout ouvert à Dieu, elle le lui donne tout entier. Elle est timide et craintive comme une colombe, et cette crainte la rend sage, lui donne la victoire sur ses ennemis, parce qu'elle ne s’expose pas aux dangers. Elle craint le monde; elle n’ose y poser ses pieds; elle entre dans sa solitude, portant l’olivier de sa victoire sur le monde, sur ses ennemis, sur elle-même, et goûte à longs traits les douceurs suaves de l’amour de Dieu.
« Les mondains ne comprennent point les délices de la solitude et ressemblent au corbeau envoyé de l’arche et qui ne revient pas. La solitude est plus qu'un mystère pour eux; elle est un objet d’ennui, et ils dépensent dans le tumulte et les agitations de la terre leurs années et leur vie.
« Il y en a qui ont des yeux et ne voient point, des oreilles et n’entendent point, des mains et ne touchent point, des pieds et ne marchent point, des narines et ne sentent point, une bouche et ne parlent point. Mais l’âme solitaire, comme la maison d’Israël, a espéré dans le Seigneur; il est son appui et sa protection. L'âme solitaire, comme la maison d’Aaron, a espéré dans le Seigneur; il est son appui et sa protection. L'âme solitaire, comme ceux qui craignent le Seigneur, a espéré dans le Seigneur; il est son appui et sa protection.
« Aussi Dieu bénit l'âme solitaire, l'âme retirée en elle-même, comme il a béni la maison d’Israël, la maison d’Aaron et tous ceux qui craignent le Seigneur, grands et petits.
« Que le nombre des âmes solitaires et des âmes saintes croisse et se multiplie, afin que le nom du Très-Haut soit glorifié dans Sion et exalté dans Jérusalem. »

LIVRE TREISIÈME, chapitre 2

Le Sauveur Jésus me dit un jour : « La fille de Pharaon étant venue se baigner dans le Nil, aperçut, exposé sur l’eau, un enfant si beau, qu'elle le prit et le fit élever à la cour de son père. Cet enfant grandit, devint un homme fort et vigoureux et délivra les enfants de Jacob, ses frères, de la servitude des Pharaons. Pour quitter l’Égypte, il dut traverser la mer avec le peuple qu'il conduisait. Il étendit sa baguette sur les eaux, et elles s’arrêtèrent pour laisser un passage aux Israélites. Quand tous eurent atteint le bord, il étendit de nouveau sa baquette et les eaux reprirent leur cours, ensevelissant toute l’armée des Égyptiens qui s’étaient mis à la poursuite des Israélites.
« La fille de Pharaon qui va se baigner dans le Nil est l’image des pécheurs convertis, qui, venant se baigner dans les eaux salutaires de la pénitence, y trouvent la charité qui est plus belle de beaucoup que l’enfant exposé.
« Le pécheur converti prend la charité, la place dans son cœur, au milieu de ses passions; il l’élève, il la fait croître et grandir, il la défend contre elles, comme la fille de Pharaon défendait son protégé contre les Égyptiens qui se trouvaient à la cour de son père. La charité croît, se fortifie, et délivrant l'âme de ses passions, elle la tire de l’Égypte, figure du monde, pour lui faire embrasser la vie religieuse; ou bien de la vie de dissipation et de péchés, pour la mener au désert, c'est-à-dire pour la faire vivre d'une vie tout intérieure et retirée en Dieu. Mais, pour arriver au désert, il faut traverser la mer Rouge, image de la mortification. L'homme alors s’arme de la croix, et le passage de cette mer devient facile et aisé.
« Quand l'âme se trouve ainsi délivrée; quand elle a atteint le sol de la terre de sûreté, elle étend de nouveau la croix avec reconnaissance pour rapporter tout à Dieu; et les passions, les tentations, et Satan lui-même se trouvent désormais sans force ni puissance contre cette âme qui poursuit son chemin vers la terre promise, le ciel. »

LIVRE TREISIÈME, chapitre 3

Un autre jour le Sauveur Jésus m'a ainsi parlé : « Ma fille, les Israélites se trouvant dans le désert, sans nourriture, commencèrent à murmurer contre Dieu et contre Moïse, qui les avaient retirés de la servitude d’Égypte. Moïse essaya de calmer le peuple et pria le Seigneur, et Dieu envoya aux Israélites, malgré leur indignité, la manne pour les nourrir.
« Ne reconnaissez-vous point là, ma fille, la dégradation et l’ingratitude de l'homme? Ne voyez-vous point là l’image d’une âme convertie, qui a embrassée la vie intérieure? Dieu, pour l’éprouver, la prive de ses douceurs et de ses consolations, et cette âme s’impatiente, murmure et regrette les consolations du monde auxquelles elle a renoncé, comme les Israélites regrettaient les oignons d’Égypte.
« Que ceux qui sont dans l’affliction ou dans les épreuves imitent plutôt la conduite de Moïse. Qu’ils mettent en Dieu leur confiance; qu'ils espèrent tout de lui et il leur enverra toutes sortes de biens; il les comblera de tous ses bienfaits, et la grâce coulera sur eux comme une manne céleste qui leur donnera force, courage et vigueur pour traverser le désert de la vie. »
En une autre circonstance, le Sauveur Jésus me dit : « Ma fille, pendant que Moïse recevait de Dieu les lois qui devaient régir son peuple, les Israélites firent un veau d’or et l’adorèrent. Moise, descendant de la montagne, brisa ce veau d’or avec indignation.
« Quelle folie, quelle ingratitude et quel aveuglement dans les Israélites en agissant ainsi! Ainsi agissent les orgueilleux vis-à-vis de Dieu. Ils aiment à être élevés, à être honorés et glorifiés; ils se complaisent en eux-mêmes, et loin de rapporter à Dieu le bien qui est en eux ils se l’attribuent comme s’ils en étaient les auteurs véritables. Agir comme cela, c'est dérober à Dieu l’honneur qui lui est dû.
« Je viendrai comme Moïse briser ces ingrats, ces aveugles et ces orgueilleux, et ils ne se relèveront point.
« Ma fille, fuyez l’orgueil, les honneurs et l’estime des hommes; ne cherchez que l’humilité et l’oubli, et vous ne perdrez point la gloire seule véritable, qui consiste dans la vue, la possession et l’amour de Dieu.

LIVRE TREISIÈME, chapitre 4

« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, Josué succéda à Moïse, et fut placé par Jéhovah à la tête du peuple juif, qu'il introduisit dans la terre promise. Or, Moïse et Josué peuvent servir de modèles à tous ceux qui sont chargés de la conduite temporelle ou spirituelle des peuples.
« Ils sont les modèles des rois et de tous ceux qui sont établis sur la terre pour maintenir la justice dans la société. Quelle sagesse et quel désintéressement en eux! Leur désintéressement était le fondement inébranlable de leur sagesse. Que de potentats, que de princes, que de puissants, que de juges marqués du sceau de la folie à cause de leur cupidité! Cupidité de l’or et de l’argent, cupidité de leurs aises et de leurs plaisirs, cupidité de leurs passions et de leurs vices. Malheur à ces potentats, à ces rois, malheur à ces princes, malheur à ces puissants, malheur à ces juges! Ils sont établis pour faire régner la justice de Dieu sur la terre, et par eux l’injustice règne partout. Ils oppriment la veuve et l’orphelin, le faible et l’innocent.
« En vérité, je vous le dis, ces hommes sont fous; aussi au lieu de ramener les peuples à Dieu, ils les enchaînent pour les rendre tributaires de Satan. Qu'ils mettent la main sur leur conscience, qu'ils s’interrogent eux-mêmes et qu'ils répondent à celui qui leur demande à chaque instant du jour : Faites-vous régner la justice parmi vos peuples? Si vous voyez l’injustice, la détruisez-vous selon votre pouvoir ou bien ne cherchez-vous pas à l’augmenter? Un jour leur conscience s’élèvera contre eux avec la voix de tous ceux qu'ils ont opprimés.
« Les rois devraient avoir une seule vue, une seule idée, celle de soutenir parmi leurs peuples l’ordre et la justice; or, cet ordre et cette justice ne peuvent exister, ni être soutenus que par la conformité à l’ordre souverain, à la justice éternelle, Dieu. Le Seigneur a tracé aux princes et aux rois ses commandements, comme il les a donnés à Moïse et à Josué. S’ils les font observer comme eux, ils rendront leurs peuples heureux et feront couler dans tout leur empire le lait et le miel en abondance, c'est-à-dire que Dieu bénira le roi et les sujets, et les comblera de biens, comme les Israélites dans la terre promise. Les bons rois font les bons peuples, et les pervers les pervertissent.
« Moïse et Josué sont encore les modèles de ceux qui sont chargés de la conduite spirituelle des âmes. Ils avaient à gouverner et à maintenir un peuple grossier, difficile et opiniâtre, et tous leurs actes sont empreints néanmoins de sagesse, de douceur et de charité. Quand le zèle et l’intérêt de la gloire de Dieu les obligeaient à user de sévérité, ce n’était point par caprice ni par un mouvement de leur volonté propre, mais toujours selon l’esprit de Dieu, afin de rappeler les coupables à une sincère pénitence et de faire sur le reste du peuple une salutaire impression. Enfin, ils s’interposaient entre Dieu et le peuple pour fléchir la colère du Tout-Puissant par leurs prières et leurs larmes.
« Ainsi doivent faire les directeurs des âmes, en enseignant, en exhortant, en reprenant, en corrigeant, en punissant toujours avec sagesse, et surtout en priant beaucoup pour eux qu'ils dirigent, afin de fléchir la colère divine.
« S’ils font comme cela, Dieu les récompensera, quand même ils auraient obtenu peu de succès : par Dieu récompense toujours la bonne volonté et ne demande point le succès pour couronner ses serviteurs.

LIVRE TREISIÈME, chapitre 5

Voici ce que m’a dit un jour le Sauveur Jésus : « Après la mort de Moïse et de Josué Dieu suscita des chefs à son peuple pour le délivrer de l’oppression de ses ennemis.
« Jabin, roi de Chanaan, voulant opprimer les Israélites, Dieu donna pour chef à son peuple une femme nommée Débora, et cette femme gouverna avec empire ceux que Moïse avait eu tant de peine à contenir. Elle se mit à leur tête et marcha contre les Chananéens quelle mit en déroute. Sisara, commandant des troupes chananéennes, prit la fuite et se retira sous la tente d’Haber, ami de Jabin, où il s’endormit. Jahel, femme d’Haber, profita du sommeil de Sisara pour lui donner la mort en enfonçant un clou dans sa tête. Ainsi, par le ministère de deux femmes, Dieu délivra son peuple des Chananéens.
« Que de leçons admirables vous pouvez tirer naturellement de ce fait rapporté par les saints Livres! Ne voyez-vous point comment Dieu se sert des instruments les plus vils et les plus faibles en apparence pour opérer des prodiges? C'est une femme qu'il envoie à la tête de quelques hommes pour combattre un peuple puissant. C'est une femme qu'il donne aux Israélites pour leur assurer la liberté. C'est une femme aussi qui met à mort le chef de leurs ennemis.
« Ma fille, Dieu, par cet exemple, n’ôte-t-il point aux faibles tout faux prétexte pour excuser leur faiblesse, et ne condamne-t-il point les plus forts qui osent copter sur eux-mêmes quand il suffit de si peu de chose pour les renverser à jamais?
« Que les faibles espèrent en Dieu, ils pourront tout par Celui qui est et qui veut être leur force.
« Que les puissants cessent d’espérer en leur puissance, et s’ils se reposent sur elle, qu'ils s'y reposent non comme possédant cette puissance par ex-mêmes, mais comme l’ayant reçue de Dieu.
« Si vous êtes faible, ma fille, venez à moi, je serai votre force. Si vos sentez la force en vous, confiez-la moi, elle sera en bonnes mains et nul ne pourra vous la ravir.

LIVRE TREISIÈME, chapitre 6

Voici encore ce que m’a dit le Sauveur Jésus :
« Dieu ayant choisi Gédéon pour délivrer son peuple, lui envoya un ange pour lui intimer ses ordres. Gédéon se défiant de lui-même dit à l’ange : Donnez-moi un signe auquel je reconnaîtrai la mission que vous me donnez au nom du Dieu d’Israël. Laissez-moi offrir un sacrifice à Dieu, je retourne vers vous. Gédéon rentra dans sa maison et apporta près de l'ange la chair d’un chevreau et des pains azymes. L’ange lui dit alors : Mettez sur cette pierre ce que vous venez d’apporter. Gédéon ayant obéi, l'ange toucha avec l’extrémité de sa baguette le sacrifice de Gédéon et le feu sortit de la pierre qui portant l’offrande; tout fut consumé et l'ange disparut.
« La crainte de Gédéon, ma fille, figure ces âmes pusillanimes qui sont tout étonnées des grâces que Dieu leur accorde, et qui semblent ne savoir que devenir après un tel bienfait.
« Mais il y avait encore plus de prudence et de sagesse que de crainte dans la conduite de Gédéon, qui voulait s’assurer de la volonté bien expresse de Dieu. Grande et admirable leçon pour ceux qui Dieu appelle à diriger et à commander autrui! Il ne faut point ambitionner le commandement ni l’autorité. Il ne faut le prendre et l’accepter qu’autant qu'on se voit appelé véritablement de Dieu.
« Ce n'est pas à dire pour cela qu'il faille demander à Dieu un miracle pour connaître sa volonté; ce serait de la présomption.
« Il suffit d’avoir une certitude morale de cet appel de Dieu par les circonstances qui se présentent, et par la vue claire et nette qu'on n’a rien fait soi-même pour obtenir l’autorité et le commandement.
« Alors on sera béni par le Très-Haut, pourvu qu’on imite la conduite de Gédéon, en immolant à Dieu toutes les passions de l’âme, toutes les attaches coupables et criminelles, en les consumant par le feu brûlant de la croix, et répandant sur elles les larmes de la pénitence et du repentir. »

LIVRE TREISIÈME, chapitre 7

Le Sauveur Jésus m’avait parlé un jour de la communion indigne. Il ajouta : « Ma fille, ceux qui me reçoivent indignement imitent les Philistins, qui s’étant emparés de l’arche d’alliance la placèrent dans leur temple près de l’idole de Dagon. Oui, ma fille, on me place non seulement près d’une idole, mais encore près de Satan.
« Qui pourra comprendre l’énormité de ce crime et les châtiments qu'il attire sur celui qui le commet?
« Vous savez, ma fille, que je suis réellement présent dans la sainte hostie ave ma divinité et mon humanité, avec toutes mes grâces et tous mes mérite. Or, je vous le dis en vérité, le crime de celui qui prendrait une hostie consacrée pour la fouler aux pieds ou la couvrir d’injures serait inférieur au crime de celui qui me reçoit dans un cœur impur et souillé. Quelle témérité, quelle insolence, quelle audace!
« Oui, ma fille, la communion indigne est le plus grand de tous les crimes; tous les autres ne sont qu'une attaque à la loi de Dieu; celui-ci est une attaque contre Dieu lui-même.
« Communier indignement, c'est me recevoir pour me couvrir d’ignominie, d’injures et d’affronts; c'est m’appeler pour être témoin d’une apostasie contre ma divinité; c'est prendre mon sang et signer avec ce sang l’acte de renoncement à ma loi, à ma croyance, à mes mérites, à ma passion, à ma mort.
« La communion indigne est, par sa nature, un acte plus coupable que celui des Juifs qui me crucifièrent; les Juifs, en effet, ne me devaient point autant d’amour que celui qui communie indignement; car je suis pour lui constamment dans le tabernacle; je suis là à l’attendre pour être sa nourriture, sa vie, sa force et sa vigueur; je suis là comme son Dieu, son frère et son ami, et il vient abuser de mon amour, abuser de mon humiliation, abuser de ma bonté. Malheur à lui!
« Oui, malheur à lui! Quelles peines ne mérite pas, en effet, un crime si abominable? Ma fille, autant une communion bonne, fervente et sainte donne à l'âme de grâces et de bénédiction, autant une communion indigne et sacrilège attire sur elle la malédiction et la colère de Dieu.

LIVRE TREISIÈME, chapitre 8

Je faisais un jour une prière, j’entendis le Sauveur Jésus me dire en mon cœur : « Saül mérita par sa désobéissance la malédiction de Dieu, qui donna le trône d’Israël à un petit berger nommé David. Saül se voyant abandonné de Dieu et de son peuple, plein de fureur contre David, cherche à le faire mourir, mais il ne peut y parvenir; le Seigneur Dieu veillait sur David. Celui-ci connaissait les desseins de son ennemi; néanmoins, au lieu de se venger de ses persécutions, comme il en aurait trouvé mille occasions, il ne lui fit jamais que du bien.
« Saül, ma fille, est l’image du pécheur, et David, du juste persécuté par le pécheur.
« Le pécheur est un roi déchu de son trône, qui a perdu sa couronne, sa puissance et son autorité sur lui-même. Il est possédé par le démon qui le torture sans fin, et, pour avoir un moment de repos, il est obligé de regarder malgré lui les actions du juste qui arrêtent son impulsion vers le mal, comme les sons de la harpe de David arrêtaient le trouble du roi Saül.
« Néanmoins le pécheur, jaloux de la tranquillité, du bonheur et du calme du juste, le persécute par ses calomnies, ses médisances, ses injures, son mépris, cherchant à l’abaisser, à l’opprimer, à l’anéantir s’il le pouvait. Que fait le juste? Il imite David; il n’oppose point la force à la force, la calomnie à la calomnie, la médisance à la médisance, l’injure à l’injure, le mépris au mépris. Il souffre avec patience les persécutions, il cède et ne se venge point.
« C'est ainsi que doivent agir les pauvres, les ignorants, ceux qui sont faibles. Dieu les retirera un jour de leur faiblesse, de leur petitesse, de leur pauvreté; il les prendra comme le berger, fils d’Isaï, pour les établir sur le trône magnifique de la sainteté que la grâce recouvrira du plus bel éclat, et les asseoir plus tard sur un trône dans le ciel.
« C’est ainsi que doivent agir tous eux qui souffrent persécution pour la justice. Ils recevront la bénédiction de Dieu dans le temps et dans l’éternité. »

LIVRE TREISIÈME, chapitre 9

Le Sauveur Jésus me dit un autre jour : « David, transporté de joie, dansa devant l’arche du Seigneur, et fut traité d’insensé par son épouse elle-même.
« C’est comme cela que les âmes justes, pures et saintes sont transportées de joie et marchent pleines d’allégresse devant le Seigneur. Elles ne cherchent point la joie ni dans les festins, ni dans les spectacles, ni dans les réjouissances, ni dans les plaisirs du monde; elles la trouvent dans la retraite au pied des autels.
« Le monde s’étonne de les voir si joyeuses et ne comprend point comment loin de ses fêtes elles peuvent ainsi se réjouir. Le monde les traite d’insensées; et cependant, ma fille, je vous le déclare, la joie véritable n’est pas parmi les mondains, elle se trouve parmi les justes et les saints. Les peines, les tribulations, la souffrance, rien n’est capable de leur enlever la paix du coeur; et leur joie demeure, parce qu'elle repose sur un fondement solide, la vertu. »

LIVRE TREISIÈME, chapitre 10

Le Sauveur Jésus me dit un jour : « Ma fille, le roi Salomon ayant fait bâtir à Dieu un temple magnifique, y plaça l’arche d’alliance, et Dieu témoigna d’une manière sensible qu'il y habitait. C'est pourquoi on y offrit de nombreuses victimes.
« Ce temple est l’image de l'âme que tout homme tâche d’orner et d’embellir selon ses moyens, en la purifiant de toute attache et de toute affection au péché, pour y placer la véritable arche d’alliance qui est le Fils de Dieu fait homme, dans l’Eucharistie. Je préfère un cœur pur à des tabernacles de pierre ou de bois doré, j’y établis ma demeure avec plaisir; et Dieu, mon Père, manifeste dans ce cœur sa présence et la mienne, car il est partout où je suis, par les pensées, les désirs et les œuvres de celui en qui nous habitons. Aussi, que de sacrifices offerts à mon Père par celui qui nous reçoit et en qui nous habitons; sacrifices du cœur, sacrifices de la volonté, sacrifices des passions, sacrifices de l’amour-propre. C'est une victime qui s’immole sans cesse.
« Quelle beauté dans cette âme! Elle surpasse de beaucoup celle du temple de Salomon, et il doit en être ainsi. De quelle honte ne seront pas couverts un jour ceux qui verront la différence de leurs sentiments d’avec ceux des Juifs? Ceux-ci les couvriront de confusion et se révolteront contre eux au dernier jour.
« Recevez-moi souvent et d’après le conseil de votre directeur. Je serai en vous l’arche de l’alliance véritable entre vous et mon Père, et rien ne brisera cette alliance qui durera à jamais.

LIVRE TREISIÈME, chapitre 11

Il m’a dit encore : « Les Madianites étaient les ennemis du peuple de Dieu; ils ravageaient et désolaient leur terres. Ils sont l’image des passions qui sont comme l’ennemi de l'homme. Quand Dieu par le baptême fait entrer l'âme dans la véritable terre promise, en éloignant le péché et lui donnant la grâce, il n’éloigne pas à ce point les passions et l’inclination au mal que l'homme n’ait plus rien à opérer. Non, l'homme doit toujours demeurer uni à Dieu.
« S’il se révolte, Dieu le livre encore aux Madianites, c'est-à-dire aux passions, aux mouvements déréglés, à l’entraînement au mal, à ses péchés. Ce n’est qu’à l’heure du repentir et de la contrition que Dieu le délivre, comme il délivrait les Juifs alors qu'ils revenaient à lui. »

LIVRE TREISIÈME, chapitre 12

Une autre fois il me parla ainsi : « Ma fille, les Juifs captifs à Babylone soupiraient sans cesse vers Jérusalem, leur patrie, désirant se voir encore réunis dans le temple du Seigneur. C'est ainsi qu'ils se préservèrent de l’idolâtrie des Babyloniens.
« Il en est de même de l’âme chrétienne. L'homme dès le commencement était chez lui, parce qu'il n’avait point péché; mais sa révolte l’éloigna de l’état de grâce pour le reléguer dans la Babylone du péché, dans la disgrâce de Dieu, l’éloignement du ciel. Je suis venu le délivrer, et à la vue des effets et des malheurs du péché, à la vue de ce qu'il possède par la grâce et de ce qui l’attend au ciel, il s’écrie : Assis sur les bords du fleuve de Babylone, je versais des pleurs au souvenir de Sion. O sainte Jérusalem, si jamais je t’oublie, que ma main droite se sèche, que ma langue s’attache à mon palais! Puis, considérant le monde et ses abominations, elle lui dit en personnifiant tous ses crimes : Heureux celui qui prendra tes enfants et les brisera contre la pierre!
« Ma fille, la grâce, la vie de la garce est la vie de la liberté; le péché est l’esclavage de l’âme. Soyez libre, et vous jouirez un jour de la vie dans le ciel, votre patrie. »

LIVRE TREISIÈME, chapitre 13

Voici ce que me dit un jour le Sauveur Jésus : « La gloire et la grandeur éblouirent tellement Nabuchodonosor qu'il s’imagina que sa puissance était au dessus de toute puissance. Dieu, pour le punir, le réduisit non seulement au dernier rang parmi ses sujets, mais encore au rang des animaux sans raison, lui donnant le même toit, les mêmes vêtements et la même nourriture.
« Il est des hommes qui ne poussent point l’orgueil et la fatuité comme ce prince jusqu’à se faire offrir de l’encens, mais ils recueillent précieusement tous les honneurs, toutes les louanges qui leur sont adressées, et au lieu de tout rapporter à Dieu, ils rapportent tout à eux-mêmes. Tout est orgueil en eux, dans leur démarche, dans leurs regards, dans leurs paroles, dans leurs pensées et leurs actions. Dieu s’élèvera contre eux et les réduira, non plus au rang des animaux dénués d’intelligence, mais au rang des démons.
« Si vous voulez toujours avoir part aux bienfaits de Dieu, vivez dans l’humilité, et les bienfaits qu'il vous accordera dans le temps ne seront que l’avant-goût des biens qu'il vous donnera dans l’éternité. »

LIVRE TREISIÈME, chapitre 14

Un autre jour le Sauveur Jésus me parla ainsi : « Ma fille, le roi Assuérus ayant résolu de perdre la nation juive, Mardochée conseilla à Esther, sa nièce et l’épouse d’Assuérus, de demander grâce pour le peuple juif. Elle se présenta devant le roi, et, saisie de frayeur, elle tomba évanouie. Le roi lui fit aussitôt prodiguer des soins; Esther reprit ses sens et retomba de nouveau sans connaissance. Le roi, ému de compassion, lui promit de lui accorder tout ce qu'elle demanderait. C'est ainsi qu’Esther put sauver son peuple.
« Ma fille, je vous le dis en vérité, il est quelquefois assez d’une âme qui se présente devant Dieu dans la crainte et le tremblement, et qui lui adresse ses supplications, pour arrêter son bras vengeur déjà levé contre une nation tout entière.
« Priez, ma fille, priez beaucoup pour la France : le nombre de ses iniquités s’accroît de jour en jour; priez pour elle, et désarmez le courroux de mon Père. Joignez-vous aux âmes pieuses et saintes qui lui adressent leurs incessantes supplications. Si Dieu veille sur la France et la protège malgré ses iniquités, ce n'est qu’en vue des prières et des supplications nombreuses qui lui sont adressées, et qui montent jusqu’à lui pour le fléchir. »

LIVRE TREISIÈME, chapitre 15

C'est ainsi que le Sauveur Jésus a voulu m’instruire, tantôt par des exemples, tantôt par des figures, des images, tantôt enfin par la vue claire et nette de ce qu'il m’avait appris ou de ce qu'il voulait lui-même m’enseigner.
« J’ai tâché de tout exprimer selon que je le trouvais gravé dans mon cœur et ma mémoire. Il est bien des instructions, probablement, qu'il m’a adressées et que je n’ai point consignées dans ces cahiers. J’ai tâché d’y supplier par les lettres que j’ai écrites à mon directeur, qui ne sont autre chose que la suite des instructions renfermées dans mes cahiers, ou bien des instructions que j’écrivais le jour même où je les avais reçues.
J’ai écrit selon que mon esprit me le rappelait. Ce que je sais, c'est que le Sauveur m’a promis dès le commencement de m’instruire de la véritable science, de la science du salut. Il devrait donc y avoir, dans ce que j’ai écrit par obéissance à mon directeur et aussi par obéissance à mon Sauveur, de quoi satisfaire les désirs de toute intelligence appliquée à son salut, de toute âme qui tend vers Dieu. Il sera facile de suppléer à ce qui manque; il sera facile surtout de disposer mes écrits de manière à ce qu'ils puissent être livrées aux fidèles et qu'ils en retirent un grand fruit.
C'est là la promesse que me fit le Sauveur Jésus, alors qu'il m’entretint à peu près en ces termes : « Ma fille, c'est moi-même qui ai inspiré à votre directeur de vous faire écrire ce que vous éprouviez et ce que vous entendiez. Je vous ordonne de lui obéir comme vous l’avez fait jusqu’à ce jour. Je désire que les instructions que je vous ai données soient livrées plus tard aux âmes qui auront de la dévotion à mon Cœur sacré. Conservez-les toutes précieusement. Je veux me servir de vous comme d’un instrument, et je rendrai votre nom illustre parmi les dévots au sacrement de mon amour. Néanmoins, ne vous enorgueillissez point de mes faveurs. Par vous-même vous ne savez rien; vous tenez tout de moi, de quoi vous glorifieriez-vous? Je vous défends de jamais parler de ce que vous avez éprouvé à d’autres qu’à votre directeur et à ceux qui seront préposés à la direction de votre âme. Livrez et abandonnez vos manuscrits à celui qui vos dirige en ce moment. C'est lui qui les conservera jusqu’à l’heure que j’ai déterminée, et que je lui ferai connaître, pour les livrer aux âmes qui me sont attachées comme à leur seul bien véritable ici-bas. »
J’ai fait selon les commandements que j’ai reçus. Je l’ai fait, et je n’ai eu d’autre désir en le faisant que de faire la volonté de Dieu. J’ai eu aussi un autre désir, celui de rendre, autant que cela pouvait dépendre de moi, gloire, honneur et louange à jamais à Jésus, au saint sacrement de son amour. Amen.

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Message par Her Mar 12 Avr - 8:51

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Lettres


LETTRE I, Nécessité d’un directeur.
Monsieur le Curé,
Vous m’avez demandé si la voix qui m’entretenait m’avait jamais parlé de mon directeur de manière à former là-dessus une instruction. Je vous ai déjà répondu que oui.
Le Sauveur Jésus, car il me semble que c'est bien lui qui me parle, m’a donné plusieurs avis sur ma manière d’agir vis-à-vis de mon directeur. Je l’ai rappelé dans mes cahiers quand j’en ai trouvé l’occasion. Mais, outre cela, il m'a parlé d’une manière toute particulière de mon directeur dès le commencement où j'ai eu le bonheur d’entendre sa voix. Il m'a parlé trois fois de suite sur ce sujet et dans l’ordre suivant : Premièrement, de la nécessité d’un directeur; secondement, de la manière d’agir avec un directeur; troisièmement, des qualités d'un directeur.
Je vais rapporter le premier entretien, savoir : de la nécessité d'un directeur.
" Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus après la sainte messe, je vous ai souvent recommandé de parler à celui qui vous dirige de ce que vous éprouvez dans vos relations avec moi. Vous ne vous êtes jamais demandé à vous-même le motif de cette recommandation. Vous le comprendrez plus tard. Vous ne vous êtes jamais demandé non plus pourquoi vous avez non seulement un confesseur, mais aussi un directeur dans celui à qui vous faites connaître les secrets de votre âme. Je veux vous le faire comprendre et vous montrer comment il est nécessaire qu'il en soit ainsi.
" Depuis la révolte du premier homme, tous les hommes sont plongés dans les ténèbres; ils ont des yeux et ils sont néanmoins incapables de se conduire eux-mêmes dans la voie qui mène à Dieu. La vie, en effet, est entourée de dangers, de périls, de précipices; les ennemis de l'homme se dressent partout sur son passage, et voilà pourquoi il faut à l'homme une lumière autre que celle de son œil ou de son intelligence, pour qu'il puisse marcher sûrement, et c'est ainsi, à l’aide de directeurs ou de conseillers, que tous les hommes doivent poursuivre leur carrière vers l’éternité.
" Telle est la volonté de Dieu. L'homme a péché par orgueil et voulu marcher par sa propre lumière, il est puni par où il a péché, et jusqu'à la fin des siècles l'homme marchera dans la voie du salut d'après les lumières d’autrui.
" Vous savez ce qui se passait dès le commencement du monde. Les chefs de famille étaient les conseillers de toute la famille; et comme ils ne pouvaient trouver dans leurs enfants les conseillers dont ils avaient besoin pour eux-mêmes, c'était Dieu qui leur faisait entendre sa voix et leur prêtait ses lumières et ses conseils. Tels étaient les chefs de famille, les patriarches, les législateurs, les juges, les prophètes et les pontifes du peuple de Dieu. Les conseils de ces hommes inspirés de Dieu étaient la lumière du peuple.
" Quand le moment fut venu, je vins moi-même pour être le conseiller universel de l’humanité. Je vins lui rendre la lumière, la vérité et la vie. J’ai répandu cette lumière, cette vérité et cette vie dans mes apôtres, et, à travers les générations, elles passent par le sacerdoce de ceux que j'ai choisis pour mes ministres, éclairant les intelligences, les nourrissant de la seule nourriture véritable, les vivifiant et les portant chaque jour par une vie plus forte et plus généreuse au centre de la vie qui ne finira jamais.
" Ainsi donc, ma fille, l'homme doit se servir d'un conseiller ou d’un directeur, parce que Dieu a réglé ainsi le commerce de la vie surnaturelle.
" Voyez l'homme, ma fille dans le commerce de la vie naturelle; il consulte, il demande avis, conseil et lumière; fût-il le plus savant, le plus éclairé, le plus sage des hommes, il se défie de lui-même, il a recours à autrui. La vie surnaturelle, à plus forte raison, demande qu'on agisse ainsi, si l’on veut marcher droit dans cette vie, ne point se perdre ni faire fausse route.
" Vous comprenez, en effet, ma fille, que la vie surnaturelle est d'une importance bien autre que la vie naturelle qui est pour le temps, tandis que l’autre est pour l’éternité. Voilà pourquoi, si vous examinez le monde surnaturel, vous verrez tous les saints, les plus grands docteurs, le docteur des nations lui-même, frappé sur le chemin de Damas, demander à autrui conseil et lumière pour marcher vers Dieu.
" Seul, je puis me passer de conseil et de lumière, parce que je suis le conseil et la lumière de tous; mais tous les hommes sont soumis à marcher d’après la lumière d’autrui, non d’après leur lumière et leurs conseils.
" Les hommes les plus savants et les plus sages pour diriger les autres ressemblent à des aveugles qui se trouvent sur un chemin seuls et sans guide, quand ils veulent marcher d’après leur propre sagesse. Ils tâtonnent, ils vont à pas lents pendant quelques jours et puis ils tombent dans des abîmes. Car l'homme est aveugle pour ce qui le concerne lui-même, il prend aisément ce qui est vicieux et défectueux pour le bien ou la vertu, et l’erreur est pour lui une cause de chute et de mort. Il tombe, parce qu'il n'a personne pour le guider; il meurt, parce qu'il n'a point le secours d'un ami qui le retire d'un précipice.
" Vous devez voir clairement, ma fille, que si Dieu a voulu que tous les hommes eussent un directeur, et si un directeur est chose si nécessaire que même sans la volonté expresse de Dieu tous les hommes devraient en avoir un, combien il vous importe d'être dirigée dans le chemin du salut par un guide autre que vous-même.
" Oui, ma fille, vous avez besoin d'un directeur, afin qu'il vous apprenne ce que vous ignorez : la science du salut, la science de la vie surnaturelle. Bien que par bonté pour vous je veuille vous instruire moi-même, il est nécessaire que vous soumettiez mes instructions à votre directeur, afin que vous appreniez par lui et que vous sachiez d'une manière certaine que vous pouvez recevoir mes enseignements, et vous y conformer parce qu'ils ne renferment rien de contraire à la vérité sur l’objet de votre foi, de votre espérance, de votre charité et des actions de toute votre vie. Vous craignez d'être victime d’illusions; qui vous rassurera, si ce n'est votre directeur?
" Vous avez besoin d'un directeur, afin qu'il vous exerce dans la pratique de toutes les vertus, afin qu'il vous indique les moyens d’éviter les péchés et qu'il règle votre discrétion dans l’accomplissement de vos devoirs envers Dieu.
" Vous avez besoin d'un directeur pour accroître vos mérites de l’éternité et votre couronne du ciel, par votre obéissance et votre soumission à tout ce qu'il vous prescrira. L’obéissance à la voix de votre directeur vous donnera une plus grande ressemblance avec moi qui faisais toujours sur la terre la volonté de mon Père.
" Vous avez besoin d’un directeur, parce que la vie est pleine de misères, de tribulations et d’épreuves; il faut donc une parole pour consoler dans les tribulations, un secours pour fortifier dans les combats. Or, voilà ce que vous trouverez dans votre directeur.
" Enfin, ma fille, vous avez besoin d'un directeur, parce que vous êtes, comme tous les enfants d’Adam, victime du péché, entraînée au mal, sujette à offenser Dieu.
" Suivez donc les lumières, les conseils et les avis que vous recevrez de votre directeur. Ne vous affligez pas si je vous ai enlevé celui qui vous avait le premier montré la voie. Je vous le dis en vérité, vous bénirez ma providence un jour de vous avoir placée entre les mains de celui que je vous ai envoyé. "
Tel a été, Monsieur le Curé, le premier entretien. Je vous livrerai les deux autres dans le courant de la semaine; mes occupations ne me permettent pas de les écrire aujourd’hui.
Je vous offre, Monsieur le Curé, mes sentiments les plus respectueux et je vous prie de me croire,
Votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 1er mai 1842.


LETTRE 2, Manière d’agi vis-à-vis d’un directeur.
Monsieur le Curé,
Voici le second entretien du Sauveur Jésus. Il m'a appris dans cet entretien de quelle manière je devrais me conduire vis-à-vis de mon directeur.
" Ma fille, me dit-il, je veux vous apprendre comment vous devez vous conduire vis-à-vis de votre directeur. Il y a en vous deux manières d’agir, l’une intérieure, l’autre extérieure : la première consiste dans les sentiments intimes de votre âme, la seconde dans vos actes ou relations extérieures.
" Quelle doit être votre conduite intérieure par rapport à votre directeur? Par quoi doit-elle être réglée? Ma fille, c'est par des sentiments de foi et de religion.
" Votre directeur est revêtu de mon sacerdoce, c'est-à-dire de la dignité la plus grande qu’il soit possible de communiquer à un homme. Il est prêtre, il tient ma place, il agit comme j’agirais moi-même, il a tous mes pouvoirs. Vous devez par conséquent me regarder comme vivant en sa personne; vous devez m’honorer en l’honorant, me respecter en le respectant; écouter ma voix en écoutant sa voix, m’être soumise en lui donnant votre soumission; vous devez enfin avoir pour lui les sentiments de la plus grande et de la plus sincère reconnaissance : vous devez l’aimer comme le père spirituel de votre âme, comme votre guide, votre conseiller et votre sauveur, car il continue près de vous le rôle de sauveur que je lui ai communiqué, comme je le communique à tous mes prêtres.
" Ces sentiments seront aussi la règle de votre conduite extérieure.
" Si vous agissez avec foi et religion, vous vous ferez connaître à votre directeur avec simplicité, lui disant tout ce que vous savez, ne lui cachant rien, lui communiquant vos secrets et vos peines les plus intimes, vous lui parlerez comme à Dieu, que vous ne voudriez point tromper, parce qu'il connaît tout, même les plus secrètes pensées; vous lui parlerez comme à Dieu, c'est-à-dire comme à votre père, avec confiance et abandon, espérant tout de lui, et vous abandonnant à lui avec cette persuasion qu'il agira le mieux possible pour vous éclairer, pour vous secourir et vous aider dans les combats ou les épreuves de votre vie.
" Vous vous soumettrez à sa volonté comme à ma propre volonté. Vous ne discuterez point avec lui. Vous vous en rapporterez à sa sagesse. Vous serez entre ses mains comme un instrument plein d’intelligence pour accomplir ce qui lui aura été prescrit.
" Il vous est permis, néanmoins, en certains cas, d’exposer humblement avec déférence une observation, mais il fait le faire toujours avec l’intention de ne point vous obstiner, et d’agir ensuite selon la volonté de votre directeur quand il aura reçu votre observation.
" En agissant ainsi, ma fille, votre conduite sera irréprochable, votre conduite sera pleine de mérites, et vous obtiendrez la récompense que j’ai promise à ceux qui écoutent ma parole. Je viendrai en vous et je ferai en vous ma demeure. "
C’est ainsi que le Sauveur Jésus m'a dit d’agir vis-à-vis de mon directeur.
Je ne sais si en toute circonstance j’ai agi ainsi; mais mon désir le plus vrai est de me conformer toujours à cet enseignement.
Oui, Monsieur, je veux me soumettre en toutes choses à ce qu'il vous plaira de me conseiller ou de m’ordonner. Je veux n’avoir point d’autre volonté que la vôtre.
Pour ce qui concerne la franchise ou la simplicité avec laquelle je vous découvrirai tout ce qui se passe en moi, je vous assure que mon intention bien formelle est de ne vous rien cacher, et si je ne vous dis pas tout, c'est que je l’aurai oublié.
Permettez-moi, Monsieur le Curé et très vénéré Père en Notre-Seigneur Jésus-Christ, de vous offrir tous les sentiments de respect et de piété filiale que le Sauveur m'a recommandé d’avoir pour vous.
Votre très humble et très obéissante servante,
Marie.
Mimbaste, 5 mai 1842.


LETTRE 3, Les qualités du directeur.
Monsieur le Curé,
Le sujet du troisième entretien du Sauveur Jésus a été des qualités du directeur.
" Ma fille, me dit-il, un directeur doit montrer la voie, par conséquent il doit être prudent; il doit enseigner la vérité, par conséquent il doit être savant; il doit fortifier la vie surnaturelle, par conséquent il doit être plein de charité.
" La prudence est la première qualité d’un directeur. Sans la prudence, comment un directeur pourrait-il faire éviter les écueils semés à chaque pas dans le chemin de la vie? Comment saurait-il prendre les moyens les plus propres à arrêter le mal, à éviter le péché, à dissiper la tiédeur, à former à une piété franche, solide et pleine de fermeté? Sans la prudence, comment un directeur donnera-t-il conseil dans les diverses positions des âmes? Agira-t-il vis-à-vis d'un pécheur comme vis-à-vis d'une personne déjà avancée dans la perfection? À l’égard d'une âme faible comme à l’égard d’une âme pleine de vigueur? Sans la prudence, il fera faire fausse route aux âmes qu'il dirigera, il ne leur montrera point la voie droite qui mène à Dieu.
" La seconde qualité d'un directeur, c'est la science. La science doit être unie à la prudence. Elles sont réciproquement leur aide et leurs secours respectifs. Un directeur peut avoir en lui une certaine rectitude de jugement, une certaine sagesse naturelle qui lui permettra dans les cas ordinaires d'être utile aux âmes qu'il dirige; mais s’il n'est point savant, ne sera-t-il pas arrêté à chaque pas? Ne ressemblera-t-il pas à un aveugle qui en conduit un autre et qui tombent tous deux dans le précipice? Comment montrera-t-il la vérité, s'il ne la connaît pas lui-même? Comment jugera-t-il, s'il ne sait point la manière dont il doit juger?
" C'est au directeur des âmes que l'Esprit-Saint s’adresse par la bouche du prophète quand il dit : Instruisez-vous, vous qui jugez la terre.
" Rien n’est aussi nécessaire que la science à un directeur, car sans la science il perd les autres et se perd lui-même. Malheur aux âmes dirigées par un ignorant! Malheur aux ignorants directeurs des âmes!
" Ma fille, un directeur doit être plein de charité. Il doit vivre dans la charité de Dieu, pour donner aux autres la vie de la charité.
" La charité le rend juste, vertueux, zélé : juste, et par sa justice lui permet de travailler à la justice d’autrui; vertueux, et par sa vertu lui permet d’engager et d’exhorter les autres à la pratiquer aussi; zélé, et lui fait tout oublier pour ne penser qu’au salut des âmes. Il ne pense point à ses avantages, à son bonheur, à sa tranquillité. Son repos, c'est la fatigue après la brebis errante; son repos, c'est la fatigue à la ramener vers Dieu; son repos, c'est le salut de cette âme.
" Il se sacrifie, et ne désire que se sacrifier de plus en plus pour sauver des âmes.
" Telles sont les qualités d'un directeur; il ne peut être par lui-même prudent, savant et vertueux; ou bien sa prudence n'est que folie, sa science qu’ignorance et sa vertu qu'une vertu humaine et sans fondement.
" C'est Dieu qui donne la prudence; un directeur doit la demander chaque jour dans ses prières, afin que chaque jour il la voie croître et grandir pour le bien des âmes qu'il dirige.
" C’est Dieu qui donne la science, surtout la science du salut. Un directeur doit la lui demander dans ses prières, afin qu'il soit toujours à même d’éclairer les aveugles qu’il peut trouver sur son chemin.
" C’est Dieu qui donne la charité. Un directeur doit la lui demander chaque jour afin qu'il travaille sans relâche au salut des âmes, qu'il fasse passer cette vertu en elles, et qu'il mette ainsi union parfaite entre Dieu et les âmes.
" Toutes les qualités d’un directeur sont contenues dans ces trois qualités. Heureuses les âmes dont le directeur est prudent, éclairé et vertueux! Qu’elles écoutent sa voix, elles marcheront dans le chemin de la vérité. "
Voilà, Monsieur, les trois entretiens du Sauveur Jésus sur le directeur. Je ne sais si je n’ai rien omis. J’ai dit tout ce que je me rappelais et de la manière dont j’ai su m’exprimer.
Recevez, Monsieur le Curé, l’assurance de ma soumission filiale et de mon plus profond respect avec lequel je suis.
Votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 7 mai 1842.


LETTRE 4, Il faut progresser dans le bien. Motifs et moyens de ce progrès.
Monsieur le Curé,
Le Sauveur Jésus m'a ainsi parlé, ou bien si ce n'est point lui, c'est quelqu'un que je ne connais pas et que je ne puis faire connaître; je ne puis dire autre chose, si ce n'est qu'il a toujours la même voix, toujours les mêmes traits et qu'il m’entretient depuis l’époque que j’ai fixée.
Voici les paroles qu’il m'a adressées : " Ma fille, votre vie doit être une vie de progrès dans le bien et l'amour de Dieu. Il faut qu'elle ressemble à une lumière dont la clarté augmente de plus en plus. Voilà pourquoi je recommandais, quand j’étais sur la terre, de ne point regarder en arrière, mais d’aller toujours en avant.
" Je veux vous montrer la nécessité de ce progrès. Vous vous êtes donnée à moi, vous m’avez consacré votre coeur, votre esprit, votre âme, tout ce qui est en vous, tout ce qui vous appartient. Vous m’avez promis de m’aimer tous les jours de votre vie, et de faire tous vos efforts pour accroître et augmenter votre amour pour moi. Ce que vous m’avez promis hier vous lie aujourd'hui, vous liera demain et toujours. Une promesse comme celle que vous m’avez faite ne peut et ne doit être résiliée.
Je vous ai comblée de mes grâces les plus insignes; je m’entretiens avec vous dans la familiarité d’un père avec son enfant, je fais briller la lumière dans votre âme, je vous console dans vos peines et vos afflictions, je vous soutiens dans votre faiblesse, je me découvre à vos regards, je vous laisse voir une partie de ma gloire du ciel, je verse chaque jour sur votre tête mes plus paternelles bénédictions, et je ne vous demande qu'une seule chose, que vous avanciez dans la pratique du bien et l'amour de Dieu. Pourriez-vous refuser ce que je vous demande, quand je ne vous refuse rien, quand je préviens même vos désirs, quand je vous accorde ce que vous n’auriez même jamais pu espérer d’obtenir, parce que vous en êtes indigne?
" Je vous ai donné le premier l’exemple, ma fille, afin que vous fassiez comme moi, quand j’étais sur la terre; vous devez donc vivre de telle manière qu'on puisse vous rendre un jour ce témoignage : elle croissait en sagesse, en âge et en vertus devant Dieu et devant les hommes; elle a passé en faisant le bien.
" D’ailleurs, ma fille, une âme ne peut rester dans le même état, il faut qu'elle avance dans le bien ou qu'elle décline par le péché; car celui qui n’amasse point avec moi dissipe, et dissiper est une injure qu’on me fait, qui arrête mes grâces et qui attire le courroux et la vengeance de ma justice.
" Vous devez avancer enfin et progresser dans le bien et l’amour de Dieu, parce que je vous en ai fait un ordre. Je vous ai dit à vous-même ce que j’ai dit à mes apôtres : soyez parfaite comme mon Père céleste est parfait. Or, pour cela, il faut nécessairement que vous progressiez toujours, parce que vous ne trouverez jamais sur la terre un terme à votre perfection, et qu'il vous restera toujours un long chemin à parcourir. Ne vous arrêtez donc jamais, marchez toujours; ne craignez point la fatigue, vous trouverez le repos à votre peine et à vos labeurs.
" Or, pour cela, ma fille, vous devez chaque jour vous considérer comme si vous étiez au commencement et n’aviez rien fait encore; vous devez oublier ce que vous avez corrigé de défectueux pour ne penser qu'à ce que vous devez corriger encore, ce que vous devez faire encore, les marques d’amour que vous avez données à Dieu pour chercher de quelle manière vous pourrez l’aimer davantage.
" Pour progresser dans le bien et l'amour de Dieu, vous devez correspondre à toutes les grâces qu'il vous donne, vous devez de plus en plus vous détacher du monde et de vous-même et vous donner plus entièrement à Dieu.
" Pour progresser dans le bien et l’amour de Dieu, vous devez vous défier de vous-même, avoir toujours sous les yeux votre faiblesse et votre impuissance, pour ne compter que sur Dieu et le secours de son bras.
" Pour progresser dans le bien et l’amour de Dieu, il faut enfin le vouloir; si vous le voulez, vous progresserez parce que Dieu le veut aussi. Si Dieu le veut, il vous en donnera les moyens; si vous le voulez, vous ne rejetterez aucun de ces moyens et votre vie sera véritablement une vie de progrès. "
Telles sont les paroles que j’ai entendues, je vous les rapporte le plus fidèlement que je le puis, et je vous prie, Monsieur le Curé, d’agréer les sentiments de ma sincère vénération et de mon plus profond respect.
Je ne saurais trop, Monsieur le Curé, me recommander à vos prières, afin que Dieu veuille avoir pitié de moi et ne permette jamais que je me sépare de lui et de l'amour que je lui dois.
Je suis, avec le plus entier dévouement, Monsieur le Curé,
Votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 26 mai 1842.


LETTRE 5, Du bon exemple.
Monsieur le Curé,
Je ne veux rien vous cacher, mais au contraire vous faire connaître tout ce que je vois, tout ce que j’entends, tout ce que j’éprouve.
Je viens vous soumettre ce que m'a dit sur le bon exemple celui qui me parle de temps en temps durant mon oraison ou pendant la sainte messe. " Ma fille, m’a-t-il dit, je vous ai souvent répété cette parole : Je vous ai donné le premier l’exemple, afin que vous fassiez comme j’ai fait. Aujourd'hui, je veux vous entretenir du bon exemple que vous devez donner à autrui.
" Donner le bon exemple, ma fille, c'est comme l’indique le mot lui-même, servir d’exemple aux autres pour le bien. Je suis la première forme exemplaire du bien; je suis le bien par excellence; je me suis incarné pour montrer le bien aux hommes. Toutes mes actions ont été pendant ma vie une manifestation du bien. J’ai toujours agi selon le bien, je ne pouvais agir autrement sans cesser d'être Dieu. Voilà pourquoi j'ai dit avec autorité au monde entier : je vous ai donné le premier l’exemple afin que vous fassiez comme j'ai fait, et dans une autre circonstance, m’adressant aux pharisiens, je leur dis : qui, parmi vous, pourra m’accuser de péché? Les hommes sont tenus d’agir comme moi, c'est-à-dire de soumettre toujours leur volonté à la volonté de Dieu, de chercher toujours ce qui peut être agréable à Dieu, de vivre unis avec Dieu par l’accomplissement fidèle de sa loi et par la plus ardente charité.
" Ma fille, vous devez donner le bon exemple, et vous le donnerez en marchant sur mes traces, en suivant celui que je vous ai donné. Donner le bon exemple, c'est servir de modèle à autrui, non seulement en évitant le mal, mais encore en faisant le bien, et par l’accomplissement de ce bien porter les autres à faire bien aussi.
" Une bonne action est comme une lumière brillante qui montre le bien aux yeux de ceux qui agissent selon le bien et les maintient dans cette voie, et qui le montre aussi à ceux qui agissent mal pour leur faire comprendre leur malheur d’agir de cette sorte.
" Une bonne action est un soutien et un appui pour les bons comme pour ceux qui ne le sont point : pour les bons parce qu'elle les retient dans la voie droite; pour les mauvais, afin de les retirer du mal et de les aider à marcher vers le bien.
" Une bonne action a une force et un crédit plus puissant que les paroles les plus fortes et les plus accréditées; voilà pourquoi j'ai commencé par donner le bon exemple avant d’enseigner.
" Le bon exemple est la meilleure prédication. Or, tous peuvent et doivent prêcher, non point par la parole, mais par l’exemple. Je n’ai choisi que quelques âmes pour prêcher par la parole, mais j’ai fait un ordre à tous les hommes de prêcher par le bon exemple, et ceux qui prêchent par la parole doivent faire comme moi, prêcher d’abord par l’exemple.
" Vous devez donner le bon exemple dans toutes vos actions extérieures, en vous tenant partout dans la réserve et la modestie, veillant sur vos yeux pour ne les porter jamais sur rien d’indécent ou de déshonnête; en observant vos paroles pour ne jamais rien dire qui puisse offusquer le prochain ni offenser Dieu, mais pour dire toujours des choses conformes à la charité, à l’amour de Dieu et du prochain; en marchant sans cesse d'après les lumières de la foi dans vos entreprises, dans vos œuvres, dans vos déterminations; en éloignant tout ce qui manifeste adhésion au parti du démon, du monde, de la chair et du péché, et observant tout ce qui plaît à la vertu, à la sainte Église, à votre Sauveur, à votre Dieu.
" N’agissez jamais, ma fille, afin d'être vue, considérée ou approuvée par les hommes; n’agissez jamais par amour-propre ou satisfaction personnelle, mais agissez toujours dans l’intention de n'être point pour autrui une pierre d’achoppement, dans l’intention de ramener à Dieu autant que vous le pourrez, par vos actions bonnes et conformes à la volonté divine, ceux qui s’éloignent de lui. Vous acquerrez ainsi un double mérite, celui de vos actions et celui des actions bonnes que vous inspirerez à autrui. "
Je termine, Monsieur le Curé, en me recommandant à vos prières, et vous renouvelant l’assurance de mes sentiments les plus respectueux.
Votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 2 juin 1842.


LETTRE 6, Du scandale.
Monsieur le Curé,
Un jour, après la sainte communion, le Sauveur Jésus m'a ainsi parlé du scandale :
" Ma fille, me dit-il, une des choses que j'ai le plus recommandées pendant ma vie à mes disciples, c'est la fuite du scandale; je vous le répète, le monde sera maudit à cause de ses scandales. Malheur aussi à l'homme qui scandalise!
" Le scandale, c'est l’exemple du mal donné à autrui par une parole ou une action qui n'est point, en entier ou en partie, conforme au bien.
" Le scandale, c'est l'action mauvaise des autres, accomplie après et par suite de l’audition d'une parole ou de la vue d'une action qui n'est point, en entier ou en partie, conforme au bien.
" Le scandale enfin, c'est l’action mauvaise des autres, accomplie sous le faux prétexte d'une parole entendue ou d'un acte vu qu'on dit coupable, quand même cette parole ou cette action n'ont en rien que d’innocent.
" Celui qui accomplit une action et prononce une parole coupables ou revêtues d’apparence de culpabilité avec l’intention d’entraîner le prochain dans le mal, celui-là est coupable du premier scandale, quand même son action demeurerait sans effet. Il est coupable encore de cette sorte de scandale par la parole qu'il prononce ou l’acte qu'il accomplit, n’eût-il pas l’intention de scandaliser, si par cette parole ou cette action il entraîne au mal son prochain.
" Celui qui, entendant une parole déréglée ou voyant une action criminelle, se laisse entraîner à parler ou agir de la même manière, est coupable de la seconde espèce de scandale.
" Celui qui, entendant une parole bonne et convenable ou voyant une action qui n'a rien que de conforme au bien, l’interprète volontairement en mauvaise part pour agir lui-même d'une manière criminelle, est coupable de la troisième espèce de scandale.
" J’appelle le premier scandale, scandale infernal, parce qu’à l’exemple des démons, celui qui donne ce scandale travaille à la ruine des âmes. C'est de ce scandale que j'ai dit : Malheur à l'homme par qui le scandale arrive!
" J’appelle le second scandale, scandale des enfants, parce que les enfants sont plus susceptibles, à cause de leur faiblesse ou de leur ignorance, de se laisser entraîner au mal en le voyant, ou bien parce que ceux qui se laissent entraîner au mal par sa vue sont faibles comme des enfants. C'est pour faire éviter ce scandale que j'ai dit : Si quelqu'un devait être un sujet de scandale pour un de ces petits enfants qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on attachât à son cou une meule de moulin et qu'on le jetât au fond de la mer.
" J’appelle le troisième scandale, scandale d’aveuglement. C'est de ce scandale que j’ai dit à mes disciples des pharisiens qui s’étaient scandalisés de mes paroles : Laissez-les, ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles.
" Ces trois sortes de scandale sont des péchés plus ou moins graves, selon la réflexion plus ou moins grande de celui qui veut entraîner au mal; selon que son acte, cause ou occasion de péché, est plus ou moins coupable; ou moins considérable; selon que l’acte criminel, posé et fondé injustement sur un autre acte qui n'est nullement défendu, est plus ou moins opposé à la règle du bien.
" Voyez, ma fille, combien la première sorte de scandale est un grand péché. Je m’arrête sur ce scandale parce que le scandale des enfants n'est que la conséquence du scandale infernal, et que le scandale d’aveuglement n'est point un véritable scandale.
" Celui qu scandalise, en effet, offense Dieu par l'acte mauvais qu'il accomplit. Il se révolte contre Dieu, il brise le joug du Seigneur pour s’incliner sous celui de Satan. Ce n'est pas tout, en même temps qu'il est fils rebelle à Dieu, il est ministre plein d’activité du prince des ténèbres; il le remplace d'une manière visible sur la terre dans son œuvre de destruction et de ruine éternelle pour les âmes. Son acte, c'est une semence de mort jetée sur les âmes; c'est une pierre lancée sur le chemin du ciel pour précipiter dans les enfers ceux qu'elle rencontre; c'est un filet qui captive et retient pour le mal celui qui n'a pas la force de le briser ou de l’éviter. Son acte, c'est un homicide, non pour le temps, mais pour l’éternité. O ma fille, malheur, malheur, trois fois malheur au scandaleux!
" C’est moi qui exercerai ma vengeance sur lui. C'est moi qui lui demanderai compte de toutes ces âmes pour lesquelles j'avais répandu mon sang sur le Calvaire, pour lesquelles j’étais mort sur la croix, et qu'il a perdues, qu'il a de nouveau livrées à Satan et abîmées éternellement dans les gouffres de l’enfer.
" Ces âmes étaient ma propriété, elles étaient le prix de mon sang : il me les a ravies, malheur à lui! Mon sang se dressera sur sa tête et retombera sur son front plus terrible que sur le front des Juifs qui l’ont versé.
" J’apparaîtrai au scandaleux dans toute la fureur d'un père dont a tué l’enfant, d'un rédempteur à qui l’on a ravi celui qu'il avait sauvé, d'un Dieu auquel on donne ses malédictions et les malédictions d’autrui, tandis qu’on ne lui devait qu’amour, louange et remerciement. Que répondra-t-il à ma colère, que répondra-t-il à mon amour paternel irrité contre lui, parce qu'il a séparé de moi pour jamais des âmes que j’affectionnais comme Dieu et comme Sauveur? Pourra-t-il supporter la sévérité de mon regard? Pourra-t-il supporter les reproches de ma voix? Tout s’élèvera au dehors pour demander vengeance contre le scandaleux, et tout en moi lui apparaîtra exerçant cette vengeance. Il y aura désormais entre lui et moi une séparation éternelle. O ma fille, malheur, malheur, trois fois malheur au scandaleux!
" Ma fille, fuyez le scandale comme un des péchés qui m’affligent le plus. Qu'il n'y ait jamais rien dans vos paroles, dans vos regards, dans vos habits, dans votre tenue, dans vos actions qui puisse scandaliser votre prochain. Il faut souvent peu de chose pour scandaliser une âme et la perdre à jamais.
" Craignez d'avoir part aux malédictions que j'ai lancées contre le monde et ses scandales.
" Ne scandalisez point; réparez, au contraire, même les scandales des autres qui devraient les réparer eux-mêmes et qui ne le font pas. "
Ainsi ma parlé le Sauveur Jésus. Sa voix était forte et terrible comme le tonnerre, quand il menaçait les scandaleux, et pénétrait jusqu’au fond de mon âme.
J’étais saisie de crainte; il m’a rassurée en me disant de m’unir à lui, de demeurer attachée à lui, et qu'en agissant ainsi j’éviterais le scandale.
Je serais bien coupable et bien ingrate envers le Sauveur Jésus, si je pouvais jamais m’oublier à ce point de scandaliser personne. Non, jamais je ne le ferai volontairement; puisse-t-il arriver que je ne scandalise jamais, même contre ma volonté, et par suite de ma faiblesse et de mon inclination au mal; je me recommande, à cet effet, à vos ferventes prières.
Recevez, Monsieur le Curé et très respectable Père en Notre-Seigneur, l’offrande des sentiments de vénération profonde et d’entière soumission à tous vos désirs,
De votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 8 juin 1842.


LETTRE 7, De l’union de l'âme avec le corps. Comment l'âme est la vie du corps. Union des puissances de l'âme. Du rôle de chaque faculté dans la constitution du péché.
Monsieur le Curé,
Le Sauveur Jésus m’a donné un jour un enseignement que je viens vous soumettre. Voici comment il m'a parlé, et comment j'ai retenu ses paroles.
" Ma fille, me dit-il, je veux vous expliquer ce qu'on ne vous a jamais expliqué, savoir : l’union de l'âme avec le corps, la manière dont l'âme anime et vivifie le corps, et les rapports qui existent entre les puissances de l'âme.
" L’âme est un être spirituel, qui n'a ni corps, ni figure, ni couleur, de telle sorte qu'elle ne peut tomber sous les sens. Elle est indivisible, parce quelle est spirituelle; elle est le principe vital du corps : séparé de l'âme, le corps est sans vie. Or, comme Dieu est le vivificateur de toutes choses et que tout ce qui a vie l'a reçue de lui, l'âme vient de Dieu. Elle est donc éternelle dans son principe, puisqu’elle vient de Dieu; elle est éternelle aussi dans sa fin, car elle ne finira jamais.
" Dieu a fait l'âme à son image et l'a douée de qualités en rapport de ressemblance avec ses attributs divins. L'âme pense, juge, connaît, veut, parce que Dieu veut, connaît, juge et pense. Elle a reçu une imitation de l’immensité de Dieu par son agilité qui lui fait parcourir en un clin d’œil toute l’étendue de la terre, et lui permet de se transporter de la terre au ciel, et du ciel au plus profond des enfers.
" L'âme est un esprit doué de facultés, Dieu a donné à cet esprit un instrument pour l’exercice de ses facultés, c'est le corps dans lequel elle habite, qu'elle vivifie, qu'elle anime, qu'elle met en mouvement comme il lui plaît.
" Le corps a plusieurs membres qui ont chacun un usage particulier et qui sont tous animés par l’âme. L'âme est indivisible. Elle est aussi bien dans la plus petite partie du corps que dans la plus grande; elle y est toute entière. Cependant il n'y a pas plusieurs âmes dans un seul corps; il n'y a qu’une, bien que le corps ait plusieurs parties.
" Voilà pourquoi quand un homme perd un de ses membres, un bras, une jambe, un œil ou une partie de lui-même, à moins que cette partie ne soit une partie essentielle, comme le cœur ou la tête, l’âme demeure tout entière dans le corps, bien qu'elle n’agisse plus dans la partie qui a été enlevée. Elle agirait en l'homme sur ce membre enlevé, s'il n’était point enlevé; si elle n’agit plus, c'est qu'il n'est plus uni avec le corps, et par conséquent sous l’action de l'âme.
" L’âme habite dans tout le corps, mais elle a pour siège particulier la tête et le cœur. C'est de là qu'elle répand sa vitalité dans tout le corps, qu'elle se rend présente dans toutes ses parties, qu'elle les vivifie toutes, qu'elle les met toutes en mouvement, qu'elle commande à toutes. Voilà pourquoi si on enlève la tête ou le cœur à un homme l'âme qui n'a plus son siège principal se sépare du corps qui demeure sans vie.
" L'âme, pour user d’une comparaison, est comme un cercle, dont les rayons appartiennent au cercle et ne font qu'un avec le cercle; toutes les facultés appartiennent à l'âme et ne font qu'un avec elle.
" Les diverses facultés de l'âme sont : l’imagination, la mémoire, l’entendement, la volonté et la raison.
" L’imagination est la faculté de l'âme par laquelle elle se représente les choses ou les objets, ce qui vous montre combien l’ouïe et la vue ont un grand rapport avec elle. L’imagination jette à la mémoire, avec qui elle a une union intime, les objets qu'elle a vus ou les choses qu'elle a entendues. L’entendement est comme la chambre du conseil de ce qui se passe dans l'âme. Il voit les choses, les considère, les examine et les présente à la volonté, selon le jugement qu'il en fait. Il a pour conseiller et pour flambeau la raison.
" Il faut que la raison et l’entendement soient d’accord, sans cela on ne fait point le bien. La raison sans l’entendement ne peut rien, et l’entendement sans la raison ne marche point dans la voie droite. L’entendement reçoit les lumières de la raison et celles de Dieu. Lorsque les lumières de Dieu sont plus grandes, plus apparentes ou plus claires que celles de la raison, l’entendement doit toujours les préférer. Quand Dieu laisse l’entendement aux lumières de la raison, c’est d’après ces lumières qu'il doit se diriger.
" Quand l’entendement a jugé une chose, il la présente à la volonté comme à la reine et à la supérieure des autres facultés. Si ce qui lui est proposé lui plaît, la volonté l’agrée; s'il en est autrement, ou qu'elle s’en défie, elle le renvoie à l’entendement et demande un second conseil. L’entendement scrute de nouveau dans la mémoire et l’imagination et tâche de faire agréer ce qu'il présente.
" Le démon accourt toujours dans le conseil qui se forme parmi les facultés de l'âme, il cherche à répandre ses ténèbres et à faire réussir le plaidoyer selon ses vues.
" Mais la volonté a un censeur, un témoin de ses actes, une voix qui lui dit qu'ils sont bons ou mauvais, qu'elle peut agréer ou refuser ce qui lui est présenté; c'est la conscience.
" Si la volonté agit contre le sentiment de sa conscience, celle-ci élève la voix qui n'est autre que la voix de Dieu, et qui est chargée de reproches amers et incessants. Si la volonté agit selon le sentiment de la conscience, tout se conserve en bonne harmonie et en paix parmi les facultés de l'âme, parce qu'elles sont réglées selon le bien. Quand la conscience est satisfaite, toutes les facultés sont dans la jouissance de la paix et de la tranquillité; quand elle fait entendre des reproches, tout est dans le trouble, parce que la conscience fait germer le remords dans l'âme.
" Ainsi donc, quand l’entendement consulte la volonté, la volonté doit écouter la voix de la conscience et agir d'après cette voix.
" Telle est l’union des facultés.
" Je veux maintenant vous parler de l’esprit. L’esprit est la partie la plus subtile et la plus spirituelle de l’imagination. C'est le souffle qui met en mouvement toutes les autres facultés de l'âme. L'esprit est ce qui fatigue le plus la volonté, ce qui lui donne le plus de peine; car malgré ses soins et sa vigilance, souvent elle n’en est point maîtresse, il lui échappe, elle ne peut le retenir. Il se transporte où il veut, sans que les distances, les portes ou les murailles soient pour lui un obstacle; il va dans le ciel et dans les enfers; il pénètre même le coeur d'une personne; il est toujours en mouvement, il n'a jamais un moment de repos. Quand il est en dehors des facultés, elles sont calmes et tranquilles; s'il revient dedans, il les met toutes en mouvement, il les occupe toutes; il leur donne à toutes travail et activité.
" La volonté est plus ou moins maîtresse de l’esprit, selon qu'elle lui donne plus ou moins de liberté.
" Il y a diverses sortes d’esprits. Les uns sont turbulents, inconstants ou légers, les autres pesants et assoupis; ceux-ci vifs et pénétrants, ceux-là réfléchis et avisés. Tous ont en eux cette partie spirituelle et subtile de l’imagination, mais tous ne l’ont pas au même degré; de là leur diversité.
" Si l’esprit, comme je vous l’ai dit, met toutes les facultés en mouvement, c'est de lui que procèdent, comme d'un premier principe intérieur, tous les actes de ces facultés.
" L’esprit siège dans la tête et dans le coeur; c'est là qu'il accomplit toutes ses opérations, dans la tête par les idées, dans le coeur par les pensées.
" Quand une idée est formée dans l’esprit, celui-ci la présente à la mémoire qui la communique à l’entendement. Celui-ci consulte la raison, et puis il juge selon les lumières qu'il reçoit de Dieu, de la raison et de l’esprit. Quand il a jugé, il présente son jugement à la volonté; la volonté le présente à la conscience qu'elle consulte comme son censeur. La conscience, par les lumières qu'elle reçoit de l’entendement et le rapport intime qui est entre eux, fait connaître son sentiment à la volonté, et la volonté agit selon le sentiment de la conscience pour avoir la paix, ou bien elle en appelle à un second conseil. Celui qui a présenté l’idée à l’esprit et l’a formée en lui préside à ce conseil, savoir Dieu, le démon ou l’esprit lui-même, chacun tâchant de faire réussir sa cause.
" Toutes les idées qui viennent de Dieu sont bonnes; celles qui viennent du démon sont mauvaises ou tendent au mal; celles qui viennent de l’esprit sont indifférentes. Elles n'ont point toutes la même intensité dans le bien ni dans le mal, parce que l'esprit qui les élabore n'a pas en tout la même force, la même vigueur, le même souffle. L'esprit tire sa force de Dieu qui la lui donne, mais il l’augmente avec les connaissances qu'il acquiert par l’étude et l’application. Quand l'esprit cherche à augmenter sa force, toutes les facultés lui prêtent secours, et puis, à son tour, il leur fait part des connaissances qu'il a acquises pour les perfectionner elles-mêmes.
" L'esprit prend son origine dans l’imagination et siège par conséquent dans la tête où réside cette faculté de l'âme. Il siège aussi dans le coeur par les pensées.
" Les pensées, comme les idées, ont plusieurs principes. Elles viennent de Dieu, du démon, de la nature corrompue ou de l'esprit lui-même.
" Que les pensées viennent de l'un ou de l'autre de ces principes, elles sont présentées à la volonté qui les livre à l’entendement, afin qu'elles soient jugées comme les idées. Ce commerce intérieur s’appelle réflexion, considération, méditation.
" Puisqu'il y a plusieurs principes, il doit y avoir plusieurs sortes de pensées. Celles qui viennent de Dieu étant formées par le souffle de sa grâce, sont toutes bonnes. Celles qui viennent du démon, de la nature corrompue ou de la partie inférieure de l'âme, sont mauvaises ou tendent au mal; celles qui viennent de l'esprit sont indifférentes, elles deviennent bonnes si elles sont saisies par Dieu, sa grâce et son esprit; mauvaises, si le démon ou l’entraînement au mal prend empire sur elles.
" Or, pour toutes les pensées, comme pour les idées, il n'est pas nécessaire de tenir toujours conseil; la volonté seule, par les lumières et les connaissances qu'elle reçoit de l’entendement, les accueille ou les rejette, selon qu'elle croit devoir le faire. Ce serait un travail trop pénible et trop fatigant qu'un jugement séparé et distinct formé par le conseil de toutes les facultés de l'âme, pour chaque idée et chaque pensée.
" Ce conseil n'a lieu que pour les grandes pensées, les pensées graves et importantes. Dans les autres cas, la volonté agit comme un avocat qui donne ses avis pour des affaires de peu d’importance, selon les lumières qui sont en son esprit, et qui ne fait un plaidoyer selon les règles que devant les juges et le tribunal de justice.
" L'esprit est indépendant de toutes les autres facultés, et la volonté les domine toutes. La volonté pourtant règne plus dans le cœur que dans la tête, parce que c'est dans le coeur qu'elle réside.
" La volonté est reine et maîtresse des autres facultés; mais il lui faut un maître à elle aussi, c'est Dieu ou Satan.
" Dieu et Satan se la disputent, l'un et l'autre lui demandent la préférence. Tant que la volonté délibère, elle est en de rudes combats.
" Dieu et Satan plaident chacun leur cause devant la volonté, en montrant les avantages de leur parti respectif. Or, comme Dieu ne trompe jamais, il montre non seulement les avantages, mais aussi les peines et les difficultés qui se présenteront sous son drapeau. Le démon, au contraire, montre les roses et cache les épines; il parle de plaisirs et de jouissances; il ne dit mot des peines et des tribulations dont il abreuve ceux qui l’écoutent.
" Dieu parle à la volonté par les mouvements de sa grâce, par les consolations de la vertu, par les avis et conseils des hommes sages et surtout de ses ministres.
" Satan parle à la volonté par le plaisir et les vanités du monde, les mauvais exemples, les paroles et les discours des hommes perverses, et leurs railleries contre la religion.
" La raison et la conscience viennent au secours de la volonté et la conseillent. La raison est la lumière de la volonté; la conscience, la voix qui lui dit de marcher selon cette lumière. La conscience et la raison ont les rapports les plus intimes. Elles sont presque toujours du même avis. Voici les principes et les sentiments de la conscience : fais le bien, évite le mal. Ne fais point à autrui ce que tu ne voudrais point qu'il fit à ton égard; rends à chacun ce qui lui est dû.
" Si la volonté agit contre la conscience, celle-ci le lui reproche. La conscience est l’organe de Dieu, comme la nature corrompue est l’organe de Satan. Aussi, quand la volonté agit selon la conscience, c'est-à-dire selon Dieu dont elle est l’organe, elle a pour ennemis le démon, le monde, la nature corrompue ou la partie inférieure de l'âme, mais Dieu lui donne grâce et secours pour la faire triompher de ses ennemis. Dieu retire ses grâces à celui qui suit le parti du démon; il le poursuit par le remords, car il est écrit qu'il n'y a point de paix pour l’impie. Suivre le parti de la conscience, c'est marcher dans le chemin de la vertu, car la conscience est le germe merveilleux qui développe le bien en vous. Suivre la voie de la nature corrompue, c'est marcher dans le chemin du vice, car la nature corrompue est le germe déplorable qui développe le mal dans les âmes.
" Telles sont les luttes et les combats des facultés en face de Dieu et de Satan. Malheur à l'âme qui s’habitue à donner la victoire à Satan contre Dieu! le dernier combat sera un combat de mort pour elle et de victoire pour Dieu. Heureuse l'âme qui s’attache toujours à Dieu! elle aura vite affaiblie ses ennemis, et Dieu l’illuminera de sa lumière, la fortifiera par ses grâces et la verra toujours d’un œil de complaisance. Le démon cherchera, mais en vain, à la troubler : la paix se trouve dans le service de Dieu.
" Quand la volonté se révolte contre Dieu, la conscience devient le témoin de Dieu, et la mémoire, le livre où s’inscrit cette révolte, qui est plus ou moins coupable, selon que le consentement est plus ou moins parfait et la matière plus ou moins considérable. "
Vous penserez de ceci ce qu'il vous plaira. J'ai connu que le Sauveur aurait eu de bien plus grandes lumières à me donner là-dessus, et je confesse que, par moi-même, je suis non seulement incapable de les acquérir, mais même d'avoir su jamais ce que je viens d’écrire, s'il ne me l’avait appris lui-même.
Il me les a apprises lui-même avec bonté et je les ai retenues naturellement et sans difficulté comme pendant le jour mon œil reçoit et conserve la lumière du soleil, comme mon oreille reçoit et conserve, autant que cela est nécessaire, les paroles prononcées qu'elle entend. Ses instructions se sont gravées aussi facilement en moi que l’empreinte des doigts de ma main sur une cire molle.
Comment cela s’opère-t-il? Je ne le sais point, mais il en est ainsi, et je me soumets à la volonté de Dieu comme je me soumets à votre volonté, qui ne peut et ne doit pas être différente de la volonté de Dieu, puisque vous êtes revêtu du caractère sacerdotal, selon l’ordre de Melchisédech, comme Jésus-Christ mon Sauveur. Je suis fille de Dieu par le baptême, je suis aussi votre fille en Dieu et vous me représentez l’autorité de Dieu lui-même. Je dois par conséquent me soumettre à votre volonté, attendre, écouter et suivre toutes vos décisions. Or, pour cela, je dois me montrer à vous telle que je suis et ne vous rien cacher; je le fais ainsi.
Recevez, Monsieur le Curé, l’assurance de mes sentiments très respectueux avec lesquels je suis,
Votre très humble servante,
Marie
Mimbaste, 11 juillet 1842.
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Message par Her Mar 12 Avr - 8:52

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mystique catholique
Lettres


LETTRE 8, De la viduité. Devoirs et obligations d’une veuve. L’église catholique modèle des femmes veuves.
Monsieur le Curé,
Je viens soumettre avec confiance à votre jugement l’enseignement que j’ai reçu sur l’état de viduité.
" Ma fille, me dit le Sauveur Jésus, la femme est soumise à son mari et lui doit obéissance tant qu'il vit. La mort seule peut rompre ses liens, mais elle les rompt entièrement; de telle sorte qu'elle peut contracter un nouveau mariage, car elle est libre. Si cette femme ne peut garder la continence, si elle ne se sent point assez de force, de vigueur et de courage pour demeurer chaste en sa viduité, qu'elle se lie par un nouveau mariage. Mais qu'elle se garde de chercher cette nouvelle union uniquement pour satisfaire ses passions; qu'elle se marie pour plaire à Dieu dans l’observation de ses lois et de ses commandements, et la pureté de son âme. Pour cela, il lui est permis de chercher à plaire à celui qu'elle choisit pour son époux; mais dans cette recherche, qu'elle n’oublie pas qu'il doit y avoir en elle plus de gravité que si elle n’avait point été mariée, et que jamais elle ne doit permettre rien de contraire à la volonté de Dieu. Elle doit agir comme je vous l’ai indiqué dans les relations entre deux fiancés. Tel est, ma fille, le droit d’une veuve; elle peut se marier une seconde, une troisième, une quatrième fois si elle devient libre une, deux ou trois fois par la mort de son mari.
" Néanmoins, ma fille, il est bien glorieux pour une veuve de ne point contracter un second mariage et de demeurer fidèle à son époux, même mort. D’ailleurs, si elle a une véritable affection pour celui qu'elle a perdu bien que les liens du corps soient rompus elle ne voudra pas rompre et briser les liens du coeur; elle n’usera de la liberté qui lui a été donnée que pour servir Dieu avec plus de fidélité et avancer de plus en plus dans la vertu.
" Quelles raisons une veuve pourrait-elle donner afin de se marier de nouveau? Sa jeunesse, sa faiblesse, la recherche d’un appui et d’un soutien? Mais la jeunesse est-elle donc une obligation pour un second mariage? La faiblesse? Est-ce donc le mariage qui donne la force, ou bien le Très-Haut, qui s’appelle de Dieu fort, le Tout-Puissant? La recherche d’un appui et d’un soutien? Est-ce donc sur quelqu’un qui a lui-même besoin de soutien qu'elle espère pouvoir se soutenir suffisamment? Faut-il jamais préférer l’appui d’un homme, trop faible pour se soutenir lui-même, à celui de Dieu, qui soutient le monde entier?
" Sans doute, comme je vous l’ai déjà dit, il est permis à une veuve de s’unir encore en mariage; mais en vérité je vous le dis, il est bien plus parfait qu'elle ne le fasse point et bien plus convenable qu'elle s’ensevelisse dans la retraite, au souvenir de son époux enseveli dans le tombeau.
" Il en est peu qui comprennent ces paroles; heureuses celles qui les comprennent et les mettent en pratique!
" Heureuses les veuves qui, dès le premier jour de leur veuvage, prennent des habits de deuil et de tristesse, qu'elles ne quittent que pour le suaire blanc de leur tombeau!
" Heureuses les veuves qui vivent de telle manière que tous ceux qui les voient disent non-seulement : Voilà une veuve! Mais encore : Voilà une veuve chrétienne!
" Heureuses les veuves qui sont ainsi en spectacle aux hommes et aux anges par leur retenue et leur modestie!
" Une veuve ne doit point chercher à plaire au monde par ses ajustements, ni par la somptuosité de ses habits. Elle ne doit point vivre, comme vit le monde, dans le bruit et le tumulte. Elle ne doit point chercher les assemblées du monde, fréquenter les places, ni les promenades publiques. Son unique occupation doit être de chercher à plaire à Dieu. elle doit fuir toutes les pompes extérieures, toutes les parures, tous les ornements du corps et ne s’occuper que de rendre son âme de plus en plus belle, de plus en plus ornée de vertus, de plus en plus enflammée par l’amour de Dieu. Il faut que toute sa beauté soit intérieure. Peu importe que les hommes ne voient et ne pénètrent point cette lumière dont resplendira son âme. Dieu la verra bien, cela doit lui suffire.
" Néanmoins il ne doit y avoir rien de désordonné dans une veuve. Qu'elle soit toujours vêtue d’une manière convenable à sa condition, mais avec simplicité et sans apprêt.
" Une veuve, plus que personne, doit comprendre que les plaisirs de la vie sont passagers et fugitifs, que tout disparaît promptement sur la terre, qu'il n'y a point de joie de longue durée et que par conséquent elle ne doit point y attacher son cœur. Les joies, les satisfactions, le contentement, la paix ne doivent pourtant pas être éloignés d’elle; elle les trouvera non point dans la chair, non point dans les sens, non point dans le monde, non point dans la vie animale et terrestre, mais en Dieu, joie, félicité, bonheur, paix et consolation des âmes. Qu'elle s’attache à Dieu, et Dieu lui donnera dans sa vie chaste et pure les chastes et pures délices dont il enivre les âmes qui ont les yeux levés au ciel.
Dieu ne manque jamais aux âmes qui le prennent pour la part de leur héritage, qui s’abandonnent à lui, qui lui demandent secours et appui, qui lui donnent le nom de père et le regardent comme tel. Il est spécialement le Dieu des veuves et des orphelins, c'est-à-dire qu'il veille davantage sur eux. Les veuves et les orphelins ont en effet peu de secours et d’appui sur la terre, mais ils ont l’appui et le secours de Dieu; Dieu les garde, les protège et les délivre de tout danger. Qui donc affligera celui que Dieu console ? Qui attaquera celui que Dieu défend ? Qui menacera celui que Dieu protège ?
Une veuve doit mettre toute sa confiance en Dieu et s’abandonner à lui, marcher en sa présence et tendre avec un grand désir vers la perfection.
" Pour cela elle doit veiller sur sa maison, sur ses intérêts temporels, non pour s'y attacher, mais pour en faire l’usage le plus convenable et le plus en rapport avec les sentiments pieux et charitables que Dieu met dans son coeur. Elle ne doit point rester oisive. Elle doit travailler selon sa condition. Elle doit nourrir son cœur de bonnes pensées, de saints désirs, de sentiments de charité envers Dieu et le prochain, faire de bonnes œuvres selon ses facultés et ses loisirs. Elle doit veiller soigneusement sur sa chasteté, fuir toutes occasions dangereuses, garder sa réputation intacte et à l’abri de toute détraction. Elle l’obtiendra si elle est vigilante, si elle s’observe, si elle est modeste, réservée, éloignée du monde. Toute détraction injuste, toute calomnie tombera d’elle-même, si jamais elle en était victime par la perversité des méchants.
" Une veuve ne doit point oublier que la chasteté pour elle comme pour tous est un don de Dieu ; par conséquent, elle doit la demander à Dieu souvent, tous les jours, ne point se croire plus forte qu'elle ne l’est, se rappeler que toute chair est faible et que Dieu seul accorde la victoire sur les passions, et entretient le cœur humain dans le bien, la vérité et la vertu.
" Dieu ne lui refusera pas ce qu'elle lui demandera avec un cœur pur et droit, il la fortifiera, il la rendra inébranlable comme une colonne d’airain.
" Une veuve, ma fille, trouve un modèle accompli de la manière dont elle doit se comporter et agir pendant sa vie. L’Église, que j’ai acquise par mon sang et que j’ai établie sur la terre, est mon épouse. Je suis son époux. Or, depuis mon ascension, mon épouse est demeurée veuve parce que je suis monté au ciel. Je suis et je serai néanmoins avec elle par le sacrement de mon amour et par mes grâces, mais je ne serai avec elle d'une manière visible que dans le ciel. Or, ma fille, que fait l’église ? Elle a constamment les yeux fixés sur moi. Son cœur m’est uni par des liens indissolubles. Elle vit dans la fidélité de l'amour qu'elle m’a juré, et elle persévérera jusqu’à la fin. Elle ne s’attache point aux biens périssables de ce monde. Je suis sa richesse, son tout. Elle ne soupire qu’après le moment de ma possession. Elle ne demande que la consommation pour l’éternité de notre union dans le royaume de mon Père. Elle passe en faisant le bien.
" Que les veuves agissent ainsi, qu'elles s’attachent à Dieu et coulent le reste de leur vie dans la pratique du bien.
" Ce que je viens de vous dire, ma fille, d'une femme qui a perdu son époux, je le dis aussi d’un homme qui perdu son épouse. Il peut se marier de nouveau ; il fera mieux de ne pas contracter un second mariage.
" Qu'il agisse comme je l'ai indiqué pour une femme veuve, car l'homme, comme la femme, a une âme à sauver, un Dieu à aimer et à adorer. Il a comme elle des devoirs à remplir. Heureux celui qui est fidèle et marche dans la crainte et l’amour de Dieu ! "
Telle est l’instruction que m'a donnée le Sauveur Jésus. Il me semble avoir dit à peu près toutes ses paroles.
Recevez, Monsieur le Curé, l’assurance de ma profonde vénération.
Votre très-humble servante,
Marie.
Mimbaste, 15 octobre 1842.


LETTRE 9, Signes auxquels on reconnaît l’esprit de Dieu dans les visions ou les révélations.
Monsieur le Curé,
Le Sauveur Jésus m'a dit un jour : " On craint que ce ne soit pas ma parole que vous entendez. Afin de détromper ou de rassurer ceux qui vous dirigent, je veux vous indiquer la différence qui existe entre une personne trompée par le démon ou égarée par son imagination et celles qui sont conduites par l’Esprit de Dieu. Faites connaître mon enseignement à ce sujet, et qu'on vous juge après sans crainte de se tromper.
" Ma fille, à quels signes reconnaît-on le principe des choses extraordinaires qui se passent dans une âme vertueuse? Je vais vous l’indiquer. Si le démon ou l’imagination sont le principe de ces merveilles en cette personne, elle demeurera encore vertueuse, au moins extérieurement. Mais examinez sa conduite et sa manière d’agir; vous y découvrirez promptement un orgueil secret, une certaine fierté, un attachement à tout ce qu'elle éprouve et très peu de docilité. Elle sera sans douceur, mansuétude, humilité et simplicité. Si elle obéit, elle obéira par orgueil. Si l’orgueil ne trouve pas de soutien dans son obéissance, elle n’obéira pas. Elle parlera beaucoup à tout le monde et avec plaisir de ce qu'elle éprouve; ou bien elle le cachera et n’en dira rien, pas même à son directeur; elle usera de détours et de ruses, elle manquera de droiture, de simplicité. Ces signes sont infaillibles; une personne orgueilleuse, insubordonnée, hypocrite et fausse n'est point une personne conduite par l’Esprit de Dieu, mais par les penchants de sa nature corrompue.
" Celles, au contraire, qui sont dirigées par l’Esprit de Dieu sont humbles, soumises et unies à Dieu, indifférentes à toutes choses, sans volonté propre et obéissant en tout, sans chercher ou demander raison des ordres qu'elles reçoivent.
" Elles ne parlent à personne de ce qu'elles éprouvent. Elles restent dans l’oubli et le silence de leur coeur; elles en parlent pourtant à leurs directeurs, et c'est là le premier mouvement que j’inspire à leur âme.
" Les unes en parlent facilement, mais toujours avec cette humilité qui est le signe distinctif de mon esprit et de mon cœur; les autres n’en parlent qu’avec peine, elles en parlent néanmoins et gagnent plus de mérite en surmontant leur peine à parler de ce qui se passe entre elles et moi.
" Naturellement le directeur de ces personnes cherchera à les éprouver. Il leur fera même subir des épreuves très pénibles et très difficiles. Elles supporteront tout sans se plaindre et avec une patience admirable, parce qu'elles auront toujours mon exemple sous leurs yeux. Rien ne les rebutera, elles se soumettront à tout. Elles feront aujourd'hui ce qu’on leur commandera et ne le feront plus demain si on le leur défend. Elles agiront moins par elles-mêmes que d’après la volonté de leur directeur. Elles auront foi à sa parole comme à ma propre parole et ne se fieront nullement sur elles.
" À ces signes on reconnaîtra l’esprit de Satan ou mon esprit en ces personnes, les mouvements de mes grâces les plus signalées.
" Quelquefois, c'est mon esprit qui travaille une âme comme un laboureur le champ de sa famille; mais le démon veut y semer l’ivraie de son esprit et étouffer le bien que j’ai fait à cette âme.
" Voici la manière d’agir du démon. Écoutez-moi attentivement.
" Le démon, ma fille, n’agit pas de la même manière vis-à-vis de toutes sortes de personnes. Il consulte le caractère, l’inclination, la force ou la faiblesse de chacun; il considère l’état des âmes, leur amour pour moi ou leur peu d’affection, et puis il commence habilement son œuvre.
" Il voit une personne pieuse comblée d'une de ces grâces si admirables et si admirées parmi les saints. Que fait le démon? Il essaye de la porter à la vanité, de lui faire comprendre qu'elle doit être quelque chose puisqu’elle a reçu de pareilles grâces. S’il est repoussé, il ne se décourage point, il revient à la charge et il l’importune si fort que, si cette âme n’y apporte prompt remède et ne court à moi dans ces circonstances, le souffle du démon sera en elle comme un levain qui la fera fermenter dans la révolte contre son Sauveur par l’orgueil le plus coupable et le plus criminel.
" Une autre personne reçoit les mêmes faveurs. Que fera le démon? Il lui inspirera de les tenir cachées, de n’en parler à personne. Ainsi il troublera sa paix et son repos et la détournera, par ces inquiétudes, de Dieu et de la vertu.
" Que fera le démon vis-à-vis d'une autre personne ainsi favorisée? Il la poussera à en parler facilement, elle en entretiendra ses amis. Ils divulgueront cette nouvelle, qui relèvera l’estime que l’on a d’elle. Elle s’en apercevra et recevra sans s’en douter le germe d’orgueil que le démon lui glissera aussitôt dans l’âme. Elle se croira élevée au dessus des autres. Pauvre âme! l’orgueil l’aura abaissée plus bas que terre et séparée de Dieu.
" D’autres fois le démon se transformera en ange de lumière; il simulera mon langage et ma manière de parler, afin de prendre empire sur une âme, et puis, il lui glissera l’erreur et le mensonge, sources de tout péché.
" Enfin, ma fille, quand une personne est vertueuse et qu'elle éprouve les bienfaits de ma grâce, sans pourtant participer à mes grâces que je n’accorde que par un effet tout particulier de ma bonté, le démon se sert de toutes les dispositions qui sont en elle pour la perdre. Si son imagination est vive et son tempérament pétulant, il la frappera par certaines visions, lui persuadant qu'elle a des révélations, et elle le croira si fort qu'il n'y aura point moyen de la dissuader. Il se servira de sa négligence, de son imprudence, de sa trop grande familiarité, en un mot de tout ce qui peut être défectueux en elle pour l’entraîner à sa perte et à sa ruine.
" Toutes ces personnes doivent dire à leur directeur ce qui se passe en elles, sans cela elles tombent infailliblement dans les pièges de leur plus grand ennemi.
" Le directeur connaîtra si elles sont dans la bonne voie d’après leur obéissance et leur soumission à ses avis et à ses conseils. Si elles n’écoutent point la voix de leur directeur, elles ne sont point conduites par mon esprit. Si elles cachent ce qui leur est dit, et si celui qui leur parle les oblige à ne rien dire à leur confesseur, elles ne sont point conduites par mon esprit, ce n'est pas ma voix qu'elles entendent; car je n’ai jamais défendu de parler de ce que je disais, d’en parler du moins à ceux qui dirigent les âmes que je me plais à enseigner.
" Écrivez ces mots, ma fille, ils seront utiles à beaucoup d’âmes illusionnées et trompées par l’esprit de mensonge, quand elles les auront lus. Écrivez-les et celui qui vous dirige verra bien clairement quel est le principe qui les a dictés. Il y verra un caractère de franchise et de vérité qui n’appartiennent point à Satan, mais seulement à la vérité incarnée, à Dieu lui-même.
" Qu’il vous juge et qu'il dise franchement à son tour ce qu'il pense de vous et de celui qui vous parle.
" Allez en paix, ma fille, votre directeur sais bien que c'est moi qui vous parle. Depuis longtemps il aurait mis fin aux épreuves qu'il vous impose. C'est au souffle de mon esprit qu'il les continue et que son directeur l’engage à les continuer. "
Je vous dis toutes ces choses, Monsieur le Curé, avec la plus grande et la plus entière confiance. Je les dis aussi par obéissance et soumission, je ne prétends vous rien apprendre, de moi-même je ne sais rien. Je ne fais que vous rapporter ce que j’ai entendu. Vous en jugerez comme il vous plaira, ou plutôt comme vous devez le faire pour la gloire de Dieu et pour le salut de l’âme de votre enfant en Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Recevez, Monsieur, l’assurance de tout mon respect et de ma parfaite considération.
Votre très-humble servante,
Marie.
Mimbaste, 20 juin 1843.


LETTRE 10, Comment une âme doit agir dans les faveurs extraordinaires qu'elle reçoit de Dieu.
Monsieur le Curé,
L’état où je me trouvais depuis quelque temps me causait un peu de peine. Pendant mes prières, pendant la sainte messe ou dans mes communions, j’étais pour ainsi dire sans sentiment. J'étais complètement absorbée par une douceur ineffable qui remplissait toute mon âme et m'empêchait de lire et de prier pour m’obliger à suivre l’attrait de cette douceur. J’en ai parlé au Sauveur Jésus, et lui ai dit : Seigneur, je ne sais ce que je sens, ni comment je me trouve; vous qui le savez, daignez m’éclairer, m’instruire et me faire connaître de quelle manière je dois agir.
" Ma chère fille, me répondit le Sauveur Jésus, oui, je vous connais, je sais ce que vous éprouvez, je sais ce que vous êtes. Vous n’êtes encore qu'une apprentie, qu'une jeune novice, qui ne sait encore de quelle manière elle doit se conduire dans la voie nouvelle où je veux vous faire entrer. Cette douceur qui remplit votre âme, et, comme un doux sommeil, l’endort pour la laisser reposer en Dieu, tandis que votre corps est sans mouvement et votre cœur sans action sous le poids de cette béatitude qui vous pénètre en vous attachant à moi, est une grâce que je me plais à vous accorder, et qui, loin de vous attrister ou de vous faire de la peine, doit exciter votre plus vive reconnaissance envers votre Sauveur.
" Goûtez cette douceur quand vous l’éprouverez; suivez l’attrait qu'elle vous donnera et qui l’aura produite.
" Voici, ma fille, comment vous devez recevoir cette douceur et cet attrait; comment vous devez le suivre et agir quand vous l’éprouverez.
" Je vous ai déjà parlé de l’oraison. Elle est un entretien, une communication de l'âme avec Dieu par des paroles, des sentiments, des pensées et des affections; en un mot, c'est une élévation de l'âme vers Dieu. Cette élévation doit être opérante, c'est-à-dire qu'elle doit offrir à Dieu les devoirs de l'âme et lui demander sa grâce, car c'est là le but de l'oraison.
" Quand vous vous y trouvez sans sentiments, sans attraits, tâchez d’en exciter de bons en vous par quelque lecture ou quelque pensée pieuse. Si vous ne pouvez lire ni vous arrêter à quelque bonne pensée, mais que vous ressentiez immédiatement cette douceur et cet attrait qui fait goûter Dieu, bien que vous n’ayez ni sentiments ni pensées sensibles, demeurez en cet état, cet état est le degré de la perfection dans l’oraison, et cette oraison est encore plus ou moins parfaite, selon que ce degré de repos est aussi plus ou moins parfait. C'est là l’état des bienheureux dans le ciel, le repos dans la vue et l’amour de Dieu.
" Or, ma fille, vous devez grandir et croître en cette nouvelle voie dont vous n’avez pas encore franchi le premier degré. Armez-vous donc de vigilance et d’humilité; sans cela, vous descendrez au lieu de monter, et vous deviendrez semblable à ces âmes qui, après s’être élevées comme des aigles dans le ciel, tombent à terre pour être comparées aux plus vils animaux. Soyez vigilante et soyez humble : vigilante pour marcher en avant; humble pour demeurer amie de Dieu et rester dans la vérité, qui vous dira que vous n’êtes rien par vous-même; soyez circonspecte aussi, afin de ne point vous laisser séduire et de ne point vous laisser entraîner dans les choses vaines, inutiles ou mauvaises; car il n'y a que les choses saintes qui mènent à Dieu.
" Cette voie est non-seulement inconnue, mais elle est encore aussi périlleuse que toutes les autres.
" Elle est périlleuse : on peut donc faire dans cette voie des chutes déplorables; par conséquent, il faut y prendre garde, et ne s'y reposer qu'en Dieu et sur Dieu.
" Elle est inconnue : Dieu seul peut en donner la connaissance. Il est impossible à l'âme de la trouver par elle-même et d’y marcher, si elle n'est éclairée et conduite par l’Esprit-Saint. Or, L’Esprit-Saint n’en instruit et n'y mène que quelques âmes privilégiées.
" Puisque cette voie est ouverte devant vous, ma fille, suivez avec humilité et circonspection l’attrait qui vous y porte. Je vous soutiendrai et vous éclairerai; lorsque vous en aurez besoin, appelez-moi à votre aide, je me hâterai d’accourir.
" Que ce soit pendant la sainte messe ou après la communion, pendant la prière ou la méditation, suivez toujours l’attrait qui vous sera donné; mais suivez-le comme je vous ai appris à le faire, c'est-à-dire en vous occupant de Dieu ou de ce qui est à Dieu, et vous reposant en lui. Si vous faites ainsi, soyez tranquille, vous agirez selon le bien.
" Ma fille, dans votre conduite, cherchez plutôt à faire la volonté de Dieu que votre volonté. Cherchez plutôt le bon plaisir de Dieu que le vôtre. Qu’il vous conduise d’une manière ou d'une autre, que vous importe, pourvu que vous fassiez sa volonté!
" O Marie! Ma chère fille, vous êtes petite sur la terre; mais je vous donnerai une place élevée dans mon royaume.
" Communiquez tout ce qui se passe en vous à votre directeur, et suivez ensuite ses conseils. Quelque chose que vous éprouviez, dites-lui tout, et puis demeurez calme et tranquille. "
Voilà, Monsieur, ce que je désirais vous soumettre pour vous supplier de m’accorder le secours de vos prières. J’en ai ressenti et j’en ressentirai toujours les salutaires effets, parce que je crois qu'elles vous sont inspirées par la charité que vous avez pour moi.
Je ne puis vous en témoigner toute ma reconnaissance; mais vous savez que Dieu ne laissera pas sans rémunération ce que vous faites pour la plus humble de ses servantes.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Curé, l’hommage de la plus haute considération avec laquelle j’ai l’honneur d'être
Votre très humble et très soumise servante,
Marie.
Mimbaste, 25 juillet 1843.


LETTRE 11, Description du tabernacle admirable ou Marie Lataste reçoit les plus grandes faveurs de Dieu.
Monsieur le Curé,
C’est avec une entière soumission que je viens vous soumettre ce que j’éprouve depuis quelque temps dans ma nouvelle manière de vivre.
Il me semble que mon âme est dans une nouvelle vie, dans le centre de la lumière et des connaissances intérieures et spirituelles. Ce centre merveilleux m’apparaît comme un appartement qui n’est ni grand ni petit; il est fermé, mais non pas par aucun mur, parce qu'il est tout spirituel. Ce nouvel appartement où se retire mon âme, le Sauveur Jésus m’a appris à le nommer le tabernacle admirable. J’y aperçois une grande croix de douze à quinze pieds de hauteur, dont le Christ est de grandeur naturelle. Elle repose sur un beau piédestal, qui me paraît être de marbre ainsi que la croix, mais qui ne l’est pas, parce que tout y est spirituel. Il y a dans ce tabernacle admirable comme une atmosphère vivante de lumières, de connaissances et de sentiments divers qui portent vers Dieu. Il est impossible d’y entrer sans en être tout pénétré. Or, j'ai vu clairement que ces lumières, ces connaissances et ces sentiments viennent de la croix du tabernacle admirable comme d’une source intarissable.
Je ne puis pas pénétrer, quand je le veux, ni demeurer autant que je le veux dans le tabernacle admirable. Il m’est néanmoins quelquefois permis d’y entrer, d’y goûter et d'y recevoir les instructions qui s'y donnent, quoique sans paroles. C'est une des faveurs les plus signalées que puisse m’accorder le Sauveur Jésus. Il me l’accorde pour me donner plus de force et de vigueur afin d’opérer le bien, car je sens cette force et cette vigueur me pénétrer et m’envelopper intérieurement et extérieurement, sans que rien soit capable ensuite de m’en dessaisir.
Vous comprendrez difficilement ce que j’entends par des instructions sans paroles; je veux dire, Monsieur, que dans le tabernacle admirable, mon âme voit les choses si clairement que, soit sur Dieu, sur Jésus-Christ, sur Marie, sur soi-même, sur la religion, elle s’instruit comme si elle entendait parler. Souvent elle voit et ne comprend pas; mais elle goûte avec suavité les étonnants mystères qui sont devant elle.
D’autres fois, un pouvoir invisible m’empêche d’entrer dans le tabernacle admirable, ou bien me force d’en sortir dès que j'y suis entrée.
O Monsieur, que de bonté en ce Sauveur Jésus! Qui me donnera de me confondre en actions de grâces devant lui, de lui donner à jamais et mon esprit et mon cœur, et mon âme et tout ce que j’ai!
Je vous prie de vouloir agréer, Monsieur le Curé, l’hommage de mon plus profond respect et de ma soumission entière à votre jugement, auquel je soumets toutes choses.
Votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, ler août 1843.


LETTRE 12, Jésus en croix nous montre l’énormité du péché.
Monsieur le Curé,
Je viens vous soumettre, avec le même abandon et la même confiance, ce que vous m’avez demandé de mes méditations sur la passion du Sauveur Jésus.
Je ne sais trop comment je pourrai m’exprimer et dire des choses que j’ai entendues sans qu’on proférât une parole, et qui étaient bien plus l’effet d’un éclat de lumière que de voix clairement et distinctement articulées.
Pour ces méditations, je ne me suis point servie de livres; je ne les ai non plus jamais préparées. J’avais déjà plusieurs fois médité sur la passion de la manière que je vous ai dite ailleurs; la passion est le sujet le plus ordinaire de mes méditations. C'est une source inépuisable vers laquelle me porte un attrait irrésistible, et dans laquelle mon âme prend force, courage et vertu pour faire le bien et éviter le mal.
Or, un jour, je me mis à genoux pour faire ma méditation selon l’attrait qui me serait donné. Quand je ne prépare point ma méditation, ne c'est point que je veuille tenter Dieu ainsi; mais c'est que je suis obligée de suivre l’attrait qui me porte ailleurs, et qui m’oblige même à laisser la méditation que j’aurais préparée pour en suivre une autre. Quelquefois Dieu m’envoie des occupations qui m'empêchent la veille de me préparer à ma méditation du lendemain. C'est là pour moi l’indice que le Sauveur se charge de ma méditation ou bien que je devrai me tenir humblement à ses pieds, quelquefois sans aucun sentiment d’amour, jusqu’à ce qu'il lui plaise d’avoir pitié de moi.
Après m’être agenouillée aux pieds du Sauveur, je sentis aussitôt en mon âme un attrait qui la portait presque avec violence à considérer Jésus attaché à la croix.
Ah! Monsieur, je ne sais comment je devins alors. Pendant que mon corps me semblait d'un poids et d'une lourdeur accablants, mon âme semblait avoir une nouvelle vie. Elle se trouva dans le centre de la lumière et des connaissances du tabernacle admirable. Mon Dieu, que de lumières et que de connaissances! Je les vis toutes immédiatement dans leur ensemble, mais je ne pus les supporter ensuite dans leur détail; elles débordèrent mon âme, qui dut nécessairement se retirer et attendre jusqu’au lendemain; ce qui me fait supposer que le Sauveur avait d’abord voulu me montrer comme un plan général des méditations qu'il voulait que je fisse ensuite séparément et chaque jour. C'est du moins ce qui est arrivé.
Voici le plan général tel que je l’aperçus : 1° Jésus en croix nous fait comprendre la grandeur et l’énormité du péché; 2° Jésus en croix est pour nous le modèle de toutes les vertus; 3° Jésus en croix fait connaître la justice et la miséricorde de son Père.
Le premier jour, je pus méditer sur la première partie, qui est : Jésus en croix nous fait comprendre la grandeur et l’énormité du péché.
Dans une première vue, je considérai le péché en lui-même et dans sa nature intime; dans une seconde considération, je vis l’injure et l’outrage qu'il fait à Dieu; enfin je compris quel est la cause de tous nos maux, tant spirituels que temporels. Quelles connaissances profondes! quelles lumières éclatantes environnèrent mon âme en cet heureux moment! Ce n’était point une parole parlée que j’entendais, mais je comprenais mieux qu'en entendant l’homme le plus savant et le prédicateur le plus distingué. C'était une parole sans voix et une voix sans parole, et je n’ai point de parole pour exprimer cette voix, ni de voix pour rendre cette parole. J’ai vu, j’ai entendu, j’ai compris; j’essayerais en vain de le rappeler, je ne le pourrais pas. C'était plus fort, plus tendre, plus sensible, plus doux, plus pénible, plus douloureux, plus intelligible, plus saisissant pour moi que toute chose au monde. C'est aujourd'hui si profondément gravé dans mon cœur, que je ne puis même l’extérioriser par écrit ou par parole. O Jésus en croix, salut de mon âme! O croix de Jésus, salut du monde! O Jésus en croix, Dieu mort pour mes péchés! O croix de Jésus, délivrance de mes iniquités! O Jésus en croix, réparateur de l’injure faite à Dieu! O croix de Jésus, témoin éclatant et glorieux du pardon de Dieu le Père! O Jésus en croix, libérateur du genre humain! O croix de Jésus, bouclier contre Satan, le monde et les passions! O Jésus en croix, félicité dans nos souffrances et nos peines! O croix de Jésus, arc-en-ciel de la miséricorde de Dieu! O Jésus en croix, ce sont mes péchés qui vous ont fait mourir! O croix de Jésus, ce sont mes péchés qui vous ont rougie du sang de mon Sauveur! O Jésus en croix, que je sois à jamais près de vous, avec vous, en vous! O croix de Jésus, que je vous embrasse à jamais et meure en vous pressant sur mon coeur.
Je ne pouvais plus rester dans le tabernacle admirable dont la lumière éclatante me repoussait au loin. Avant de sortir, j’entendis, forte comme un tonnerre, une voix prononçant ces paroles, qu'elle m’adressait et que j'ai conservées : " Ma fille, dites chaque jour cette prière : Mon Dieu, souvenez-vous de ce moment où vous avez fait couler pour la première fois votre grâce dans mon coeur, en me lavant du péché originel pour me recevoir au nombre de vos enfants. O Dieu, qui êtes mon Père, accordez-moi, par votre infinie miséricorde, par les mérites et le sang de Jésus-Christ, les peines et les douleurs de la sainte Vierge, les grâce que vous désirez que je reçoive en ce jour pour votre plus grande gloire et mon salut. "
Voilà, Monsieur le Curé, ce que j’éprouvai en ce jour. Je continuerai à écrire le reste dans mes moments de loisir.
Je vous prie d’agréer l’hommage de ma vénération et de mon plus profond respect avec lequel je suis,
Monsieur le Curé,
Votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 7 août 1843.


LETTRE 13, Jésus en croix modèle de toutes les vertus.
Monsieur le Curé,
La considération de Jésus en croix comme modèle de toutes les vertus m’a retenue plusieurs jours dans le tabernacle admirable.
Chaque jour c'étaient des lumières et des connaissances diverses sur chacune de ces vertus données à mon âme et des désirs immenses de les posséder. Ce n’étaient point des instructions comme celles que je reçois ordinairement. Je vous l’ai déjà dit, dans le tabernacle admirable je n’entends ni la voix ni la parole du Sauveur; mais je vois, je comprends, j’ai l’intelligence de ce qui se présente à moi, et je voudrais toujours voir ces choses, toujours reposer mon intelligence sur elles et y prendre mon repos. Aussi, il est impossible que j’essaye de vous exprimer ce que j’ai éprouvé sur l’amour de Jésus-Christ pour son Père; amour qui lui fait prendre un corps et une âme semblable à notre âme, pour vivre d’une vie pareille à notre vie et qui le fait mourir sur la croix pour offrir à Dieu un sacrifice digne de lui; sur la soumission entière et parfaite du Sauveur Jésus à la volonté de son Père, par laquelle il lui sacrifie sa volonté pour accomplir la sienne; sur le désir infini de réparation de la gloire de son Père; sur l’abandon et la confiance sans bornes en Dieu son Père, entre les mains de qui il remet son âme pour mourir.
Il est impossible que j’essaye de vous exprimer ce que j'ai vu de l'amour de Jésus-Christ pour tous les hommes, pour ses bourreaux, pour moi, et de vous montrer le tableau de lumière qui s'est fait autour de cette parole que je voyais en caractères de feu dans le Cœur de Jésus : " J’ai soif. " C'était la soif de notre salut, du salut des pauvres pécheurs dont il était dévoré. Il aurait voulu pouvoir dire à tous comme il le dit au bon larron : " Aujourd'hui, vous serez avec moi dans le paradis. " c'était là le désir de son cœur, désir immense, qu'il manifestait dans cette parole d'un Dieu mourant pour la rédemption des hommes : " J’ai soif! "
Il est impossible que j’essaye de vous exprimer l’humilité de Jésus en croix, de ce Dieu souverainement grand et élevé, anéanti dans les supplices et la mort. Il est impossible que j’essaye de vous exprimer son obéissance qui le soumet à ses bourreaux, sa patience qui l’empêche de se plaindre, sa douceur qui en a fait dans ses supplices l’agneau de Dieu effaçant les péchés des hommes.
Chacune de ces vertus de Jésus en croix m'a retenue un jour en oraison devant mon Sauveur. Je ne puis dire autre chose. Si je veux écrire, ma plume s’arrête, parce que l’expression lui manque; si je veux parler, ma langue est comme sans mouvement. On ne peut rendre par une parole extérieure, sensible une parole insensible et intérieure. Je ne puis exprimer un enseignement que j’ai reçu dans l’éclat d'une lumière sortie de la croix, par des signes de convention sortis de la langue de l'homme et qu'on appelle la parole.
Recevez, Monsieur le Curé, l’assurance de ma profonde reconnaissance, de mon respect le plus grand et de ma vénération la plus entière.
Monsieur le Curé,
J’ai l’honneur d’être votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 9 août 1843.


LETTRE 14, Jésus en croix fait connaître la justice de son Père, et cette connaissance est l’effroi du pécheur impénitent. Jésus en croix montre aussi sa miséricorde.
Monsieur le Curé,
C'est avec la plus entière et la plus parfaite soumission que je désire me conformer à votre volonté. Vous m’ordonnez de faire un effort et de tenter la découverte d'une expression de ce que j’éprouve dans mes méditations sur la passion.
Je vais essayer, je ferai comme je pourrai; pardonnez-moi si je ne fais point de la manière que vous le désireriez, et que ma bonne volonté me fasse trouver grâce près de vous.
Après avoir médité sur Jésus en croix, modèle de toutes les vertus, j'ai vu se dérouler la suite du plan général que je vous ai tracé. Jésus en croix fait connaître la justice de son Père, et cette connaissance est l’effroi du pécheur impénitent.
Ce sujet m’a retenue dans le tabernacle admirable pendant trois jours à l’heure de ma méditation.
Vous savez, Monsieur, et vous voyez combien la justice de Dieu apparaît dans Jésus en croix. Je ne m’arrêterai point là-dessus. D’ailleurs, dans ma méditation, cette vue de la justice divine sur Jésus en croix a brillé pendant un instant seulement, et parce que c'est là, je pense, on mystère insondable, il ne m’a point été permis de m’y arrêter. Mon intelligence et mon coeur se sont portés pendant les trois jours sur l’effroi que doit causer au pécheur impénitent Jésus crucifié.
Jésus en croix est la victime sur laquelle Dieu a exercé la rigueur de sa justice et la sévérité de ses jugements. Or, Jésus était juste et il n’avait en lui que l’apparence du péché pour lequel il venait mourir afin de sauver le monde. Que doit donc attendre le pécheur impénitent qui ne veut point renoncer à son péché, et que la mort frappera à l'heure où il y pensera le moins?
Telle est la vue générale que j’aperçus le premier jour où il me fut donné d’entrer dans le tabernacle admirable pour y voir la justice de Dieu manifestée dans Jésus en croix.
Voici la vue en son détail ou l’enseignement que mon esprit puisait dans cette vue.
Jésus était juste, saint et impeccable. Le coeur de Jésus ne pouvait ressentir l’impression d’aucun vice, d’aucune mauvaise inclination, ni de la plus petite imperfection, tandis que les saints, même les plus grands saints, par un effet de la nature corrompue, ont éprouvé en eux ces impressions, bien qu'ils n’en aient pas été les victimes. La divinité qui remplissait son coeur y enfermait la sainteté parfaite de Dieu, et repoussait par conséquent tout ce qui n'était pas saint, et l’empêchait par des barrières infinies d’arriver jusqu’à lui.
L’esprit de Jésus était éclairé de la lumière même de la divinité qui le divinisait, c'est-à-dire lui donnait la plus entière conformité et la plus grande participation à la sainteté de Dieu, pour qu'il fût l’esprit de l’Homme-Dieu.
L'âme de Jésus était remplie par la divinité qui se communiquait à elle d’une manière si intime que l'âme du Sauveur était tout absorbée dans la divinité, devenait une même chose avec elle, et pourtant sans confusion et en conservant toutes ses puissances et toutes ses facultés distinctes de la divinité. L'âme de Jésus était, comme celle des autres hommes, douée des mêmes facultés, l’entendement, la mémoire, la volonté et la raison; mais ces facultés étaient divinisées dans le Sauveur Jésus.
Le corps de Jésus était pur et saint; car son âme étant pleine de grâces, possédant toutes les vertus dans un degré infiniment plus élevé qu’on ne peut le concevoir, participant aux perfections de la divinité, étant divinisée elle-même, ne pouvait conduire le corps que d'une manière divine. Car c'est l'âme qui est le guide du corps, qui le fait agir et opère par lui ce qu'elle veut. Or, l'âme de Jésus étant divinisée par son union à la divinité, divinisait le corps de Jésus par son union avec lui. Dans le corps de Jésus se trouvait la divinité du Verbe de Dieu et l’âme de Jésus divinisée par son union avec elle; et le corps, l'âme, la divinité étaient si parfaitement unis, qu’ils ne formaient qu'un seul être ou une seule personne, la personne du Fils de Dieu fait homme; personne juste, sainte et impeccable. En Jésus il a trois substances : la substance divine, la substance de l'âme et la substance du corps. Ces trois substances font deux natures, la nature divine et la nature humaine. Ces deux natures font une seule personne, la personne du Fils de Dieu fait homme, qui s’appelle Jésus-Christ.
L'homme doit avoir en lui nécessairement le corps et l'âme. S'il n'avait que le corps, il ne serait point homme, ce serait une machine sans vie, une statue sans mouvement. S'il n’avait que l'âme, il ne serait point homme, ce serait une intelligence spirituelle; il faut, pour que l'homme existe, qu'il y ait union entre le corps et l'âme, qui se conservent sans se confondre, car l'âme ne devient point matière ni le corps un esprit. Ils se conservent mutuellement, et leur union compose l'homme.
Jésus-Christ est vraiment homme. Il est homme uni à la divinité. L'union de la nature divine avec la nature humaine ne fait point que la nature humaine soit confondue avec la nature divine. La nature humaine est parfaitement et entièrement conservée en Jésus-Christ, sans cela il ne serait point homme. La nature divine ne se confond point avec la nature humaine par son union avec le corps et l'âme de Jésus-Christ; elle se conserve telle qu'elle a été de toute éternité; s'il en était autrement, Jésus-Christ ne serait point Dieu. Aussi, de même que le corps et l'âme unis entre eux, sans se confondre, forment l'homme, ainsi la réunion de la nature divine et de la nature humaine forment, sans se confondre aucunement, une seule personne, la seconde personne de la sainte Trinité faite homme pour nous.
Tel est Jésus-Christ, Dieu et homme en même temps; par conséquent infiniment juste, infiniment saint, infiniment impeccable. Tel est Jésus-Christ, en qui rien ne peut déplaire à Dieu son Père, dont il est la splendeur et la gloire. Tel est Jésus-Christ, la justice et la sainteté par excellence. En lui par conséquent rien ne méritait le courroux de Dieu son Père, et c'est lui que je vois en croix, c'est lui que je vois victime de la sévérité des jugements de Dieu. Il n'y a en lui que l’apparence de nos péchés, dont il a voulu se charger, et cependant quelles rigueurs, quelles punitions, quelles vengeances Dieu exerce sur lui! Tous les maux que le péché a attirés sur le monde pèsent sur lui, le torturent et l’accablent.
Si le Juste et le Saint des saints est ainsi traité, que sera-ce du pécheur coupable et impénitent, du pécheur qui s’abandonne à toutes ses passions, qui se fait un plaisir d’offenser Dieu, qui se roidit et se dresse contre le ciel, qui arme le bras de la justice divine par ses iniquités, qui l’oblige à le frapper par son obstination dans le mal et son impénitence? Malédiction éternelle de Dieu, flammes vengeresses et dévorantes de l’enfer, n’anéantirez-vous point ce pécheur? Non, mais pendant l’éternité vous l’étreindrez vivant sans le lâcher jamais.
Le lendemain, je vis combien Jésus en croix doit épouvanter le pécheur impénitent qui abuse du sang de son Sauveur, en refusant de se convertir.
Jésus-Christ, par sa mort et les mérites de sa mort, nous a obtenu les grâces qui nous sont nécessaires pour opérer notre salut. Les sacrements et les actes de religion sont la source où nous pouvons aller puiser ces grâces. Que fait le pécheur impénitent? Il néglige ces grâces qui lui sont offertes, il n’en profite pas. Elles sont là devant lui pour le retirer de la mort et lui donner la vie, et il refuse la vie pour rester dans la mort. O folie et aveuglement du pécheur! Que fait-il encore? Il ne se contente pas d’abuser ainsi de ces grâces en les négligeant, il en abuse en les profanant; il les fait servir à sa ruine, à sa condamnation. O désolation des désolations et malheur des malheurs! Le péché est un effet de la faiblesse humaine; mais la persévérance dans le péché n'est-elle point un effet d'une malice satanique? Que dira ce pécheur à l'heure où Dieu lui demandera compte de l’administration de son âme? Quelle contenance fera-t-il? Quel sera son courage? Ne fuira-t-il pas dans les feux de l’enfer, parce qu'il ne pourra supporter l'œil courroucé de Dieu?
Jésus-Christ, par sa mort et par la satisfaction qu'il a offerte à Dieu pour les péchés des hommes, n'a pas voulu pour cela délivrer l'homme de toute satisfaction. Il a donné à Dieu la satisfaction que l'homme ne pouvait lui donner. Mais pour que cette satisfaction que Jésus-Christ a donnée à Dieu devienne utile à l'homme, l'homme doit faire ce qui lui est imposé et donner à Dieu la satisfaction qu’il veut agréer de sa part, après la satisfaction de son Fils sur la croix.
Or, la première satisfaction que Dieu demande à l'homme, c'est le repentir et l’intention de ne plus pécher. Dieu connaît la faiblesse de l'homme, aussi est-il disposé à lui pardonner ses fautes, dès qu'il a le repentir dans son âme.
Que fait le pécheur impénitent en face de Jésus en croix, en face de la satisfaction que le Sauveur donne à Dieu pour le salut de tous les hommes? Il dit à Dieu, il dit à Jésus : Vous me demandez satisfaction pour mes péchés, vous me demandez repentir de mes péchés, vous me demandez résolution de ne plus pécher; demandez O Dieu! et vous, Christ, demandez aussi; mais votre demande sera repoussée, le repentir ne sera jamais dans mon coeur. O parole impie, parole blasphématoire, parole qui soulève l’indignation du Très-Haut, parole qui fait tomber ses malédictions et ses vengeances! O mon Dieu! je ne puis par moi-même faire autre chose que pécher et vous offenser, mais je ne veux point persévérer dans le péché, je ne veux point résister à votre grâce. Je veux recueillir de votre bouche paternelle le pardon que vous m’offrez. Sauveur Jésus, réparateur des péchés de mon âme, vous avez eu pitié de moi, je veux du moins ne pas rendre inutiles vos souffrances et vos douleurs. Si je vous ai offensé, dès ce jour je veux vous aimer. Je déteste mes péchés; je vous promets, avec votre grâce, de les fuir comme à l’approche d’un serpent. Je veux m’unir à vous, vivre de vous, en vous et pour vous.
Ah! mieux eût valu pour le pécheur impénitent que Jésus-Christ ne fût jamais venu sur la terre. Mieux eût valu pour lui que jamais la croix n’eût élevé le Fils de Dieu entre le ciel et la terre; les crimes de ce pécheur n’eussent point été si considérables ni si outrageants pour Dieu. O sort mille fois malheureux de ce pécheur! Effroi de son âme au tribunal de Dieu et terreur à nulle autre pareille! Mon Dieu, grâce pour moi, et que je vous aime à jamais!
Le troisième jour, je vis dans ma méditation combien Jésus en croix est la terreur des pécheurs impénitents, par la grandeur des tourments qu'ils s’attirent en rendant les mérites du Sauveur inutiles.
J'ai vu l’effroi de ce pécheur avant sa mort; je l’ai vu aussi dans l’enfer. Mon âme en est encore toute saisie d’effroi.
Quels moments que ceux qui précèdent la mort d'un pécheur impénitent, quelles douleurs dans son âme, quelles terreurs en son esprit, quels regrets en son cœur, quel désespoir insoutenable! Il voit toutes les jouissances, tous les plaisirs, toutes les séductions de sa vie; il n’en reste plus rien, tout a passé, voici la mort. Toute sa vie est comme un tableau devant ses yeux. Il la regarde et il tremble, il la regarde et il désespère, il la regarde et il voudrait ne point la voir. Pauvre pécheur, s'il avait plutôt regardé Dieu et sa miséricorde, Dieu et sa bonté paternelle, Jésus et sa croix, Jésus et ses blessures, Jésus et son Cœur ouvert, Jésus et son sang, les âmes pieuses qui prient pour lui, qui ne désespèrent point de la générosité de Dieu, les âmes pieuses qui font une sainte violence à la justice divine; s'il savait lancer une parole de repentir, une parole d'amour, une parole de supplication vers le ciel, il serait sauvé! Mais non, ses yeux sont fermés et ne voient point la miséricorde de Dieu, ni la satisfaction du Sauveur, ni les prières de ceux qui l’aiment. Ses yeux sont fermés, et cependant il voit la justice de Dieu et sa main chargée de vengeances; il voit la croix de Jésus, non comme un instrument de salut, mais comme une verge éternelle qui le torturera à jamais. Il entend des voix non de prières et de supplications en sa faveur, mais des voix accusatrices pour sa condamnation. Sa bouche ne demande point pardon, elle ne prononce que des blasphèmes et des malédictions. Quelle agitation, quel trouble, quels mouvements affreux en tout son être! Pauvre pécheur! On veut le consoler, mais les consolations ne pénètrent point dans son cœur. On veut ranimer en lui la foi, et la foi reparaît non pour le sauver, mais pour le consumer comme le feu d’un vaste incendie. La foi l’éclaire et le brûle. Le bandeau de l’aveuglement est tombé de ses yeux, il voit. Mais quoi? L’éternité qui s’ouvre devant lui chargée de supplices et de maux inventés et créés par un Dieu vengeur de son nom et de sa gloire. Il voit entre Dieu et lui une distance infinie qu'il ne pourra franchir jamais, et il s’affaisse sous le poids de ses iniquités.
Quels moments et quelles souffrances!
Je vis d'autres pécheurs impénitents n’éprouver à cette heure ni peine ni remords. Il semblait que Dieu les avait abandonnés à eux-mêmes, et leur trépas ressemblait à celui des animaux sans raison.
Mais quel réveil! La justice de Dieu ne les frappera-t-elle pas d’une manière d’autant plus sensible qu'ils s'y attendent moins. Je suivis ces pécheurs dans le lieu de leur supplice.
Comment exprimer leur état, leurs peines, leurs tourments, leurs afflictions dans ce lieu d’éternelle douleur! Ils aperçoivent les perfections et les amabilités de Dieu, ou plutôt ils les comprennent sans les voir; ils comprennent que Dieu seul pouvait être leur bonheur et qu'ils en sont séparés pour jamais, et cette pensée fait leur premier et plus cruel tourment.
Ils voient la grandeur et l’énormité de leurs péchés, les grâces et les moyens de salut que Dieu leur avait ménagés dans sa bonté et dont ils n'ont point profité; et le remords le plus cuisant, parce qu'il est inutile et sans remède, fait leur second et insupportable tourment.
Ils voient que les maux qui les accablent n’auront jamais de fin, qu'ils dureront toujours et avec la même intensité. O vie désespérante qui leur fait pousser des cris et des hurlements affreux, des blasphèmes et des malédictions contre le ciel! O mon Dieu, quelle haine dans leur âme contre vous! quelle haine contre eux-mêmes! Quelle haine contre ceux qui les ont entraînés au mal! Est-ce qu'ils ne sont point au plus intime de ces âmes comme des orages d’imprécations, de malédictions, de blasphèmes, d’injures, de menaces qui sillonnent les enfers pour en raviver les flammes à jamais? Quelle vue et quel spectacle! Mon âme en fut effrayée et put à peine considérer la violence du feu de ces abîmes, et la fureur des démons à tourmenter les damnés dans tous leur sens.
Justice de mon Dieu, préservez-moi de ces rigueurs! Mon âme, de quoi me plaindrais-je? Les maux que Dieu m’envoie ne sont-ils pas un effet de sa miséricorde? Non, je ne veux point murmurer, Seigneur, de mes peines d’ici-bas, pour néanmoins en point mériter de plus terribles dans l’éternité. Faites de moi ce qu'il vous plaira. Que ma vie soit un martyre de chaque jour et de chaque instant, pourvu que je sauve mon âme! Quelles que soient mes souffrances, votre religion sainte me les rendra douces et faciles à supporter; le souvenir de l’enfer, dussent-elles durer un millier d’années sur la terre, me les fera supporter comme un fardeau léger. Que je souffre, ô Jésus crucifié, et que je vous aime toujours! Que mon corps et mon âme soient affligés par toutes les épreuves les plus fortes et les plus pénibles; mais qu'à ce prix mon coeur vous demeure attaché, qu'il ne soit jamais séparé de vous, qu'il n’ait pour vous qu’amour et reconnaissance, même au milieu de mes plus grandes tribulations!
Voilà, Monsieur, ce que j’ai vu, ce que j’ai éprouvé, ce que j’ai compris autant que mon esprit pouvait le comprendre, ce que j’ai senti en moi autant que mon âme était capable de sentiment. Je le sens, je n’ai pu vous montrer par cette lettre la lumière que j’ai vue, c'est Dieu seul qui la montre; je n’ai pu vous marquer en leur perfection les enseignements que j’ai reçus. Dieu seul pourrait le faire; je n’ai pu vous tracer les sentiments de mon cœur pendant ces heures de communications intimes avec Jésus, c'est là le secret du Roi que je ne puis dévoiler. Mais j’ai essayé de vous montrer ma bonne volonté et le désir que j’ai d’obéir à tout ce qu'il vous plaira de me commander.
Je veux terminer en vous disant, autant que je saurai m’exprimer, comment Jésus en croix fait reconnaître la miséricorde de Dieu.
La miséricorde de Dieu me fut manifestée de trois manières dans le tabernacle admirable par la vue de Jésus en croix.
La miséricorde de Dieu se manifeste dans les biens qu'elle nous donne, dans les maux qu'elle nous envoie, et dans la félicité qu'elle nous accorde dans le ciel. Or, Jésus en croix manifeste ce triple aspect de la miséricorde de Dieu.
La miséricorde de Dieu est une mer immense et infinie, dans laquelle se trouvent tous les biens, tous les dons et toutes les grâces qui nous sont réservés. Or, le péché mit au commencement un mur de séparation entre Dieu et l'homme, et Dieu ne pouvait plus faire miséricorde à l'homme ni verser sur lui l’abondance de ses bienfaits. L'homme était séparé de Dieu par une distance infinie, le péché. Mais Jésus vint sur la terre, monta sur l’arbre de la croix, rendit réparation pour le péché de l'homme, et la miséricorde continua son œuvre, en donnant à l'homme des grâces encore plus abondantes.
La miséricorde de Dieu se manifeste dans les maux qu'il nous envoie. Châtier, c'est aimer; châtier, c'est faire expier, châtier, c'est rappeler le souvenir de Dieu; châtier, c'est punir ici-bas pour ne point punir dans l’autre vie. Les maux que Dieu nous envoie sont des traits que la justice de Dieu lance sur l'âme; mais ces traits ne sont point mortels, ils sont au contraire cause de vie, parce qu'ils sont trempés dans les eaux de la miséricorde et qu'ils attirent les grâces de Dieu. Or, c'est de Jésus en croix que nous recevons cette effusion de la miséricorde de Dieu; c'est lui qui demande pardon à Dieu pour nos péchés, et nous fait envoyer les maux de la vie pour nous préserver de ceux de l’éternité. Ces maux sont une participation à ses douleurs et, unis à elles, ils nous sanctifient et expient nos péchés.
Enfin, la miséricorde de Dieu se manifeste en nous donnant le bonheur du ciel. C'est encore Jésus en croix qui manifeste sous ce rapport la miséricorde de Dieu; car c'est par sa croix qu'il a fermé les portes de l’enfer et ouvert celles du ciel. C'est par sa croix qu'il nous a délivrés de l’esclavage de Satan et rendus fils de Dieu.
O croix de Jésus, mystère dans le temps! O croix de Jésus, mystère dans l’éternité! Jésus en croix, vous ravissez nos cœurs sur la terre! Jésus en croix, vous captivez nos esprits sur la terre! Jésus en croix, vous attirez tous nos regards! Jésus en croix, vie de notre vie! Jésus en croix, mort de notre mort! Jésus en croix, bonheur et félicité de l'âme sur la terre! Jésus en croix espoir du bonheur et de la félicité du ciel!
Croix de Jésus, lumière du ciel! croix de Jésus, repos des âmes dans le ciel! croix de Jésus, lien éternel entre les âmes et Dieu dans le ciel! croix de Jésus, à vous gloire à jamais!
O Jésus en croix, que mon âme se consume à vous aimer! O croix de Jésus, que je vous porte, non un instant sur mes épaules comme le Cyrénéen, mais toute ma vie, tous les jours, et qu’avec vous je me présente à Dieu pour lui demander miséricorde pour l’éternité.
Je vous prie, Monsieur, en finissant, d’excuser ma si longue lettre et la manière dont je l’ai écrite. Vous n'y goûterez point ce que j'ai goûté dans le tabernacle admirable; vous n'y verrez point les lumières que j'y ai vues; vous n'y prendrez point les connaissances qui m’ont été données. Je donne ce que je puis donner par obéissance et de grand coeur.
Recevez, Monsieur le Curé, l’assurance de mes sentiments de vénération, de respect et d’obéissance avec lesquels je suis, Monsieur le Curé,
Votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 14 août 1843.
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Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847) Empty Re: Bibliothèque - Les Oeuvres de Sœur Marie Lataste (1822 - 1847)

Message par Her Mar 12 Avr - 8:53

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Soeur Marie Lataste
mystique catholique
Lettres


LETTRE 15, Souffrances du corps et de l'âme de Jésus dans la passion.
Monsieur le Curé,
Je viens vous soumettre encore ce que j’ai éprouvé un autre jour dans le tabernacle admirable à la vue de Jésus en croix.
Je vis dans le Sauveur deux sortes de souffrances : les souffrances du corps et les souffrances de l'âme, et cette vue me montra combien je devais prendre avec patience et soumission toutes les douleurs que je pourrais éprouver moi-même dans mon corps et dans mon âme.
Le corps de Jésus me paru affligé de tous les maux, de toutes les douleurs les plus aiguës qu'il soit possible d’imaginer. Il souffrait non-seulement toutes les souffrances des hommes à cause de leurs péchés, mais encore infiniment plus que tous les fils d’Adam ensemble. Son corps était comme un océan de souffrances. Sa chair était déchirée par la flagellation; ses nerfs, contractés et disloqués par le crucifiement; mais rien ne me paraissait comparable à la soif qui le brûlait. Mon cœur était brisé, en le voyant en cet état, mes yeux ne pouvaient se détacher de lui, et je souffrais mille morts en le voyant souffrir. J’aurais voulu le détacher de la croix pour mourir à sa place, pour souffrir ce qu'il souffrait; car, je ne pouvais me faire illusion, Jésus est innocent et je ne suis qu'une misérable pécheresse; c'est pour moi qu'il est en croix; c'est moi qui l’ai attaché en croix. O péché de mon âme! quelle est ton œuvre?
En ce moment, la lumière qui entourait le crucifix du tabernacle admirable devint plus éclatante que jamais. Le corps de Jésus m’apparut comme un océan immense, sans bornes et sans limites, d’où s’échappaient dans tous les temps passés, présents et à venir, sur toutes les épreuves des hommes, sur tous les maux, sur toutes les douleurs, sur toutes les peines, sur toutes les tribulations qu'ils endurent une fécondité nouvelle, une vertu divine qui changeait ces tribulations en une joie éternelle, ces maux en un bien éternel, ces épreuves en un repos éternel. Son corps m’apparut en même temps comme un océan immense où affluaient toutes les peines de l'humanité entière pour l’accabler lui seul, et des souffrances encore plus grandes qui eussent suffi et au delà pour affaisser toute l'humanité et l’empêcher de se relever jamais; mais il était Dieu et sa force divine contenait tous ces maux dans le corps et l'âme qu'il avait pris. La voix de Jésus se fit entendre, ou plutôt je compris sans qu'il parlât, ce que je puis à peu près rendre par ces paroles qui sont l’expression de ce que je compris : " Je suis le roi de la douleur, le maître des souffrances, le distributeur des tribulations. J'ai conquis ma couronne sur la croix, ma domination par ma mort et mon autorité par ma résurrection. Ceux qui veulent être couronnés avec moi doivent porter ma couronne d’épines; ceux qui veulent régner avec moi doivent mourir de la mort que je leur destine chaque jour de la vie; ceux qui veulent participer à mon autorité ne la recevront que par la voie douloureuse des tribulations. C'est moi qui envoie à chacun ses épreuves, qui en règle la durée comme l’intensité, et qui donne à tous l’exemple de la conquête de la gloire du paradis. Je n’avais point besoin de souffrir pour moi. C'est par amour pour les hommes que j'ai souffert. Tous les hommes ont péché; ils doivent souffrir pour expier leurs péchés, souffrir en union avec mes souffrances, souffrir par reconnaissance de ce que j'ai moi-même souffert pour eux. "
Ah! Monsieur, peut-on se plaindre quand on souffre, si l'on regarde un seul moment Jésus en croix? Ne trouve-t-on point là consolation, force, courage, et même désir de sa souffrance, puisqu'elle fait ressembler à Jésus et mérite le ciel?
Je vis aussi et je compris, autant que je pouvais la voir et la comprendre, la douleur de l'âme de Jésus. La plus grande douleur d'une âme, c'est l’abandon de tous ceux qu'elle aime. S'il en est ainsi, comment représenter la douleur de l'âme du Sauveur? Ah! je crois que si cette douleur était une chose sensible, ni la distance qu'il y a entre le ciel et la terre, ni la profondeur, ni l’immensité du monde, ne serait capable de la contenir.
Jésus était abandonné de tous, même de son Père. Si Dieu avait jeté en l'âme du Sauveur un regard miséricordieux, elle eût été consolée. Mais non, en ce moment, la divinité de Jésus seule trouvait en son Père l’amour éternel qu'il a eu et qu'il aura toujours pour elle; mais l'âme de Jésus ne trouvait qu'une rigueur extrême et inflexible en Dieu, qui réclamait tous les droits de sa justice. L’abandon de l’Homme-Dieu! Jésus seul peut comprendre et comprit tout ce qu'il y avait de pénible en cet état de son humanité abandonnée par Dieu son Père.
Jésus était abandonné de toutes les créatures. Les unes le torturaient, exerçaient sur lui toutes leurs cruautés, toutes leurs railleries et tous leurs affronts; les autres demeuraient dans la plus complète indifférence.
Il voyait pourtant quelques personnes debout près de lui, qui prenaient part à ses douleurs; mais leurs peines l’affligeaient bien plus qu'elles ne le consolaient. Leur impuissance à diminuer ses peines, comme leur présence qui les augmentait, n’étaient-elles donc pas encore plus pénibles que si elles l’eussent abandonné? Il voyait là Marie, sa Mère qui, en union avec lui, offrait à Dieu son sacrifice, et dont l'âme était véritablement traversée par un glaive de douleur. Il voyait là l’apôtre bien-aimé, le disciple seul demeuré fidèle, et cette vue pouvait-elle ne point le faire souffrir plus que tous les autres tourments?
Quelles douleurs en Jésus! Quel calme cependant en sa douleur! Il garde le plus profond silence : silence de miséricorde pour ses bourreaux, silence de soumission pour son Père. S’il le rompt, c'est par charité pour sa mère et son disciple bien-aimé; s’il le rompt, c'est par pitié pour le larron pénitent; s’il le rompt, c'est pour accomplir les prophéties; s'il le rompt, c'est pour remettre son âme entre les mains de son Père; s'il le rompt enfin, c'est pour témoigner que la vie lui appartient et que nul ne pourrait la lui ravir. O clameur dernière du Sauveur au moment de son trépas, jetée au monde comme un mystère qu'il ne comprendra jamais, combien vous avez saisi mon âme! Ne m’avez-vous point dit et montré comment Dieu use de plus de miséricorde envers nous, ses enfants adoptifs, qu’envers Celui qui est son fils par nature? Ne m’avez-vous point fait comprendre qu’au milieu de mes souffrances j’avais toujours les grâces de Dieu comme un appui, un soutien, une consolation, et la parole d’un ami, pour me donner courage et faire lever mes yeux au ciel, la parole du Sauveur? Ne m’avez-vous point fait sentir la nécessité de souffrir pour fuir le péché, de souffrir et de me soumettre à la volonté de Dieu, de souffrir et de ne désirer qu’une seule chose, la pureté du cœur?
Ah! Monsieur, je sens combien je ferais injure au Sauveur Jésus de me plaindre de mes souffrances. Il m’a montré la nécessité, l’avantage et la manière de souffrir. Je saurai mieux le faire que le dire, pourvu que Dieu m’assiste de sa grâce dans les tribulations.
Je suis, avec le plus profond respect, Monsieur le Curé,
Votre très humble servante,
Marie
Mimbaste, 19 août 1843.


LETTRE 16, Des trois communications dans le sein de Dieu.
Monsieur le Curé,
C'est avec une soumission entière que je viens soumettre à vos lumières ce que je vais écrire.
Ce ne sont point des paroles qui m’aient été adressées, ni des pensées qui m’aient été inspirées; ce sont des clartés brillantes, des vues, des connaissances que j’ai reçues dans l’oraison. Vous vous rappelez la différence que j’ai mise entre le tabernacle admirable, le sein et le coeur de Dieu. C'est dans le sein de Dieu que j’ai reçu ces communications. Je puis les réduire à trois points. Je ne sais si je pourrai bien me faire comprendre; je m’expliquerai le plus clairement que je pourrai.
Dans la première communication, il s’est agi de Dieu infiniment grand et infiniment incompréhensible dans son être et dans ses perfections.
Dans la seconde, il s'est agi des relations entre Dieu et l'âme élevée jusqu’à lui par l’union le plus intime.
Dans la troisième, il s’est agi de l’état d'une âme dépouillée de la grâce sanctifiante, de son retour à Dieu et de ses combats après sa conversion.
Enfin, comme conclusion, j'ai vu autant qu'elle peut être vue, la disproportion infinie qui existe entre Dieu et l'homme.
Voici la première.
La simple vue et la connaissance de Dieu offrent quelque chose de si grand, de si parfait, de si relevé, de si sublime, de si infini, de si fort au dessus de ce que l'esprit de l'homme est capable de comprendre, de concevoir ou d’imaginer, que toutes les facultés de son âme sont débordées, et que son cœur est ému par divers sentiments qu'il chercherait inutilement à contenir.
C'est en vain que l'esprit demande des expressions pour rendre les choses même telles qu'il les conçoit et les comprend. Quelque élevée que soit la conception ou l’intelligence qu'il a de Dieu, il est obligé de reconnaître qu'il ne peut rien dire de plus digne sur Dieu que d’avouer et de proclamer Dieu au dessus de tout ce que l’esprit de l'homme peut comprendre ou concevoir. Dieu est un tout qui ne peut être compris. Il remplit tout par son immensité. Tout vient de lui et retourne à lui. Dieu possède toutes les perfections qui de lui retombent sur les créatures, dans la mesure qu'il leur destine. Tout proclame les perfections de Dieu, tout publie sa gloire, tout annonce son existence. Dieu est le principe de tout bien. La source de la grâce est en Dieu; c'est de son sein qu'elle se répand sur les cœurs des hommes. Dieu est un fonds inépuisable de lumières, dans lequel se trouvent toute science et toute connaissance dans un degré infini.
En un mot, Dieu est un être infiniment grand, infiniment incompréhensible dans son être et ses perfections. Seul, il peut se comprendre lui-même.
Voici la deuxième.
Quand il plaît à Dieu d’élever une âme, il se communique à elle, il la fait participer à sa sainteté, à sa sagesse, à sa force; il l’éclaire de ses lumières, il la remplit de la vertu de son Esprit, il se découvre à elle, il la transporte et la fait monter jusque dans le cercle de l’adorable Trinité, et là, il répand sur cette âme l’abondance de ses biens et de ses grâces, pour lui faire goûter une félicité au dessus de toute félicité.
L'âme, se voyant comblée des bienfaits immenses du Très-Haut, les reçoit avec les sentiments de la plus profonde reconnaissance; mais, sachant sa faiblesse et sa misère, et craignant de faire mauvais usage des dons de Dieu, elle les jette dans le sein de la divinité vers qui elle les fait remonter, proclamant ainsi qu'elle regarde Dieu comme son principe et sa fin, proclamant surtout qu'elle se croit incapable de tout et qu'elle s’abandonne entièrement à Dieu. Ainsi dégagée et détachée de tout, l'âme se perd dans le sein de Dieu et repose en lui : mais elle n’oublie pas, à cette heure des bénédictions et des faveurs divines, ce qu'elle est, et, jusque dans sa plus haute élévation, elle conserve le sentiment de sa bassesse et de son néant.
Voici sur la troisième.
Quand l'âme est dans le péché, elle se trouve plongée dans un abîme profond. Elle est là, environnée de ténèbres et victime des démons, ses ennemis, qui la tiennent captive par les chaînes de ses passions. Cette âme, si belle et si noble par elle-même, est par son péché dans un état de noirceur et de laideur qui la rend hideuse aux yeux de Dieu, des anges et des saints. Elle est séparée de Dieu et éloignée de lui par une distance infinie. Cependant Dieu, toujours miséricordieux, ne veut point abandonner cette âme, malgré ses péchés. Il lance sur elle des traits de lumière et lui envoie des grâces pour qu'elle connaisse son état et gémisse sur ses iniquités. Il lui fait comprendre son malheur par la perte qu'elle a faite de son amitié. Il lui montre combien il a été bon envers elle, combien il use encore de miséricorde et de patience et combien il désire renouveler son alliance. Il ne néglige rien, il met tout en usage jusqu’à ce qu'il ait triomphé de cette âme.
L'âme ne peut point par elle-même sortir de son abîme, briser ses chaînes, arriver à Dieu; mais elle lève ses yeux vers lui et lui jette ses supplications. Dieu descend près de cette âme, lui donne le repentir qui brise ses liens et lui permet de sortir de l’abîme. Puis il la revêt de la robe blanche de l’innocence et de la pureté, par le pardon des échés qu'elle accuse au ministre du Sauveur Jésus.
L'âme est pourtant encore tout près de l’abîme qu'elle vient de quitter. Là, le démon et les passions lui livrent de rudes assauts pour l’enchaîner de nouveau s’il est possible. Elle rencontre mille obstacles, mille embarras qui l’empêchent d’avancer dans la route du bien; il lui faut à chaque pas un nouveau combat, une victoire nouvelle. Dieu ne lui manque pas, heureusement; Dieu la soutient, nourrit son courage, et peu à peu elle fuit loin de l’abîme en marchant plus commodément vers le ciel.
Conclusion. J’ai vu enfin la disproportion qu'il y a entre Dieu et l'homme. En Dieu tout est infini; en l'homme tout est borné. Dieu se suffit à lui-même, il n’a besoin de personne, il est sa propre gloire, sa propre félicité; il est, il a été, il sera au siècle des siècles. Le monde n’existait pas, l'homme n’avait point été créé, les anges ne peuplaient point les cieux, Dieu néanmoins n’avait rien à désirer pour son éternel bonheur, car il était infiniment bon, infiniment grand, infiniment parfait.
Mais l'homme ne s’est pas fait lui-même; il est l’ouvrage de Dieu, il a eu un commencement, il aura une fin; il tient tout de Dieu, et, quelque élevé que soit un homme en grâce, en mérite, en perfection, il n'est rien en comparaison de Dieu. On ne peut comprendre la différence qu'il y a entre eux. Quelque profonde que soit la science de l'homme, elle est bornée et très bornée; la science de Dieu ne connaît point de limites, elle est infinie. Qui peut donc s’abaisser assez devant vous, mon Dieu, qui êtes si saint, si parfait, si puissant, si incompréhensible!
Recevez, Monsieur le Curé, l’hommage de ma vénération la plus grande et de mon respect le plus profond.
Je suis votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 30 août 1843.


LETTRE 17, Entrée et progrès dans la perfection.
Monsieur le Curé,
Vous m'avez demandé si le Sauveur Jésus m’avait parlé dans quelque circonstance d'une âme qui entre et s’avance dans la perfection.
Voici les lumières qu'il a plu au Sauveur de me donner à ce sujet :
" Quand une âme est en état de grâce et désire entrer et s’avancer dans la perfection, elle s’humilie profondément devant Dieu. Elle reconnaît que par elle-même elle n’est que péché, qu'il lui est impossible de faire le bien et qu'elle a un besoin permanent et continuel du secours de Dieu. C’est par ces sentiments humbles qu'elle attire Dieu près d’elle. Dieu, en effet, ne résiste point aux humbles. Il inspire confiance à cette âme, il lui donne courage et fermeté, il l’attire vers lui, il souffle en elle peu à peu le feu d’une charité qui croît de plus en plus. Cette charité fait que cette âme ne désire que Dieu, ne cherche que Dieu, ne veut que Dieu, qu'elle se détache de tout ce qui n'est pas Dieu, qu’elle oublie tout en Dieu pour ne s’occuper que de Dieu. Ses yeux deviennent comme fermés à la lumière du jour; elle a des yeux et elle ne voit point, parce qu'elle ne veut regarder qu’avec les yeux de son âme. La lumière qu'elle cherche n'est point celle du soleil, mais celle de la grâce, qui est la lumière de Dieu éclairant les âmes.
Ainsi cette âme s’élève au dessus des choses de la terre, au dessus d’elle-même, et Dieu répand d’autant plus de grâces en elle qu'il la voit vide de l’amour des créatures et d’elle-même. Ainsi cette âme étouffe les sentiments de la nature, maîtrise ses passions et les amortit, renonce à la lumière de la chair pour ne suivre que celle de l’esprit de Dieu.
Dieu la voyant en ces dispositions admirables se communique à elle et lui fait part des perfections qui sont en lui. Plus elle avance dans le chemin de la perfection, plus la lumière céleste croît en elle, plus elle comprend qu'il n'y a qu'un seul mal, le péché, parce qu'il éloigne de Dieu; qu'il n'y a qu'un seul bien, Dieu et son amour. Qu'elle est admirable l’action de Dieu sur cette âme! Qu’il est admirable le commerce de Dieu avec cette âme!
L'âme qui le comprend bien ne hait, ne déteste, ne fuit rien tant que le péché; elle n’aime, elle ne désire, elle ne cherche rien tant que Dieu et l’accomplissement de sa volonté. Elle s’abandonne tout à Dieu avec ses peines, ses afflictions, ses joies et sa félicité; elle garde ses yeux attachés sur Dieu et marche au souffle de la grâce vers la perfection, comme une nacelle vers le rivage au souffle du vent qui l’entraîne.
Elle peut s’abandonner à Dieu, nautonier habile qui connaît tous les périls, tous les dangers, tous les tourbillons de la mer du monde; il les évitera et la conduira sûrement au port du salut. Quelquefois il paraîtra sommeiller; des tempêtes surgiront, des abîmes sembleront entr’ouverts et prêts à engloutir cette âme; mais ce n'est pas elle qui conduit la barque, ce n'est pas elle qui la dirige, c'est le Dieu qui commande aux vents déchaînés et qui les arrête par sa parole. Cette âme est en sûreté et son salut repose sur la confiance qu'elle a dans le Sauveur.
Recevez, Monsieur le Curé, l’hommage de mon plus profond respect, et l’assurance de ma plus entière déférence à tous vos ordres.
Votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 10 septembre 1843.


LETTRE 18, Bonheur de Marie Lataste. Sa soumission entière à la volonté de Dieu.
Monsieur le Curé,
Je ne sais si ce que je vous ai dit dans mes lettres pourra vous laisser une idée du bonheur que Dieu m’a fait goûter dans le tabernacle admirable. Les lumières qui éclairent mon âme, les grâces et la félicité qui l’enivrent en ces moments de la méditation ont quelque chose de si divin, de si heureux, que volontiers, si c’était possible, je passerais là ma vie et l’éternité, car j’y possède l’objet de tous mes désirs, le Sauveur Jésus.
Je ne saurais jamais vous répéter assez, publier assez haut, combien le Seigneur est aimable dans ses communications avec l’âme; combien il fait goûter à celui qui l’aime une félicité suprême jusque dans les plus grandes tribulations!
Je le sens bien, plus l’attachement qu'on a pour Dieu est désintéressé, plus la paix que Dieu donne est inaltérable. Plus l’âme est libre et dégagée de tout ce qui n'est pas Dieu, même des consolations de Dieu, plus elle est heureuse et contente. Plus le cœur est vide de tout ce qui n'est pas Dieu, plus il est rempli de la grâce et de la douceur de Dieu, et rien ne saurait le rendre content s'il ne possède point Dieu. Pour être content, le coeur doit être indifférent à tout, oublier tout en Dieu. Heureuse l'âme établie dans cette indifférence, indifférence dictée par l'amour de Dieu et le mépris de soi, et nullement semblable à l’indifférence qui vient de l'amour de soi et du mépris de Dieu. Cette dernière indifférence est une noire ingratitude indigne d’un cœur chrétien. C'est l’oubli de tout ce que Dieu a fait pour soi.
Mais tout oublier en Dieu, c'est reconnaître que tout vient de Dieu, c'est tout rapporter à Dieu, c'est tout renfermer en Dieu pour que rien ne se perde et ne se dissipe; c'est là la reconnaissance souveraine et parfaite, le plus bel hommage qu'on puisse rendre aux dons de Dieu.
Je désire augmenter en moi cette indifférence, cette soumission, cet abandon à la volonté de Dieu. C'est dans ces sentiments que je trouve la paix, la force et la confiance qui me rendent presque insensible aux peines que je dois éprouver et à mes tribulations. Mes tribulations n'ont point disparu; mais je goûte, même avec elles, des consolations qui m’enivrent de félicité.
Oui, Monsieur, je suis heureuse, je ne désire plus rien; mon bonheur, c'est Dieu; il me suffit, rien ne pourra me rendre malheureuse; le malheur lui-même augmenterait ma félicité, qui est Dieu et le repos en Dieu.
Vous le voyez, c'est avec un entier abandon que j’épanche mon cœur dans votre cœur; Dieu qui voit tout sait bien que je ne vous cache rien, et que je vous parle dans la simplicité d'un enfant qui s’entretient avec son père dont il connaît toute la bonté.
Priez pour moi, Monsieur le Curé, et croyez aux sentiments de vénération profonde, de respect, de soumission et de reconnaissance avec lesquels,
J’ai l’honneur d'être, Monsieur le Curé,
Votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 5 septembre 1843.


LETTRE 19, Diverses communications de Dieu à l’âme dans l’oraison.
Monsieur le Curé,
Vous m’obligez à vous dire ce que j’éprouve dans mes méditations ces jours-ci. Je l’avoue, c'est là chose assez difficile. J’essayerai pourtant de vous obéir, et tâcherai de faire de mon mieux.
Lorsque je veux faire oraison, je ne me propose pas de sujet pris à l’avance, je ne me sers point de livre; rien de tout cela ne pourrait convenir à l’attrait que j’éprouve chaque fois, et par conséquent loin de m’être utile, ce choix ou cette préparation me serait à charge ou pénible.
Je me mets donc en oraison avec la seule disposition de recevoir l’attrait qui me sera donné. Quelquefois, immédiatement après, je me sens portée à chercher Dieu; je le cherche avec docilité et humilité. D’autres fois cet attrait tarde à venir; alors je me repose dans le sein de Dieu, m’humiliant et m’anéantissant en la présence de son immense sainteté, moi, pauvre créature pécheresse et entraînée au mal. Dieu se laisse chercher plus ou moins longtemps, et je lui demeure toujours soumise, quand même il ne devrait pas se laisser trouver. Mais non, tôt ou tard, il vient dire à mon âme : " Cherche moi. " Je le cherche et je le trouve. Dieu, en effet, ne résiste pas à la soumission pleine et entière à sa divine volonté.
Dieu se communique à l’âme et se découvre à elle de plusieurs manières.
Dieu se communique à l’âme par sa seule présence, et l'âme ressentant la présence sensible de Dieu repose en lui et suit l’attrait qui lui est donné conformément à cette communication.
Dieu se communique à l’âme par les dons de sa grâce. Alors il semble que l'âme reçoive des flots de grâces qui remplissent son coeur et pénètrent avec le sang dans tout le corps. L'âme en est tout enivrée. En ce moment, quelles que soient ses peines, elles disparaissent; l'âme ne les sent pas parce qu'elle goûte un bonheur ineffable dans la communication qui lui est faite.
Dieu se communique à l'âme en lui donnant des connaissances diverses, par des lumières et des illuminations divines, des vues en quelque sorte béatifiques, ou bien par des pensées qu'il lui inspire et des paroles qu'il lui fait entendre.
Dieu se communique à l'âme en la faisant pénétrer dans le sein de son immensité, et plus elle pénètre avant, et plus cette communication est grande et relevée.
Dieu se communique encore à l'âme d’une manière plus parfaite en la faisant pénétrer jusque dans son cœur. Je ne sais, Monsieur, si vous comprenez ce que je veux dire. Je mets une grande différence entre le sein et le cœur de Dieu. les communications que Dieu fait à une âme dans son cœur sont les plus intimes, les plus élevées, les plus parfaites. C'est là, en effet, que l'âme trouve le point de réunion de toutes les perfections de Dieu, là qu'elle en reçoit en elle-même les plus douces impressions, là qu'elle en s'est toute compénétrée. Elle voit là et contemple les perfections divines dans tout leur éclat, saisie d’étonnement, d’admiration et d’amour. Le cœur de Dieu, c'est la source d’où jaillissent toutes les grâces. Le cœur de Dieu, c'est la plénitude de tous les biens, et l'âme qui pénètre dans ce cœur les possède à ce point qu'ils lui paraissent communs avec Dieu. c'est là qu'il lui découvre la réalité de sa substance dont il lui donne communication pour ne faire qu'un avec elle. Enfin, c'est là qu’a lieu le commerce le plus merveilleux, le plus admirable, le plus sublime qu'on puisse supposer entre l'âme et Dieu, entre le créateur et la créature, le fini et l’infini. Là, Dieu parle un langage que les hommes ne comprennent point; là l'âme parle à Dieu un langage dont elle n’a plus l’intelligence quand elle a cessé de parler, et qu'elle ne retrouvera qu’au ciel pour le posséder à jamais. Ce langage est caché, intime, mystérieux; il est en forme de chant, et cependant il n'est point un chant. On n’emploie pour ce langage ni le son de la voix ni celui des paroles. L'âme, en ce moment, comprend ce langage, mais ce n'est point par une intelligence véritable et raisonnée, mais par le sentiment et l’impression si douce et si suave qui est en elle.
Dans ce langage, l'âme et Dieu expriment réciproquement leurs sentiments l’un pour l’autre. Dieu touche toujours le cœur de l'âme, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus intime en son intelligence et sa volonté, et quelque insensible que soit ce cœur, il lui faut verser des larmes. Il n’en est pas de même du coeur de l'âme, car il ne parvient pas toujours à toucher le cœur de Dieu.
Dieu parle en Dieu, c'est-à-dire en maître; Dieu parle en père, c'est-à-dire comme l’ami le plus tendre et le plus aimant; et l’âme, comment peut-elle parler, si ce n'est comme parle un sujet ou un esclave, comme parle un petit enfant? Quand Dieu parle, il se fait écouter; quand il a cessé de parler, c'est l'âme qui lui répond; mais cette réponse ne dépend point d’elle, elle dépend de Dieu qui l’inspire par un attrait auquel l'âme ne doit point résister, mais qu'elle doit suivre avec soin et avec une grande humilité pour ne point s’exposer à tout perdre. O bonheur ineffable des communications de l'âme avec Dieu dans le coeur de Dieu, c'est-à-dire dans son Verbe éternel! Langage sans paroles, entretiens muets et mystérieux par l’onction éternelle de la Divinité, c'est-à-dire par le Saint-Esprit! O Monsieur! Je crois bien que c'est là le ciel. O Dieu, trinité et unité! O Dieu de mon âme, Dieu plein de miséricorde, Dieu plein de tendresse, Dieu plein d’amour, Dieu admirable, Dieu trois fois saint, que je vous aime à jamais!
Voilà, Monsieur, des communications auxquelles il me semble avoir pris part; que je n’ai point cherché à hâter, cela eût été inutile; que je n’ai point désirées, je ne désire que ce que Dieu veut, mais auxquelles je n'ai pas voulu résister par crainte de l’offenser. Je m'y suis attachée avec fidélité, avec une humble indifférence et une entière soumission à la volonté de Dieu.
Il me semble que le Sauveur Jésus m'a dit, il y a quelque temps : " Ma fille, plus une âme avance dans la soumission et la fidélité à Dieu et l’humilité, plus elle avance dans la hiérarchie des communications avec Dieu. Soyez-moi fidèle, soyez soumise à mon Père, soyez humble. " C'est pour cela que je tâche de faire en tout sa volonté et que je me défie complètement de moi-même.
Le Sauveur Jésus m'a dit encore qu'il y a deux sortes de communications de Dieu à l’âme : la première sensible et la seconde insensible. Quand Dieu fait connaître à l'âme les dons et les grâces qu'il lui fait, il y a communication sensible; quand il les lui cache, il y a communication insensible. Dieu agit de l’une ou l’autre manière, toujours pour le plus grand bien des âmes et selon la voie dans laquelle il veut les conduire. Il ne les conduit pas toutes par le même chemin; il fait suivre aux unes la route du Calvaire et place les autres sur le Thabor, pour un temps, pour placer ensuite celles-ci sur le Calvaire et celles-là sur le Thabor. Il est infiniment sage, et sa sagesse fait tout pour le plus grand bien. Je vous rapporte ces paroles qui peuvent se joindre à ce que vous m’avez demandé, et je vous prie, Monsieur le Curé, d’agréer l’hommage de ma considération la plus distinguée.
Votre très humble servante,
Marie
Mimbaste, 7 septembre 1843.


LETTRE 20, Du coeur de Dieu.
Monsieur le Curé,
Un jour, pendant mon oraison, mon âme fut ravie, non-seulement dans le sein de Dieu, mais jusque dans son cœur. Voici de quelle manière il me semble avoir compris ce que j’éprouvai.
Dans la substance de Dieu il y a une partie intime et particulière que j’appelle le cœur de Dieu.
Le Père, principe des deux autres personnes, et principe sans principe autre que lui-même, a en lui-même et de lui-même cette partie intime et particulière qui est son coeur.
Le Père, en communiquant au Fils et au Saint-Esprit sa substance, ses perfections, sa divinité, leur communique aussi cette partie intime et particulière qui est son cœur.
Ainsi le Fils et le Saint-Esprit ont en eux, comme le Père, une partie intime et particulière, que j’appelle dans les trois personnes le coeur de Dieu.
Le Père n’a reçu son cœur d’aucune personne divine, puisqu’il est la première personne, c'est-à-dire le principe des deux autres.
Le Fils a reçu son cœur de Dieu le Père dans sa génération éternelle, et le Saint-Esprit, du Père et du Fils dans sa procession éternelle de l’une et de l’autre personne.
Or, par l’union intime de ces trois personnes, elles n'ont qu'un même cœur comme une même substance et une même divinité.
Il n'est pas nécessaire que je vous dise, Monsieur, que je n’entends rien de matériel et de sensible par le cœur de Dieu. Dieu est esprit et tout esprit est en lui.
J’entends donc par le cœur de Dieu, la partie la plus intime de lui-même, si je puis ainsi parler; il faut bien que je m’exprime de quelque manière; j’entends par le cœur de Dieu le principe qui produit, le point sans bornes, sans limites, sans mesure, où se trouvent réunies les perfections de Dieu. Là, se trouvent la source de la grâce, la source de tout bien, la source de toute félicité, qui de Dieu se répandent sur les créatures, selon qu'il lui plaît de les leur communiquer. C'est là que se sont formés, de toute éternité, que se conservent, cachés, secrets, impénétrables, tous les jugements de Dieu.
Voilà, Monsieur, ce qu'il m’a semblé comprendre sur le cœur de Dieu. J’avais donc raison de vous dire que le cœur de Dieu, c'est son Verbe éternel. Car le Verbe éternel, c'est la vie intime de Dieu; le Verbe éternel, c'est la félicité intime de Dieu; le Verbe éternel, c'est le bien, c'est la gloire, c'est la splendeur, c'est la vertu, c'est l’image de Dieu; le Verbe éternel, c'est la parole, c'est l’intelligence, c'est le jugement de Dieu. O Verbe éternel, coeur de Dieu le Père! Père éternel, principe du Verbe et de votre cœur; Esprit divin, union par votre coeur du cœur du Verbe et du cœur de Dieu le Père! Comment se fait-il que ces trois cœurs soient distincts et ne forment qu’un cœur? Comment se fait-il que Dieu le Père soit le principe du cœur de son Verbe et que le Verbe soit le cœur de Dieu le Père? Comment se fait-il que le cœur du Saint-Esprit, procédant éternellement du cœur du Père éternel et de son Verbe, les réunisse d’une manière si étroite qu'ils ne fassent tous trois qu'un seul coeur, le cœur de Dieu?
O mon âme! ne cherche point à pénétrer le mystère premier de l’éternité. Adore-le dans la crainte et le tremblement. Adore-le dans l’amour et la soumission entière de toutes tes puissances.
Degrés incompréhensibles de l’éternité, degrés incompréhensibles du ciel, degrés incompréhensibles de la Divinité, je vous vois, mais je ne vous comprend pas. Demeures diverses de la maison du Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que vous êtes admirables.
Vous voyez maintenant, autant que je puis vous le faire voir, Monsieur, la différence qu'il y a entre les divers états d’une âme qui se trouve sous la protection de Dieu, d'une âme qui repose dans le sein de Dieu et d'une âme qui vit dans le coeur de Dieu.
Un pécheur peut être, il est réellement sous la protection de Dieu, puisqu’il lui donne les grâces pour quitter son péché et revenir à la vie.
Une âme en état de grâce peut être et est réellement dans le sein de Dieu, puisque la grâce la rend amie de Dieu, agréable à Dieu, fille de Dieu.
Mais pour qu'une âme vive dans le cœur de Dieu, il faut une bien plus grande perfection; il faut que cette âme mérite cette vie en réglant toutes ses pensées, tous ses désirs, toutes ses paroles, toutes ses actions selon Dieu et l’amour qu'elle doit à Dieu.
Je n’éprouve pas toujours des communications pareilles dans mes méditations. Elles sont bien rares même. Ah! Monsieur, c'est que j’en suis bien indigne. Ce que j'ai éprouvé n'est que l’effet de la bonté et de la miséricorde infinies du Sauveur Jésus à mon égard.
Quelles que soient les communications que je reçoive, elles n'en sont pas moins agréables à mon coeur, ni moins utiles à mon âme. Mon âme ne se préoccupe que d'une chose, de suivre avec une entière soumission, et en reconnaissant qu'elle ne mérite rien de la part de Dieu, l’attrait qui lui est présenté. En le suivant, elle trouve Dieu, en trouvant Dieu, elle trouve la grâce et le bonheur.
Je ne suis attachée à rien; je ne désire que l’accomplissement parfait de la volonté de Dieu. Tout le reste m’est indifférent, même ce qui m’intéresse le plus.
Recevez avec bonté cet épanchement de mon âme, et qu'il soit pour vous, Monsieur le Curé et très vénéré père en Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’assurance de ma vénération et de mes sentiments les plus soumis et les plus respectueux. Je suis, Monsieur le Curé,
Votre très-humble et très indigne servante,
Marie,
Mimbaste, 20 septembre 1843.


LETTRE 20, Du coeur de Dieu.
Monsieur le Curé,
Par obéissance et soumission entière à votre volonté, je vais vous exprimer ce que je pense, non par moi-même, mais après les instructions du Sauveur Jésus, sur la sainte vertu de chasteté. Pour répondre clairement à votre demande, je considérerai d’abord la chasteté en elle-même, en second lieu dans ses avantages et ses effets, et enfin dans sa pratique.
I. La chasteté est une vertu divine : elle vient de Dieu, elle donne à l'homme ressemblance avec Dieu, qui est l’être souverainement pur, sans aucun mélange ni participation à autre chose qu'à la divinité; elle le mène à Dieu et le lui fait posséder à jamais.
La chasteté est une vertu sublime, sa source est infiniment élevée, puisqu’elle vient de Dieu; son efficace empêche l'homme de tomber au niveau des animaux sans raison, elle l’élève jusqu’à l’auteur même de la raison, Dieu, roi du monde et des cieux.
La chasteté est une vertu puissante : elle rend l'homme maître de lui-même, lui donne la force de résister à ses mauvais penchants et à ses inclinations perverses, de mépriser et fouler aux pieds toute jouissance criminelle, tout plaisir défendu, de vaincre généreusement l’attrait pour tout ce qui est impur et d’éloigner son âme du libertinage et de la corruption. La chasteté est la vertu opposée au vice d’impureté.
La chasteté est une vertu nécessaire; car il est écrit que rien de souillé n’entrera dans le royaume des cieux, et sans la chasteté, il est impossible de ne point souiller son corps et son âme.
La chasteté est une vertu qui convient à toute sorte de personnes : elle convient à tout âge, à l'homme comme à la femme, au vieillard comme à l’enfant, au riche comme au pauvre, à l’ignorant comme au savant, aux vierges comme aux personnes engagées dans le mariage, au roi le plus illustre et le plus puissant comme au dernier de ses sujets.
La chasteté est une vertu que tous doivent posséder; dans n’importe quel état et quelle condition, tous doivent être chastes.
II. Telle est la vertu de chasteté considérée dans sa nature; voici comment on peut l’envisager dans ses avantages.
La chasteté est une vertu merveilleuse, admirable, inappréciable. Elle mérite notre amour le plus grand, notre estime la plus parfaite, notre empressement et tous nos efforts pour l’acquérir si nous ne sommes pas assez heureux pour la posséder, ou bien pour l’augmenter chaque jour davantage en évitant tout ce qui pourrait la blesser ou la ternir.
Combien cette vertu de chasteté est avantageuse à l'homme pour ses intérêts spirituels! La chasteté délivre l'homme d'une passion honteuse qui l’agite et le tyrannise sans cesse, qui le dévore et le consume par cette soif des plaisirs et des jouissances impures et criminelles, qu'il ne peut éteindre ni satisfaire, même en lui accordant tout ce qu'elle lui demande.
Quelle différence entre deux hommes, dont l'un est chaste et l’autre ne l’est point! Que trouve-t-on dans celui-ci? Troubles, agitations, souffrances et malheur. En celui-là? Le calme, la paix, la tranquillité, le bonheur. l’un a toujours l’esprit occupé d’images et de figures déshonnêtes qui appesantissent son âme et l’empêchent de s’élever vers Dieu, la courbent et l’inclinent tristement vers la terre, la dégradent et la plongent dans la corruption et la misère, lui ôtent l’amour de Dieu et le goût de la piété en le rendant semblable aux animaux sans raison. La conduite de cet homme devient souvent la cause de son désespoir à l'heure de sa mort et il tombe dans les abîmes de l’éternelle malédiction.
Celui qui est chaste, au contraire, tient son esprit libre de toute pensée déshonnête; il dissipe et repousse bien loin tout ce qui pourrait troubler ou embarrasser son âme, même une pensée tant soit peu immodeste, dès qu'il l’aperçoit venir. Il s’élève autant vers Dieu qu'il se détache des créatures. Il conserve son cœur pur, et Dieu le regarde avec complaisance, lui donne ses bénédictions, répand en lui ses grâces avec abondance, lui donne ses plus affectueuses consolations, ou bien, s'il l’éprouve pour augmenter sa couronne dans le ciel, il ne torture point son cœur par l’aiguillon cuisant du remords. Aussi, quand vient l’heure de sa mort, quel bonheur et quelle paix sur son visage! Son âme s’envolera avec confiance vers Dieu pour aller recevoir la couronne de gloire et d’immortalité qu'elle aura méritée par ses combats, ses luttes et ses triomphes de chaque jour.
Les avantages spirituels de la chasteté sont donc le bonheur et la paix de l'âme pendant la vie, la tranquillité à l'heure de la mort, la gloire et la félicité du ciel après la vie.
Les avantages temporels ne sont pas moins importants. La chasteté entoure de respect et d’honneur celui qui la possède; car il est estimé des anges et des hommes, des gens de bien et même des libertins. Celui, au contraire, qui n'a point la chasteté, est méprisé de tous et regardé comme un vil fumier, qu'on ne foule point aux pieds, mais dont on a horreur et que l'on fuit pour n’en point être souillé.
La chasteté fait le bonheur de la famille. Elle resserre et sanctifie les liens sacrés du mariage par une mutuelle fidélité entre les deux époux, et leur fait remplir les obligations que cet état leur impose.
La chasteté fait la gloire et l'honneur de la jeunesse des deux sexes et la consolation des parents dans leurs enfants.
La chasteté étend ses bienfaits jusque sur les biens temporels.
La chasteté attire sur une famille la paix, la concorde, l’économie et la prospérité, parce que ceux qui aiment la chasteté aiment toujours le travail. Car si l’on peut aimer le travail sans être chaste, il faut nécessairement aimer le travail quand on pratique la chasteté; et ce travail, en ces conditions, est toujours fécondé par Dieu, dont la bénédiction est attirée sur tous ceux qui sont chastes.
Au contraire, ceux qui ne pratiquent point la chasteté tombent bien souvent d’une position élevée et brillante, ou du moins aisée et commode, dans un état voisin de la misère, et quelquefois dans une ruine complète. Le vice opposé à la chasteté amène avec lui l’oubli des devoirs de son état, rend le travail insupportable, l’économie et l’ordre impossibles, et tout disparaît rapidement.
Dieu ne répand point ses bénédictions sur les familles où la chasteté ne règne point; loin de là, il les frappe avec la verge de sa justice d'une manière éclatante. Il frappe les royaumes et les cités, les rois et les sujets, les pères et les enfants. Que d’exemples dans les temps passés Dieu n'a-t-il point données aux nations, aux rois et aux individus? N'est-ce point lui qui par le feu du ciel a détruit Sodome et Gomorrhe, et qui a frappé David et Salomon et mille autres, à cause du vice opposé à la vertu de chasteté?
III Il ne suffit point d’admirer la beauté et l’excellence de la chasteté et d’en reconnaître les avantages, il faut encore la pratiquer. Mais, hélas! Il n'est que trop vrai pourtant que la plupart l’admirent, l’aiment et la respectent chez les autres; bien peu la possèdent et la pratiquent telle qu'on devrait la pratiquer et la posséder.
Cette vertu est d'une délicatesse extrême; peu de chose la ternit, ce n'est qu'avec une précaution continuelle qu'on peut la conserver. Une pensée, une parole, un regard, une action sur soi ou sur autrui suffisent pour lui porter atteinte. Je ne veux point dire pour cela que toute pensée contre la modestie soit un péché, tout le monde est soumis à ces sortes de pensées, même les plus grands saints. Or, bien loin que ces pensées aient été des péchés en eux, elles étaient la source d'une quantité immense de mérites par la manière dont ils se conduisent à l’égard de ces pensées.
Que fait une personne chaste quand il lui vient des pensées contraires à la chasteté? Loin de les entretenir dans son esprit et de se complaire en elles, elle les rejette aussitôt qu'elle s’en aperçoit; elle porte son esprit et son coeur vers Dieu et lui demande sa sainte grâce pour ne point l’offenser. Elle ne se permettra jamais une parole inconvenante, une parole à double sens qui pourrait perdre une âme un peu faible, et même une parole un peu libre qui ferait une fâcheuse impression sur le prochain. Non seulement elle s’interdit des paroles de cette sorte, mais elle ne peut même supporter qu'on les prononce en sa présence. Une personne chaste, se trouvant dans une réunion qui attaque ou blesse la chasteté, non seulement arrêtera tout sourire sur ses lèvres, pour ne point engager à continuer, mais elle témoignera par son air sérieux et modeste, ou bien par quelque parole dite avec une noble fermeté et une sainte indignation, que cela lui déplaît. Une personne chaste ne s’arrêtera jamais au moindre désir contre la modestie ou l’honnêteté, parce qu'elle sait qu'en agissant ainsi elle pêcherait et offenserait Dieu. Elle les étouffe dès leur principe, les dissipe et les fait disparaître aussitôt qu'ils se présentent. Une personne chaste ne se permet jamais le moindre regard opposé à la modestie, parce qu'un regard jeté avec de mauvaises intentions ou des pensées criminelles est un péché. C'est un trait cruel, capable de donner la mort à une âme. Voilà pourquoi une personne chaste veille sur ses regards, voilà pourquoi elle tient les yeux modestement baissés et ne les arrête jamais sur des objets qui pourraient faire sur elle une funeste impression. Une personne chaste ne se permettra et ne permettra jamais à autrui par rapport à elle-même rien de contraire à la vertu de modestie, aucune légèreté, aucune familiarité défendues; elle respectera son corps et le fera respecter par autrui. Elle ne se contentera pas d'être chaste intérieurement, elle saura manifester extérieurement son amour pour cette vertu. Car il n’en est point de celle-ci comme des autres. Il est bon de tenir souvent les autres vertus cachées dans son cœur; mais la vertu de chasteté ne saurait jamais être assez manifestée au grand jour. De même il servirait peu d'être chaste extérieurement si, sous ce voile extérieur, on cachait un cœur gâté et corrompu. Cette chasteté ne serait qu'une chasteté mensongère et criminelle.
Une personne véritablement chaste l’est à la fois intérieurement et extérieurement. La chasteté est dans son coeur comme un précieux parfum qui répand une odeur douce et suave qui ravit tous ceux qui l’approchent. La chasteté est dans son coeur comme un cristal limpide dans lequel le soleil fait pénétrer ses rayons pour lui donner un éclat splendide et brillant.
Qu'il est doux et agréable de voir pratiquer la chasteté!
O chasteté, vertu de l'homme et de la femme, vertu de tous les âges et de toutes les conditions! c'est toi qui fait fermer l'oeil et l’oreille de l’enfant à tout ce qui pourrait ternir son innocence. Tu es le plus bel ornement de la jeune fille et tu lui donnes cette retenue si agréable dans ses paroles, dans ses regards, dans ses habits, dans ses pensées, dans toute sa conduite, en tout temps, en tout lieu, en toute rencontre. Tu lui fais éviter avec le plus grand soin tout ce qui pourrait ternir la pureté et l’innocence de son âme, tu lui fais regarder comme une insulte dont elle ose se plaindre amèrement et témoigner son indignation envers qui que ce soit, toute familiarité qu'on voudrait se permettre envers elle. Tu es la gloire du jeune homme qui, loin de rougir de ta pratique, te prend pour règle de sa conduite. Tu le fais respecter et tu lui dis de respecter autrui, parce qu'en déshonorant les autres il se déshonorerait lui-même. Tu es la vertu principale des personnes mariées, tu leur donnes des jours heureux et sereins, tu les empêches de suivre uniquement l’impulsion des passions comme des païens et les fais vivre comme les vrais enfants de Dieu. Tu es l’auréole glorieuse du vieillard qui t’a prise pour compagne durant toute ta vie, et qui, malgré le poids accablant de ses années et malgré ses cheveux blanchis par la fatigue et le travail, semble encore se défier de lui-même comme d'un feu couvant sous la cendre, et conserve partout et toujours, dans toute sa conduite, cette retenue parfaite qui le rend doublement respectable, et par son âge et par sa vertu.
Voilà, Monsieur le Curé, autant que j'ai pu les réunir et les classer, les divers enseignements que j’ai reçus, que j'ai gardés et que je vous transmets selon vos désirs.
J’oubliais de dire que, puisque cette vertu doit être pratiquée dans tous les états et dans toutes les conditions, elle n'est incompatible avec aucune condition ni aucun état. Tous peuvent être chastes, parce qu'ils doivent l'être. Ce qui est impossible n’a jamais été et ne sera jamais l’objet d’un commandement de Dieu.
Recevez, Monsieur, je vous prie, l’assurance de ma considération la plus distinguée avec laquelle,
J’ai l’honneur d’être, Monsieur le Curé,
Votre très humble servante,
Marie.
Mimbaste, 1er octobre 1843
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