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Doctrine Sociale de l'Eglise - Quelques Textes de Rome

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Message par Her Lun 30 Mai - 6:14

http://www.civitas-institut.com/content/view/310/42/

CIVITAS - POUR UNE CITE CATHOLIQUE

Écrit par Léon XIII


Lettre encyclique du pape Léon XIII du 1er novembre 1885.


A tous nos vénérables frères, les patriarches, primats, archevêques et évêque du monde catholique, en grâce et communion avec le Siège apostolique.

Vénérables Frères, Salut et Bénédiction apostolique.

Oeuvre immortelle du Dieu de miséricorde, l’Église, bien qu’en soi et de sa nature elle ait pour but le salut des âmes et la félicité éternelle, est cependant, dans la sphère même des choses humaines, la source de tant et de tels avantages qu’elle n’en pourrait procurer de plus nombreux et de plus grands, lors même qu’elle eût été fondée surtout et directement en vue d’assurer la félicité de cette vie.

Partout, en effet, où l’Église a pénétré, elle a immédiatement changé la face des choses et imprégné les mœurs publiques non seulement de vertus inconnues jusqu’alors, mais encore d’une civilisation toute nouvelle. Tous les peuples qui l’ont accueillie se sont distingués par la douceur, l’équité et la gloire des entreprises. Et toutefois, c’est une accusation déjà bien ancienne que l’Église, dit-on, est contraire aux intérêts de la société civile et incapable d’assurer les conditions de bien-être et de gloire que réclame, à bon droit et par une aspiration naturelle, toute société bien constituée. Dès les premiers jours de l’Église, nous le savons, les chrétiens ont été inquiétés par suite d’injustes préjugés de cette sorte, et mis en butte à la haine et au ressentiment, sous prétexte qu’ils étaient les ennemis de l’empire. À cette époque, l’opinion publique mettait volontiers à la charge du nom chrétien les maux qui assaillaient la société, tandis que c’était Dieu, le vengeur des crimes, qui infligeait de justes peines aux coupables. Cette odieuse calomnie indigna à bon droit le génie de saint Augustin et aiguisa son style. C’est surtout dans son livre de la Cité de Dieu qu’il mit en lumière la vertu de la sagesse chrétienne dans ses rapports avec la chose publique, si bien qu’il semble moins avoir plaidé la cause des chrétiens de son temps que remporté un triomphe perpétuel sur de si fausses accusations. Toutefois, le penchant funeste à ces plaintes et à ces griefs ne cessa pas, et beaucoup se sont plu à chercher la règle de la vie sociale en dehors des doctrines de l’Église catholique. Et, même désormais, le droit nouveau, comme on l’appelle, et qu’on prétend être le fruit d’un âge adulte et le produit d’une liberté progressive, commence à prévaloir et à dominer partout. Mais, en dépit de tant d’essais, il est de fait qu’on n’a jamais trouvé, pour constituer et régir l’État, de système préférable à celui qui est l’épanouissement spontané de la doctrine évangélique. Nous croyons donc qu’il est d’une importance souveraine, et conforme à Notre charge Apostolique, de confronter les nouvelles théories sociales avec la doctrine chrétienne. De cette sorte, Nous avons la confiance que la vérité dissipera, par son seul éclat, toute cause d’erreur et de doute, si bien que chacun pourra facilement voir ces règles suprêmes de conduite qu’il doit suivre et observer.

Il n’est pas bien difficile d’établir quel aspect et quelle forme aura la société si la philosophie chrétienne gouverne la chose publique. L’homme est né pour vivre en société, car, ne pouvant dans l’isolement, ni se procurer ce qui est nécessaire et utile à la vie, ni acquérir la perfection de l’esprit et du cœur, la Providence l’a fait pour s’unir à ses semblables, en une société tant domestique que civile, seule capable de fournir ce qu’il faut à la perfection de l’existence.

Mais, comme nulle société ne saurait exister sans un chef suprême et qu’elle imprime à chacun une même impulsion efficace vers un but commun, il en résulte qu’une autorité est nécessaire aux hommes constitués en société pour les régir ; autorité qui, aussi bien que la société, procède de la nature, et par suite a Dieu pour auteur. Il en résulte encore que le pouvoir public ne peut venir que de Dieu. Dieu seul, en effet, est le vrai et souverain Maître des choses ; toutes, quelles qu’elles soient, doivent nécessairement lui être soumises et lui obéir ; de telle sorte que quiconque a le droit de commander ne tient ce droit que de Dieu, chef suprême de tous. « Tout pouvoir vient de Dieu » 1.

Du reste, la souveraineté n’est en soi nécessairement liée à aucune forme politique ; elle peut fort bien s’adapter à celle-ci ou à celle-là, pourvu qu’elle soit de fait apte à l’utilité et au bien commun, Mais, quelle que soit la forme de gouvernement, tous les chefs d’État doivent absolument avoir le regard fixé sur Dieu, souverain Modérateur du monde, et, dans l’accomplissement de leur mandat, le prendre pour modèle et règle. De même, en effet, que dans l’ordre des choses visibles, Dieu a créé des causes secondes, en qui se reflètent en quelque façon la nature et l’action divines, et qui concourent à mener au but où tend cet univers ; ainsi a-t-il voulu que dans la société civile, il y eût une autorité dont les dépositaires fussent comme une image de la puissance que Dieu a sur le genre humain, en même temps que de sa Providence. Le commandement doit donc être juste; c’est moins le gouvernement d’un Maître que d’un Père, car l’autorité de Dieu sur les hommes est très juste et se trouve unie à une paternelle bonté. Il doit, d’ailleurs, s’exercer pour l’avantage des citoyens, parce que ceux qui ont autorité sur les autres en sont exclusivement investis pour assurer le bien public. L’autorité civile ne doit servir, sous aucun prétexte, à l’avantage d’un seul ou de quelques-uns, puisqu’elle a été constituée pour le bien commun. Si les chefs d’État se laissaient entraîner à une domination injuste, s’ils péchaient par abus de pouvoir ou par orgueil, s’ils ne pourvoyaient pas au bien du peuple, qu’ils le sachent, ils auront un jour à rendre compte à Dieu, et ce compte sera d’autant plus sévère que plus sainte est la fonction qu’ils exercent et plus élevé le degré de la dignité dont ils sont revêtus.« Les puissants seront puissamment punis » 2. De cette manière, la suprématie du commandement entraînera l’hommage volontaire du respect des sujets. En effet, si ceux-ci sont une fois bien convaincus que l’autorité des souverains vient de Dieu, ils se sentiront obligés en justice, à accueillir docilement les ordres des princes et à leur prêter obéissance et fidélité, par un sentiment semblable à la piété qu’ont les enfants envers les parents. « Que toute âme soit soumise aux puissances plus élevées » 3. Car il n’est pas plus permis de mépriser le pouvoir légitime, quelle que soit la personne en qui il réside, que de résister à la volonté de Dieu ; or, ceux qui lui résistent courent d’eux-mêmes à leur perte. « Qui résiste au pouvoir résiste à l’ordre établi par Dieu, et ceux qui lui résistent s’attirent à eux-mêmes la damnation » 4. Ainsi donc, secouer l’obéissance et révolutionner la société par le moyen de la sédition, c’est un crime de lèse majesté, non seulement humaine, mais divine.

La société politique étant fondée sur ces principes, il est évident qu’elle doit sans faillir accomplir par un culte public les nombreux et importants devoirs qui l’unissent à Dieu. Si la nature et la raison imposent à chacun l’obligation d’honorer Dieu d’un culte saint et sacré, parce que nous dépendons de sa puissance et que, issus de lui, nous devons retourner à lui, elles astreignent à la même loi la société civile. Les hommes, en effet, unis par les liens d’une société commune, ne dépendent pas moins de Dieu que pris isolément; autant au moins que l’individu, la société doit rendre grâce à Dieu, dont elle tient l’existence, la conservation et la multitude innombrable de ces biens. C’est pourquoi, de même qu’il n’est permis à personne de négliger ses devoirs envers Dieu, et que le plus grand de tous les devoirs est d’embrasser d’esprit et de cœur la religion, non pas celle que chacun préfère, mais celle que Dieu a prescrite et que des preuves certaines et indubitables établissent comme la seule vraie entre toutes, ainsi les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière, ou se passer de la religion comme étrangère et inutile, ou en admettre une indifféremment selon leur bon plaisir. En honorant la Divinité, elles doivent suivre strictement les règles et le mode suivant lesquels Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré. Les chefs d’État doivent donc tenir pour saint le nom de Dieu et mettre au nombre de leurs principaux devoirs celui de favoriser la religion, de la protéger de leur bienveillance, de la couvrir de l’autorité tutélaire des lois, et ne rien statuer ou décider qui soit contraire à son intégrité. Et cela ils le doivent aux citoyens dont ils sont les chefs. Tous, tant que nous sommes, en effet, nous sommes nés et élevés en vue d’un bien suprême et final auquel il faut tout rapporter, placé qu’il est aux cieux, au delà de cette fragile et courte existence. Puisque c’est de cela que dépend la complète et parfaite félicité des hommes, il est de l’intérêt suprême de chacun d’atteindre cette fin. Comme donc la société civile a été établie pour l’utilité de tous, elle doit, en favorisant la prospérité publique, pourvoir au bien des citoyens de façon non seulement à ne mettre aucun obstacle, mais à assurer toutes les facilités possibles à la poursuite et à l’acquisition de ce bien suprême et immuable auquel ils aspirent eux-mêmes. La première de toutes consiste à faire respecter la sainte et inviolable observance de la religion, dont les devoirs unissent l’homme à Dieu.

Quant à décider quelle religion est la vraie, cela n’est pas difficile à quiconque voudra en juger avec prudence et sincérité. En effet, des preuves très nombreuses et éclatantes, la vérité des prophéties, la multitude des miracles, la prodigieuse célérité de la propagation de la foi, même parmi ses ennemis et en dépit des plus grands obstacles, le témoignage des martyrs et d’autres arguments semblables prouvent clairement que la seule vraie religion est celle que Jésus-Christ a instituée lui-même et qu’il a donné mission à son Église de garder et de propager.

Car le Fils unique de Dieu a établi sur la terre une société qu’on appelle l’Église, et il l’a chargée de continuer à travers tous les âges la mission sublime et divine que lui-même avait reçue de son Père. « Comme mon Père m’a envoyé, moi je vous envoie » 5. « Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles » 6. De même donc que Jésus-Christ est venu sur la terre afin que les hommes « eussent la vie et l’eussent plus abondamment » 7, ainsi l’Église se propose comme fin le salut éternel des âmes; et dans ce but, telle est sa constitution qu’elle embrasse dans son extension l’humanité tout entière et n’est circonscrite par aucune limite ni de temps, ni de lieu. « Prêchez l’Évangile à toute créature » 8.

À cette immense multitude d’hommes, Dieu lui-même a donné des chefs avec le pouvoir de les gouverner. À leur tête il en a préposé un seul dont il a voulu faire le plus grand et le plus sûr maître de vérité, et à qui il a confié les clés du royaume des cieux. « Je te donnerai les clés du royaume des cieux » 9. « Pais mes agneaux... pais mes brebis » 10. « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas » 11.

Bien que composée d’hommes comme la société civile, cette société de l’Église, soit pour la fin qui lui est assignée, soit pour les moyens qui lui servent à l’atteindre, est surnaturelle et spirituelle. Elle se distingue donc et diffère de la société civile. En outre, et ceci est de la plus grande importance, elle constitue une société juridiquement parfaite dans son genre, parce que, de l’expresse volonté et par la grâce de son Fondateur, elle possède en soi et par elle-même toutes les ressources qui sont nécessaires à son existence et à son action.

Comme la fin à laquelle tend l’Église est de beaucoup la plus noble de toutes, de même son pouvoir l’emporte sur tous les autres et ne peut en aucune façon être inférieur, ni assujetti au pouvoir civil. En effet, Jésus-Christ a donné plein pouvoir à ses Apôtres dans la sphère des choses sacrées, en y joignant tant la faculté de faire de véritables lois que le double pouvoir qui en découle de juger et de punir. « Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre ; allez donc, enseignez toutes les nations... apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit » 12. Et ailleurs : « S’il ne les écoute pas, dites-le à l’Église. » 13 Et encore : « Ayez soin de punir toute désobéissance » 14. De plus : « Je serai plus sévère en vertu du pouvoir que le Seigneur m’a donné pour l’édification et non pour la ruine » 15.

C’est donc à l’Église, non à l’État, qu’il appartient de guider les hommes vers les choses célestes, et c’est à elle que Dieu a donné le mandat de connaître et de décider de tout ce qui touche à la religion ; d’enseigner toutes les nations, d’étendre aussi loin que possible les frontières du nom chrétien ; bref, d’administrer librement et tout à sa guise les intérêts chrétiens.

Cette autorité, parfaite en soi, et ne relevant que d’elle-même, depuis longtemps battue en brèche par une philosophie adulatrice des princes, l’Église n’a jamais cessé ni de la revendiquer, ni de l’exercer publiquement. Les premiers de tous ses champions ont été les Apôtres, qui, empêchés par les princes de la Synagogue de répandre l’Évangile, répondaient avec fermeté : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » 16.

C’est elle que les Pères de l’Église se sont appliqués à défendre par de solides raisons quand ils en Ont eu l’occasion, et que les Pontifes romains n’ont jamais manqué de revendiquer avec une constance invincible contre ses agresseurs. Bien plus, elle a eu pour elle en principe et en fait l’assentiment des princes et des chefs d’États, qui, dans leurs négociations et dans leurs transactions, en envoyant et en recevant des ambassades et par l’échange d’autres bons offices, ont constamment agi avec l’Église comme avec une puissance souveraine et légitime. Aussi n’est-ce pas sans une disposition particulière de la Providence de Dieu que cette autorité a été munie d’un principat civil, comme de la meilleure sauvegarde de son indépendance.

Dieu a donc divisé le gouvernement du genre humain entre deux puissances : la puissance ecclésiastique et la puissance civile ; celle-là préposée aux choses divines, celle-ci aux choses humaines. Chacune d’elles en son genre est souveraine ; chacune est renfermée dans des limites parfaitement déterminées et tracées en conformité de sa nature et de son but spécial. Il y a donc comme une sphère circonscrite, dans laquelle chacune exerce son action jure proprio.

Toutefois, leur autorité s’exerçant sur les mêmes sujets, il peut arriver qu’une seule et même chose, bien qu’à un titre différent, mais pourtant une seule et même chose ressortisse à la juridiction et au jugement de l’une et de l’autre puissance. Il était donc digne de la sage Providence de Dieu, qui les a établies toutes les deux, de leur tracer leur voie et leur rapport entre elles. « Les puissances qui sont ont été disposées par Dieu » 17.

S’il en était autrement, il naîtrait souvent des causes de funestes contentions et de conflits, et souvent l’homme devrait hésiter, perplexe, comme en face d’une double voie, ne sachant que faire, par suite des ordres contraires de deux puissances dont il ne peut en conscience secouer le joug. Il répugnerait souverainement de rendre responsable de ce désordre la sagesse et la bonté de Dieu, qui dans le gouvernement du monde physique, pourtant d’un ordre bien inférieur, a si bien tempéré les unes par les autres, les forces et les causes naturelles, et les a fait s’accorder d’une façon si admirable qu’aucune d’elles ne gêne les autres, et que toutes, dans un parfait ensemble, conspirent au but auquel tend l’univers.

Il est donc nécessaire qu’il y ait entre les deux puissances un système de rapports bien ordonné, non sans analogie avec celui qui, dans l’homme, constitue l’union de l’âme et du corps. On ne peut se faire une juste idée de la nature et de la force de ces rapports qu’en considérant, comme Nous l’avons dit, la nature de chacune des deux puissances, et en tenant compte de l’excellence et de la noblesse de leurs buts, puisque l’une a pour fin prochaine et spéciale de s’occuper des intérêts terrestres, et l’autre de procurer les biens célestes et éternels. Ainsi, tout ce qui dans les choses humaines est sacré à un titre quelconque, tout ce qui touche au salut des âmes et au culte de Dieu, soit par sa nature, soit par rapport à son but, tout cela est du ressort de l’autorité de l’Église. Quant aux autres choses qu’embrasse l’ordre civil et politique, il est juste qu’elles soient soumises à l’autorité civile, puisque Jésus-Christ a commandé de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Des temps arrivent parfois où prévaut un autre mode d’assurer la concorde et de garantir la, paix et la liberté ; c’est quand les chefs d’État et les Souverains Pontifes se sont mis d’accord par un traité sur quelque point particulier. Dans de telles circonstances, l’Église donne des preuves éclatantes de sa charité maternelle en poussant aussi loin que possible l’indulgence et la condescendance.

Telle est, d’après l’esquisse sommaire que nous en avons tracée, l’organisation chrétienne de la société civile, et cette théorie n’est ni téméraire ni arbitraire ; mais elle se déduit des principes les plus élevés et les plus certains, confirmés par la raison naturelle elle-même. Cette constitution de la société politique n’a rien qui puisse paraître peu digne ou malséant à la dignité des princes. Loin de rien ôter aux droits de la, majesté, elle les rend au contraire plus stables et plus augustes. Bien plus, si l’on y regarde de plus près, on reconnaîtra à cette constitution une grande perfection qui fait défaut aux autres systèmes politiques ; et elle produirait certainement des fruits excellents et variés si seulement chaque pouvoir demeurait dans ses attributions et mettait tous ses soins à remplir l’office et la tâche qui lui ont été déterminés. En effet, dans la constitution de l’État, telle que nous venons de l’exposer, le divin et l’humain sont délimités dans un ordre convenable, les droits des citoyens sont assurés et placés sous la protection des mêmes lois divines, naturelles et humaines ; les devoirs de chacun sont aussi sagement tracés que leur observance est prudemment sauvegardée. Tous les hommes, dans cet acheminement incertain et pénible vers la cité éternelle, savent qu’ils ont à leur service des guides sûrs pour les conduire au but et des auxiliaires pour l’atteindre. Ils savent de même que d’autres chefs leur ont été donnés pour obtenir et conserver la sécurité, les biens et les autres avantages de cette vie.

La société domestique trouve sa solidité nécessaire dans la sainteté du lien conjugal, un et indissoluble ; les droits et les devoirs des époux sont réglés en toute justice et équité ; l’honneur dû à la femme est sauvegardé ; l’autorité du mari se modèle sur l’autorité de Dieu ; le pouvoir paternel est tempéré par les égards dus à l’épouse et aux enfants ; enfin, il est parfaitement pourvu à la protection, au bien-être et à l’éducation de ces derniers. Dans l’ordre politique et civil, les lois ont pour but le bien commun, dictées non par la volonté et le jugement trompeur de la foule, mais par la vérité et la justice. L’autorité des princes revêt une sorte de caractère sacré plus qu’humain, et elle est contenue de manière à ne pas s’écarter de la justice, ni excéder son pouvoir. L’obéissance des sujets va de pair avec l’honneur et la dignité, parce qu’elle n’est pas un assujettissement d’homme à homme, mais une soumission à la volonté de Dieu régnant par des hommes.

Une fois cela reconnu et accepté, il en résulte clairement que c’est un devoir de justice de respecter la majesté des princes, d’être soumis avec une constante fidélité à la puissance politique, d’éviter les séditions et d’observer religieusement la constitution de l’État. Pareillement, dans cette série des devoirs se placent la charité mutuelle, la bonté, la libéralité. L’homme, qui est à la fois citoyen et chrétien, n’est plus déchiré en deux par des obligations contradictoires. Enfin, les biens considérables dont la religion chrétienne enrichit spontanément même la vie terrestre des individus sont acquis à la communauté et à la société civile : d’où ressort l’évidence de ces paroles : « Le sort de l’État dépend du culte que l’on rend à Dieu ; et il y a entre l’un et l’autre de nombreux liens de parenté et d’étroite amitié. » 18.

En plusieurs passages, saint Augustin a admirablement relevé, selon sa coutume, la valeur de ces biens, surtout quand il interpelle l’Église catholique en ces termes : « Tu conduis et instruis les enfants avec tendresse, les jeunes gens avec force, les vieillards avec calme, comme le comporte l’âge non seulement du corps mais encore de l’âme. Tu soumets les femmes à leurs maris par une chaste et fidèle obéissance, non pour assouvir la passion mais pour propager l’espèce et constituer la société de la famille. Tu donnes autorité aux maris sur leurs femmes, non pour se jouer de la faiblesse du sexe, mais pour suivre les lois d’un sincère amour. Tu subordonnes les enfants aux parents par une sorte de libre servitude, et tu préposes les parents aux enfants par une sorte de tendre autorité. Tu unis non seulement en société, mais dans une sorte de fraternité, les citoyens, les nations aux nations et les hommes entre eux par le souvenir des premiers parents. Tu apprends aux rois à veiller sur les peuples, et tu prescris aux peuples de se soumettre aux rois. Tu enseignes avec soin à qui est dû l’honneur, à qui l’affection, à qui le respect, à qui la crainte, à qui la consolation, à qui l’avertissement, à qui l’encouragement, à qui la correction, à qui la réprimande, à qui le châtiment; et tu fais savoir comment, si toutes choses ne sont pas dues à tous, à tous est due la charité, et à personne l’injustice. » 19. Ailleurs, le même Docteur reprend en ces termes la fausse sagesse des politiques philosophes : « Ceux qui disent que la doctrine du Christ est contraire au bien de l’État, qu’ils nous donnent une armée de soldats tels que les fait la doctrine du Christ, qu’ils nous donnent de tels gouverneurs de provinces, de tels maris, de telles épouses, de tels parents, de tels enfants, de tels maîtres, de tels serviteurs, de tels rois, de tels juges, de tels tributaires enfin, et des percepteurs du fisc tels que les veut la doctrine chrétienne ! Et qu’ils osent encore dire qu’elle est contraire à l’État ! Mais que, bien plutôt, ils n’hésitent pas d’avouer qu’elle est une grande sauvegarde pour l’État quand on la suit. » 20

Il fut un temps où la philosophie de l’Évangile gouvernait les États. À cette époque, l’influence de la sagesse chrétienne et sa divine vertu pénétraient les lois, les institutions, les mœurs des peuples, tous les rangs et tous les rapports de la société civile. Alors la religion instituée par Jésus-Christ, solidement établie dans le degré de dignité qui lui est dû, était partout florissante, grâce à la faveur des princes et à la protection légitime des magistrats. Alors le sacerdoce et l’empire étaient liés entre eux par une heureuse concorde et l’amical échange de bons offices.

Organisée de la sorte, la société civile donna des fruits supérieurs à toute attente, dont la mémoire subsiste et subsistera consignée qu’elle est dans d’innombrables documents que nul artifice des adversaires ne pourra corrompre ou obscurcir. Si l’Europe chrétienne a dompté les nations barbares et les a fait passer de la férocité à la mansuétude, de la superstition à la vérité ; si elle a repoussé victorieusement les invasions musulmanes, si elle a gardé la suprématie de la civilisation, et si, en tout ce qui fait honneur à l’humanité, elle s’est constamment et partout montrée guide et maîtresse ; si elle a gratifié les peuples de sa vraie liberté sous ces diverses formes ; si elle a très sagement fondé une foule d’œuvres pour le soulagement des misères, il est hors de doute qu’elle en est grandement redevable à la religion, sous l’inspiration et avec l’aide de laquelle elle a entrepris et accompli de si grandes choses. Tous ces biens dureraient encore, si l’accord des deux puissances avait persévéré, et il y avait lieu d’en espérer de plus grands encore si l’autorité, si l’enseignement, si les avis de l’Église avaient rencontré une docilité plus fidèle et plus constante. Car il faudrait tenir comme loi imprescriptible ce qu’Yves de Chartres écrivit au pape Pascal II : « Quand l’empire et le sacerdoce vivent en bonne harmonie, le monde est bien gouverné, l’Église est florissante et féconde. Mais quand la discorde se met entre eux, non seulement les petites choses ne grandissent pas, mais les grandes elles-mêmes dépérissent misérablement. » 21

Mais ce pernicieux et déplorable goût de nouveautés que vit naître le XVIe siècle, après avoir d’abord bouleversé la religion chrétienne, bientôt par une pente naturelle passa à la philosophie, et de la philosophie à tous les degrés de la société civile.

C’est à cette source qu’il faut faire remonter ces principes modernes de liberté effrénée rêvés et promulgués parmi les grandes perturbations du siècle dernier, comme les principes et les fondements d’un droit nouveau, inconnu jusqu’alors, et sur plus d’un point en désaccord, non seulement avec le droit chrétien, mais avec le droit naturel. Voici le premier de tous ces principes : tous les hommes, dès lors qu’ils sont de même race et de même nature, sont semblables, et, par le fait, égaux entre eux dans la pratique de la vie ; chacun relève si bien de lui seul, qu’il n’est d’aucune façon soumis à l’autorité d’autrui : il peut en toute liberté penser sur toute chose ce qu’il veut, faire ce qu’il lui plaît ; personne n’a le droit de commander aux autres. Dans une société fondée sur ces principes, l’autorité publique n’est que la volonté du peuple, lequel, ne dépendant que de lui-même, est aussi le seul à se commander. Il choisit ses mandataires, mais de telle sorte qu’il leur délègue moins le droit que la fonction du pouvoir pour l’exercer en son nom. La souveraineté de Dieu est passée sous silence, exactement comme si Dieu n’existait pas, ou ne s’occupait en rien de la société du genre humain ; ou bien comme si les hommes, soit en particulier, soit en société, ne devaient rien à Dieu, ou qu’on pût imaginer une puissance quelconque dont la cause, la force, l’autorité ne résidât pas tout entière en Dieu même. De cette sorte, on le voit, l’État n’est autre chose que la multitude maîtresse et se gouvernant elle-même ; et dès lors que le peuple est censé la source de tout droit et de tout pouvoir, il s’ensuit que l’État ne se croit lié à aucune obligation envers Dieu, ne professe officiellement aucune religion, n’est pas tenu de rechercher quelle est la seule vraie entre toutes, ni d’en préférer une aux autres, ni d’en favoriser une principalement; mais qu’il doit leur attribuer à toutes l’égalité en droit, à cette fin seulement de les empêcher de troubler l’ordre public. Par conséquent, chacun sera libre de se faire juge de toute question religieuse, chacun sera libre d’embrasser la religion qu’il préfère, ou de n’en suivre aucune si aucune ne lui agrée. De là découlent nécessairement la liberté sans frein de toute conscience, la liberté absolue d’adorer ou de ne pas adorer Dieu, la licence sans bornes et de penser et de publier ses pensées.

Étant donné que l’État repose sur ces principes, aujourd’hui en grande faveur, il est aisé de voir à quelle place on relègue injustement l’Église. Là, en effet, où la pratique est d’accord avec de telles doctrines, la religion catholique est mise dans l’État sur le pied d’égalité, ou même d’infériorité, avec des sociétés qui lui sont étrangères. Il n’est tenu nul compte des lois ecclésiastiques : l’Église, qui a reçu de Jésus-Christ ordre et mission d’enseigner toutes les nations, se voit interdire toute ingérence dans l’instruction publique. Dans les matières qui sont de droit mixte, les chefs d’État portent d’eux-mêmes des décrets arbitraires et sur ces points affichent un superbe mépris des saintes lois de l’Église. Ainsi, ils font ressortir à leur juridiction les mariages des chrétiens ; portent des lois sur le lien conjugal, son unité, sa stabilité ; mettent la main sur les biens des clercs et dénient à l’Église le droit de posséder. En somme, ils traitent l’Église comme si elle n’avait ni le caractère, ni les droits d’une société parfaite, et qu’elle fût simplement une association semblable aux autres qui existent dans l’État. Aussi, tout ce qu’elle a de droits, de puissance légitime d’action, ils le font dépendre de la concession et de la faveur des gouvernements.

Dans les États où la législation civile laisse à l’Église son autonomie, et où un concordat public est intervenu entre les deux puissances, d’abord on crie qu’il faut séparer les affaires de l’Église des affaires de l’État, et cela dans le but de pouvoir agir impunément contre la foi jurée et se faire arbitre de tout, en écartant tous les obstacles. Mais, comme l’Église ne peut le souffrir patiemment, car ce serait pour elle déserter les plus grands et les plus sacrés des devoirs, et qu’elle réclame absolument le religieux accomplissement de la foi qu’on lui a jurée, il naît souvent entre la puissance spirituelle et le pouvoir civil des conflits dont l’issue presque inévitable est d’assujettir celle qui est le moins pourvue de moyens humains à celui qui en est mieux pourvu.

Ainsi, dans cette situation politique que plusieurs favorisent aujourd’hui, il y a tendance des idées et des volontés à chasser tout à fait l’Église de la société, ou à la tenir assujettie et enchaînée à l’État. La plupart des mesures prises par les gouvernements s’inspirent de ce dessein. Les lois, l’administration publique, l’éducation sans religion, la spoliation et la destruction des Ordres religieux, la suppression du pouvoir temporel des Pontifes romains, tout tend à ce but : frapper au coeur les institutions chrétiennes, réduire à rien la liberté de l’Église catholique et à néant ses autres droits.

La simple raison naturelle démontre combien cette façon d’entendre le gouvernement civil s’éloigne de la vérité. Son témoignage, en effet, suffit à établir que tout ce qu’il y a d’autorité parmi les hommes procède de Dieu, comme d’une source auguste et suprême. Quant à la souveraineté du peuple, que, sans tenir aucun compte de Dieu, l’on dit résider de droit naturel dans le peuple, si elle est éminemment propre à flatter et à enflammer une foule de passions, elle ne repose sur aucun fondement solide et ne saurait avoir assez de force pour garantir la sécurité publique et le maintien paisible de l’ordre. En effet, sous l’empire de ces doctrines, les principes ont fléchi à ce point que, pour beaucoup, c’est une loi imprescriptible, en droit politique, que de pouvoir légitimement soulever des séditions. Car l’opinion prévaut que les chefs du gouvernement ne sont plus que des délégués chargés d’exécuter la volonté du peuple : d’où cette conséquence nécessaire que tout peut également changer au gré du peuple et qu’il y a toujours à craindre des troubles.

Relativement à la religion, penser qu’il est indifférent qu’elle ait des formes disparates et contraires équivaut simplement à n’en vouloir ni choisir, ni suivre aucune. C’est l’athéisme moins le nom. Quiconque, en effet, croit en Dieu, s’il est conséquent et ne veut pas tomber dans l’absurde, doit nécessairement admettre que les divers cultes en usage entre lesquels il y a tant de différence, de disparité et d’opposition, même sur les points les plus importants, ne sauraient être tous également bons, également agréables à Dieu.

De même, la liberté de penser et de publier ses pensées, soustraite à toute règle, n’est pas de soi un bien dont la société ait à se féliciter ; mais c’est plutôt la source et l’origine de beaucoup de maux. La liberté, cet élément de perfection pour l’homme, doit s’appliquer à ce qui est vrai et à ce qui est bon. Or, l’essence du bien et de la vérité ne peut changer au gré de l’homme, mais elle demeure toujours la même, et non moins que la nature des choses elle est immuable Si l’intelligence adhère à des opinions fausses, si la volonté choisit le mal et s’y attache, ni l’une ni l’autre n’atteint sa perfection, toutes deux déchoient de leur dignité native et se corrompent. Il n’est donc pas permis de mettre au jour et d’exposer aux yeux des hommes ce qui est contraire à la vertu et à la vérité, et bien moins encore de placer cette licence sous la tutelle et la protection des lois. Il n’y a qu’une voie pour arriver au ciel, vers lequel nous tendons tous : c’est une bonne vie. L’État s’écarte donc des règles et des prescriptions de la nature, s’il favorise à ce point la licence des opinions et des actions coupables, que l’on puisse impunément détourner les esprits de la vérité et les âmes de la vertu. Quant à l’Église, que Dieu lui-même a établie, l’exclure de la vie publique, des lois, de l’éducation de la jeunesse, de la société domestique, c’est une grande et pernicieuse erreur. Une société sans religion ne saurait être bien réglée ; et déjà, plus peut-être qu’il ne faudrait, l’on voit ce que vaut en soi et dans ses conséquences cette soi-disant morale civile. La vraie maîtresse de la vertu et la gardienne des mœurs est l’Église du Christ. C’est elle qui conserve en leur intégrité les principes d’où découlent les devoirs, et qui, suggérant les plus nobles motifs de bien vivre, ordonne non seulement de fuir les mauvaises actions, mais de dompter les mouvements de l’âme contraires à la raison, quand même ils ne se traduisent pas en acte. Prétendre assujettir l’Église au pouvoir civil dans l’exercice de son ministère, c’est à la fois une grande injustice et une grande témérité. Par le fait même, on trouble l’ordre, car on donne le pas aux choses naturelles sur les choses surnaturelles ; on tarit, ou certainement on diminue beaucoup l’affluence des biens dont l’Église, si elle était sans entraves, comblerait la société ; et de plus, on ouvre la voie à des haines et à des luttes dont de trop fréquentes expériences ont démontré la grande et funeste influence sur l’une et l’autre société.

Ces doctrines, que la raison humaine réprouve et qui ont une influence si considérable sur la marche des chose publiques, les Pontifes romains, nos prédécesseurs, dans la pleine conscience de ce que réclamait d’eux la charge apostolique, n’ont jamais souffert qu’elle fussent impunément émises. C’est ainsi que, dans sa Lettre-Encyclique Mirari vos, du 15 août 1832, Grégoire XVI, avec une grande autorité doctrinale, a repoussé ce que l’on avançait dès lors, qu’en fait de religion, il n’y a pas de choix à faire: que chacun ne relève que de sa conscience et peut, en outre, publier ce qu’il pense et ourdir des révolutions dans l’État. Au sujet de la séparation de l’Église et de l’État, ce Pontife s’exprime en ces termes : « Nous ne pouvons pas attendre pour l’Église et l’État des résultats meilleurs des tendances de ceux qui prétendent séparer l’Église de l’État et rompre la concorde mutuelle entre le sacerdoce et l’empire. C’est qu’en effet, les fauteurs d’une liberté effrénée redoutent cette concorde, qui a toujours été si favorable et salutaire aux intérêts religieux et civils. » De la même manière, Pie IX, chaque fois que l’occasion s’en présenta, a condamné les fausses opinions les plus en vogue, et ensuite il en fit faire un recueil, afin que, dans un tel déluge d’erreurs, les catholiques eussent une direction sûre 22.

De ces décisions des Souverains Pontifes, il faut absolument admettre que l’origine de la puissance publique doit s’attribuer à Dieu, et non à la multitude ; que le droit à l’émeute répugne à la raison ; que ne tenir aucun compte des devoirs de la religion, ou traiter de la même manière les différentes religions, n’est permis ni aux individus, ni aux sociétés ; que la liberté illimitée de penser et d’émettre en public ses pensées ne doit nullement être rangée parmi les droits des citoyens, ni parmi les choses dignes de faveur et de protection. De même, il faut admettre que l’Église, non moins que l’État, de sa nature et de plein droit, est une société parfaite ; que les dépositaires du pouvoir ne doivent pas prétendre asservir et subjuguer l’Église, ni diminuer sa liberté d’action dans sa sphère, ni lui enlever n’importe lequel des droits qui lui ont été conférés par Jésus-Christ. Dans les questions du droit mixte, il est pleinement conforme à la nature ainsi qu’aux desseins de Dieu, non de séparer une puissance de l’autre, moins encore de les mettre en lutte, mais bien d’établir entre elles cette concorde qui est en harmonie avec les attributs spéciaux que chaque société tient de sa nature.

Telles sont les règles tracées par l’Église catholique relativement à la constitution et au gouvernement des États. Ces principes et ces décrets, si l’on veut en juger sainement, ne réprouvent en soi aucun des différentes formes de gouvernement, attendu que celles-ci n’ont rien qui répugne à la doctrine catholique, et que si elles sont appliquées avec sagesse et justice, elles peuvent toutes garantir la prospérité publique. Bien plus, on ne réprouve pas en soi que le peuple ait sa part plus ou moins grande au gouvernement ; cela même, en certains temps et sous certaines lois, peut devenir non seulement un avantage, mais un devoir pour les citoyens.

De plus, il n’y a pour personne de juste motif d’accuser l’Église d’être l’ennemie soit d’une juste tolérance, soit d’une saine et légitime liberté. En effet, si l’Église juge qu’il n’est pas permis de mettre les divers cultes sur le même pied légal que la vraie religion, elle ne condamne pas pour cela les chefs d’État qui, en vue d’un bien à atteindre, ou d’un mal à empêcher, tolèrent dans la pratique que ces divers cultes aient chacun leur place dans l’État. C’est d’ailleurs la coutume de l’Église de veiller avec le plus grand soin à ce que personne ne soit forcé d’embrasser la foi catholique contre son gré, car, ainsi que l’observe sagement saint Augustin, « l’homme ne peut croire que de plein gré » 23.

Par la même raison, l’Église ne peut approuver une liberté qui engendre le dégoût des plus sainte lois de Dieu et secoue l’obéissance qui est due à l’autorité légitime. C’est là plutôt une licence qu’une liberté, et saint Augustin l’appelle très justement « une liberté de perdition » 24, et l’apôtre saint Pierre « un voile de méchanceté » 25.

Bien plus, cette prétendue liberté, étant opposée à la raison, est une véritable servitude. « Celui qui commet le péché est l’esclave du péché » 26. Celle-là, au contraire, est la liberté vraie et désirable qui, dans l’ordre individuel, ne laisse l’homme esclave ni des erreurs, ni des passions qui sont ses pires tyrans ; et dans l’ordre public trace de sages règles aux citoyens, facilite largement l’accroissement du bien-être et préserve de l’arbitraire d’autrui la chose publique. Cette liberté honnête et digne de l’homme, l’Église l’approuve au plus haut point, et, pour en garantir aux peuples la ferme et intégrale jouissance, elle n’a jamais cessé de lutter et de combattre.

Oui, en vérité, tout ce qu’il peut y avoir de salutaire au bien en général dans l’État ; tout ce qui est utile à protéger le peuple contre la licence des princes qui ne pourvoient pas à son bien, tout ce qui empêche les empiétements injustes de l’État sur la commune ou la famille ; tout ce qui intéresse l’honneur, la personnalité humaine et la sauvegarde des droits égaux de chacun, tout cela, l’Église catholique en a toujours pris soit l’initiative, soit le patronage, soit la protection, comme l’attestent les monuments des âges précédents.

Toujours conséquente avec elle-même, si d’une part elle repousse une liberté immodérée qui, pour les individus et les peuples, dégénère en licence ou en servitude, de l’autre elle embrasse de grand cœur les progrès que chaque jour fait naître, si vraiment ils contribuent à la prospérité de cette vie, qui est comme un acheminement vers la vie future et durable à jamais.

Ainsi donc, dire que l’Église voit de mauvais œil les formes plus modernes des systèmes politiques et repousse en bloc toutes les découvertes du génie contemporain, c’est une calomnie vaine et sans fondement. Sans doute, elle répudie les opinions malsaines, elle réprouve le pernicieux penchant à la révolte, et tout particulièrement cette prédisposition des esprits où perce déjà la volonté de s’éloigner de Dieu ; mais comme tout ce qui est vrai ne peut procéder que de Dieu, en tout ce que les recherches de l’esprit humain découvrent de vérité, l’Église reconnaît comme une trace de l’intelligence divine ; et comme il n’y a aucune vérité naturelle qui infirme la foi aux vérités divinement révélées, que beaucoup la confirment, et que toute découverte de la vérité peut porter à connaître et à louer Dieu lui-même, l’Église accueillera toujours volontiers et avec joie tout ce qui contribuera à élargir la sphère des sciences ; et, ainsi qu’elle l’a toujours fait pour les autres sciences, elle favorisera et encouragera celles qui ont pour objet l’étude de la nature. En ce genre d’études, l’Église ne s’oppose à aucune découverte de l’esprit ; elle voit sans déplaisir tant de recherches qui ont pour but l’agrément et le bien-être ; et même, ennemie-née de l’inertie et de la paresse, elle souhaite grandement que l’exercice et la culture fassent porter au génie de l’homme des fruits abondants. Elle a des encouragements pour toute espèce d’arts et d’industries, et en dirigeant par sa venu toutes ces recherches vers un but honnête et salutaire, elle s’applique à empêcher que l’intelligence et l’industrie de l’homme ne le détournent de Dieu et des biens célestes.

C’est cette manière d’agir, pourtant si raisonnable et si sage, qui est discréditée en ce temps où les États, non seulement refusent de se conformer aux principes de la philosophie chrétienne, mais paraissent vouloir s’en éloigner chaque jour davantage. Néanmoins, le propre de la lumière étant de rayonner d’elle-même au loin et de pénétrer peu à peu les esprits des hommes, mû comme Nous sommes par la conscience des très hautes et très saintes obligations de la mission apostolique dont Nous sommes investi envers tous les peuples, Nous proclamons librement, selon Notre devoir, la vérité non pas que Nous ne renions aucun compte des temps, ou que Nous estimions devoir proscrire les honnêtes et utiles progrès de Notre âge ; mais parce que Nous voudrions voir les affaires publiques suivre des voies moins périlleuses et reposer sur de plus solides fondements, et cela en laissant intacte la liberté légitime des peuples ; cette liberté dont la vérité est parmi les hommes la source et la meilleure sauvegarde : « La vérité vous délivrera » 27.

Si donc, dans ces conjonctures difficiles, les catholiques Nous écoutent, comme c’est leur devoir, ils sauront exactement quels sont les devoirs de chacun tant en théorie qu’en pratique.

En théorie d’abord, il est nécessaire de s’en tenir avec une adhésion inébranlable à tout ce que les Pontifes romains ont enseigné ou enseigneront, et, toutes les fois que les circonstances l’exigeront, d’en faire profession publique.

Particulièrement en ce qui touche aux libertés modernes, comme on les appelle, chacun doit s’en tenir au jugement du Siège Apostolique et se conformer à ses décisions. Il faut prendre garde de se laisser tromper par la spécieuse honnêteté de ces libertés, et se rappeler de quelles sources elles émanent et par quel esprit elles se propagent et se soutiennent. L’expérience a déjà fait suffisamment connaître les résultats qu’elles ont eus pour la société, et combien les fruits qu’elles ont portés inspirent à bon droit de regrets aux hommes honnêtes et sages. S’il existe quelque part, ou si l’on imagine par la pensée, un État qui persécute effrontément et tyranniquement le nom chrétien, et qu’on le confronte au genre de gouvernement moderne dont Nous parlons, ce dernier pourrait sembler plus tolérable. Assurément, les principes sur lesquels se base ce dernier sont de telle nature, ainsi que Nous l’avons dit, qu’en eux-mêmes ils ne doivent être approuvés par personne.

En pratique, l’action peut s’exercer, soit dans les affaires privées et domestiques, soit dans les affaires publiques. Dans l’ordre privé, le premier devoir de chacun est de conformer très exactement sa vie et ses mœurs aux préceptes de l’Évangile, et de ne pas reculer devant ce que la vertu chrétienne impose de quelque peu difficile à souffrir et à endurer. Tous doivent, en outre, aimer l’Église comme leur Mère commune, obéir à ses lois, pourvoir à son honneur, sauvegarder ses droits et prendre soin que ceux sur lesquels ils exercent quelque autorité la respectent et l’aiment avec la même piété filiale. Il importe encore au salut public que les catholiques prêtent sagement leur concours à l’administration des affaires municipales, et s’appliquent surtout à faire en sorte que l’autorité publique pourvoie à l’éducation religieuse et morale de la jeunesse, comme il convient à des chrétiens: de là dépend surtout le salut de la société. Il sera généralement utile et louable que les catholiques étendent leur action au delà des limites de ce champ trop restreint et abordent les grandes charges de l’État. Généralement, disons-Nous, car ici Nos conseils s’adressent à toutes les nations. Du reste, il peut arriver quelque part que, pour les motifs les plus graves et les plus justes, il ne soit nullement expédient de participer aux affaires et d’accepter les fonctions de l’État.

Mais généralement, comme Nous l’avons dit, refuser de prendre aucune part aux affaires publiques serait aussi répréhensible que de n’apporter à l’utilité commune ni soin ni concours ; d’autant plus que les catholiques, en vertu même de la doctrine qu’ils professent, sont obligés de remplir ce devoir en toute intégrité et conscience. D’ailleurs, eux s’abstenant, les rênes du gouvernement passeront sans conteste aux mains de ceux dont les opinions n’offrent certes pas grand espoir de salut pour l’État. Ce serait, de plus, pernicieux aux intérêts chrétiens, parce que les ennemis de l’Église auraient tout pouvoir et ses défenseurs aucun. Il est donc évident que les catholiques ont de justes motifs d’aborder la vie politique ; car ils le font et doivent le faire non pour approuver ce qu’il peut y avoir de blâmable présentement dans les institutions politiques, mais pour tirer de ces institutions mêmes, autant que faire se peut, le bien public sincère et vrai, en se proposant d’infuser dans toutes les veines de l’État, comme une sève et un sang réparateur, la vertu et l’influence de la religion catholique.

Ainsi fut-il fait aux premiers âges de l’Église. Rien n’était plus éloigné des maximes et des mœurs de l’Évangile que les maximes et les mœurs des païens ; on voyait toutefois les chrétiens incorruptibles, en pleine superstition et toujours semblables à eux-mêmes, entrer courageusement partout où s’ouvrait un accès. D’une fidélité exemplaire envers les princes et d’une obéissance aux lois de l’État aussi parfaite qu’il leur était permis, ils jetaient de toute part un merveilleux éclat de sainteté ; s’efforçaient d’être utiles à leurs frères et d’attirer les autres à suivre Notre-Seigneur, disposés cependant à céder la place et à mourir courageusement s’ils n’avaient pu, sans blesser leur conscience, garder les honneurs, les magistratures, et les charges militaires.

De la sorte, ils introduisirent rapidement les institutions chrétiennes non seulement dans les foyers domestiques, mais dans les camps, la Curie, et jusqu’au palais impérial. « Nous ne sommes que d’hier et nous remplissons tout ce qui est à vous, vos villes, vos îles, vos forteresses, vos municipes, vos conciliabules, vos camps eux-mêmes, les tribus, les décuries, le palais, le sénat, le forum » 28. Aussi lorsqu’il fut permis de professer publiquement l’Évangile, la foi chrétienne apparut dans un grand nombre de villes, non vagissante encore, mais forte et déjà pleine de vigueur.

Dans les temps où nous sommes, il y a tout lieu de renouveler ces exemples de nos pères. Avant tout, il est nécessaire que tous les catholiques dignes de ce nom se déterminent à être et à se montrer les fils très dévoués de l’Église ; qu’ils repoussent sans hésiter tout ce qui serait incompatible avec cette profession ; qu’ils se servent des institutions publiques, autant qu’ils le pourront faire en conscience, au profit de la vérité et de la justice ; qu’ils travaillent à ce que la liberté ne dépasse pas la limite posée par la loi naturelle et divine ; qu’ils prennent à tâche de ramener toute constitution publique à cette forme chrétienne que Nous avons proposée pour modèle. Ce n’est pas chose aisée que de déterminer un mode unique et certain pour réaliser ces données, attendu qu’il doit convenir à des lieux et à des temps fort disparates entre eux.

Néanmoins, il faut avant tout conserver la concorde des volontés et tendre à l’uniformité de l’action. On obtiendra sûrement ce double résultat si chacun prend pour règle de conduite les prescriptions du Siège Apostolique et l’obéissance aux évêques, que l’Esprit Saint a établis pour régir l’Église de Dieu.

La défense du nom chrétien réclame impérieusement que l’assentiment aux doctrines enseignées par l’Église soit de la part de tous unanime et constant, et, de ce côté, il faut se garder ou d’être en quoi que ce soit de connivence avec les fausses opinions, ou de les combattre plus mollement que ne le comporte la vérité. Pour les choses sur lesquelles on peut discuter librement, il sera permis de discuter avec modération et dans le but de rechercher la vérité, mais en mettant de côté les soupçons injustes et les accusations réciproques. À cette fin, de peur que l’union des esprits ne soit détruite par de téméraires accusations, voici ce que tous doivent admettre: la profession intègre de la foi catholique, absolument incompatible avec les opinions qui se rapprochent du rationalisme, et du naturalisme, et dont le but capital est de détruire de fond en comble les institutions chrétiennes et d’établir dans la société l’autorité de l’homme à la place de celle de Dieu. Il n’est pas permis non plus d’avoir deux manières de se conduire, l’une en particulier, l’autre en public, de façon à respecter l’autorité de l’Église dans sa vie privée et à la rejeter dans sa vie publique ; ce serait là allier ensemble le bien et le mal et mettre l’homme en lutte avec lui-même, quand au contraire il doit toujours être conséquent et ne s’écarter en aucun genre de vie ou d’affaires de la vertu chrétienne.

Mais s’il s’agit de questions purement politiques, du meilleur genre de gouvernement, tel ou tel système d’administration civile, des divergences honnêtes sont permises. La justice ne souffre donc pas que l’on fasse un crime à des hommes dont la piété est d’ailleurs connue, et l’esprit tout disposé à accepter docilement les décisions du Saint-Siège, de ce qu’ils sont d’un avis différent sur les points en question. Ce serait encore une injustice bien plus grande de suspecter leur foi ou de les accuser de la trahir, ainsi que Nous l’avons regretté plus d’une fois. Que ce soit là une loi imprescriptible pour les écrivains et surtout pour les journalistes. Dans une lutte où les plus grands intérêts sont en jeu, il ne faut laisser aucune place aux dissensions intestines ou à l’esprit ce parti ; mais, dans un accord unanime des esprits et des cœurs, tous doivent poursuivre le but commun, qui est de sauver les grands intérêts de la religion et de la société. Si donc, par le passé, quelques dissentiments ont eu lieu, il faut les ensevelir dans un sincère oubli ; si quelque témérité, si quelque injustice a été commise, quel que soit le coupable, il faut tout réparer par une charité réciproque et tout racheter par un commun assaut de déférence envers le Saint-Siège. De la sorte, les catholiques obtiendront deux avantages très importants : celui d’aider l’Église à conserver et à propager la doctrine chrétienne, et celui de rendre le service le plus signalé à la société, dont le salut est fortement compromis par les mauvaises doctrines et les mauvaises passions.

C’est là, Vénérables Frères, ce que Nous avons cru devoir enseigner à toutes les nations du monde catholique sur la constitution chrétienne des États et les devoirs privés des sujets.

Il Nous reste à implorer par d’ardentes prières le secours céleste, et à conjurer Dieu de faire lui-même aboutir au terme désiré tous Nos désirs et tous Nos efforts pour sa gloire et le salut du genre humain, lui qui peut seul éclairer les esprits et toucher les cœurs des hommes. Comme gage des bénédictions divines et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous Vous donnons dans la charité du Seigneur, Vénérables Frères, à Vous, ainsi qu’au clergé et au peuple entier confié à Votre garde et à Votre vigilance, la Bénédiction Apostolique.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 1er novembre 1885, la huitième année de Notre Pontificat.

Léon XIII, pape

1
Rm 13, 1.

2
Sap., 6, 7.

3
Rm 13, l.

4
Ibid. 5,2.

5
Jn 20, 21.

6
Mt 28, 20.

7
Jn 10, 10.

8
Mc 16, 15.

9
Mt 16, 19.

10
Jn 21, 16-17.

11
Lc 17,32.

12
Mt 28, 18-20.

13
Mt 18, 17.

14
2 Co 10, 6.

15
Ibid. 13, 10.

16
Ac 5, 29.

17
Rm 13, 1.

18
Sacr. Imp. ad Cyrillum Alexand. et Episcopos metrop. - Cfr. Labbeum, Collect. Conc. T. III.

19
De moribus Eccl., cap. 30, n. 6 3.

20
Epist. 138 (al. 5.) ad Marcellinum, cap. II, n. 15.

21
Ep. 238.

22
Il suffit d’en citer quelques-unes. - Prop. XIX. - « L’Église n’est pas une société vraie, parfaite, indépendante, elle ne jouit pas de droits propres et constants que lui ait conférés son divin Fondateur ; mais il appartient au pouvoir civil de définir quels sont les droits de l’Église et dans quelles limites elle peut les exercer » - Prop. XXXIX. - « L’État, comme origine et source de tous les droits, jouit d’un droit illimité ». Prop. LV. - « Il faut séparer l’Église de l’État et l’État de l’Église ». Prop. LXXIX. - « ... Il est faux que la liberté civile des cultes et la pleine faculté donnée à chacun de manifester ouvertement et publiquement n’importe quelles opinions ou pensées, ait pour conséquence de corrompre plus facilement les esprits et les mœurs et de propager la peste de l’ indifférence ».

23
Tract., XXVI in Joan., n. 2.

24
Epist. CV., ad Donatistas, cap II, n. 9.

25
1 P 2, 16.

26
Jn 8, 34.

27
Jn 7, 32.

28
Tertull., Apol. n. 37
Her
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Message par Her Lun 30 Mai - 6:16

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CIVITAS - POUR UNE CITE CATHOLIQUE


Libertas praestantissimum : Encyclique sur la liberté
Écrit par Léon XIII

Lettre encyclique du pape Léon XIII du 20 juin 1888, sur la liberté humaine.



A tous Nos Vénérables Frères, les Patriarches, Primats, Archevêques et Evêques du monde catholique, en grâce et communion avec le Siège Apostolique.

Vénérables Frères, Salut et Bénédiction Apostolique,

La liberté, bien excellent de la nature et apanage exclusif des êtres doués d'intelligence ou de raison, confère à l'homme une dignité en vertu de laquelle il est mis entre les mains de son conseil et devient le maître de ses actes.

Ce qui, néanmoins, est surtout important dans cette prérogative, c'est la manière dont on l'exerce, car de l'usage de la liberté naissent les plus grands maux comme les plus grands biens. Sans doute, il est au pouvoir de l'homme d'obéir à la raison, de pratiquer le bien moral, de marcher droit à sa fin suprême ; mais il peut aussi suivre toute autre direction, et, en poursuivant des fantômes de biens trompeurs, renverser l'ordre légitime et courir à une perte volontaire.

Le libérateur du genre humain, Jésus-Christ, est venu restaurer et accroître l'ancienne dignité de notre nature ; mais c'est à la volonté même de l'homme qu'il fait sentir surtout son influence, et, par sa grâce dont il lui a ménagé les secours, par la félicité éternelle dont il lui a ouvert la perspective dans le ciel, il l'a élevée à un état meilleur.

Et, pour un motif semblable, l'Eglise a toujours bien mérité de ce don excellent de notre nature, et elle ne cessera pas d'en bien mériter, puisque c'est à elle qu'il appartient d'assurer aux bienfaits que nous devons à Jésus-Christ leur propagation dans toute la suite des siècles. Et pourtant, on compte un grand nombre d'hommes qui croient que l'Eglise est l'adversaire de la liberté humaine. La cause en est dans l'idée défectueuse et comme à rebours que l'on se fait de la liberté. Car, par cette altération même de sa notion, ou par l'extension exagérée qu'on lui donne, on en vient à l'appliquer à bien des choses dans lesquelles l'homme, à en juger d'après la saine raison, ne saurait être libre.

Nous avons parlé ailleurs, et notamment dans l'Encyclique Immortale Dei, de ce qu'on nomme les libertés modernes ; et, distinguant en elles le bien de ce qui lui est contraire, Nous avons en même temps établi que tout ce que ces libertés contiennent de bon, tout cela est aussi ancien que la vérité, tout cela l'Eglise l'a toujours approuvé avec empressement et l'a admis effectivement dans la pratique. Ce qui s'y est ajouté de nouveau apparaît à qui cherche le vrai comme un élément corrompu, produit par le trouble des temps et par l'amour désordonné du changement. Mais, puisque beaucoup s'obstinent à voir dans ces libertés, même en ce qu'elles ont de vicieux, la plus belle gloire de notre époque et le fondement nécessaire des constitutions politiques, comme si sans elles on ne saurait imaginer de parfait gouvernement, il Nous a paru nécessaire pour l'intérêt public, en face duquel Nous Nous mettons, de traiter à part cette question.

Ce que Nous avons directement en vue, c'est la liberté morale considérée soit dans les individus, soit dans la société. Il est bon cependant de dire tout d'abord quelques mots de la liberté naturelle, laquelle, bien que tout à fait distincte de la liberté morale, est pourtant la source et le principe d'où toute espèce de liberté découle d'elle-même et comme naturellement. Cette liberté, le jugement et le sens commun de tous les hommes, qui certainement est pour nous la voix de la nature, ne la reconnaissent qu'aux êtres qui ont l'usage de l'intelligence ou de la raison, et c'est en elle que consiste manifestement la cause qui nous fait considérer l'homme comme responsable de ses actes.

Et il n'en saurait être autrement ; car, tandis que les animaux n'obéissent qu'aux sens et ne sont poussés que par l'instinct naturel à rechercher ce qui leur est utile ou à éviter ce qui leur serait nuisible, l'homme, dans chacune des actions de sa vie, a la raison pour guide. Or, la raison, à l'égard des biens de ce monde, nous dit de tous et de chacun qu'ils peuvent indifféremment être ou ne pas être ; d'où il suit qu'aucun d'eux ne lui apparaissant comme absolument nécessaire, elle donne à la volonté le pouvoir d'option pour choisir ce qui lui plaît.

Mais si l'homme peut juger de la contingence, comme on dit, des biens dont nous avons parlé, c'est qu'il a une âme simple de sa nature, spirituelle et capable de penser ; une âme qui, étant telle, ne tire point son origine des choses corporelles, pas plus qu'elle n'en dépend pour sa conservation, mais qui, créée immédiatement de Dieu et dépassant d'une distance immense la commune condition des corps, a son mode propre et particulier de vie et d'action ; d'où il résulte que, comprenant par sa pensée les raisons immuables et nécessaires du vrai et du bien, elle voit que ces biens particuliers ne sont nullement des biens nécessaires. Ainsi prouver pour l'âme humaine qu'elle est dégagée de tout élément mortel et douée de la faculté de penser, c'est établir en même temps la liberté naturelle sur son solide fondement.

Or, cette doctrine de la liberté, comme celle de la simplicité, de la spiritualité et de l'immortalité de l'âme humaine, nul ne la prêche plus haut, ni ne l'affirme avec plus de constance que l'Eglise catholique ; elle l'a de tout temps enseignée, et elle la défend comme un dogme. Bien plus, devant les attaques des hérétiques et des fauteurs d'opinions nouvelles, c'est l'Eglise qui a pris la liberté sous son patronage et qui a sauvé de la ruine ce grand bien de l'homme. A cet égard, les monuments de l'histoire témoignent de l'énergie avec laquelle elle a repoussé les efforts des manichéens et autres ; et, dans des temps plus récents, personne n'ignore avec quel zèle et quelle force, soit au Concile de Trente, soit plus tard contre les sectateurs de Jansénius, elle a combattu pour la liberté de l'homme, ne laissant en aucun temps et en aucun lieu le fatalisme prendre pied.

Ainsi, la liberté est, comme Nous l'avons dit, le propre de ceux qui ont reçu la raison ou l'intelligence en partage ; et cette liberté, à en examiner la nature, n'est pas autre chose que la faculté de choisir entre les moyens qui conduisent à un but déterminé ; en ce sens que celui qui a la faculté de choisir une chose entre plusieurs autres, celui-là est maître de ses actes.

Or, toute chose acceptée en vue d'en obtenir une autre appartient au genre de bien qu'on nomme l'utile ; et le bien ayant pour caractère d'agir proprement sur l'appétit, il faut en conclure que le libre arbitre est le propre de la volonté même en tant que, dans ses actes, elle a la faculté de choisir. Mais il est impossible à la volonté de se mouvoir, si la connaissance de l'esprit, comme un flambeau, ne l'éclaire d'abord : c'est-à-dire que le bien désiré par la volonté est nécessairement le bien en tant que connu par la raison. Et cela d'autant plus que dans toute volition, le choix est toujours précédé d'un jugement sur la vérité des biens et sur la préférence que nous devons accorder à l'un d'eux sur les autres. Or, juger est de la raison, non de la volonté ; on n'en saurait raisonnablement douter. Etant donc admis que la liberté réside dans la volonté, laquelle est de sa nature un appétit obéissant à la raison, il s'ensuit qu'elle-même, comme la volonté, a pour objet un bien conforme à la raison.

Néanmoins, chacune de ces deux facultés ne possédant point la perfection absolue, il peut arriver et il arrive souvent que l'intelligence propose à la volonté un objet qui, au lieu d'une bonté réelle, n'en a que l'apparence, une ombre de bien, et que la volonté pourtant s'y applique.

Mais, de même que pouvoir se tromper et se tromper réellement est un défaut qui accuse l'absence de la perfection intégrale dans l'intelligence, ainsi s'attacher à un bien faux et trompeur, tout en étant l'indice du libre arbitre, comme la maladie l'est de la vie, constitue néanmoins un défaut de la liberté. Pareillement la volonté, par le seul fait qu'elle dépend de la raison, tombe dans un vice radical qui n'est que la corruption et l'abus de la liberté.

Voilà pourquoi Dieu, la perfection infinie, qui, étant souverainement intelligent et la bonté par essence, est aussi souverainement libre, ne peut pourtant en aucune façon vouloir le mal moral ; et il en est de même pour les bienheureux du ciel, grâce à l'intuition qu'ils ont du souverain bien. C'est la remarque pleine de justesse que saint Augustin et d'autres faisaient contre les Pélagiens. Si la possibilité de faillir au bien était de l'essence et de la perfection de la liberté, dès lors, Dieu, Jésus-Christ, les anges, les bienheureux, chez qui ce pouvoir n'existe pas, ou ne seraient pas libres, ou du moins ne le seraient pas aussi parfaitement que l'homme dans son état d'épreuve et d'imperfection. Le Docteur angélique s'est occupé souvent et longuement de cette question ; et de sa doctrine il résulte que la faculté de pécher n'est pas une liberté, mais une servitude. Très subtile est son argumentation sur ces mots du Sauveur Jésus : Celui qui commet le péché est l'esclave du péché. (Joan., VIII, 34) « Tout être est ce qui lui convient d'être selon sa nature. Donc, quand il se meut par un agent extérieur, il n'agit point par lui-même, mais par l'impulsion d'autrui, ce qui est d'un esclave. Or, selon sa nature, l'homme est raisonnable. Donc, quand il se meut selon la raison, c'est par un mouvement qui lui est propre qu'il se meut, et il agit par lui-même, ce qui est le fait de la liberté ; mais, quand il pèche, il agit contre la raison, et alors c'est comme s'il était mis en mouvement par un autre et qu'il fût retenu sous une domination étrangère : c'est pour cela que celui qui commet le péché est esclave du péché ». C'est ce qu'avait vu assez nettement la philosophie antique, celle notamment dont la doctrine était que nul n'est libre que le sage, et qui réservait, comme on sait, le nom de sage à celui qui s'était formé à vivre constamment selon la nature, c'est-à-dire dans l'honnêteté et la vertu.

La condition de la liberté humaine étant telle, il lui fallait une protection, il lui fallait des aides et des secours capables de diriger tous ses mouvements vers le bien et de les détourner du mal : sans cela, la liberté eût été pour l'homme une chose très nuisible. Et d'abord une Loi, c'est-à-dire une règle de ce qu'il faut faire ou ne pas faire, lui était nécessaire. A proprement parler, il ne peut pas y en avoir chez les animaux, qui agissent par nécessité, puisque tous leurs actes, ils les accomplissent sous l'impulsion de la nature et qu'il leur serait impossible d'adopter par eux-mêmes un autre mode d'action. Mais les êtres qui jouissent de la liberté ont par eux-mêmes le pouvoir d'agir, d'agir de telle façon ou de telle autre, attendu que l'objet de leur volonté, ils ne le choisissent que lorsque est intervenu ce jugement de la raison dont Nous avons parlé. Ce jugement nous dit, non seulement ce qui est bien en soi ou ce qui est mal, mais aussi ce qui est bon et, par conséquent, à réaliser, ou ce qui est mal et, par conséquent, à éviter. C'est, en effet, la raison qui prescrit à la volonté ce qu'elle doit chercher ou ce qu'elle doit fuir, pour que l'homme puisse un jour atteindre cette fin suprême en vue de laquelle il doit accomplir tous ses actes. Or, cette ordination de la raison, voilà ce qu'on appelle la loi.

Si donc, la loi est nécessaire à l'homme, c'est dans son arbitre lui-même, c'est-à-dire dans le besoin qu'il a de ne pas se mettre en désaccord avec la droite raison, qu'il faut en chercher, comme dans sa racine, la cause première. Et rien ne saurait être dit ou imaginé de plus absurde et de plus contraire au bon sens que cette assertion : L'homme, étant libre par nature, doit être exempté de toute loi ; car, s'il en était ainsi, il s'en suivrait qu'il est nécessaire pour la liberté de ne pas s'accorder avec la raison, quand c'est tout le contraire qui est vrai, à savoir, que l'homme doit être soumis à la loi, précisément parce qu'il est libre par nature. Ainsi donc, c'est la loi qui guide l'homme dans ses actions et c'est elle aussi qui, par la sanction des récompenses et des peines, l'attire à bien faire et le détourne du péché.

Telle est, à la tête de toutes, la loi naturelle qui est écrite et gravée dans le cœur de chaque homme, car elle est la raison même de l'homme, lui ordonnant de bien faire et lui interdisant de pécher. Mais cette prescription de la raison humaine ne saurait avoir force de loi, si elle n'était l'organe et l'interprète d'une raison plus haute à laquelle notre esprit et notre liberté doivent obéissance.

Le rôle de la loi étant, en effet, d'imposer des devoirs et d'attribuer des droits, elle repose tout entière sur l'autorité, c'est-à-dire sur un pouvoir véritablement capable d'établir ces devoirs et de définir ces droits, capable aussi de sanctionner ses ordres par des peines et des récompenses ; toutes choses qui ne pourraient évidemment exister dans l'homme, s'il se donnait à lui-même en législateur suprême la règle de ses propres actes. Il suit donc de là que la loi naturelle n'est autre chose que la loi éternelle, gravée chez les êtres doués de raison et les inclinant vers l'acte et la fin qui leur conviennent, et celle-ci n'est elle-même que la raison éternelle du Dieu créateur et modérateur du monde.

A cette règle de nos actes, à ces freins du péché, la bonté de Dieu a voulu joindre certains secours singulièrement propres à affermir, à guider la volonté de l'homme.

Au premier rang de ces secours, excelle la puissance de la grâce divine, laquelle, en éclairant l'intelligence et en inclinant sans cesse vers le bien moral la volonté salutairement raffermie et fortifiée, rend plus facile à la fois et plus sûr l'exercice de notre liberté naturelle. Et ce serait s'écarter tout à fait de la vérité que de s'imaginer que, par cette intervention de Dieu, les mouvements de la volonté perdent de leur liberté, car l'influence de la grâce divine atteint l'intime de l'homme et s'harmonise avec sa propension naturelle, puisqu'elle a sa source en celui qui est l'auteur et de notre âme et de notre volonté et qui meut tous les êtres d'une manière conforme à leur nature. On peut même dire que la grâce divine, comme le remarque le Docteur angélique, par là même qu'elle émane de l'auteur de la nature, est merveilleusement et naturellement apte à conserver toutes les natures individuelles et à garder à chacune son caractère, son action et son énergie.

Ce qui vient d'être dit de la liberté des individus, il est facile de l'appliquer aux hommes qu'unit entre eux la société civile, car ce que la raison et la loi naturelle font pour les individus, la loi humaine promulguée pour le bien commun des citoyens l'accomplit pour les hommes vivant en société. Mais, parmi les lois humaines, il en est qui ont pour objet ce qui est bon ou mauvais naturellement, ajoutant à la prescription de pratiquer l'un et d'éviter l'autre une sanction convenable. De tels commandements ne tirent aucunement leur origine de la société des hommes ; car, de même que ce n'est pas la société qui a créé la nature humaine, ce n'est pas elle qui fait que le bien soit en harmonie et le mal en désaccord avec cette nature ; mais tout cela est antérieur à la société humaine elle-même et doit absolument être rattaché à la loi naturelle, et partant à la loi éternelle. Comme on le voit, les préceptes de droit naturel compris dans les lois des hommes n'ont pas seulement la valeur de la loi humaine, mais ils supposent avant tout cette autorité bien plus élevée et bien plus auguste qui découle de la loi naturelle elle-même et de la loi éternelle. Dans ce genre de lois, l'office du législateur civil se borne à obtenir, au moyen d'une discipline commune, l'obéissance des citoyens, en punissant les méchants et les vicieux, dans le but de les détourner du mal et de les ramener au bien, ou du moins de les empêcher de blesser la société et de lui être nuisibles.

Quant aux autres prescriptions de la puissance civile, elles ne procèdent pas immédiatement et de plain-pied du droit naturel ; elles en sont des conséquences plus éloignées et indirectes et ont pour but de préciser les points divers sur lesquels la nature ne s'était prononcée que d'une manière vague et générale. Ainsi, la nature ordonne aux citoyens de contribuer par leur travail à la tranquillité et à la prospérité publiques : dans quelle mesure, dans quelles conditions, sur quels objets, c'est ce qu'établit la sagesse des hommes, et non la nature. Or, ces règles particulières de conduite, créées par une raison prudente et intimées par un pouvoir légitime, constituent ce que l'on appelle proprement une loi humaine. Visant la fin propre de la communauté, cette loi ordonne à tous les citoyens d'y concourir, leur interdit de s'en écarter et, en tant qu'elle suit la nature et s'accorde avec ses prescriptions, elle nous conduit à ce qui est bien et nous détourne du contraire. Par où l'on voit que c'est absolument dans la loi éternelle de Dieu qu'il faut chercher la règle et la loi de la liberté, non seulement pour les individus, mais aussi pour les sociétés humaines. Donc, dans une société d'hommes, la liberté digne de ce nom ne consiste pas à faire tout ce qui nous plaît : ce serait dans l'Etat une confusion extrême, un trouble qui aboutirait à l'oppression ; la liberté consiste en ce que, par le secours des lois civiles, nous puissions plus aisément vivre selon les prescriptions de la loi éternelle. Et pour ceux qui gouvernent, la liberté n'est pas le pouvoir de commander au hasard et suivant leur bon plaisir : ce serait un désordre non moins grave et souverainement pernicieux pour l'Etat ; mais la force des lois humaines consiste en ce qu'on les regarde comme une dérivation de la loi éternelle et qu'il n'est aucune de leurs prescriptions qui n'y soit contenue, comme dans le principe de tout droit. Saint Augustin dit avec une grande sagesse (De lib. Arb., 1. I, c. 4, n. 15.) : « Je pense que vous voyez bien aussi que, dans cette loi temporelle, il n'y a rien de juste et de légitime que les hommes ne soient allés puiser dans la loi éternelle. » Supposons donc une prescription d'un pouvoir quelconque qui serait en désaccord avec les principes de la droite raison et avec les intérêts du bien public ; elle n'aurait aucune force de loi, parce que ce ne serait pas une règle de justice et qu'elle écarterait les hommes du bien pour lequel la société a été formée.

Par sa nature donc et sous quelque aspect qu'on la considère, soit dans les individus, soit dans les sociétés, et chez les supérieurs non moins que chez les subordonnés, la liberté humaine suppose la nécessité d'obéir à une règle suprême et éternelle ; et cette règle n'est autre que l'autorité de Dieu nous imposant ses commandements ou ses défenses ; autorité souverainement juste, qui, loin de détruire ou de diminuer en aucune sorte la liberté des hommes, ne fait que la protéger et l'amener à sa perfection, car la vraie perfection de tout être, c'est de poursuivre et d'atteindre sa fin : or, la fin suprême vers laquelle doit aspirer la liberté humaine, c'est Dieu.

Ce sont les préceptes de cette doctrine très vraie et très élevée, connus même par les seules lumières de la raison, que l'Eglise, instruite par les exemples et la doctrine de son divin Auteur, a propagés et affirmés partout, et d'après lesquels elle n'a jamais cessé et de mesurer sa mission, et d'informer les nations chrétiennes. En ce qui touche les mœurs, les lois évangéliques, non seulement l'emportent de beaucoup sur toute la sagesse païenne, mais elles appellent l'homme et le forment vraiment à une sainteté inconnue des anciens et, en le rapprochant de Dieu, elles le mettent en possession d'une liberté plus parfaite.

C'est ainsi qu'a toujours éclaté la merveilleuse puissance de l'Eglise pour la protection et le maintien de la liberté civile et politique des peuples. Ses bienfaits en ce genre n'ont pas besoin d'être énumérés. Il suffit de rappeler l'esclavage, cette vieille honte des nations païennes, que ses efforts surtout et son heureuse intervention ont fait disparaître. L'équilibre des droits, comme la vraie fraternité entre les hommes, c'est Jésus-Christ qui l'a proclamé le premier ; mais à sa voix a répondu celle de ses apôtres déclarant qu'il n'y a plus ni Juif, ni Grec, ni Barbare, ni Scythe, mais que tous sont frères dans le Christ.

Sur ce point, l'ascendant de l'Eglise est si grand et si reconnu que, partout où elle pose le pied, on en a fait l'expérience, la grossièreté des mœurs ne peut subsister longtemps. A la brutalité succède bientôt la douceur, aux ténèbres de la barbarie, la lumière de la vérité. Et les peuples mêmes cultivés et adoucis par la civilisation, l'Eglise n'a jamais cessé de leur faire sentir l'influence de ses bienfaits, résistant aux caprices de l'iniquité, détournant l'injustice de la tête des innocents ou des faibles, et s'employant enfin à établir dans les choses publiques des institutions qui pussent, par leur équité, se faire aimer des citoyens ou se faire redouter des étrangers par leur puissance.

C'est, en outre, un devoir très réel de respecter le pouvoir et de se soumettre aux lois justes : d'où vient que l'autorité vigilante des lois préserve les citoyens des entreprises criminelles des méchants. Le pouvoir légitime vient de Dieu, et celui qui résiste au pouvoir, résiste à l'ordre établi de Dieu ; c'est ainsi que l'obéissance acquiert une merveilleuse noblesse, puisqu'elle ne s'incline que devant la plus juste et la plus haute des autorités.

Mais, dès que le droit de commander fait défaut, ou que le commandement est contraire à la raison, à la loi éternelle, à l'autorité de Dieu, alors il est légitime de désobéir, nous voulons dire aux hommes, afin d'obéir à Dieu. Ainsi, les voies à la tyrannie se trouvant fermées, le pouvoir ne rapportera pas tout à soi ; ainsi sont sauvegardés les droits de chaque citoyen, ceux de la société domestique, ceux de tous les membres de la nation ; et tous enfin participent à la vraie liberté, celle qui consiste, comme nous l'avons démontré, en ce que chacun puisse vivre selon les lois et selon la droite raison.

Que si, dans les discussions qui ont cours sur la liberté, on entendait cette liberté, légitime et honnête, telle que la raison et Notre parole viennent de la décrire, nul n'oserait plus poursuivre l'Eglise de ce reproche qu'on lui jette avec une souveraine injustice, à savoir qu'elle est l'ennemie de la liberté des individus et de la liberté des Etats. Mais, il en est un grand nombre qui, à l'exemple de Lucifer, de qui est ce mot criminel : Je ne servirai pas, entendent par le nom de liberté ce qui n'est qu'une pure et absurde licence. Tels sont ceux qui appartiennent à cette école si répandue et si puissante et qui, empruntant leur nom au mot de liberté, veulent être appelés Libéraux.

Et, en effet, ce que sont les partisans du Naturalisme et du Rationalisme en philosophie, les fauteurs du Libéralisme le sont dans l'ordre moral et civil, puisqu'ils introduisent dans les mœurs et la pratique de la vie les principes posés par les partisans du Naturalisme. Or, le principe de tout rationalisme, c'est la domination souveraine de la raison humaine, qui , refusant l'obéissance due à la raison divine et éternelle, et prétendant ne relever que d'elle-même, ne se reconnaît qu'elle seule pour principe suprême, source et juge de la vérité. Telle est la prétention des sectateurs du Libéralisme dont Nous avons parlé ; selon eux, il n'y a dans la pratique de la vie aucune puissance divine à laquelle on soit tenu d'obéir, mais chacun est à soi-même sa propre loi. De là, procède cette morale que l'on appelle indépendante et qui, sous l'apparence de la liberté, détournant la volonté de l'observation des divins préceptes, conduit l'homme à une licence illimitée.

Ce qui en résulte finalement, surtout dans les sociétés humaines, il est facile de le voir. Car, une fois cette conviction fixée dans l'esprit que personne n'a d'autorité sur l'homme, la conséquence est que la cause efficiente de la communauté civile et de la société doit être cherchée, non pas dans un principe extérieur ou supérieur à l'homme, mais dans la libre volonté de chacun, et que la puissance publique émane de la multitude comme de sa source première ; en outre, ce que la raison individuelle est pour l'individu, à savoir la seule loi qui règle la vie privée, la raison collective doit l'être pour la collectivité dans l'ordre des affaires publiques : de là, la puissance appartenant au nombre, et les majorités créant seules le droit et le devoir. Mais l'opposition de tout cela avec la raison ressort assez de ce qui a été dit. En effet, vouloir qu'il n'y ait aucun lien entre l'homme ou la société civile et Dieu créateur et, par conséquent, suprême législateur de toutes choses, répugne absolument à la nature, et non seulement à la nature de l'homme, mais à celle de tout être créé ; car tout effet est nécessairement uni par quelque lien à la cause d'où il procède ; et il convient à toute nature, et il appartient à la perfection de chacune, qu'elle reste au lieu et au rang que lui assigne l'ordre naturel, c'est-à-dire que l'être inférieur se soumette et obéisse à celui qui lui est supérieur.

Mais, de plus, une pareille doctrine apporte le plus grand dommage tant à l'individu qu'à la société. Et, en réalité, si l'on fait dépendre du jugement de la seule et unique raison humaine le bien et le mal, on supprime la différence propre entre le bien et le mal ; le honteux et l'honnête ne diffèrent plus en réalité, mais seulement dans l'opinion et le jugement de chacun ; ce qui plaît sera permis. Dès que l'on admet une semblable doctrine morale, qui ne suffit pas à réprimer ou apaiser les mouvements désordonnés de l'âme, on ouvre l'accès à toutes les corruptions de la vie. Dans les affaires publiques, le pouvoir de commander se sépare du principe vrai et naturel auquel il emprunte toute sa puissance pour procurer le bien commun ; la loi qui détermine ce qu'il faut faire et éviter est abandonnée aux caprices de la multitude plus nombreuse, ce qui est préparer la voie à la domination tyrannique. Dès que l'on répudie le pouvoir de Dieu sur l'homme et sur la société humaine, il est naturel que la société n'ait plus de religion, et tout ce qui touche à la religion devient dès lors l'objet de la plus complète indifférence. Armée pareillement de l'idée de sa souveraineté, la multitude se laissera facilement aller à la sédition et aux troubles, et le frein du devoir et de la conscience n'existant plus, il ne reste plus rien que la force, la force qui est bien faible à elle seule pour contenir les passions populaires. Nous en avons la preuve dans ces luttes presque quotidiennes engagées contre les Socialistes et autres sectes séditieuses qui travaillent depuis si longtemps à bouleverser l'Etat jusque dans ses fondements. Qu'on juge donc et qu'on prononce, pour peu qu'on ait le juste sens des choses, si de telles doctrines profitent à la liberté vraie et digne de l'homme, ou si elles n'en sont pas plutôt le renversement et la destruction complète.

Sans doute, de telles opinions effrayent par leur énormité même, et leur opposition manifeste avec la vérité, comme aussi l'immensité des maux dont Nous avons vu qu'elles sont la cause, empêchent les partisans du libéralisme d'y donner tous leur adhésion. Contraints même par la force de la vérité, nombre d'entre eux n'hésitent pas à reconnaître, ils professent même spontanément, qu'en s'abandonnant à de tels excès, au mépris de la vérité et de la justice, la liberté se vicie et dégénère ouvertement en licence ; il faut donc qu'elle soit dirigée, gouvernée par la droite raison, et, ce qui est la conséquence, qu'elle soit soumise au droit naturel et à la loi divine et éternelle.

Mais là, ils croient devoir s'arrêter, et ils n'admettent pas que l'homme libre doive se soumettre aux lois qu'il plairait à Dieu de nous inspirer par une autre voie que la raison naturelle.

Mais en cela, il sont absolument en désaccord avec eux-mêmes. Car s'il faut, comme ils en conviennent eux-mêmes (et qui pourrait raisonnablement n'en pas convenir ?), s'il faut obéir à la volonté de Dieu législateur, puisque l'homme tout entier dépend de Dieu et doit tendre vers Dieu, il en résulte que nul ne peut mettre des bornes ou des conditions à son autorité législative, sans se mettre en opposition avec l'obéissance due à Dieu. Bien plus : si la raison humaine s'arroge assez de prétention pour vouloir déterminer quels sont les droits de Dieu et ses devoirs à elle, le respect des lois divines aura chez elle plus d'apparence que de réalité, et son jugement vaudra plus que l'autorité et la Providence divine.

Il est donc nécessaire que la règle de notre vie soit par nous constamment et religieusement empruntée, non seulement à la loi éternelle, mais à l'ensemble et au détail de toutes les lois que Dieu, dans son infinie sagesse, dans son infinie puissance, et par les moyens qui lui ont plu, a voulu nous transmettre, et que nous pouvons connaître avec assurance, par des marques évidentes et qui ne laissent aucune place au doute. Et cela d'autant mieux que ces sortes de lois, ayant le même principe, le même auteur que la loi éternelle, ne peuvent nécessairement que s'harmoniser avec la raison et perfectionner le droit naturel ; d'ailleurs, nous y trouvons renfermé le magistère de Dieu lui-même, qui, pour empêcher notre intelligence et notre volonté de tomber dans l'erreur, les conduit l'une et l'autre et les guide par la plus bienveillante des directions. Laissons donc saintement et inviolablement réuni ce qui ne peut, ne doit être séparé, et qu'en toutes choses, selon que l'ordonne la raison naturelle elle-même, Dieu nous trouve soumis et obéissants à ses lois.

D'autres vont un peu moins loin, mais sans être plus conséquents avec eux-mêmes ; selon eux, les lois divines doivent régler la vie et la conduite des particuliers, mais non celle des Etats ; il est permis dans les choses publiques de s'écarter des ordres de Dieu et de légiférer sans en tenir aucun compte ; d'où naît cette conséquence pernicieuse de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Mais l'absurdité de ces opinions se comprend sans peine. Il faut, la nature même le crie, il faut que la société donne aux citoyens les moyens et les facilités de passer leur vie selon l'honnêteté, c'est-à-dire selon les lois de Dieu, puisque Dieu est le principe de toute honnêteté et de toute justice ; il répugnerait donc absolument que l'Etat pût se désintéresser de ces mêmes lois ou même aller contre elles en quoi que ce soit.

De plus, ceux qui gouvernent les peuples doivent certainement à la chose publique de lui procurer, par la sagesse de leurs lois, non seulement les avantages et les biens du dehors, mais aussi et surtout les biens de l'âme.

Or, pour accroître ces biens, on ne saurait rien imaginer de plus efficace que ces lois dont Dieu est l'auteur ; et c'est pour cela que ceux qui veulent, dans le gouvernement des Etats, ne tenir aucun compte des lois divines, détournent vraiment la puissance politique de son institution et de l'ordre prescrit par la nature. Mais une remarque plus importante et que Nous avons Nous même rappelée plus d'une fois ailleurs, c'est que le pouvoir civil et le pouvoir sacré, bien que n'ayant pas le même but et ne marchant pas par les mêmes chemins, doivent pourtant, dans l'accomplissement de leurs fonctions, se rencontrer quelques fois l'un et l'autre. Tous deux, en effet, exercent plus d'une fois leur autorité sur les mêmes objets, quoique à des points de vue différents. Le conflit, dans cette occurrence, serait absurde et répugnerait ouvertement à l'infinie sagesse des conseils divins : il faut donc nécessairement qu'il y ait un moyen, un procédé pour faire disparaître les causes de contestations et de luttes et établir l'accord dans la pratique. Et cet accord, ce n'est pas sans raison qu'on l'a comparé à l'union qui existe entre l'âme et le corps, et cela au plus grand avantage des deux conjoints, car la séparation est particulièrement funeste au corps, puisqu'elle le prive de la vie.

Mais pour mieux mettre en lumière ces vérités, il est bon que nous considérions séparément les diverses sortes de libertés que l'on donne comme des conquêtes de notre époque. Et d'abord, à propos des individus, examinons cette liberté si contraire à la vertu de religion, la liberté des cultes, comme on l'appelle, liberté qui repose sur ce principe qu'il est loisible à chacun de professer telle religion qu'il lui plaît, ou même de n'en professer aucune. Mais, tout au contraire, c'est bien là sans nul doute, parmi tous les devoirs de l'homme, le plus grand et le plus saint, celui qui ordonne à l'homme de rendre à Dieu un culte de piété et de religion. Et ce devoir n'est qu'une conséquence de ce fait que nous sommes perpétuellement sous la dépendance de Dieu, gouvernés par la volonté et la Providence de Dieu, et que, sortis de lui, nous devons retourner à lui.

Il faut ajouter qu'aucune vertu digne de ce nom ne peut exister sans la religion, car la vertu morale est celle dont les actes ont pour objet tout ce qui nous conduit à Dieu considéré comme notre suprême et souverain bien ; et c'est pour cela que la religion, qui « accomplit les actes ayant pour fin directe et immédiate l'honneur divin » (S. Th. II - II, qu. LXXXI, a. 6.), est la reine à la fois et la règle de toutes les vertus. Et si l'on demande, parmi toutes ces religions opposées qui ont cours, laquelle il faut suivre à l'exclusion des autres, la raison et la nature s'unissent pour nous répondre : celle que Dieu a prescrite et qu'il est aisé de distinguer, grâce à certains signes extérieurs par lesquels la divine Providence a voulu la rendre reconnaissable, car, dans une chose de cette importance, l'erreur entraînerait des conséquences trop désastreuses. C'est pourquoi offrir à l'homme la liberté dont Nous parlons, c'est lui donner le pouvoir de dénaturer impunément le plus saint des devoirs, de le déserter, abandonnant le bien immuable pour se tourner vers le mal : ce qui, nous l'avons dit, n'est plus la liberté, mais une dépravation de la liberté et une servitude de l'âme sans l'abjection du péché.

Envisagée au point de vue social, cette même liberté veut que l'Etat ne rende aucun culte à Dieu, ou n'autorise aucun culte public ; que nulle religion ne soit préférée à l'autre, que toutes soient considérées comme ayant les mêmes droits, sans même avoir égard au peuple, lors même que ce peuple fait profession de catholicisme. Mais pour qu'il en fût ainsi, il faudrait que vraiment la communauté civile n'eût aucun devoir envers Dieu, ou qu'en ayant, elle pût impunément s'en affranchir ; ce qui est également et manifestement faux. On ne saurait mettre en doute, en effet, que la réunion des hommes en société ne soit l’œuvre de la volonté de Dieu, et cela qu'on la considère dans ses membres, dans sa forme qui est l'autorité, dans sa cause ou dans le nombre et l'importance des avantages qu'elle procure à l'homme. C'est Dieu qui a fait l'homme pour la société et qui l'a uni à ses semblables, afin que les besoins de sa nature, auxquels ses efforts solitaires ne pourraient donner satisfaction, pussent la trouver dans l'association. C'est pourquoi la société civile, en tant que société, doit nécessairement reconnaître Dieu comme son principe et son auteur et, par conséquent, rendre à sa puissance et à son autorité l'hommage de son culte. Non, de par la justice ; non, de par la raison, l'Etat ne peut être athée, ou, ce qui reviendrait à l'athéisme, être animé à l'égard de toutes les religions, comme on dit, des mêmes dispositions, et leur accorder indistinctement les mêmes droits. - Puisqu'il est donc nécessaire de professer une religion dans la société, il faut professer celle qui est la seule vraie et que l'on reconnaît sans peine, au moins dans les pays catholiques, aux signes de vérité dont elle porte en elle l'éclatant caractère. Cette religion, les chefs de l'Etat doivent donc la conserver et la protéger, s'ils veulent, comme ils en ont l'obligation, pourvoir prudemment et utilement aux intérêts de la communauté. Car la puissance publique a été établie pour l'utilité de ceux qui sont gouvernés, et quoiqu'elle n'ait pour fin prochaine que de conduire les citoyens à la prospérité de cette vie terrestre, c'est pourtant un devoir pour elle de ne point diminuer, mais d'accroître, au contraire, pour l'homme, la faculté d'atteindre à ce bien suprême et souverain dans lequel consiste l'éternelle félicité des hommes, ce qui devient impossible sans la religion.

Mais Nous avons dit ailleurs tout cela plus en détail : la seule remarque que Nous voulons faire pour le moment, c'est qu'une liberté de ce genre est ce qui porte le plus de préjudice à la liberté véritable, soit des gouvernants, soit des gouvernés. La religion, au contraire, lui est merveilleusement utile, parce qu'elle fait remonter jusqu'à Dieu même l'origine première du pouvoir ; qu'elle impose avec une très grave autorité aux princes l'obligation de ne point oublier leurs devoirs ; de ne point commander avec injustice ou dureté, et de conduire les peuples avec bonté et presque avec un amour paternel.

D'autre part, elle recommande aux citoyens, à l'égard de la puissance légitime, la soumission comme aux représentants de Dieu ; elle les unit aux chefs de l'Etat par les liens, non seulement de l'obéissance, mais du respect et de l'amour, leur interdisant la révolte et toutes les entreprises qui peuvent troubler l'ordre et la tranquillité de l'Etat, et qui, en résumé, donnent occasion de comprimer, par des restrictions plus fortes, la liberté des citoyens.

Nous ne disons rien des services rendus par la religion aux bonnes mœurs et, par les bonnes mœurs, à la liberté même. Un fait prouvé par la raison et que l'histoire confirme, c'est que la liberté, la prospérité et la puissance d'une nation grandissent en proportion de sa moralité.

Et maintenant, poursuivons ces considérations au sujet de la liberté d'exprimer par la parole ou par la presse tout ce que l'on veut. Assurément, si cette liberté n'est pas justement tempérée, si elle dépasse le terme et la mesure, une telle liberté, il est à peine besoin de le dire, n'est pas un droit, car le droit est une faculté morale, et, comme nous l'avons dit et comme on ne peut trop le redire, il serait absurde de croire qu'elle appartient naturellement, et sans distinction ni discernement, à la vérité et au mensonge, au bien et au mal. Le vrai, le bien, on a le droit de les propager dans l'Etat avec une liberté prudente, afin qu'un plus grand nombre en profite ; mais les doctrines mensongères, peste la plus fatale de toutes pour l'esprit ; mais les vices qui corrompent le cœur et les mœurs, il est juste que l'autorité publique emploie à les réprimer avec sollicitude, afin d'empêcher le mal de s'étendre pour la ruine de la société. Les écarts d'un esprit licencieux, qui, pour la multitude ignorante, deviennent facilement une véritable oppression, doivent justement être punis par l'autorité des lois, non moins que les attentats de la violence commis contre les faibles. Et cette répression est d'autant plus nécessaire que contre ces artifices de style et ces subtilités de dialectique, surtout quand tout cela flatte les passions, la partie sans contredit la plus nombreuse de la population ne peut en aucune façon, ou ne peut qu'avec une très grande difficulté se tenir en garde.

Accordez à chacun la liberté illimitée de parler et d'écrire, rien ne demeure sacré et inviolable, rien ne sera épargné, pas même ces vérités premières, ces grands principes naturels que l'on doit considérer comme un noble patrimoine commun à toute l'humanité. Ainsi, la vérité est peu à peu envahie par les ténèbres, et l'on voit, ce qui arrive souvent, s'établir avec facilité la domination des erreurs les plus pernicieuses et les plus diverses. Tout ce que la licence y gagne, la liberté le perd ; car on verra toujours la liberté grandir et se raffermir à mesure que la licence sentira davantage le frein.

Mais s'agit-il de matières libres que Dieu a laissées aux disputes des hommes, à chacun il est permis de se former une opinion et de l'exprimer librement ; la nature n'y met point d'obstacle ; car une telle liberté n'a jamais conduit les hommes à opprimer la vérité, mais elle leur donne souvent une occasion de la rechercher et de la faire connaître.

Quant à ce qu'on appelle liberté d'enseignement, il n'en faut pas juger d'une façon différente. Il n'y a que la vérité, on n'en saurait douter, qui doit entrer dans les âmes, puisque c'est en elle que les natures intelligentes trouvent leur bien, leur fin, leur perfection ; c'est pourquoi l'enseignement ne doit avoir pour objet que des choses vraies, et cela qu'il s'adresse aux ignorants ou aux savants, afin qu'il apporte aux uns la connaissance du vrai, que dans les autres, il l'affermisse. C'est pour ce motif que le devoir de quiconque se livre à l'enseignement est, sans contredit, d'extirper l'erreur des esprits et d'exposer des protections sûres à l'envahissement des fausses opinions. Il est donc évident que la liberté dont nous traitons, en s'arrogeant le droit de tout enseigner à sa guise, est en contradiction flagrante avec la raison et qu'elle est née pour produire un renversement complet dans les esprits ; le pouvoir public ne peut accorder une pareille licence dans la société qu'au mépris de son devoir. Cela est d'autant plus vrai que l'on sait de quel poids est pour les auditeurs l'autorité du professeur, et combien il est rare qu'un disciple puisse juger par lui-même de la vérité de l'enseignement du maître.

C'est pourquoi cette liberté aussi, pour demeurer honnête, a besoin d'être restreinte dans des limites déterminées ; il ne faut pas que l'art de l'enseignement puisse impunément devenir un instrument de corruption. Or, la vérité qui doit être l'unique objet de l'enseignement est de deux sortes : il y a la vérité naturelle et la vérité surnaturelle. Les vérités naturelles, auxquelles appartiennent les principes de la nature et les conclusions prochaines que la raison en déduit, constituent comme le commun patrimoine du genre humain : elles sont comme le solide fondement sur lequel reposent les mœurs, la justice, la religion, l'existence même de la société humaine ; et ce serait dès lors la plus grande des impiétés, la plus inhumaine des folies, que de les laisser impunément violer et détruire. Mais il ne faut pas mettre moins de scrupules à conserver le grand et sacré trésor des vérités que Dieu lui-même nous a fait connaître. Par un grand nombre d'arguments lumineux, souvent répétés par les apologistes, certains points principaux de doctrine ont été établis, par exemple : il y a une révélation divine ; le Fils unique de Dieu s'est fait chair pour rendre témoignage à la vérité ; par lui, une société parfaite a été fondée, à savoir : l'Eglise, dont il est lui-même le Chef et avec laquelle il a promis de demeurer jusqu'à la consommation des siècles.

A cette société, il a voulu confier toutes les vérités qu'il avait enseignées, avec mission de les garder, de les défendre, de les développer avec une autorité légitime ; et, en même temps, il a ordonné à toutes les nations d'obéir aux enseignements de son Eglise comme à lui-même, avec menace de la perte éternelle pour ceux qui y contreviendraient. D'où il ressort clairement que le maître le meilleur et le plus sûr à l'homme, c'est Dieu, source et principe de toute vérité ; c'est le Fils unique qui est dans le sein du Père, voie, vérité, vie ; lumière véritable qui éclaire tout homme, et dont l'enseignement doit avoir tous les hommes pour disciples ; et ils seront tous enseignés de Dieu (Joan., VI, 45).

Mais, pour la foi et la règle des mœurs, Dieu a fait participer l'Eglise à son divin magistère et lui a accordé le divin privilège de ne point connaître l'erreur. C'est pourquoi elle est la grande, la sûre maîtresse des hommes et porte en elle un inviolable droit à la liberté d'enseigner.

Et de fait, l'Eglise, qui, dans ses enseignements reçus du ciel, trouve son propre soutien, n'a eu rien plus à cœur que de remplir religieusement la mission que Dieu lui a confiée, et, sans se laisser intimider par les difficultés qui l'environnent de toutes parts, elle n'a cessé en aucun temps de combattre pour la liberté de son magistère. C'est par ce moyen que le monde entier, délivré de la misère de ses superstitions, a trouvé dans la sagesse chrétienne son renouvellement. Mais s'il est vrai, comme la raison elle-même le dit clairement, qu'entre les vérités divinement révélées et les vérités naturelles, il ne peut y avoir de réelle opposition, de sorte que toute doctrine contredisant celles-là soit nécessairement fausse, il s'ensuit que le divin magistère de l'Eglise, loin de faire obstacle à l'amour du savoir et à l'avancement des sciences, ou de retarder en aucune manière le progrès de la civilisation, est, au contraire, pour ces choses une très grande lumière et une sûre protection. Et, par la même raison, le perfectionnement même de la liberté humaine ne profite pas peu de son influence, selon la maxime qui est du Sauveur Jésus-Christ, que l'homme devient libre par la vérité : Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libre (Joan., VIII, 32.).

Il n'y a donc pas de motif pour que la vraie science digne de ce nom s'irrite contre des lois justes et nécessaires qui doivent régler les enseignements humains, ainsi que le réclament ensemble et l'Eglise et la raison.

Il y a plus, et, comme bien des faits l'attestent, l'Eglise, tout en dirigeant principalement et spécialement son activité vers la défense de la foi chrétienne, s'applique aussi à favoriser l'amour et le progrès des sciences humaines. Car c'est quelque chose de bon en soi, de louable, de désirable, que les bonnes études ; et de plus, toute science qui est le fruit d'une raison saine et qui répond à la réalité des choses n'est pas d'une médiocre utilité pour éclairer même les vérités révélées. Et, de fait, quels immenses services l'Eglise n'a-t-elle pas rendus par l'admirable soin avec lequel elle a conservé les monuments de la sagesse antique, par les asiles qu'elle a, de toutes parts, ouverts aux sciences, par les encouragements qu'elle a toujours donnés à tous les progrès, favorisant d'une manière particulière les arts même qui font la gloire de la civilisation de notre époque.

Enfin, il ne faut pas oublier qu'un champ immense reste ouvert où l'activité humaine peut se donner carrière et le génie s'exercer librement. Nous voulons parler des matières qui n'ont pas une connexion nécessaire avec la doctrine de la foi et des mœurs chrétiennes, ou sur lesquelles l'Eglise, n'usant pas de son autorité, laisse aux savants toute la liberté de leurs jugements. De ces considérations, il ressort comment les partisans du Libéralisme entendent sur ce point, et représentent cette liberté qu'ils réclament et proclament avec une égale ardeur. D'une part, ils s'arrogent à eux-mêmes, ainsi qu'à l'Etat une licence telle, qu'il n'y a point d'opinion si perverse à laquelle ils n'ouvrent la porte et ne livrent passage ; de l'autre, ils suscitent à l'Eglise obstacles sur obstacles, confinant sa liberté dans les limites les plus étroites qu'ils peuvent, alors cependant que, de cet enseignement de l'Eglise, aucun inconvénient n'est à redouter, et que, au contraire, on en doit attendre les plus grands avantages.

Une autre liberté que l'on proclame aussi bien haut est celle qu'on nomme liberté de conscience. Que si l'on entend par là que chacun peut indifféremment, à Son gré, rendre ou ne pas rendre un culte à Dieu, les arguments qui ont été donnés plus haut suffisent à le réfuter. Mais on peut l'entendre aussi en ce sens que l'homme a dans l'Etat le droit de suivre, d'après la conscience de son devoir, la volonté de Dieu, et d'accomplir ses préceptes sans que rien puisse l'en empêcher. Cette liberté, la vraie liberté, la liberté digne des enfants de Dieu, qui protège si glorieusement la dignité de la personne humaine, est au-dessus de toute violence et de toute oppression, elle a toujours été l'objet des vœux de l'Eglise et de sa particulière affection. C'est cette liberté que les apôtres ont revendiquée avec tant de constance, que les apologistes ont défendue dans leurs écrits, qu'une foule innombrable de martyrs ont consacrée de leur sang. Et ils ont eu raison, car la grande et très juste puissance de Dieu sur les hommes et, d'autre part, le grand et le suprême devoir des hommes envers Dieu trouvent l'un et l'autre dans cette liberté chrétienne un éclatant témoignage.

Elle n'a rien de commun avec des dispositions factieuses et révoltées, et, d'aucune façon, il ne faudrait se la figurer comme réfractaire à l'obéissance due à la puissance publique ; car ordonner et exiger l'obéissance aux commandements n'est un droit de la puissance humaine qu'autant qu'elle n'est pas en désaccord avec la puissance divine et qu'elle se renferme dans les limites que Dieu lui a marquées. Or, quand elle donne un ordre qui est ouvertement en désaccord avec la volonté divine, elle s'écarte alors loin de ces limites et se met du même coup en conflit avec l'autorité divine : il est donc juste alors de ne pas obéir.

Mais les partisans du Libéralisme, qui, en même temps qu'ils attribuent à l'Etat un pouvoir despotique et sans limites, proclament qu'il n'y a aucun compte à tenir de Dieu dans la conduite de la vie, ne reconnaissent pas du tout cette liberté dont Nous parlons et qui est unie intimement à l'honnêteté et à la liberté ; et ce qu'on fait pour la conserver, ils l'estiment fait à tort et contre l'Etat. S'ils disaient vrai, il n'y aurait pas de domination si tyrannique qu'on ne dût accepter et subir.

Le plus vif désir de l'Eglise serait sans doute de voir pénétrer dans tous les ordres de l'Etat et y recevoir leur application ces principes chrétiens que Nous venons d'exposer sommairement. Car ils possèdent une merveilleuse efficacité pour guérir les maux du temps présent, ces maux dont on ne peut se dissimuler ni le nombre, ni la gravité, et qui sont nés, en grande partie, de ces libertés tant vantées, et où l'on avait cru voir renfermés des germes de salut et de gloire. Cette espérance a été déçue par les faits. Au lieu de fruits doux et salutaires, sont venus des fruits amers et empoisonnés. Si l'on cherche le remède, qu'on le cherche dans le rappel des saines doctrines, desquelles seules on peut attendre avec confiance la conservation de l'ordre et, par là même, la garantie de la vraie liberté.

Néanmoins, dans son appréciation maternelle, l'Eglise tient compte du poids accablant de l'infirmité humaine, et elle n'ignore pas le mouvement qui entraîne à notre époque les esprits et les choses. Pour ces motifs, tout en n'accordant de droits qu'à ce qui est vrai et honnête, elle ne s'oppose pas cependant à la tolérance dont la puissance publique croit pouvoir user à l'égard de certaines choses contraires à la vérité et à la justice, en vue d'un mal plus grand à éviter ou d'un bien plus grand à obtenir ou à conserver.

Dieu lui-même, dans sa providence, quoique infiniment bon et tout-puissant, permet néanmoins l'existence de certains maux dans le monde, tantôt pour ne point empêcher des biens plus grands, tantôt pour empêcher de plus grands maux. Il convient, dans le gouvernement des Etats, d'imiter celui qui gouverne le monde. Bien plus, se trouvant impuissante à empêcher tous les maux particuliers, l'autorité des hommes doit « permettre et laisser impunies bien des choses qu'atteint pourtant et à juste titre la vindicte de la Providence divine » (S. August., De lib. arb., lib. I, cap. 6, nurn. 14.). Néanmoins, dans ces conjectures, si, en vue du bien commun et pour ce seul motif, la loi des hommes peut et même doit tolérer le mal, jamais pourtant elle ne peut ni ne doit l'approuver, ni le vouloir en lui-même, car, étant de soi la privation du bien, le mal est opposé au bien commun que le législateur doit vouloir et doit défendre du mieux qu'il peut. Et en cela aussi la loi humaine doit se proposer d'imiter Dieu, qui, en laissant le mal exister dans le monde, « ne veut ni que le mal arrive, ni que le mal n'arrive pas, mais veut permettre que le mal arrive. Et cela est bon ». Cette sentence du Docteur angélique contient, en une brève formule, toute la doctrine sur la tolérance du mal.

Mais il faut reconnaître, pour que Notre jugement reste dans la vérité, que plus il est nécessaire de tolérer le mal dans un Etat, plus les conditions de cet Etat s'écartent de la perfection ; et, de plus, que la tolérance du mal appartenant aux principes de la prudence politique, doit être rigoureusement circonscrite dans les limites exigées par sa raison d'être, c'est-à-dire par le salut public. C'est pourquoi, si elle est nuisible au salut public, ou qu'elle soit pour l'Etat la cause d'un plus grand mal, la conséquence est qu'il n'est pas permis d'en user, car, dans ces conditions, la raison du bien fait défaut. Mais, si, en vue d'une condition particulière de l'Etat, l'Eglise acquiesce à certaines libertés modernes, non qu'elle les préfère en elles-mêmes, mais parce qu'elle juge expédient de les permettre, et que la situation vienne ensuite à s'améliorer, elle usera évidemment de sa liberté en employant tous les moyens, persuasion, exhortations, prières, pour remplir comme c'est son devoir, la mission qu'elle a reçue de Dieu, à savoir, de procurer aux hommes le salut éternel.

Mais une chose demeure toujours vraie, c'est que cette liberté, accordée indifféremment à tous et pour tous, n'est pas, comme nous l'avons souvent répété, désirable par elle-même, puisqu'il répugne à la raison que le faux et le vrai aient les mêmes droits, et, en ce qui touche la tolérance, il est étrange de voir à quel point s'éloignent de l'équité et de la prudence de l'Eglise ceux qui professent le Libéralisme.

En effet, en accordant aux citoyens sur tous les points dont Nous avons parlé une liberté sans bornes, ils dépassent tout à fait la mesure et en viennent au point de ne pas paraître avoir plus d'égards pour la vertu et la vérité que pour l'erreur et le vice. Et quand l'Eglise, colonne et soutien de la vérité, maîtresse incorruptible des mœurs, croit de son devoir de protester sans relâche contre une tolérance si pleine de désordres et d'excès, et d'en écarter l'usage criminel, ils l'accusent de manquer à la patience et à la douceur ; en agissant ainsi, ils ne soupçonnent même pas qu'ils lui font un crime de ce qui est précisément son mérite. D'ailleurs, il arrive bien souvent à ces grands prôneurs de tolérance d'être, dans la pratique, durs et serrés quand il s'agit du catholicisme : prodigues de libertés pour tous, ils refusent souvent de laisser à l'Eglise sa liberté.

Mais, afin de récapituler brièvement, et pour plus de clarté, tout ce discours, avec ses conséquences, Nous disons en résumé que l'homme doit nécessairement rester tout entier dans une dépendance réelle et incessante à l'égard de Dieu, et que, par conséquent, il est absolument impossible de comprendre la liberté de l'homme sans la soumission à Dieu et l'assujettissement à sa volonté. Nier cette souveraineté de Dieu et refuser de s'y soumettre, ce n'est pas la liberté, c'est abus de la liberté et révolte ; et c'est précisément d'une telle disposition d'âme que se constitue et que naît le vice capital du Libéralisme. On peut, du reste, en distinguer plusieurs espèces ; car il y a pour la volonté plus d'une forme et plus d'un degré dans le refus de l'obéissance due à Dieu ou à ceux qui participent à son autorité divine.

S'insurger complètement contre l'empire suprême de Dieu et lui refuser absolument toute obéissance, soit dans la vie publique, soit dans la vie privée et domestique, c'est à la fois, sans nul doute, la plus grande dépravation de la liberté et la pire espèce de Libéralisme. C'est sur elle que doivent tomber sans restriction tous les blâmes que nous avons jusqu'ici formulés.

Immédiatement après vient le système de ceux qui, tout en concédant qu'on doit dépendre de Dieu, Auteur et Maître de l'univers puisque toute la nature est régie par sa Providence, osent répudier les règles de foi et de morale qui, dépassant l'ordre de la nature, nous viennent de l'autorité même de Dieu, ou prétendent, du moins, qu'il n'y a pas à en tenir compte, surtout dans les affaires publiques de l'Etat. Quelle est la gravité de leur erreur et combien peu ils sont d'accord avec eux-mêmes, Nous l'avons pareillement vu plus haut. C'est de cette doctrine que découle, comme de sa source et de son principe, cette pernicieuse erreur de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, quand, au contraire, il est manifeste que ces deux pouvoirs, quoique différents dans leur mission et leur dignité, doivent néanmoins s'entendre dans la concorde de leur action et l'échange de leurs bons offices.

A cette erreur comme à un genre se rattache une double opinion. Plusieurs, en effet, veulent entre l'Eglise et l'Etat une séparation radicale et totale ; ils estiment que, dans tout ce qui concerne le gouvernement de la société humaine, dans les institutions, les mœurs, les lois, les fonctions publiques, l'instruction de la jeunesse, on ne doit pas plus faire attention à l'Eglise que si elle n'existait pas ; tout au plus laissent-ils aux membres individuels de la société la faculté de vaquer en particulier si cela leur plaît aux devoirs de la religion. Contre eux gardent toute leur force les arguments par lesquels Nous avons réfuté l'opinion de la séparation de l'Eglise et de l'Etat ; avec cette aggravation qu'il est complètement absurde que l'Eglise soit, en même temps, respectée du citoyen et méprisée par l'Etat.

Les autres ne mettent pas en doute l'existence de l'Eglise, ce qui leur serait d'ailleurs impossible : mais ils lui enlèvent le caractère et les droits propres d'une société parfaite et veulent que son pouvoir, privé de toute autorité législative, judiciaire, coercitive, se borne à diriger par l'exhortation, la persuasion, ceux qui se soumettent à elle de leur plein gré et de leur propre vouloir. C'est ainsi que le caractère de cette divine société est dans cette théorie, complètement dénaturée, que son autorité, son magistère, en un mot, toute son action se trouve diminuée et restreinte, tandis que l'action et l'autorité du pouvoir civil est par eux exagérée jusqu'à vouloir que l'Eglise de Dieu, comme toute autre association libre, soit mise sous la dépendance et la domination de l'Etat. Pour les convaincre d'erreur, les apologistes ont employé de puissants arguments que Nous n'avons pas négligés Nous-mêmes, particulièrement dans notre encyclique Immortale Dei ; et il en ressort que, par la volonté de Dieu, l'Eglise possède toutes les qualités et tous les droits qui caractérisent une société légitime supérieure et de tous points parfaite.

Beaucoup enfin n'approuvent pas cette séparation de l'Eglise et de l'Etat ; mais ils estiment qu'il faut amener l'Eglise à céder aux circonstances, obtenir qu'elle se prête et s'accommode à ce que réclame la prudence du jour dans le gouvernement des sociétés. Opinion honnête, si on l'entend d'une certaine manière équitable d'agir, qui soit conforme à la vérité et à la justice, à savoir : que l'Eglise, en vue d'un grand bien à espérer, se montre indulgente et concède aux circonstances de temps ce qu'elle peut concéder sans violer la sainteté de sa mission. Mais il en va tout autrement des pratiques et des doctrines que l'affaissement des mœurs et les erreurs courantes ont introduites contre le droit. Aucune époque ne peut se passer de religion, de vérité, de justice : grandes et saintes choses que Dieu a mises sous la garde de l'Eglise, à qui il serait dès lors étrange de demander la dissimulation à l'égard de ce qui est faux ou injuste, ou la connivence avec ce qui peut nuire à la religion.

De ces considérations, il résulte donc qu'il n'est aucunement permis de demander, de défendre ou d'accorder sans discernement la liberté de la pensée, de la presse, de l'enseignement, des religions, comme autant de droits que la nature a conférés à l'homme. Si vraiment la nature les avait conférés, on aurait le droit de se soustraire à la souveraineté de Dieu, et nulle loi ne pourrait modérer la liberté humaine. Il suit pareillement que ces diverses sortes de libertés peuvent, pour de justes causes, être tolérées, pourvu qu'un juste tempérament les empêche de dégénérer jusqu'à la licence et au désordre. Là enfin où les usages ont mis ces libertés en vigueur, les citoyens doivent s'en servir pour faire le bien et avoir à leur égard les sentiments qu'en a l'Eglise. Car une liberté ne doit être réputée légitime qu'en tant qu'elle accroît notre faculté pour le bien ; hors de là, jamais.

Quand on est sous le coup ou sous la menace d'une domination qui tient la société sous la pression d'une violence injuste, ou prive l'Eglise de sa liberté légitime, il est permis de chercher une autre organisation politique, sous laquelle il soit possible d'agir avec liberté. Alors, en effet, ce que l'on revendique, ce n'est pas cette liberté sans mesure et sans règle, mais c'est un certain allégement en vue du salut de tous ; et ce que l'on cherche uniquement, c'est d'arriver à ce que, là où toute licence est donnée au mal, le pouvoir de faire le bien ne soit pas entravé.

En outre, préférer pour l'Etat une constitution tempérée par l'élément démocratique n'est pas en soi contre le devoir, à condition toutefois qu'on respecte la doctrine catholique sur l'origine et l'exercice du pouvoir public.

Des diverses formes du gouvernement, pourvu qu'elles soient en elles-mêmes aptes à procurer le bien des citoyens, l'Eglise n'en rejette aucune ; mais elle veut, et la nature s'accorde avec elle pour l'exiger, que leur institution ne viole le droit de personne et respecte particulièrement les droits de l'Eglise.

C'est louable de prendre part à la gestion des affaires publiques, à moins qu'en certains lieux, pour des circonstances particulières de choses et de temps, ne soit imposée une conduite différente. L'Eglise même approuve que tous unissent leurs efforts pour le bien commun, et que chacun, selon son pouvoir, travaille à la défense, à la conservation et à l'accroissement de la chose publique.

L'Eglise ne condamne pas non plus que l'on veuille affranchir son pays ou de l'étranger ou d'un despote, pourvu que cela puisse se faire sans violer la justice. Enfin, elle ne reprend pas davantage ceux qui travaillent à donner aux communes l'avantage de vivre selon leurs propres lois, et aux citoyens toutes les facilités pour l'accroissement de leur bien-être. Pour toutes les libertés civiles exemptes d'excès, l'Eglise eut toujours la coutume d'être une très fidèle protectrice, ce qu'attestent particulièrement les cités italiennes, qui trouvèrent sous le régime municipal la prospérité, la puissance et la gloire, alors que l'influence salutaire de l'Eglise, sans rencontrer aucune opposition, pénétrait toutes les parties du corps social.

Ces enseignements inspirés par la foi et la raison tout ensemble, et que le devoir de Notre charge apostolique Nous a porté, Vénérables Frères, à Vous transmettre, seront, grâce surtout à l'union de Vos efforts avec les Nôtres, utiles à un grand nombre, Nous en avons la confiance. Pour Nous, dans l'humilité de Notre
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Doctrine Sociale de l'Eglise - Quelques Textes de Rome Empty Re: Doctrine Sociale de l'Eglise - Quelques Textes de Rome

Message par Her Lun 30 Mai - 6:22

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CIVITAS - POUR UNE CITE CATHOLIQUE


Il Fermo Proposito
Écrit par Pie X

Lettre encyclique du pape Pie X du 11 juin 1905, sur l'action catholique ou action des catholiques.


Aux Evêques d'Italie Vénérables Frères, Salut et Bénédiction apostolique.

Le ferme propos 1 que Nous avons formé, dès les débuts de Notre Pontificat, de consacrer à la restauration de toutes choses dans le Christ toutes les forces que Nous tenons de la bonté du Seigneur, éveille en Notre cœur une grande confiance dans la grâce puissante de Dieu, sans laquelle Nous ne pouvons ici-bas concevoir ni entreprendre rien de grand et de fécond pour le salut des âmes. En même temps, Nous sentons plus vivement que jamais, pour ce noble dessein, le besoin de votre concours unanime et constant, Vénérables Frères appelés à partager Notre charge Pastorale, du concours de chacun des clercs et des fidèles confiés à vos soins. Tous, en vérité, dans la Sainte Eglise de Dieu, nous sommes appelés à former ce corps unique dont la tête est le Christ ; corps étroitement organisé, comme l'enseigne l'apôtre saint Paul 2, et bien coordonné dans toutes ses articulations, et cela en vertu de l'opération propre de chaque membre, d'où le corps tire son propre accroissement et peu à peu se perfectionne dans le lien de la charité.

Et si dans cette œuvre d' « édification du Corps du Christ » 3 Notre premier devoir est d'enseigner, d'indiquer la méthode à suivre et les moyens à employer, d'avertir et d'exhorter paternellement, c'est également le devoir de tous Nos Fils bien-aimés, répandus dans le monde entier, d'accueillir Nos paroles, de les réaliser d'abord en eux-mêmes et de contribuer efficacement à les réaliser aussi chez les autres, chacun selon la grâce qu'il a reçue de Dieu, selon son état et ses fonctions, selon le zèle dont son cœur est enflammé.

Ici, Nous voulons seulement rappeler ces multiples œuvres de zèle, entreprises pour le bien de l'Eglise, de la société et des individus, communément désignées sous le nom d'Action Catholique, qui, par la grâce de Dieu, fleurissent en tout lieu et abondent pareillement en notre Italie.

Vous comprenez bien, Vénérables Frères, à quel point elles doivent Nous être chères, et quel est Notre intime désir de les voir affermies et favorisées. Non seulement, à maintes reprises, Nous en avons traité de vive voix au moins avec quelques-uns d'entre vous et avec vos principaux représentants en Italie quand ils Nous présentaient en personne l'hommage de leur dévouement et de leur affection filiale, mais de plus Nous avons, sur cette question, publié, ou fait publier par Notre autorité, certains actes que vous connaissez tous déjà. Il est vrai que certains de ces actes, comme l'exigeaient des circonstances douloureuses pour Nous, étaient plutôt destinés à écarter les obstacles qui entravaient la marche de l'action catholique et à condamner certaines tendances indisciplinées, qui allaient s'insinuant, au grave détriment de la cause commune.

Il tardait donc à Notre cœur d'envoyer à tous une parole de réconfort et de paternel encouragement, afin que, sur le terrain débarrassé autant qu'il dépend de Nous de tout obstacle, on continue à édifier le bien et à l'accroître largement. Nous sommes donc très heureux de le faire à présent par cette lettre, pour la consolation commune, avec la certitude que Notre parole sera de tous docilement écoutée et obéie.

Immense est le champ de l'action catholique ; par elle-même, elle n'exclut absolument rien de ce qui, d'une manière quelconque, directement ou indirectement, appartient à la mission divine de l'Eglise.

On reconnaît sans peine la nécessité de concourir individuellement à une œuvre si importante non seulement pour la sanctification de nos âmes, mais encore pour répandre et toujours mieux développer le règne de Dieu dans les individus, les familles et la société, chacun procurant selon ses propres forces le bien du prochain, par la diffusion de la vérité révélée, l'exercice des vertus chrétiennes et les œuvres de charité ou de miséricorde spirituelle et corporelle. Telle est la conduite digne de Dieu à laquelle nous exhorte saint Paul, de façon à lui plaire en toutes choses en produisant les fruits de toutes les bonnes œuvres et en progressant dans la science de Dieu : « Ut ambuletis digne Deo placentes : in omni opere bono fructificantes, et crescentes in scientia Dei » 4.

Outre ces biens, il en est un grand nombre de l'ordre naturel, qui, sans être directement l'objet de la mission de l'Eglise, en découlent cependant comme une de ses conséquences naturelles. La lumière de la Révélation catholique est telle qu'elle se répand très vive sur toute science ; si grande est la force des maximes évangéliques que les préceptes de la loi naturelle y trouvent un fondement plus sûr et une plus puissante vigueur ; telle est enfin l'efficacité de la vérité et de la morale enseignées par Jésus-Christ, que même le bien-être matériel des individus, de la famille et de la société humaine en reçoit providentiellement soutien et protection.

L'Eglise, tout en prêchant Jésus crucifié, scandale et folie pour le monde 5, est devenue la première inspiratrice et la promotrice de la civilisation. Elle l'a répandue partout où ont prêché ses apôtres, conservant et perfectionnant les bons éléments des antiques civilisations païennes, arrachant à la barbarie et élevant jusqu'à une forme de société civilisée les peuples nouveaux qui se réfugiaient dans son sein maternel, et donnant à la société entière, peu à peu sans doute, mais d'une marche sûre et toujours progressive, cette empreinte si caractéristique qu'encore aujourd'hui elle conserve partout.

La civilisation du monde est une civilisation chrétienne ; elle est d'autant plus vraie, plus durable, plus féconde en fruits précieux, qu'elle est plus nettement chrétienne ; d'autant plus décadente, pour le grand malheur de la société, qu'elle se soustrait davantage à l'idée chrétienne.

Aussi, par la force intrinsèque des choses, l'Eglise devient-elle encore en fait la gardienne et la protectrice de la civilisation chrétienne. Et ce fait fut reconnu et admis dans d'autres siècles de l'histoire ; il forme encore le fondement inébranlable des législations civiles. Sur ce fait reposèrent les relations de l'Eglise et des Etats, la reconnaissance publique de l'autorité de l'Eglise dans toutes les matières qui touchent de quelque façon à la conscience, la subordination de toutes les lois de l'Etat aux divines lois de l'Evangile, l'accord des deux pouvoirs, civil et ecclésiastique, pour procurer le bien temporel des peuples de telle manière que le bien éternel n'en eût pas à souffrir.

Nous n'avons pas besoin de vous dire, Vénérables Frères, la prospérité et le bien-être, la paix et la concorde, la respectueuse soumission à l'autorité et l'excellent gouvernement qui s'établiraient et se maintiendraient dans ce monde si l'on pouvait réaliser partout le parfait idéal de la civilisation chrétienne. Mais, étant donnée la lutte continuelle de la chair contre l'Esprit, des ténèbres contre la lumière, de Satan contre Dieu, Nous ne pouvons espérer un si grand bien, au moins dans sa pleine mesure. De là, contre les pacifiques conquêtes de l'Eglise, d'incessantes attaques, d'autant plus douloureuses et funestes que la société humaine tend davantage à se gouverner d'après des principes opposés au concept chrétien et à se séparer entièrement de Dieu.

Ce n'est pas une raison pour perdre courage. L'Eglise sait que les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle ; mais elle sait aussi que dans ce monde elle trouvera l'oppression, que ses apôtres sont envoyés comme des agneaux au milieu des loups, que ses fidèles seront toujours couverts de haine et de mépris, comme fut rassasié de haine et de mépris son divin Fondateur. L'Eglise va néanmoins en avant sans crainte, et, tandis qu'elle étend le règne de Dieu dans les régions où il n'a pas encore été prêché, elle s'efforce par tous les moyens de réparer les pertes éprouvées dans le royaume déjà conquis.

Tout restaurer dans le Christ a toujours été la devise de l'Eglise, et c'est particulièrement la Nôtre, dans les temps périlleux que Nous traversons. Restaurer toutes choses, non d'une manière quelconque, mais dans le Christ ; « ce qui est sur la terre et ce qui est dans le ciel en lui » 6, ajoute l'Apôtre ; restaurer dans le Christ non seulement ce qui incombe directement à l'Église en vertu de sa divine mission qui est de conduire les âmes à Dieu, mais encore, comme Nous l'avons expliqué, ce qui découle spontanément de cette divine mission, la civilisation chrétienne dans l'ensemble de tous et de chacun des éléments qui la constituent.

Et pour Nous arrêter à cette seule dernière partie de la restauration désirée, vous voyez bien, Vénérables Frères, quel appui apportent à l'Eglise ces troupes choisies de catholiques qui se proposent précisément de réunir ensemble toutes leurs forces vives dans le but de combattre par tous les moyens justes et légaux la civilisation antichrétienne ; réparer par tous les moyens les désordres si graves qui en dérivent ; replacer Jésus-Christ dans la famille, dans l'école, dans la société ; rétablir le principe de l'autorité humaine comme représentant celle de Dieu ; prendre souverainement à cœur les intérêts du peuple et particulièrement ceux de la classe ouvrière et agricole, non seulement en inculquant au cœur de tous le principe religieux, seule source vraie de consolation dans les angoisses de la vie, mais en s'efforçant de sécher leurs larmes, d'adoucir leurs peines, d'améliorer leur condition économique par de sages mesures ; s'employer, par conséquent, à rendre les lois publiques conformes à la justice, à corriger ou supprimer celles qui ne le sont pas ; défendre enfin et soutenir avec un esprit vraiment catholique les droits de Dieu en toutes choses et les droits non moins sacrés de l'Eglise.

L'ensemble de toutes ces œuvres, dont les principaux soutiens et promoteurs sont des laïques catholiques, et dont la conception varie suivant les besoins propres de chaque nation et les circonstances particulières de chaque pays, constitue précisément ce que l'on a coutume de désigner par un terme spécial et assurément très noble : Action catholique ou Action des catholiques. Elle est toujours venue en aide à l'Eglise, et l'Eglise l'a toujours accueillie favorablement et bénie, bien qu'elle se soit diversement exercée selon les époques.

Et ici, il faut remarquer tout de suite qu'il est aujourd'hui impossible de rétablir sous la même forme toutes les institutions qui ont pu être utiles et même les seules efficaces dans les siècles passés, si nombreuses sont les modifications radicales que le cours des temps introduit dans la société et dans la vie publique, et si multiples les besoins nouveaux que les circonstances changeantes ne cessent de susciter. Mais l'Eglise, en sa longue histoire, a toujours et en toute occasion lumineusement démontré qu'elle possède une vertu merveilleuse d'adaptation aux conditions variables de la société civile : sans jamais porter atteinte à l'intégrité ou l'immutabilité de la foi, de la morale, et en sauvegardant toujours ses droits sacrés, elle se plie et s'accommode facilement, en tout ce qui est contingent et accidentel, aux vicissitudes des temps et aux nouvelles exigences de la société.

La piété, dit saint Paul, se prête à tout, possédant les promesses divines pour les biens de la vie présente comme pour ceux de la vie future : « Pietas autem ad omnia utilis est, promissionem habens vitæ, quæ nunc est et futuræ » 7. Et donc aussi, l'action catholique, tout en variant, quand il est opportun, ses formes extérieures et ses moyens d'action, reste toujours la même dans les principes qui la dirigent et le but très noble qu'elle poursuit. Et pour qu'en même temps elle soit vraiment efficace, il conviendra d'indiquer avec soin les conditions qu'elle exige elle-même si l'on considère bien sa nature et sa fin.

Avant tout, il faut être profondément convaincu que l'instrument est inutile s'il n'est approprié au travail que l'on veut exécuter. L'action catholique (comme il ressort jusqu'à l'évidence de ce qui vient d'être dit), se proposant de restaurer toutes choses dans le Christ, constitue un véritable apostolat à l'honneur et la gloire du Christ lui-même. Pour bien l'accomplir, il nous faut la grâce divine, et l'apôtre ne la reçoit point s'il n'est uni au Christ. C'est seulement quand nous aurons formé Jésus-Christ en nous que nous pourrons plus facilement le rendre aux familles, à la société. Tous ceux donc qui sont appelés à diriger ou qui se consacrent à promouvoir le mouvement catholique, doivent être des catholiques à toute épreuve, convaincus de leur foi, solidement instruits des choses de la religion, sincèrement soumis à l'Eglise et en particulier à cette suprême Chaire apostolique et au Vicaire de Jésus-Christ sur la terre ; ils doivent être des hommes d'une piété véritable, de mâles vertus, de mœurs pures et d'une vie tellement sans tache qu'ils servent à tous d'exemple efficace.

Si l'esprit n'est pas ainsi réglé, il sera non seulement difficile de promouvoir les autres au bien, mais presque impossible d'agir avec une intention droite, et les forces manqueront pour supporter avec persévérance les ennuis qu'entraîne avec lui tout apostolat, les calomnies des adversaires, la froideur et le peu de concours des hommes de bien eux-mêmes, parfois enfin les jalousies des amis et des compagnons d'armes, excusables sans doute, étant donnée la faiblesse de la nature humaine, mais grandement préjudiciables et causes de discordes, de heurts et de querelles intestines. Seule, une vertu patiente et affermie dans le bien, et en même temps suave et délicate, est capable d'écarter ou de diminuer ces difficultés de façon que l'œuvre à laquelle sont consacrées les forces catholiques ne soit pas compromise. La volonté de Dieu, disait saint Pierre aux premiers chrétiens, est qu'en faisant le bien vous fermiez la bouche aux insensés : « Sic est voluntas Dei, ut bene facientes obmutescere faciatis imprudentium hominum ignorantiam » 8.

Il importe, en outre, de bien définir les œuvres pour lesquelles les forces catholiques se doivent dépenser avec toute énergie et constance. Ces œuvres doivent être d'une importance si évidente, répondre de telle sorte aux besoins de la société actuelle, s'adapter si bien aux intérêts moraux et matériels, surtout ceux du peuple et des classes déshéritées, que, tout en excitant la meilleure activité chez les promoteurs de l'action catholique pour les résultats importants et certains qu'elles font espérer d'elles-mêmes, elles soient aussi par tous facilement comprises et volontiers accueillies.

Précisément parce que les graves problèmes de la vie sociale d'aujourd'hui exigent une solution prompte et sûre, tout le monde a le plus vif intérêt à savoir et connaître les divers modes sous lesquels ces solutions se présentent en pratique. Les discussions dans un sens ou dans l'autre se multiplient de plus en plus et se répandent facilement au moyen de la presse. Il est donc souverainement nécessaire que l'action catholique saisisse le moment opportun, marche en avant avec courage, propose elle aussi sa solution et la fasse valoir par une propagande ferme, active, intelligente, disciplinée, capable de s'opposer directement à la propagande adverse.

La bonté et la justice des principes chrétiens, la droite morale que professent les catholiques, leur entier désintéressement pour ce qui leur est personnel, la franchise et la sincérité avec laquelle ils recherchent uniquement le vrai, le solide, le suprême bien d'autrui, enfin leur évidente aptitude à servir mieux encore que les autres les vrais intérêts économiques du peuple, tout cela ne peut manquer de faire impression sur l'esprit et le cœur de tous ceux qui les écoutent, d'en grossir les rangs de manière à faire d'eux un corps solide et compact, capable de résister vigoureusement au courant contraire et de tenir les adversaires en respect.

Ce besoin suprême, Notre prédécesseur Léon XIII, de sainte mémoire, le perçut pleinement en indiquant, surtout dans la mémorable Encyclique Rerum Novarum et dans d'autres documents postérieurs, l'objet autour duquel doit principalement se déployer l'action catholique, à savoir la solution pratique de la question sociale selon les principes chrétiens. Et Nous-même, suivant ces règles si sages, Nous avons, dans Notre Motu proprio du 18 décembre 1903, donné à l'action populaire chrétienne, qui comprend en elle tout le mouvement catholique social, une constitution fondamentale qui pût être comme la règle pratique du travail commun et le lien de la concorde et de la charité. Sur ce terrain donc, et dans ce but très saint et très nécessaire, doivent avant tout se grouper et s'affermir les œuvres catholiques, variées et multiples de forme, mais toutes également destinées à promouvoir efficacement le même bien social.

Mais pour que cette action sociale se maintienne et prospère avec la nécessaire cohésion des œuvres diverses qui la composent, il importe par-dessus tout que les catholiques observent entre eux une concorde exemplaire ; et, par ailleurs, on ne l'obtiendra jamais s'il n'y a en tous unité de vues. Sur une telle nécessité il ne peut y avoir aucune sorte de doute, tant sont clairs et évidents les enseignements donnés par cette Chaire apostolique, tant est vive la lumière qu'ont répandue, sur ce sujet, par leurs écrits, les plus remarquables catholiques de tous les pays, tant est louable l'exemple - plusieurs fois proposé par Nous-même - des catholiques d'autres nations, qui, précisément par cette concorde et unité de vues, ont, en peu de temps, obtenu des fruits féconds et très consolants !

Pour assurer ce résultat, parmi les diverses œuvres également dignes d'éloge on a constaté ailleurs la singulière efficacité d'une institution de caractère général, qui, sous le nom d' « Union populaire », est destinée à réunir les catholiques de toutes les classes sociales, mais spécialement les grandes masses du peuple, autour d'un centre unique et commun de doctrine, de propagande et d'organisation sociale.

Elle répond à un besoin également senti presque dans tous les pays ; la simplicité de sa constitution résulte de la nature même des choses, qui se rencontre également partout ; aussi ne peut-on dire qu'elle soit propre à une nation plutôt qu'à une autre, mais elle convient à toutes celles où se manifestent les mêmes besoins et surgissent les mêmes périls. Son caractère éminemment populaire la fait facilement aimer et accepter ; elle ne trouble ni ne gêne aucune autre institution, mais elle donne plutôt aux autres institutions force et cohésion, car son organisation strictement personnelle pousse les individus à entrer dans les institutions particulières, les forme à un travail pratique et vraiment profitable, et unit tous les esprits dans une même pensée et une même volonté.

Ce centre social ainsi établi, toutes les autres institutions de caractère économique destinées à résoudre pratiquement et sous ses aspects variés le problème social se trouvent comme spontanément groupées ensemble pour le but général qui les unit ; ce qui ne les empêche pas de prendre, suivant les divers besoins auxquels elles pourvoient, des formes diverses et des moyens d'action différents, comme le réclame le but particulier de chacune d'elles.

Et ici il Nous est fort agréable d'exprimer, avec Notre satisfaction pour le grand progrès qui sur ce point a déjà été fait en Italie, la ferme espérance que, Dieu aidant, on fera encore beaucoup plus à l'avenir en affermissant le bien obtenu et en l'étendant avec un zèle toujours croissant.

C'est cette ligne de conduite qui a mérité les plus grands éloges à l'Œuvre des Congrès et Comités catholiques, grâce à l'activité intelligente des hommes excellents qui la dirigeaient et qui ont été préposés à ses diverses institutions particulières ou les dirigent encore actuellement.

C'est pourquoi, de même que, en vertu de Notre propre volonté, un pareil centre ou union d'œuvres de caractère économique a été expressément maintenu lors de la dissolution de la susdite Œuvre des Congrès, ainsi il devra fonctionner encore dans l'avenir sous la diligente direction de ceux qui lui sont préposés.

En outre, pour que l'action catholique soit de tous points efficace, il ne suffit pas qu'elle soit proportionnée aux nécessités sociales actuelles ; il convient encore qu'elle soit mise en valeur par tous les moyens pratiques que lui fournissent aujourd'hui le progrès des études sociales et économiques, les expériences déjà faites ailleurs, les conditions de la société civile, la vie publique même des États.

Autrement l'on s'expose à marcher longtemps à tâtons, à la recherche de choses nouvelles et hasardées, alors que l'on en a sous la main de bonnes et certaines qui ont déjà fait excellemment leurs preuves ; ou bien l'on court encore le danger de proposer des institutions et des méthodes qui convenaient peut-être à d'autres époques, mais qui aujourd'hui ne sont pas comprises par le peuple ; on risque enfin de s'arrêter à mi-chemin parce qu'on n'use pas, même dans la mesure légitime, de ces droits de citoyen que les constitutions civiles modernes offrent à tous et par conséquent même aux catholiques.

Et, pour Nous arrêter à ce dernier point, il est certain que les constitutions actuelles des Etats donnent indistinctement à tous la faculté d'exercer une influence sur la chose publique, et les catholiques, tout en respectant les obligations imposées par la loi de Dieu et les prescriptions de l'Eglise, peuvent en user en toute sûreté de conscience pour se montrer, tout autant et même mieux que les autres, capables de coopérer au bien-être matériel et civil du peuple, et acquérir ainsi une autorité et une considération qui leur permettent aussi de défendre et de promouvoir les biens d'un ordre plus élevé, qui sont les biens de l'âme.

Ces droits civils sont multiples et de différente nature, jusqu'à celui de participer directement à la vie politique du pays par la représentation du peuple dans les Assemblées législatives. De très graves raisons Nous dissuadent, Vénérables Frères, de Nous écarter de la règle jadis établie par Notre Prédécesseur Pie IX, de sainte mémoire, et suivie ensuite, durant son long pontificat, par Notre autre Prédécesseur Léon XIII, de sainte mémoire ; selon cette règle il reste en général interdit aux catholiques d'Italie de participer au pouvoir législatif.

Toutefois, d'autres raisons pareillement très graves, tirées du bien suprême de la société, qu'il faut sauver à tout prix, peuvent réclamer que dans des cas particuliers on dispense de la loi, spécialement dans le cas où Vous, Vénérables Frères, vous en reconnaissiez la stricte nécessité pour le bien des âmes et les intérêts suprêmes de vos Églises, et que vous en fassiez la demande.

Or, la possibilité de cette bienveillante concession de Notre part entraîne pour tous les catholiques le devoir de se préparer prudemment et sérieusement à la vie politique, pour le moment où ils y seraient appelés.

D'où il importe beaucoup que cette même activité, déjà louablement déployée par les catholiques pour se préparer, par une bonne organisation électorale, à la vie administrative des Communes et des Conseils provinciaux, s'étende encore à la préparation convenable et à l'organisation pour la vie politique, comme la recommandation en fut faite opportunément par la Présidence générale des Œuvres économiques en Italie dans sa Circulaire du 3 décembre 1904.

En même temps, il faudra inculquer et suivre en pratique les principes élevés qui règlent la conscience de tout vrai catholique : il doit se souvenir avant tout d'être en toute circonstance et de se montrer vraiment catholique, assumant et exerçant les charges publiques avec la ferme et constante résolution de promouvoir autant qu'il le peut le bien social et économique de la patrie et particulièrement du peuple, suivant les principes de la civilisation nettement chrétienne, et de défendre en même temps les intérêts suprêmes de l'Eglise, qui sont ceux de la religion et de la justice.

Tels sont, Vénérables Frères, les caractères, l'objet et les conditions de l'action catholique considérée dans sa partie la plus importante, qui est la solution de la question sociale, et qui, à ce titre, mérite l'application la plus énergique et la plus constante de toutes les forces catholiques.

Cela n'exclut pas que l'on favorise et développe aussi d'autres œuvres de genre différent, d'organisation variée, mais qui visent toutes également tel ou tel bien particulier de la société et du peuple et une nouvelle efflorescence de la civilisation chrétienne, sous divers aspects déterminés.

Ces œuvres surgissent la plupart grâce au zèle de quelques particuliers, se répandent dans chaque diocèse, et quelquefois se groupent en fédérations plus étendues. Or, toutes les fois que le but en est louable, que les principes chrétiens sont fermement suivis et que les moyens employés sont justes, il faut les louer elles aussi et les encourager de toute façon.

Il faudra aussi leur laisser une certaine liberté d'organisation, car il n'est pas possible que là où plusieurs personnes se rencontrent elles se modèlent toutes sur le même type, ou se concentrent sous une direction unique. Quant à l'organisation, elle doit surgir spontanément des œuvres mêmes ; sinon l'on aurait des édifices de belle architecture mais privés de fondement réel, et partant tout à fait éphémères.

Il convient aussi de tenir compte du caractère de chaque population ; les usages, les tendances varient suivant les lieux. Ce qui importe, c'est que l'on édifie sur un bon fondement, avec de solides principes, avec zèle et constance ; et, si cela est obtenu, la manière et la forme que prennent les différentes œuvres sont et demeurent accidentelles.

Pour renouveler enfin et pour accroître la vigueur nécessaire dans toutes les œuvres catholiques indistinctement, pour offrir à leurs promoteurs et à leurs membres l'occasion de se voir et de se connaître mutuellement, de resserrer toujours plus étroitement entre eux les liens de la charité fraternelle, de s'animer les uns les autres d'un zèle toujours plus ardent à l'action efficace, et de pourvoir à une meilleure solidité et à une diffusion des œuvres mêmes, il sera d'une merveilleuse utilité d'organiser de temps en temps, selon les instructions déjà données par ce Saint-Siège apostolique, des Congrès généraux ou particuliers de catholiques italiens, qui doivent être la solennelle manifestation de la foi catholique et la fête commune de la concorde et de la paix.

Il Nous reste, Vénérables Frères, à traiter un autre point de la plus grande importance : les relations que toutes les œuvres de l'action catholique doivent avoir avec l'autorité ecclésiastique.

Si l'on considère bien les doctrines que Nous avons développées dans la première partie de Notre Lettre, l'on conclura facilement que toutes les œuvres qui viennent directement en aide au ministère spirituel et pastoral de l'Eglise, et qui par suite se proposent une fin religieuse visant directement le bien des âmes, doivent dans tous leurs détails être subordonnées à l'autorité de l'Eglise et, partant, également à l'autorité des évêques, établis par l'Esprit-Saint pour gouverner l'Eglise de Dieu dans les diocèses qui leur ont été assignés.

Mais, même les autres œuvres qui, comme Nous l'avons dit, sont principalement fondées pour restaurer et promouvoir dans le Christ la vraie civilisation chrétienne, et qui constituent, dans le sens donné plus haut, l'action catholique, ne peuvent nullement se concevoir indépendantes du conseil et de la haute direction de l'autorité ecclésiastique, d'autant plus d'ailleurs qu'elles doivent toutes se conformer aux principes de la doctrine et de la morale chrétiennes ; il est bien moins possible encore de les concevoir en opposition plus ou moins ouverte avec cette même autorité.

Il est certain que de telles œuvres, étant donnée leur nature, doivent se mouvoir avec la liberté qui leur convient raisonnablement, puisque c'est sur elles-mêmes que retombe la responsabilité de leur action, surtout dans les affaires temporelles et économiques ainsi que dans celles de la vie publique, administrative ou politique, toutes choses étrangères au ministère purement spirituel. Mais puisque les catholiques portent toujours la bannière du Christ, par cela même ils portent la bannière de l'Eglise ; et il est donc raisonnable qu'ils la reçoivent des mains de l'Eglise, que l'Eglise veille à ce que l'honneur en soit toujours sans tache, et qu'à l'action de cette vigilance maternelle les catholiques se soumettent en fils dociles et affectueux.

D'où il apparaît manifestement combien furent mal avisés ceux-là, peu nombreux à la vérité, qui, ici en Italie et sous Nos yeux, voulurent se charger d'une mission qu'ils n'avaient reçue ni de Nous ni d'aucun de nos Frères dans l'épiscopat, et qui se mirent à la remplir non seulement sans le respect dû à l'autorité, mais même en allant ouvertement contre ce qu'elle voulait, cherchant à légitimer leur désobéissance par de futiles distinctions. Ils disaient eux aussi, qu'ils levaient une bannière au nom du Christ ; mais une telle bannière ne pouvait pas être du Christ parce qu'elle ne portait point dans ses plis la doctrine du divin Rédempteur qui, encore ici, a son application : « Celui qui vous écoute, m'écoute ; et celui qui vous méprise, me méprise » 9 ; « celui qui n'est pas avec moi, est contre moi, et celui qui n'amasse pas avec moi, dissipe » 10 ; doctrine donc d'humilité, de soumission, de filial respect.

Avec une extrême amertume de cœur Nous avons dû condamner une pareille tendance et arrêter avec autorité le mouvement pernicieux qui déjà se dessinait. Et Notre douleur était d'autant plus vive que Nous voyions imprudemment entraînés par une voix aussi fausse bon nombre de jeunes gens qui Nous sont très chers, dont beaucoup ont une intelligence d'élite, un zèle ardent, et qui sont capables d'opérer efficacement le bien pourvu qu'ils soient bien dirigés.

Et, pendant que Nous montrons à tous la ligne de conduite que doit suivre l'action catholique, Nous ne pouvons dissimuler, Vénérables Frères, le sérieux péril auquel la condition des temps expose aujourd'hui le clergé : c'est de donner une excessive importance aux intérêts matériels du peuple en négligeant les intérêts bien plus graves de son ministère sacré.

Le prêtre, élevé au-dessus des autres hommes pour remplir la mission qu'il tient de Dieu, doit se maintenir également au-dessus de tous les intérêts humains, de tous les conflits, de toutes les classes de la société. Son propre champ d'action est l'Eglise, où, ambassadeur de Dieu, il prêche la vérité et inculque, avec le respect des droits de Dieu, le respect aux droits de toutes les créatures. En agissant ainsi, il ne s'expose à aucune opposition, il n'apparaît pas homme de parti, soutien des uns, adversaire des autres ; et, pour éviter de heurter certaines tendances ou pour ne pas exciter sur beaucoup de sujets les esprits aigris, il ne se met pas dans le péril de dissimuler la vérité ou de la taire, manquant dans l'un et dans l'autre cas à ses devoirs ; sans ajouter que, amené à traiter bien souvent de choses matérielles, il pourrait se trouver impliqué solidairement dans des obligations nuisibles à sa personne et à la dignité de son ministère. Il ne devra donc prendre part à des Associations de ce genre qu'après mûre délibération, d'accord avec son évêque, et dans les cas seulement où sa collaboration est à l'abri de tout danger et d'une évidente utilité.

On ne met pas, de cette façon, un frein à son zèle. Le véritable apôtre doit « se faire tout à tous, pour les sauver tous » 11 : comme autrefois le divin Rédempteur, il doit se sentir ému d'une profonde pitié en « contemplant les foules ainsi tourmentées, gisant comme des brebis sans pasteur » 12.

Que, par la propagande efficace de la presse, les exhortations vivantes de la parole, le concours direct dans les cas indiqués plus haut, chacun s'emploie donc à améliorer, dans les limites de la justice et de la charité, la condition économique du peuple en favorisant et propageant les institutions qui conduisent à ce résultat, celles surtout qui se proposent de bien discipliner les multitudes en les prémunissant contre la tyrannie envahissante du socialisme, et qui les sauvent à la fois de la ruine économique et de la désorganisation morale et religieuse. De cette façon, la participation du clergé aux œuvres de l'action catholique a un but hautement religieux ; elle ne sera jamais pour lui un obstacle, mais, au contraire, une aide dans son ministère spirituel, dont elle élargira le champ d'action et multipliera les fruits.

Voilà, Vénérables Frères, ce que Nous avions à cœur d'exposer et d'inculquer relativement à l'action catholique telle qu'il faut la soutenir et la promouvoir dans notre Italie.

Montrer le bien ne suffit pas ; il faut le réaliser dans la pratique. A cela aideront beaucoup vos encouragements et Nos exhortations paternelles et immédiates à bien faire. Les débuts pourront être humbles ; pourvu que l'on commence réellement, la grâce divine les fera croître en peu de temps et prospérer. Que tous Nos fils chéris qui se dévouent à l'action catholique, écoutent à nouveau la parole qui jaillit si spontanément de Notre cœur. Au milieu des amertumes qui Nous environnent chaque jour, si Nous avons quelque consolation dans le Christ, s'il Nous vient quelque réconfort de votre charité, s'il y a communion d'esprit et compassion de cœur, vous dirons-Nous avec l'apôtre saint Paul 13, rendez complète Notre joie par votre concorde, votre charité mutuelle, votre unanimité de sentiments, l'humilité et la soumission due, en cherchant non pas l'intérêt propre mais le bien commun, et en faisant passer dans vos cœurs les sentiments mêmes qui étaient ceux de Jésus-Christ Notre Sauveur. Qu'il soit le principe de toutes vos entreprises : « Tout ce que vous dites ou faites, que tout soit au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ » 14, qu'il soit le terme de toute votre activité : « Que tout absolument soit de Lui, pour Lui, à Lui ; à Lui gloire dans les siècles » 15 ! En ce jour, très heureux, qui rappelle le moment où les Apôtres, remplis de l'Esprit-Saint, sortirent du Cénacle pour prêcher au monde le règne du Christ, que descende pareillement sur vous tous la vertu du même Esprit ; qu'Il adoucisse toute dureté, qu'Il réchauffe les âmes froides, et qu'Il remette dans les droits sentiers tout ce qui est dévoyé : « Flecte quod est rigidum, fove quod est frigidum, rege quod est devium ».

Comme signe de la faveur divine, et gage de Notre très spéciale affection, Nous vous accordons du fond du cœur, Vénérables Frères, à vous, à votre clergé et au peuple italien, la Bénédiction Apostolique.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, en la fête de la Pentecôte, le 11 juin 1905, l'an II de Notre Pontificat.

Pie X, pape

1
« il fermo proposito » en italien.

2
Eph. IV, 16.

3
Eph. IV, 12.

4
Coloss. 1,10.

5
I. Cor. I, 23.

6
Ephes. I, 10.

7
I Tim. IV, 8.

8
I Petr. II, 15.

9
Luc. X, 16.

10
Ibid., XI, 23.

11
I. Cor. IX, 22.

12
Matth. IX, 36.

13
Philipp. II, I, 5.

14
Coloss. III, 17.

15
Rom. XI, 36.

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Doctrine Sociale de l'Eglise - Quelques Textes de Rome Empty Re: Doctrine Sociale de l'Eglise - Quelques Textes de Rome

Message par Her Lun 30 Mai - 6:23

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CIVITAS - POUR UNE CITE CATHOLIQUE


Vehementer Nos
Écrit par Pie X

Lettre encyclique du pape Pie X au peuple français, condamnant la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat - 11 février 1906.

Sommaire

Les attentats passés
Fausseté du principe de la Séparation
La Séparation est particulièrement funeste et injuste en France
Aggravation de l'injure
Injustice et périls des dispositions de la loi examinée en détail
Associations cultuelles
L'Eglise ne sera pas libre
Droit de propriété violé
Principe de discorde
La condamnation
Aux Evêques et au Clergé - Instructions Pratiques
Au peuple catholique - Appel à l'union
Aux archevêques, évêques, au clergé et au peuple français, à nos bien aimés fils : François-Marie Richard, cardinal prêtre de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Paris ; Victor-Lucien Lecot, cardinal prêtre de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Bordeaux ; Pierre-Hector Coullié, cardinal prêtre de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Lyon ; Joseph-Guillaume Labouré, cardinal prêtre de la Sainte Eglise romaine, archevêque de Rennes, et à tous nos vénérables frères, les archevêques et évêques et à tout le clergé et le peuple français,

Vénérables frères, bien aimés fils, salut et bénédiction apostolique.

Notre âme est pleine d'une douloureuse sollicitude et notre coeur se remplit d'angoisse quand notre pensée s'arrête sur vous. Et comment en pourrait-il être autrement, en vérité, au lendemain de la promulgation de la loi qui, en brisant violemment les liens séculaires par lesquels votre nation était unie au siège apostolique, crée à l'Eglise catholique, en France, une situation indigne d'elle et lamentable à jamais.

Evénement des plus graves sans doute que celui-là ; événement que tous les bons esprits doivent déplorer, car il est aussi funeste à la société civile qu'à la religion; mais événement qui n'a pu surprendre personne pourvu que l'on ait prêté quelque attention à la politique religieuse suivie en France dans ces dernières années.

Pour vous, vénérables frères, elle n'aura été bien certainement ni une nouveauté, ni une surprise, témoins que vous avez été des coups si nombreux et si redoutables tour à tour portés par l'autorité publique à la religion.

Les attentats passés

Vous avez vu violer la sainteté et l'inviolabilité du mariage chrétien par des dispositions législatives en contradiction formelle avec elles, laïciser les écoles et les hôpitaux, arracher les clercs à leurs études et à la discipline ecclésiastique pour les astreindre au service militaire, disperser et dépouiller les congrégations religieuses et réduire la plupart du temps leurs membres au dernier dénuement. D'autres mesures légales ont suivi, que vous connaissez tous. On a abrogé la loi qui ordonnait des prières publiques au début de chaque session parlementaire et à la rentrée des tribunaux, supprimé les signes traditionnels à bord des navires le Vendredi Saint, effacé du serment judiciaire ce qui en faisait le caractère religieux, banni des tribunaux, des écoles, de l'armée, de la marine, de tous les établissements publics enfin, tout acte ou tout emblème qui pouvait, d'une façon quelconque, rappeler la religion.

Ces mesures et d'autres encore qui peu à peu séparaient de fait l'Eglise de l'Etat n'étaient rien autre chose que des jalons placés dans le but d'arriver à la séparation complète et officielle.

Leurs promoteurs eux-mêmes n'ont pas hésité à le reconnaître hautement, et maintes fois, pour écarter une, calamité si grande, le Siège apostolique, au contraire, n'a absolument rien épargné. Pendant que, d'un côté, il ne se lassait pas d'avertir ceux qui étaient à la tête des affaires françaises et qu'il les conjurait à plusieurs reprises de bien peser l'immensité des maux qu'amènerait infailliblement leur politique séparatiste, de l'autre, il multipliait vis-à-vis de la France les témoignages éclatants de sa condescendante affection.

Il avait le droit d'espérer ainsi, grâce aux liens de la reconnaissance, de pouvoir retenir ces politiques sur la pente et de les amener enfin à renoncer à leurs projets; mais, attentions, bons offices, efforts tant de la part de notre Prédécesseur que de la nôtre, tout est resté sans effet, et la violence des ennemis de la religion a fini par emporter de vive force ce à quoi pendant longtemps ils avaient prétendu à l'encontre de vos droits de nation catholique et de tout ce que pouvaient souhaiter les esprits qui pensent sagement.

C'est pourquoi, dans une heure aussi grave pour l'Eglise, conscient de notre charge apostolique, nous avons considéré comme un devoir d'élever notre voix et de vous ouvrir notre âme, à vous, vénérables Frères, à votre clergé et à votre peuple, à vous tous que nous avons toujours entourés d'une tendresse particulière, mais qu'en ce moment, comme c'est bien juste, nous aimons plus tendrement que jamais.

Fausseté du principe de la Séparation

Qu'il faille séparer l'Etat de l'Eglise, c'est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l'Etat ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d'abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le créateur de l'homme est aussi le fondateur des sociétés humaines et il les conserve dans l'existence comme il nous soutient.

Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l'honorer.

En outre, cette thèse est la négation très claire de l'ordre surnaturel; elle limite, en effet, l'action de l'Etat à la seule poursuite de la prospérité publique durant cette vie, qui n'est que la raison prochaine des sociétés politiques, et elle ne s'occupe en aucune façon, comme lui étant étrangère, de leur raison dernière qui est la béatitude éternelle proposée à l'homme quand cette vie si courte aura pris fin.

Et pourtant, l'ordre présent des choses qui se déroulent dans le temps se trouvant subordonné à la conquête de ce bien suprême et absolu, non seulement le pouvoir civil ne doit pas faire obstacle à cette conquête, mais il doit encore nous y aider.

Cette thèse bouleverse également l'ordre très sagement établi par Dieu dans le monde, ordre qui exige une harmonieuse concorde entre les deux sociétés.

Ces deux sociétés, la société religieuse, et la société civile, ont, en effet, les mêmes sujets, quoique chacune d'elles exerce dans sa sphère propre son autorité sur eux.

Il en résulte forcément qu'il y aura bien des matières dont elles devront connaître l'une et l'autre, comme étant de leur ressort à toutes deux.

Or, qu'entre l'Etat et l'Eglise l'accord vienne à disparaître, et de ces matières communes pulluleront facilement les germes de différends qui deviendront très aigus des deux côtés.

La notion du vrai en sera troublée, et les âmes remplies d'une grande anxiété.

Enfin, cette thèse inflige de graves dommages à la société civile elle-même, car elle ne peut pas prospérer ni durer longtemps lorsqu'on n'y fait point sa place à la religion, règle suprême et souveraine maîtresse quand il s'agit des droits de l'homme et de ses devoirs. Aussi, les pontifes romains n'ont-ils pas cessé, suivant les circonstances et selon les temps, de réfuter et de condamner la doctrine de la séparation de l'Eglise et de l'Etat.

Notre illustre prédécesseur Léon XIII, notamment, a plusieurs fois, et magnifiquement exposé ce que devraient être, suivant la doctrine catholique, les rapports entre les deux sociétés. « Entre elles, a-t-il dit, il faut nécessairement qu'une sage union intervienne, union qu'on peut non sans justesse ; comparer à celle, qui réunit dans l'homme, l'âme et le corps. » « Quaedam intercedat necesse est ordinata colligatio inter illas quae quidem coniuntioni non immerito comparatur per quam anima et corpus in homine copulantur. » Il ajoute encore : « Les sociétés humaines ne peuvent pas, sans devenir criminelles, se conduire comme si Dieu n'existait pas ou refuser de se préoccuper de la religion comme si elle leur était chose étrangère ou qui ne pût leur servir de rien. Quant à l'Eglise, qui a Dieu lui-même pour auteur, l'exclure de la vie active de la nation, des lois, de l'éducation de la jeunesse, de la société domestique, c'est commettre une grande et pernicieuse erreur ! » « Civitates non possunt, citra seclus, genere se, tanquam si Deus omnino non esset, aut curam religionis velut alienam nihil que profituram ablicere. Ecclesiam vero quam Deus ipse constituit ab actione vitae excludere, a legibus, ab institutione adolescentium, a societate domestica, magnus et perniciosus est error. » 1

La Séparation est particulièrement funeste et injuste en France

Que si en se séparant de l'Eglise, un Etat chrétien, quel qu'il soit, commet un acte éminemment funeste et blâmable, combien n'est-il pas à déplorer que la France se soit engagée dans cette voie, alors que, moins encore que toutes les autres nations, elle n'eût dû y entrer, la France, disons-nous, qui, dans le cours des siècles, a été, de la part de ce siège apostolique, l'objet d'une si grande et si singulière prédilection, la France, dont la fortune et la gloire ont toujours été intimement unies à la pratique des mœurs chrétiennes et au respect de la religion.

Le même pontife Léon XIII avait donc bien raison de dire : « La France ne saurait oublier que sa providentielle destinée l'a unie au Saint-Siège par des liens trop étroits et trop anciens pour qu'elle veuille jamais les briser. De cette union, en effet, sont sorties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure. Troubler cette union traditionnelle, serait enlever à la nation elle-même une partie de sa force morale et de sa haute influence dans le monde » 2.

Les liens qui consacraient cette union devaient être d'autant plus inviolables qu'ainsi l'exigeait la foi jurée des traités. Le Concordat passé entre le Souverain Pontife et le gouvernement français, comme du reste tous les traités du même genre, que les Etats concluent entre eux, était un contrat bilatéral, qui obligeait des deux côtés: le Pontife romain d'une part, le chef de la nation française de l'autre, s'engagèrent donc solennellement, tant pour eux que pour leurs successeurs, à maintenir inviolablement le pacte qu'ils signaient.

Il en résultait que le Concordat avait pour règle la règle de tous les traités internationaux, c'est-à-dire le droit des gens, et qu'il ne pouvait, en aucune manière, être annulé par le fait de l'une seule des deux parties ayant contracté. Le Saint-Siège a toujours observé avec une fidélité scrupuleuse les engagements qu'il avait souscrits et, de tout temps, il a réclamé que l'Etat fit preuve de la même fidélité. C'est là une vérité qu'aucun juge impartial ne peut nier. Or, aujourd'hui, l'Etat abroge de sa seule autorité le pacte solennel qu'il avait signé.

Il transgresse ainsi la foi jurée et, pour rompre avec l'Eglise, pour s'affranchir de son amitié, ne reculant devant rien, il n'hésite pas plus à infliger au Siège apostolique l'outrage qui résulte de cette violation du droit des gens qu'à ébranler l'ordre social et politique lui-même, puisque, pour la sécurité réciproque de leurs rapports mutuels, rien n'intéresse autant les nations qu'une fidélité irrévocable dans le respect sacré des traités.

Aggravation de l'injure

La grandeur de l'injure infligée au Siège apostolique par l'abrogation unilatérale du Concordat s'augmente encore et d'une façon singulière quand on se prend à considérer la forme dans laquelle l'Etat a effectué cette abrogation. C'est un principe admis sans discussion dans le droit des gens et universellement observé par toutes les nations que la rupture d'un traité doit être préventivement et régulièrement notifiée d'une manière claire et explicite à l'autre partie contractante par celle qui a l'intention de dénoncer le traité. Or, non seulement aucune dénonciation de ce genre n'a été faite au Saint-Siège, mais aucune indication quelconque ne lui a même été donnée à ce sujet; en sorte que le gouvernement français n'a pas hésité à manquer vis-à-vis du siège apostolique aux égards ordinaires et à la courtoisie dont on ne se dispense même pas vis-à-vis des Etats les plus petits, et ses mandataires, qui étaient pourtant les représentants d'une nation catholique, n'ont pas craint de traiter avec mépris la dignité et le pouvoir du Pontife, chef suprême de l'Eglise, alors qu'ils auraient dû avoir pour cette puissance un respect supérieur à celui qu'inspirent toutes les autres puissances politiques et d'autant plus grand que, d'une part, cette puissance a trait au lien éternel des âmes et que, sans limites, de l'autre, elle s'étend partout.

Injustice et périls des dispositions de la loi examinée en détail

Associations cultuelles

Si nous examinons maintenant en elle-même la loi qui vient d'être promulguée, nous y trouvons une raison nouvelle de nous plaindre encore plus énergiquement.

Puisque l'Etat, rompant les liens du Concordat, se séparait de l'Eglise, il eût dû comme conséquence naturelle lui laisser son indépendance et lui permettre de jouir en paix du droit commun dans la liberté qu'il prétendait lui concéder. Or, rien n'a été moins fait en vérité. Nous relevons, en effet, dans la loi, plusieurs mesures d'exception, qui, odieusement restrictives, mettent l'Eglise sous la domination du pouvoir civil. Quant à nous, ce nous a été une douleur bien amère que de voir l'Etat faire ainsi invasion dans des matières qui sont du ressort exclusif de la puissance ecclésiastique, et nous en gémissons d'autant plus qu'oublieux de l'équité et de la justice, il a créé par là à l'Eglise de France une situation dure, accablante et oppressive de ses droits les plus sacrés.

Les dispositions de la nouvelle loi sont, en effet, contraires à la Constitution suivant laquelle l'Eglise a été fondée par Jésus-Christ.

L'Ecriture nous enseigne, et la tradition des Pères nous le confirme, que l'Eglise est le corps mystique du Christ, corps régi par des pasteurs et des docteurs 3, société d'hommes, dès lors, au sein de laquelle des chefs se trouvent qui ont de pleins et parfaits pouvoirs pour gouverner, pour enseigner et pour juger 4.

Il en résulte que cette Eglise est par essence une société inégale, c'est-à-dire une société comprenant deux catégories de personnes: les pasteurs et le troupeau, ceux qui occupent un rang dans les différents degrés de la hiérarchie et la multitude des fidèles; et ces catégories sont tellement distinctes entre elles, que, dans le corps pastoral seul, résident le droit et l'autorité nécessaires pour promouvoir et diriger tous les membres vers la fin de la société.

Quant à la multitude, elle n'a pas d'autre devoir que celui de se laisser conduire et, troupeau docile, de suivre ses pasteurs.

Saint Cyprien, martyr, exprime cette vérité d'une façon admirable, quand il écrit : Notre Seigneur dont nous devons révérer et observer les préceptes réglant la dignité épiscopale et le mode d'être de son Eglise, dit dans l'Evangile, en s'adressant à Pierre : « Ego dico tibi quia tu es Petrus », etc.

Aussi, « à travers les vicissitudes des âges et des événements, l'économie de l'épiscopat et la constitution de l'Eglise se déroulent de telle sorte que l'Eglise repose sur les évêques et que toute sa vie active est gouvernée par eux ». Dominus noster cujus praecepta metuere et servare debemus episcopi honorem et ecclesiae suae rationem disponens in evangolio loquitur et dixit Petro: ego dico tibi quia tu es Petrus, etc. Inde per temporum et successionum vices episcoporum ordinatio et ecclesiae ratio decurbit ut Ecclesia super episcopas constituatur et omnis actus ecclesiae per eosdem praepositos gubernetur. 5

Saint Cyprien affirme que tout cela est fondé sur une loi divine : « Divina lege fundatum. »

Contrairement à ces principes, la loi de séparation attribue l'administration et la tutelle du culte public, non pas au corps hiérarchique divinement institué par le Sauveur, mais à une association de personnes laïques.

A cette association elle impose une forme, une personnalité juridique et pour tout ce qui touche au culte religieux, elle la considère comme ayant seule des droits civils et des responsabilités à ses yeux. Aussi est-ce à cette association que reviendra l'usage des temples et des édifices sacrés. C'est elle qui possédera tous les biens ecclésiastiques, meubles et immeubles; c'est elle qui disposera, quoique d'une manière temporaire seulement, des évêchés, des presbytères et des séminaires ! C'est elle, enfin, qui administrera les biens, réglera les quêtes et recevra les aumônes et les legs destinés au culte religieux. Quant au corps hiérarchique des pasteurs, on fait sur lui un silence absolu ! Et si la loi prescrit que les associations cultuelles doivent être constituées conformément aux règles d'organisation générale du culte, dont elles se proposent d'assurer l'exercice, d'autre part, on a bien soin de déclarer que, dans tous les différends qui pourront naître relativement à leurs biens, seul le Conseil d'État sera compétent. Ces associations cultuelles elles-mêmes seront donc, vis-à-vis de l'autorité civile dans une dépendance telle, que l'autorité ecclésiastique, et c'est manifeste, n'aura plus sur elles aucun pouvoir. Combien toutes ces dispositions seront blessantes pour l'Eglise et contraires à ses droits et à sa constitution divine ! Il n'est personne qui ne l'aperçoive au premier coup d’œil, sans compter que la loi n'est pas conçue, sur ce point, en des termes nets et précis, qu'elle s'exprime d'une façon très vague et se prêtant largement à l'arbitraire et qu'on peut, dès lors, redouter de voir surgir de son interprétation même de plus grands maux !

L'Eglise ne sera pas libre

En outre, rien n'est plus contraire à la liberté de l'Eglise que cette loi. En effet, quand, par suite de l'existence des associations cultuelles, la loi de séparation empêche les pasteurs d'exercer la plénitude de leur autorité et de leur charge sur le peuple des fidèles ; quand elle attribue la juridiction suprême sur ces associations cultuelles au Conseil d'Etat et qu'elle les soumet à toute une série de prescriptions en dehors du droit commun qui rendent leur formation difficile, et plus difficile encore leur maintien, quand, après avoir proclamé la liberté du culte, elle en restreint l'exercice par de multiples exceptions, quand elle dépouille l'Église de la police intérieure des temples pour en investir l'Etat, quand elle entrave la prédication de la foi et de la morale catholiques et édicte contre les clercs un régime pénal sévère et d'exception, quand elle sanctionne ces dispositions et plusieurs autres dispositions semblables où l'arbitraire peut aisément s'exercer, que fait-elle donc sinon placer l'Église dans une sujétion humiliante et, sous le prétexte de protéger l'ordre public, ravir à des citoyens paisibles, qui forment encore l'immense majorité en France, le droit sacré de pratiquer leur propre religion ? Aussi, n'est-ce pas seulement en restreignant l'exercice de son culte auquel la loi de séparation réduit faussement toute l'essence de la religion, que l'Etat blesse l'Eglise, c'est encore en faisant obstacle à son influence toujours si bienfaisante sur le peuple et en paralysant de mille manières différentes son action.

C'est ainsi, entre autres choses, qu'il ne lui a pas suffi d'arracher à cette Eglise les ordres religieux, ses précieux auxiliaires dans le sacré ministère, dans l'enseignement, dans l'éducation, dans les oeuvres de charité chrétienne ; mais qu'il la. prive encore des ressources qui constituent les moyens humains nécessaires à son existence et à l'accomplissement de sa mission.

Droit de propriété violé

Outre les préjudices et les injures que nous avons relevés jusqu'ici, la loi de séparation viole encore le droit de propriété de l'Eglise et elle le foule aux pieds ! Contrairement à toute justice, elle dépouille cette Eglise d'une grande partie d'un patrimoine, qui lui appartient pourtant à des titres aussi multiples que sacrés. Elle supprime et annule toutes les fondations pieuses très légalement consacrées au culte divin ou à la prière pour les trépassés. Quant aux ressources que la libéralité catholique avait constituées pour le maintien des écoles chrétiennes, ou pour le fonctionnement des différentes oeuvres de bienfaisance cultuelles, elle les transfère à des établissements laïques où l'on chercherait vainement le moindre vestige de religion ! En quoi elle ne viole pas seulement les droits de l'Eglise, mais encore la volonté formelle et explicite des donateurs et des testateurs !

Il nous est extrêmement douloureux aussi qu'au mépris de tous les droits, la loi déclare propriété de l'Etat, des départements ou des communes, tous les édifices ecclésiastiques antérieurs au Concordat. Et si la loi en concède l'usage indéfini et gratuit aux associations cultuelles, elle entoure cette concession de tant et de telles réserves qu'en réalité elle laisse aux pouvoirs publics la liberté d'en disposer.

Nous avons de plus les craintes les plus véhémentes en ce qui concerne la sainteté de ces temples, asiles augustes de la Majesté Divine et lieux mille fois chers, à cause de leurs souvenirs, à la piété du peuple français ! Car ils sont certainement en danger, s'ils tombent entre des mains laïques, d'être profanés ! Quand la loi supprimant le budget des cultes exonère ensuite l'Etat de l'obligation de pourvoir aux dépenses cultuelles, en même temps elle viole un engagement contracté dans une convention diplomatique et elle blesse très gravement la justice. Sur ce point, en effet, aucun doute n'est possible et les documents historiques eux-mêmes en témoignent de la façon la plus claire. Si le gouvernement français assuma, dans le Concordat, la charge d'assurer aux membres du clergé un traitement qui leur permit de pourvoir, d'une façon convenable, à leur entretien et à celui du culte religieux, il ne fit point cela à titre de concession gratuite, il s'y obligea à titre de dédommagement partiel, au moins vis-à-vis de l'Eglise, dont l'Etat s'était approprié tes biens pendant la première Révolution.

D'autre part aussi, quand, dans ce même Concordat et par amour de la paix, le Pontife romain s'engagea, en son nom et au nom de ses successeurs à ne pas inquiéter les détenteurs des biens qui avaient été ainsi ravis à l'Eglise, il est certain qu'il ne fit cette promesse qu'à une condition: c'est que le gouvernement français s'engagerait à perpétuité à doter le clergé d'une façon convenable et à pourvoir aux frais du culte divin.

Principe de discorde

Enfin et comment, pourrions-nous bien nous taire sur ce point ? En dehors des intérêts de l'Eglise qu'elle blesse, la nouvelle loi sera aussi des plus funestes à votre pays ! Pas de doute, en effet, qu'elle ne ruine lamentablement l'union et la concorde des âmes. Et cependant, sans cette union et sans cette concorde, aucune nation ne peut vivre ou prospérer. Voilà pourquoi, dans la situation présente de l'Europe surtout, cette harmonie parfaite forme le vœu le plus ardent de tous ceux, en France, qui, aimant vraiment, leur pays, ont encore à cœur le salut de la patrie.

Quant à Nous, à l'exemple de notre prédécesseur et héritier de sa prédilection toute particulière pour votre nation, nous nous sommes efforcé sans doute de maintenir la religion de vos aïeux dans l'intégrale possession de tous ses droits parmi vous, mais, en même temps, et toujours ayant devant les yeux cette paix fraternelle, dont le lien le plus étroit est certainement la religion, nous avons travaillé à vous raffermir tous dans l'union. Aussi, nous ne pouvons pas voir, sans la plus vive angoisse, que le gouvernement français vient d'accomplir un acte qui, en attisant, sur le terrain religieux, des passions excitées déjà d'une façon trop funeste, semble de nature à bouleverser de fond en comble tout votre pays.

La condamnation

C'est pourquoi, Nous souvenant de notre charge apostolique et conscient de l'impérieux devoir qui nous incombe de défendre contre toute attaque - et de maintenir dans leur intégrité absolue les droits inviolables et sacrés de l'Eglise, en vertu de l'autorité suprême que Dieu nous a conférée, Nous, pour les motifs exposés ci-dessus, nous réprouvons et nous condamnons la loi votée en France sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu, qu'elle renie officiellement, en posant en principe que la République ne reconnaît aucun culte.

Nous la réprouvons et condamnons comme violant le droit naturel, le droit des gens et la fidélité due aux traités, comme contraire à la constitution divine de l'Eglise, à ses droits essentiels, à sa liberté, comme renversant la justice et foulant aux pieds les droits de propriété que l'Eglise a acquis à des titres multiples et, en outre, en vertu du Concordat.

Nous la réprouvons et condamnons comme gravement offensante pour la dignité de ce Siège apostolique, pour notre personne, pour l'épiscopat, pour le clergé et pour tous les catholiques français.

En conséquence, nous protestons solennellement de toutes nos forces contre la proposition, contre le vote et contre la promulgation de cette loi, déclarant qu'elle ne pourra jamais être alléguée contre les droits imprescriptibles et immuables de l'Eglise pour les infirmer.

Aux Evêques et au Clergé - Instructions Pratiques

Nous devions faire entendre ces graves paroles et vous les adresser à vous, vénérables Frères, au peuple de France et au monde chrétien tout entier, pour dénoncer le fait qui vient de se produire.

Assurément, profonde est notre tristesse, comme nous l'avons déjà dit, quand, par avance, nous mesurions du regard les maux que cette loi va déchaîner sur un peuple si tendrement aimé par nous, et elle nous émeut plus profondément encore à la pensée des peines, des souffrances, des tribulations de tout genre qui vont vous incomber à vous aussi vénérables Frères, et à votre clergé tout entier.

Mais, pour nous garder au milieu des sollicitudes si accablantes contre toute affliction excessive et contre tous les découragements, nous avons le ressouvenir de la Providence divine toujours si miséricordieuse et l'espérance mille fois vérifiée que jamais Jésus-Christ n'abandonnera son Eglise, que jamais, il ne la privera de son indéfectible appui. Aussi, sommes-nous bien loin d'éprouver la moindre crainte pour cette Eglise. Sa force est divine comme son immuable stabilité. L'expérience des siècles le démontre victorieusement. Personne n'ignore, en effet, les calamités innombrables et plus terribles les unes que les autres qui ont fondu sur elle pendant cette longue durée et là où toute institution purement humaine eût dû nécessairement s'écrouler, l'Église a toujours puisé dans ses épreuves une force plus rigoureuse et une plus opulente fécondité.

Quant aux lois de persécution dirigées contre elle, l'histoire nous l'enseigne, et dans des temps assez rapprochés la France elle-même nous le prouve, forgées par la haine, elles finissent toujours par être abrogées avec sagesse, quand devient manifeste le préjudice qui en découle pour les Etats. Plaise à Dieu que ceux qui en ce moment sont au pouvoir en France suivent bientôt sur ce point l'exemple de ceux qui les y précédèrent. Plaise à Dieu qu'aux applaudissements de tous les gens de bien, ils ne tardent pas à rendre à la religion, source de civilisation et de prospérité pour les peuples, avec l'honneur qui lui est dû, la liberté ! En attendant, et aussi longtemps que durera une persécution oppressive, revêtus des armes de lumière 6, les enfants de l'Eglise doivent agir de toutes leurs forces pour la vérité et pour la justice. C'est leur devoir toujours ! C'est leur devoir aujourd'hui plus que jamais ! Dans ces saintes luttes, vénérables Frères, vous qui devez être les maîtres et les guides de tous les autres, vous apporterez toute l'ardeur de ce zèle vigilant et infatigable, dont de tout temps l'Episcopat français a fourni à sa louange des preuves si connues de tous; mais par dessus tout, nous voulons, car c'est une chose d'une importance extrême, que, dans tous les projets que vous entreprendrez pour la défense de l'Eglise, vous vous efforciez de réaliser la plus parfaite union de cœur et de volonté !

Nous sommes fermement résolu à vous adresser, en temps opportun, des instructions pratiques pour qu'elles vous soient une règle de conduite sûre au milieu des grandes difficultés de l'heure présente. Et nous sommes certain d'avance que vous vous y conformerez très fidèlement.

Poursuivez cependant l’œuvre salutaire que vous faites, ravivez le plus possible la piété parmi les fidèles, promouvez et vulgarisez de plus en plus l'enseignement de la doctrine chrétienne, préservez toutes les âmes qui vous sont confiées des erreurs et des séductions qu'aujourd'hui elles rencontrent de tant de côtés ; instruisez, prévenez, encouragez, consolez votre troupeau; acquittez-vous enfin vis-à-vis de lui de tous les devoirs que vous impose votre charge pastorale.

Dans cette oeuvre, vous aurez sans doute, comme collaborateur infatigable, votre clergé. Il est riche en hommes remarquables par leur piété, leur science, leur attachement au Siège apostolique, et nous savons qu'il est toujours prêt à se dévouer sans compter sous votre direction pour le triomphe de l'Eglise et pour le salut éternel du prochain.

Bien certainement, aussi les membres de ce clergé comprendront que dans cette tourmente ils doivent avoir au cœur les sentiments qui furent jadis ceux des apôtres et ils se réjouiront d'avoir été jugés dignes de souffrir des opprobres pour le nom de Jésus. Gaudeates quoniam digni habili sunt pro nomine Jesu contumeliam pari. 7

Ils revendiqueront donc vaillamment les droits et la liberté de l'Eglise, mais sans offenser personne. Bien plus soucieux de garder la charité comme le doivent surtout des ministres de Jésus-Christ, ils répondront à l'iniquité par la justice, aux outrages par la douceur, et aux mauvais traitements par des bienfaits.

Au peuple catholique - Appel à l'union

Et maintenant, c'est à vous que nous nous adressons, catholiques de France; que notre parole vous parvienne à tous comme un témoignage de la très tendre bienveillance avec laquelle nous ne cessons pas d'aimer votre pays et comme un réconfort au milieu des calamités redoutables qu'il va vous falloir traverser.

Vous savez le but que se sont assigné les sectes impies qui courbent vos têtes sous leur joug, car elles l'ont elles-mêmes proclamé avec une cynique audace : « Décatholiciser la France ».

Elles veulent arracher de vos cœurs, jusqu'à la dernière racine, la foi qui a comblé vos pères de gloire, la foi qui a rendu votre patrie prospère et grande parmi les nations, la foi qui vous soutient dans l'épreuve qui maintient la tranquillité et la paix à votre foyer et qui vous ouvre la voie vers l'éternelle félicité.

C'est de toute votre âme, vous le sentez bien, qu'il vous faut défendre cette foi ; mais ne vous y méprenez pas, travail et efforts seraient inutiles si vous tentiez de repousser les assauts qu'on vous livrera sans être fortement unis. Abdiquez donc tous les germes de désunion s'il en existait parmi vous et faites le nécessaire pour que, dans la pensée comme dans l'action, votre union soit aussi ferme qu'elle doit l'être parmi des hommes qui combattent pour la même cause, surtout quand cette cause est de celles au triomphe de qui chacun doit volontiers sacrifier quelque chose de ses propres opinions.

Si vous voulez dans la limite de vos forces, et comme c'est votre devoir impérieux, sauver la religion de vos ancêtres des dangers qu'elle court, il est de toute nécessité que vous déployiez dans une large mesure vaillance et générosité. Cette générosité vous l'aurez, nous en sommes sûr et, en vous montrant ainsi charitables vis-à-vis de ses ministres, vous inclinerez Dieu à se montrer de plus en plus charitable vis-à-vis de vous. Quant à la défense de la religion, si vous voulez l'entreprendre d'une manière digne d'elle, la poursuivre sans écart et avec efficacité, deux choses importent avant tout : vous devez d'abord vous modeler si fidèlement sur les préceptes de la loi chrétienne que vos actes et votre vie tout entière honorent la foi dont vous faites profession; vous devez ensuite demeurer très étroitement unis avec ceux à qui il appartient en propre de veiller ici-bas sur la religion, avec vos prêtres, avec vos évêques et surtout avec ce siège apostolique, qui est le pivot de la foi catholique et de tout ce qu'on peut faire en son nom. Ainsi armés pour la lutte, marchez sans crainte à la défense de l'Eglise, mais ayez bien soin que votre confiance se fonde tout entière sur le Dieu dont vous soutiendrez la cause et, pour qu'il vous secoure, implorez-le sans vous lasser.

Pour nous, aussi longtemps que vous aurez à lutter contre le danger, nous serons de cœur et d'âme au milieu de vous. Labeurs, peines, souffrances, nous partagerons tout avec vous et, adressant en même temps au Dieu qui a fondé l'Eglise et qui la conserve, nos prières les plus humbles et les plus instantes, nous le supplierons d'abaisser sur la France un regard de miséricorde, de l'arracher aux flots déchaînés autour d'elle et de lui rendre bientôt, par l'intercession de Marie Immaculée, le calme et la paix. Comme présage de ces bienfaits célestes et pour vous témoigner notre prédilection toute particulière, c'est de tout cœur que nous vous donnons notre bénédiction apostolique, à vous, vénérables Frères, à votre clergé et au peuple français tout entier.

Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, le 11 février de l'année 1906, de notre pontificat la troisième.

Pie X, pape

1
Lettre encyclique Immortale Dei, 1er nov. 1885.

2
Allocution aux pèlerins français, 13 avril 1888.

3
Ephes., IV, 11.

4
Matthieu, XXVIII, 18-20 ; XVI, 18-19 ; XVIII, 17 ; Tite II, 15 ; II Cor. X, 6 ; XIII, 10, etc.

5
St Cypr., epist., XXVII ; Al., XXVIII, ad Lapsos, 11.

6
Rom. XIII, 12.

7
Act. V, 41.
Her
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Message par Her Lun 30 Mai - 6:25

http://www.civitas-institut.com/content/view/324/42/

CIVITAS - POUR UNE CITE CATHOLIQUE

Quas Primas
Écrit par Pie XI

Lettre encyclique du pape Pie XI du 11 décembre 1925, sur le Christ-Roi.


Aux Patriarches, Primats, Archevêques, Evêques et autres ordinaires de lieu, en paix et communion avec le Siège apostolique.

Dans 1 la première Encyclique qu'au début de Notre Pontificat Nous adressions aux évêques du monde entier 2, Nous recherchions la cause intime des calamités contre lesquelles, sous Nos yeux, se débat, accablé, le genre humain.

Or, il Nous en souvient, Nous proclamions ouvertement deux choses : l'une, que ce débordement de maux sur l'univers provenait de ce que la plupart des hommes avaient écarté Jésus-Christ et sa loi très sainte des habitudes de leur vie individuelle aussi bien que de leur vie familiale et de leur vie publique ; l'autre, que jamais ne pourrait luire une ferme espérance de paix durable entre les peuples tant que les individus et les nations refuseraient de reconnaître et de proclamer la souveraineté de Notre Sauveur. C'est pourquoi, après avoir affirmé qu'il fallait chercher la paix du Christ par le règne du Christ, Nous avons déclaré Notre intention d'y travailler dans toute la mesure de Nos forces ; par le règne du Christ, disions-Nous, car, pour ramener et consolider la paix, Nous ne voyions pas de moyen plus efficace que de restaurer la souveraineté de Notre Seigneur.

Depuis, Nous avons clairement pressenti l'approche de temps meilleurs en voyant l'empressement des peuples à se tourner - les uns pour la première fois, les autres avec une ardeur singulièrement accrue - vers le Christ et vers son Eglise, unique dispensatrice du salut : preuve évidente que beaucoup d'hommes, jusque-là exilés, peut-on dire, du royaume du Rédempteur pour avoir méprisé son autorité, préparent heureusement et mènent à son terme leur retour au devoir de l'obéissance.

Tout ce qui est survenu, tout ce qui s'est fait au cours de l'Année sainte, digne vraiment d'une éternelle mémoire, n'a-t-il pas contribué puissamment à l'honneur et à la gloire du Fondateur de l'Eglise, de sa souveraineté et de sa royauté suprême ?

Voici d'abord l'Exposition des Missions, qui a produit sur l'esprit et sur le cœur des hommes une si profonde impression. On y a vu les travaux entrepris sans relâche par l'Eglise pour étendre le royaume de son Epoux chaque jour davantage sur tous les continents, dans toutes les îles, même celles qui sont perdues au milieu de l'océan ; on y a vu les nombreux pays que de vaillants et invincibles missionnaires ont conquis au catholicisme au prix de leurs sueurs et de leur sang ; on y a vu enfin les immenses territoires qui sont encore à soumettre à la douce et salutaire domination de notre Roi.

Voici les pèlerins accourus, de partout, à Rome, durant l'Année sainte, conduits par leurs évêques ou par leurs prêtres. Quel motif les inspirait donc, sinon de purifier leurs âmes et de proclamer, au tombeau des Apôtres et devant Nous, qu'ils sont et qu'ils resteront sous l'autorité du Christ ?

Voici les canonisations, où Nous avons décerné, après la preuve éclatante de leurs admirables vertus, les honneurs réservés aux saints, à six confesseurs ou vierges. Le règne de notre Sauveur n'a-t-il pas, en ce jour, brillé d'un nouvel éclat ? Ah ! quelle joie, quelle consolation ce fut pour Notre âme, après avoir prononcé les décrets de canonisation, d'entendre, dans la majestueuse basilique de Saint Pierre, la foule immense des fidèles, au milieu du chant de l'action de grâces, acclamer d'une seule voix la royauté glorieuse du Christ : Tu Rex gloriæ Christe !

A l'heure où les hommes et les Etats sans Dieu, devenus la proie des guerres qu'allument la haine et des discordes intestines, se précipitent à la ruine et à la mort, l'Eglise de Dieu, continuant à donner au genre humain l'aliment de la vie spirituelle, engendre et élève pour le Christ des générations successives de saints et de saintes ; le Christ, à son tour, ne cesse d'appeler à l'éternelle béatitude de son royaume céleste ceux en qui il a reconnu de très fidèles et obéissants sujets de son royaume terrestre.

Voici encore le XVIe centenaire du Concile de Nicée qui coïncida avec le grand Jubilé. Nous avons ordonné de célébrer cet anniversaire séculaire ; Nous l'avons Nous-même commémoré dans la basilique vaticane, d'autant plus volontiers que c'est ce Concile qui définit et proclama comme dogme de foi catholique la consubstantialité du Fils unique de Dieu avec son Père ; c'est lui qui, en insérant dans sa formule de foi ou Credo les mots cuius regni non erit finis, affirma du même coup la dignité royale du Christ.

Ainsi donc, puisque cette Année sainte a contribué en plus d'une occasion à mettre en lumière la royauté du Christ, Nous croyons accomplir un acte des plus conformes à Notre charge apostolique en accédant aux suppliques individuelles ou collectives de nombreux cardinaux, évêques ou fidèles ; Nous clôturerons donc cette année par l'introduction dans la liturgie de l'Eglise d'une fête spéciale en l'honneur de Notre Seigneur Jésus-Christ Roi.

Ce sujet, Vénérables Frères, Nous tient à ce point à cœur que Nous désirons vous en entretenir quelques instants ; il vous appartiendra ensuite de rendre accessible à l'intelligence et aux sentiments de votre peuple tout ce que Nous dirons sur le culte du Christ-Roi, afin d'assurer, dès le début et pour plus tard, des fruits nombreux à la célébration annuelle de cette solennité.

Depuis longtemps, dans le langage courant, on donne au Christ le titre de Roi au sens métaphorique ; il l'est, en effet, par l'éminente et suprême perfection dont il surpasse toutes les créatures. Ainsi, on dit qu'il règne sur les intelligences humaines, à cause de la pénétration de son esprit et de l'étendue de sa science, mais surtout parce qu'il est la Vérité et que c'est de lui que les hommes doivent recevoir la vérité et l'accepter docilement. On dit qu'il règne sur les volontés humaines, parce qu'en lui, à la sainteté de la volonté divine correspond une parfaite rectitude et soumission de la volonté humaine, mais aussi parce que sous ses inspirations et ses impulsions notre volonté libre s'enthousiasme pour les plus nobles causes. On dit enfin qu'il est le Roi des cœurs, à cause de son inconcevable charité qui surpasse toute compréhension humaine 3 et à cause de sa douceur et de sa bonté qui attirent à lui tous les cœurs : car dans tout le genre humain il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais personne pour être aimé comme le Christ Jésus.

Mais, pour entrer plus à fond dans Notre sujet, il est de toute évidence que le nom et la puissance de roi doivent être attribués, au sens propre du mot, au Christ dans son humanité ; car c'est seulement du Christ en tant qu'homme qu'on peut dire : Il a reçu du Père la puissance, l'honneur et la royauté 4 ; comme Verbe de Dieu, consubstantiel au Père, il ne peut pas ne pas avoir tout en commun avec le Père et, par suite, la souveraineté suprême et absolue sur toutes les créatures.

Que le Christ soit Roi, ne le lisons-nous pas dans maints passages des Ecritures ! C'est lui le Dominateur issu de Jacob 5, le Roi établi par le Père sur Sion, sa montagne sainte, pour recevoir en héritage les nations et étendre son domaine jusqu'aux confins de la terre 6, le véritable Roi futur d'Israël, figuré, dans le cantique nuptial, sous les traits d'un roi très riche et très puissant, auquel s'adressent ces paroles : Votre trône, ô Dieu, est dressé pour l'éternité ; le sceptre de votre royauté est un sceptre de droiture. 7

Passons sur beaucoup de passages analogues ; mais, dans un autre endroit, comme pour dessiner avec plus de précision les traits du Christ, on nous prédit que son royaume ignorera les frontières et sera enrichi des trésors de la justice et de la paix : En ses jours se lèvera la justice avec l'abondance de la paix... Il dominera, d'une mer à l'autre, du fleuve jusqu'aux extrémités de la terre. 8

A ces témoignages s'ajoutent encore plus nombreux les oracles des prophètes et notamment celui, bien connu, d'Isaïe : Un petit enfant... nous est né, un fils nous a été donné. La charge du commandement a été posée sur ses épaules. On l'appellera l'Admirable, le Conseiller, Dieu, le Fort, le Père du siècle futur, le Prince de la paix. Son empire s'étendra et jouira d'une paix sans fin ; il s'assoira sur le trône de David et dominera sur son royaume, pour l'établir et l'affermir dans la justice et l'équité, maintenant et à jamais. 9

Les autres prophètes ne s'expriment pas différemment.

Tel Jérémie, annonçant dans la race de David un germe de justice, ce fils de David qui régnera en roi, sera sage et établira la justice sur la terre 10. Tel Daniel, prédisant la constitution par le Dieu du ciel d'un royaume qui ne sera jamais renversé... et qui durera éternellement 11 ; et, peu après, il ajoute : Je regardais durant une vision nocturne, et voilà que, sur les nuées du ciel, quelqu'un s'avançait semblable au Fils de l'homme ; il parvint jusqu'auprès de l'Ancien des jours et on le présenta devant lui. Et celui-ci lui donna la puissance, l'honneur et la royauté ; tous les peuples, de toutes races et de toutes langues, le serviront ; sa puissance est une puissance éternelle, qui ne lui sera pas retirée, et son royaume sera incorruptible 12. Tel Zacharie, prophétisant l'entrée à Jérusalem, aux acclamations de la foule, du juste et du sauveur, le Roi plein de mansuétude monté sur une ânesse et sur son poulain 13 : les saints évangélistes n'ont-ils pas constaté et prouvé la réalisation de cette prophétie ?

Cette doctrine du Christ-Roi, Nous venons de l'esquisser d'après les livres de l'Ancien Testament ; mais tant s'en faut qu'elle disparaisse dans les pages du Nouveau ; elle y est, au contraire, confirmée d'une manière magnifique et en termes splendides.

Rappelons seulement le message de l'archange apprenant à la Vierge qu'elle engendrera un fils ; qu'à ce fils le Seigneur Dieu donnera le trône de David, son père ; qu'il régnera éternellement sur la maison de Jacob et que son règne n'aura point de fin 14. Ecoutons maintenant les témoignages du Christ lui-même sur sa souveraineté. Dès que l'occasion se présente - dans son dernier discours au peuple sur les récompenses ou les châtiments réservés dans la vie éternelle aux justes ou aux coupables ; dans sa réponse au gouverneur romain, lui demandant publiquement s'il était roi ; après sa résurrection, quand il confie aux Apôtres la charge d'enseigner et de baptiser toutes les nations - il revendique le titre de roi 15, il proclame publiquement qu'il est roi 16, il déclare solennellement que toute puissance lui a été donnée au ciel et sur la terre 17. Qu'entend-il par là, sinon affirmer l'étendue de sa puissance et l'immensité de son royaume ?

Dès lors, faut-il s'étonner qu'il soit appelé par saint Jean le Prince des rois de la terre 18 ou que, apparaissant à l'Apôtre dans des visions prophétiques, il porte écrit sur son vêtement et sur sa cuisse : Roi des rois et Seigneur des seigneurs 19. Le Père a, en effet, constitué le Christ héritier de toutes choses 20 ; il faut qu'il règne jusqu'à la fin des temps, quand il mettra tous ses ennemis sous les pieds de Dieu et du Père 21.

De cette doctrine, commune à tous les Livres Saints, dérive naturellement cette conséquence : étant le royaume du Christ sur la terre, qui doit s'étendre à tous les hommes et tous les pays de l'univers, l'Eglise catholique se devait, au cours du cycle annuel de la liturgie, de saluer par des manifestations multiples de vénération, en son Auteur et Fondateur, le Roi, le Seigneur, le Roi des rois. Sous une admirable variété de formules, ces hommages expriment une seule et même pensée ; l'Eglise les employait jadis dans sa psalmodie et dans les anciens sacramentaires ; elle en fait le même usage à présent dans les prières publiques de l'Office qu'elle adresse chaque jour à la majesté divine et, à la sainte messe, dans l'immolation de l'hostie sans tache. En cette louange perpétuelle du Christ-Roi, il est facile de saisir le merveilleux accord de nos rites avec ceux des Orientaux, en sorte que se vérifie, ici encore, l'exactitude de la maxime : « Les lois de la prière établissent les lois de la croyance. »

Quant au fondement de cette dignité et de cette puissance de Notre-Seigneur, saint Cyrille d'Alexandrie l'indique très bien : « Pour le dire en un mot, dit-il, la souveraineté que Jésus possède sur toutes les créatures, il ne l'a point ravie par la force, il ne l'a point reçue d'une main étrangère, mais c'est le privilège de son essence et de sa nature » 22. En d'autres termes, son pouvoir royal repose sur cette admirable union qu'on nomme l'union hypostatique.

Il en résulte que les anges et les hommes ne doivent pas seulement adorer le Christ comme Dieu, mais aussi obéir et être soumis à l'autorité qu'il possède comme homme ; car, au seul titre de l'union hypostatique, le Christ a pouvoir sur toutes les créatures.

Mais quoi de plus délectable, de plus suave que de penser que le Christ, en outre, règne sur nous non seulement par droit de nature, mais encore par droit acquis, puisqu'il nous a rachetés ? Ah ! puissent tous les hommes qui l'oublient se souvenir du prix que nous avons coûté à notre Sauveur : Vous n'avez pas été rachetés avec de l'or ou de l'argent corruptibles, mais par le sang précieux du Christ, le sang d'un agneau sans tache et sans défaut 23. Le Christ nous a achetés à grand prix 24 ; nous ne nous appartenons plus. Nos corps eux-mêmes sont des membres du Christ 25.

Nous voulons maintenant expliquer brièvement la nature et l'importance de cette royauté.

II est presque inutile de rappeler qu'elle comporte les trois pouvoirs, sans lesquels on saurait à peine concevoir l'autorité royale. Les textes des Saintes Lettres que Nous avons apportés en témoignage de la souveraineté universelle de notre Rédempteur le prouvent surabondamment. C'est, d'ailleurs, un dogme de foi catholique que le Christ Jésus a été donné aux hommes à la fois comme Rédempteur, de qui ils doivent attendre leur salut, et comme Législateur, à qui ils sont tenus d'obéir 26. Les évangélistes ne se bornent pas à affirmer que le Christ a légiféré, mais ils nous le montrent dans l'exercice même de son pouvoir législatif.

A tous ceux qui observent ses préceptes, le divin Maître déclare, en diverses occasions et de diverses manières, qu'ils prouveront ainsi leur amour envers lui et qu'ils demeureront en son amour 27.

Quant au pouvoir judiciaire, Jésus en personne affirme l'avoir reçu du Père, dans une réponse aux Juifs qui l'accusaient d'avoir violé le Sabbat en guérissant miraculeusement un malade durant ce jour de repos : « Le Père, leur dit-il, ne juge personne, mais il a donné au Fils tout jugement » 28. Dans ce pouvoir judiciaire est également compris - car il en est inséparable - le droit de récompenser ou de châtier les hommes, même durant leur vie.

Il faut encore attribuer au Christ le pouvoir exécutif : car tous inéluctablement doivent être soumis à son empire ; personne ne pourra éviter, s'il est rebelle, la condamnation et les supplices que Jésus a annoncés.

Toutefois, ce royaume est avant tout spirituel et concerne avant tout l'ordre spirituel : les paroles de la Bible que Nous avons rapportées plus haut en sont une preuve évidente, que vient confirmer, à maintes reprises, l'attitude du Christ-Seigneur.

Quand les Juifs, et même les Apôtres, s'imaginent à tort que le Messie affranchira son peuple et restaurera le royaume d'Israël, il détruit cette illusion et leur enlève ce vain espoir ; lorsque la foule qui l'entoure veut, dans son enthousiasme, le proclamer roi, il se dérobe à ce titre et à ces honneurs par la fuite et en se tenant caché ; devant le gouverneur romain, encore, il déclare que son royaume n'est pas de ce monde. Dans ce royaume, tel que nous le dépeignent les Evangiles, les hommes se préparent à entrer en faisant pénitence. Personne ne peut y entrer sans la foi et sans le baptême ; mais le baptême, tout en étant un rite extérieur, figure et réalise une régénération intime. Ce royaume s'oppose uniquement au royaume de Satan et à la puissance des ténèbres ; à ses adeptes il demande non seulement de détacher leur cœur des richesses et des biens terrestres, de pratiquer la douceur et d'avoir faim et soif de la justice, mais encore de se renoncer eux-mêmes et de porter leur croix. C'est pour l'Eglise que le Christ, comme Rédempteur, a versé le prix de son sang ; c'est pour expier nos péchés que, comme Prêtre, il s'est offert lui-même et s'offre perpétuellement comme victime : qui ne voit que sa charge royale doit revêtir le caractère spirituel et participer à la nature supraterrestre de cette double fonction ?

D'autre part, ce serait une erreur grossière de refuser au Christ-Homme la souveraineté sur les choses temporelles, quelles qu'elles soient : il tient du Père sur les créatures un droit absolu, lui permettant de disposer à son gré de toutes ces créatures.

Néanmoins, tant qu'il vécut sur terre, il s'est totalement abstenu d'exercer cette domination terrestre, il a dédaigné la possession et l'administration des choses humaines, abandonnant ce soin à leurs possesseurs. Ce qu'il a fait alors, il le continue aujourd'hui. Pensée exprimée d'une manière fort heureuse dans la liturgie : « Il ne ravit point les diadèmes éphémères, celui qui distribue les couronnes du ciel. » 29

Ainsi donc, le souverain domaine de notre Rédempteur embrasse la totalité des hommes. Sur ce sujet, Nous faisons Volontiers Nôtres les paroles de Notre Prédécesseur Léon XIII, d'immortelle mémoire : « Son empire ne s'étend pas exclusivement aux nations catholiques ni seulement aux chrétiens baptisés, qui appartiennent juridiquement à l'Eglise même s'ils sont égarés loin d'elle par des opinions erronées ou séparés de sa communion par le schisme ; il embrasse également et sans exception tous les hommes, même étrangers à la foi chrétienne, de sorte que l'empire du Christ Jésus, c'est, en stricte vérité, l'universalité du genre humain. » 30

Et, à cet égard, il n'y a lieu de faire aucune différence entre les individus, les familles et les Etats ; car les hommes ne sont pas moins soumis à l'autorité du Christ dans leur vie collective que dans leur vie privée. Il est l'unique source du salut, de celui des sociétés comme de celui des individus : Il n'existe de salut en aucun autre ; aucun autre nom ici-bas n'a été donné aux hommes qu'il leur faille invoquer pour être sauvés. 31

Il est l'unique auteur, pour l'Etat comme pour chaque citoyen, de la prospérité et du vrai bonheur : « La cité ne tient pas son bonheur d'une autre source que les particuliers, vu qu'une cité n'est pas autre chose qu'un ensemble de particuliers unis en société » 32. Les chefs d'Etat ne sauraient donc refuser de rendre - en leur nom personnel, et avec tout leur peuple - des hommages publics, de respect et de soumission à la souveraineté du Christ ; tout en sauvegardant leur autorité, ils travailleront ainsi à promouvoir et à développer la prospérité nationale.

Au début de Notre Pontificat, Nous déplorions combien sérieusement avaient diminué le prestige du droit et le respect dû à l'autorité ; ce que Nous écrivions alors n'a perdu dans le temps présent ni de son actualité ni de son à-propos : « Dieu et Jésus-Christ ayant été exclus de la législation et des affaires publiques, et l'autorité ne tenant plus son origine de Dieu mais des hommes, il arriva que... les bases mêmes de l'autorité furent renversées dès lors qu'on supprimait la raison fondamentale du droit de commander pour les uns, du devoir d'obéir pour les autres. Inéluctablement, il s'en est suivi un ébranlement de la société humaine tout entière, désormais privée de soutien et d'appui solides. » 33

Si les hommes venaient à reconnaître l'autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans leur vie publique, des bienfaits incroyables - une juste liberté, l'ordre et la tranquillité, la concorde et la paix - se répandraient infailliblement sur la société tout entière.

En imprimant à l'autorité des princes et des chefs d'Etat un caractère sacré, la dignité royale de Notre Seigneur ennoblit du même coup les devoirs et la soumission des citoyens. Au point que l'Apôtre saint Paul, après avoir ordonné aux femmes mariées et aux esclaves de révérer le Christ dans la personne de leur mari et dans celle de leur maître, leur recommandait néanmoins de leur obéir non servilement comme à des hommes, mais uniquement en esprit de foi comme à des représentants du Christ ; car il est honteux, quand on a été racheté par le Christ, d'être soumis servilement à un homme : Vous avez été rachetés un grand prix, ne soyez plus soumis servilement à des hommes. 34

Si les princes et les gouvernants légitimement choisis étaient persuadés qu'ils commandent bien moins en leur propre nom qu'au nom et à la place du divin Roi, il est évident qu'ils useraient de leur autorité avec toute la vertu et la sagesse possibles. Dans l'élaboration et l'application des lois, quelle attention ne donneraient-ils pas au bien commun et à la dignité humaine de leurs subordonnés !

Alors on verrait l'ordre et la tranquillité s'épanouir et se consolider ; toute cause de révolte se trouverait écartée ; tout en reconnaissant dans le prince et les autres dignitaires de l'Etat des hommes comme les autres, ses égaux par la nature humaine, en les voyant même, pour une raison ou pour une autre, incapables ou indignes, le citoyen ne refuserait point pour autant de leur obéir quand il observerait qu'en leurs personnes s'offrent à lui l'image et l'autorité du Christ Dieu et Homme.

Alors les peuples goûteraient les bienfaits de la concorde et de la paix. Plus loin s'étend un royaume, plus il embrasse l'universalité du genre humain, plus aussi - c'est incontestable - les hommes prennent conscience du lien mutuel qui les unit. Cette conscience préviendrait et empêcherait la plupart des conflits ; en tout cas, elle adoucirait et atténuerait leur violence. Pourquoi donc, si le royaume du Christ s'étendait de fait comme il s'étend en droit à tous les hommes, pourquoi désespérer de cette paix que le Roi pacifique est venu apporter sur la terre ? Il est venu tout réconcilier 35 ; il n'est pas venu pour être servi, mais pour servir 36 ; maître de toutes créatures, il a donné lui-même l'exemple de l'humilité et a fait de l'humilité, jointe au précepte de la charité, sa loi principale ; il a dit encore : Mon joug est doux à porter et le poids de mon autorité léger. 37

Oh ! qui dira le bonheur de l'humanité si tous, individus, familles, Etats, se laissaient gouverner par le Christ! « Alors enfin - pour reprendre les paroles que Notre Prédécesseur Léon XIII adressait, il y a vingt-cinq ans, aux évêques de l'univers - il serait possible de guérir tant de blessures ; tout droit retrouverait, avec sa vigueur native, son ancienne autorité ; la paix réapparaîtrait avec tous ses bienfaits ; les glaives tomberaient et les armes glisseraient des mains, le jour où tous les hommes accepteraient de bon cœur la souveraineté du Christ, obéiraient à ses commandements, et où toute langue confesserait que « le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père » 38 »

Pour que la société chrétienne bénéficie de tous ces précieux avantages et qu'elle les conserve, il faut faire connaître le plus possible la doctrine de la dignité royale de notre Sauveur. Or, aucun moyen ne semble mieux assurer ce résultat que l'institution d'une fête propre et spéciale en l'honneur du Christ-Roi.

Car, pour pénétrer le peuple des vérités de la foi et l'élever ainsi aux joies de la vie intérieure, les solennités annuelles des fêtes liturgiques sont bien plus efficaces que tous les documents, même les plus graves, du magistère ecclésiastique. Ceux-ci n'atteignent, habituellement, que le petit nombre et les plus cultivés, celles-là touchent et instruisent tous les fidèles ; les uns, si l'on peut dire, ne parlent qu'une fois ; les autres le font chaque année et à perpétuité ; et, si les derniers s'adressent surtout à l'intelligence, les premières étendent leur influence salutaire au cœur et à l'intelligence, donc à l'homme tout entier.

Composé d'un corps et d'une âme, l'homme a besoin des manifestations solennelles des jours de fête pour être saisi et impressionné ; la variété et la splendeur des cérémonies liturgiques l'imprègnent abondamment des enseignements divins ; il les transforme en sève et en sang, et les fait servir au progrès de sa vie spirituelle.

Du reste, l'histoire nous apprend que ces solennités liturgiques furent introduites, au cours des siècles, les unes après les autres, pour répondre à des nécessités ou des avantages spirituels du peuple chrétien. Il fallait, par exemple, raffermir les courages en face d'un péril commun, prémunir les esprits contre les pièges de l'hérésie, exciter et enflammer les cœurs à célébrer avec une piété plus ardente quelque mystère de notre foi ou quelque bienfait de la bonté divine.

C'est ainsi que, dès les premiers temps de l'ère chrétienne, alors qu'ils étaient en butte aux plus cruelles persécutions, les chrétiens introduisirent l'usage de commémorer les martyrs par des rites sacrés, afin, selon le témoignage de saint Augustin, que « les solennités des martyrs » fussent « des exhortations au martyre » 39.

Les honneurs liturgiques qu'on décerna plus tard aux saints confesseurs, aux vierges et aux veuves contribuèrent merveilleusement à stimuler chez les chrétiens le zèle pour la vertu, indispensable même en temps de paix.

Les fêtes instituées en l'honneur de la bienheureuse Vierge eurent encore plus de fruit : non seulement le peuple chrétien entoura d'un culte plus assidu la Mère de Dieu, sa Protectrice la plus secourable, mais il conçut un amour plus filial pour la Mère que le Rédempteur lui avait laissée par une sorte de testament.

Parmi les bienfaits dont l'Eglise est redevable au culte public et légitime rendu à la Mère de Dieu et aux saints du ciel, le moindre n'est pas la victoire constante qu'elle a remportée en repoussant loin d'elle la peste de l'hérésie et de l'erreur. Admirons, ici encore, les desseins de la Providence divine qui, selon son habitude, tire le bien du mal.

Elle a permis, de temps à autre, que la foi et la piété du peuple fléchissent, que de fausses doctrines dressent des embûches à la vérité catholique ; mais toujours avec le dessein que, pour finir, la vérité resplendisse d'un nouvel éclat, que, tirés de leur torpeur, les fidèles s'efforcent d'atteindre à plus de perfection et de sainteté.

Les solennités récemment introduites dans le calendrier liturgique ont eu la même origine et ont porté les mêmes fruits. Telle la Fête-Dieu, établie quand se relâchèrent le respect et la dévotion envers le Très Saint Sacrement ; célébrée avec une pompe magnifique, se prolongeant pendant huit jours de prières collectives, la nouvelle fête devait ramener les peuples à l'adoration publique du Seigneur.

Telle encore la fête du Sacré Cœur de Jésus, instituée à l'époque où, abattus et découragés par les tristes doctrines et le sombre rigorisme du jansénisme, les fidèles sentaient leurs cœurs glacés et en bannissaient tout sentiment d'amour désintéressé de Dieu ou de confiance dans le Rédempteur.

C'est ici Notre tour de pourvoir aux nécessités des temps présents, d'apporter un remède efficace à la peste qui a corrompu la société humaine. Nous le faisons en prescrivant à l'univers catholique le culte du Christ-Roi. La peste de notre époque, c'est le laïcisme, ainsi qu'on l'appelle, avec ses erreurs et ses entreprises criminelles.

Comme vous le savez, Vénérables Frères, ce fléau n'est pas apparu brusquement ; depuis longtemps, il couvait au sein des Etats. On commença, en effet, par nier la souveraineté du Christ sur toutes les nations ; on refusa à l'Eglise le droit - conséquence du droit même du Christ - d'enseigner le genre humain, de porter des lois, de gouverner les peuples en vue de leur béatitude éternelle. Puis, peu à peu, on assimila la religion du Christ aux fausses religions et, sans la moindre honte, on la plaça au même niveau. On la soumit, ensuite, à l'autorité civile et on la livra pour ainsi dire au bon plaisir des princes et des gouvernants. Certains allèrent jusqu'à vouloir substituer à la religion divine une religion naturelle ou un simple sentiment de religiosité. Il se trouva même des Etats qui crurent pouvoir se passer de Dieu et firent consister leur religion dans l'irréligion et l'oubli conscient et volontaire de Dieu.

Les fruits très amers qu'a portés, si souvent et d'une manière si persistante, cette apostasie des individus et des Etats désertant le Christ, Nous les avons déplorés dans l'Encyclique Ubi arcano 40. Nous les déplorons de nouveau aujourd'hui. Fruits de cette apostasie, les germes de haine, semés de tous côtés ; les jalousies et les rivalités entre peuples, qui entretiennent les querelles internationales et retardent, actuellement encore, l'avènement d'une paix de réconciliation ; les ambitions effrénées, qui se couvrent bien souvent du masque de l'intérêt public et de l'amour de la patrie, avec leurs tristes conséquences : les discordes civiles, un égoïsme aveugle et démesuré qui, ne poursuivant que les satisfactions et les avantages personnels, apprécie toute chose à la mesure de son propre intérêt. Fruits encore de cette apostasie, la paix domestique bouleversée par l'oubli des devoirs et l'insouciance de la conscience ; l'union et la stabilité des familles chancelantes ; toute la société, enfin, ébranlée et menacée de ruine.

La fête, désormais annuelle, du Christ-Roi Nous donne le plus vif espoir de hâter le retour si désirable de l'humanité à son très affectueux Sauveur. Ce serait assurément le devoir des catholiques de préparer et de hâter ce retour par une action diligente ; mais il se fait que beaucoup d'entre eux ne possèdent pas dans la société le rang ou l'autorité qui siérait aux apologistes de la vérité. Peut-être faut-il attribuer ce désavantage à l'indolence ou à la timidité des bons ; ils s'abstiennent de résister ou ne le font que mollement ; les adversaires de l'Eglise en retirent fatalement un surcroît de prétentions et d'audace. Mais du jour où l'ensemble des fidèles comprendront qu'il leur faut combattre, vaillamment et sans relâche, sous les étendards du Christ-Roi, le feu de l'apostolat enflammera les cœurs, tous travailleront à réconcilier avec leur Seigneur les âmes qui l'ignorent ou qui l'ont abandonné, tous s'efforceront de maintenir inviolés ses droits.

Mais il y a plus. Une fête célébrée chaque année chez tous les peuples en l'honneur du Christ-Roi sera souverainement efficace pour incriminer et réparer en quelque manière cette apostasie publique, si désastreuse pour la société, qu'a engendrée le laïcisme. Dans les conférences internationales et dans les Parlements, on couvre d'un lourd silence le nom très doux de notre Rédempteur ; plus cette conduite est indigne et plus haut doivent monter nos acclamations, plus doit être propagée la déclaration des droits que confèrent au Christ sa dignité et son autorité royales.

Ajoutons que, depuis les dernières années du siècle écoulé, les voies furent merveilleusement préparées à l'institution de cette fête.

Chacun connaît les arguments savants, les considérations lumineuses, apportés en faveur de cette dévotion par une foule d'ouvrages édités dans les langues les plus diverses et sur tous les points de l'univers. Chacun sait que l'autorité et la souveraineté du Christ ont déjà été reconnues par la pieuse coutume de familles, presque innombrables, se vouant et se consacrant au Sacré Cœur de Jésus. Et non seulement des familles, mais des Etats et des royaumes ont observé cette pratique. Bien plus, sur l'initiative et sous la direction de Léon XIII, le genre humain tout entier fut consacré à ce divin Cœur, au cours de l'Année sainte 1900.

Nous ne saurions passer sous silence les Congrès eucharistiques, que notre époque a vus se multiplier en si grand nombre. Ils ont servi merveilleusement la cause de la proclamation solennelle de la royauté du Christ sur la société humaine. Par des conférences tenues dans leurs assemblées, par des sermons prononcés dans les églises, par des expositions publiques et des adorations en commun du Saint Sacrement, par des processions grandioses, ces Congrès, réunis dans le but d'offrir à la vénération et aux hommages des populations d'un diocèse, d'une province, d'une nation, ou même du monde entier, le Christ-Roi se cachant sous les voiles eucharistiques, célèbrent le Christ comme le Roi que les hommes ont reçu de Dieu. Ce Jésus, que les impies ont refusé de recevoir quand il vint en son royaume, on peut dire, en toute vérité, que le peuple chrétien, mû par une inspiration divine, va l'arracher au silence et, pour ainsi dire, à l'obscurité des temples, pour le conduire, tel un triomphateur, par les rues des grandes villes et le rétablir dans tous les droits de sa royauté.

Pour l'exécution de Notre dessein, dont Nous venons de vous entretenir, l'Année sainte qui s'achève offre une occasion favorable entre toutes. Elle vient de rappeler à l'esprit et au cœur des fidèles ces biens célestes qui dépassent tout sentiment naturel ; dans son infinie bonté, Dieu a enrichi les uns, à nouveau, du don de sa grâce ; il a affermi les autres dans la bonne voie, en leur accordant une ardeur nouvelle pour rechercher des dons plus parfaits. Que Nous prêtions donc attention aux nombreuses suppliques qui Nous ont été adressées, ou que Nous considérions les événements qui marquèrent l'année du grand Jubilé, Nous avons certes bien des raisons de penser que le jour est venu pour Nous de prononcer la sentence si attendue de tous : le Christ sera honoré par une fête propre et spéciale comme Roi de tout le genre humain.

Durant cette année, en effet, comme Nous l'avons remarqué au début de cette Lettre, ce Roi divin, vraiment « admirable en ses Saints », a été « magnifiquement glorifié » par l'élévation aux honneurs de la sainteté d'un nouveau groupe de ses soldats ; durant cette année, une exposition extraordinaire a, en quelque sorte, montré à tout le monde les travaux des hérauts de l'Evangile, et tous ont pu admirer les victoires remportées par ces champions du Christ pour l'extension de son royaume ; durant cette année, enfin, Nous avons commémoré, avec le centenaire du Concile de Nicée, la glorification, contre ses négateurs, de la consubstantialité du Verbe Incarné avec le Père, dogme sur lequel s'appuie, comme sur son fondement, la royauté universelle du Christ.

En conséquence, en vertu de Notre autorité apostolique, Nous instituons la fête de Notre-Seigneur Jésus-Christ-Roi.

Nous ordonnons qu'elle soit célébrée dans le monde entier, chaque année, le dernier dimanche d'octobre, c'est-à-dire celui qui précède immédiatement la solennité de la Toussaint. Nous prescrivons également que chaque année, en ce même jour, on renouvelle la consécration du genre humain au Sacré Cœur de Jésus, consécration dont Notre Prédécesseur Pie X, de sainte mémoire, avait déjà ordonné le renouvellement annuel. Toutefois, pour cette année, Nous voulons que cette rénovation soit faite le 31 de ce mois.

En ce jour, Nous célébrerons la messe pontificale en l'honneur du Christ-Roi et Nous ferons prononcer en Notre présence cette consécration. Nous ne croyons pas pouvoir mieux et plus heureusement terminer l'Année sainte ni témoigner plus éloquemment au Christ, « Roi immortel des siècles », Notre reconnaissance - comme celle de tout l'univers catholique, dont Nous Nous faisons aussi l'interprète - pour les bienfaits accordés en cette période de grâce à Nous-même, à l'Église et à toute la catholicité.

Il est inutile, Vénérables Frères, de vous expliquer longuement pourquoi Nous avons institué une fête du Christ-Roi distincte des autres solennités qui font ressortir et glorifient, dans une certaine mesure, sa dignité royale. Il suffit pourtant d'observer que, si toutes les fêtes de Notre-Seigneur ont le Christ comme objet matériel, suivant l'expression consacrée par les théologiens, cependant leur objet formel n'est d'aucune façon, soit en fait, soit dans les termes, la royauté du Christ.

En fixant la fête un dimanche, Nous avons voulu que le clergé ne fût pas seul à rendre ses hommages au divin Roi par la célébration du Saint Sacrifice et la récitation de l'Office, mais que le peuple, dégagé de ses occupations habituelles et animé d'une joie sainte, pût donner un témoignage éclatant de son obéissance au Christ comme à son Maître et à son Souverain. Enfin, plus que tout autre, le dernier dimanche d'octobre Nous a paru désigné pour cette solennité : il clôt à peu près le cycle de l'année liturgique ; de la sorte, les mystères de la vie de Jésus-Christ commémorés au cours de l'année trouveront dans la solennité du Christ-Roi comme leur achèvement et leur couronnement et, avant de célébrer la gloire de tous les Saints, la Liturgie proclamera et exaltera la gloire de Celui qui triomphe, en tous les Saints et tous les élus.

Il est de votre devoir, Vénérables Frères, comme de votre ressort, de faire précéder la fête annuelle par une série d'instructions données, en des jours déterminés, dans chaque paroisse. Le peuple sera instruit et renseigné exactement sur la nature, la signification et l'importance de cette fête ; les fidèles régleront dès lors et organiseront leur vie de manière à la rendre digne de sujets loyalement et amoureusement soumis à la souveraineté du divin Roi.

Au terme de cette Lettre, Nous voudrions encore, Vénérables Frères, vous exposer brièvement les fruits que Nous Nous promettons et que Nous espérons fermement, tant pour l'Eglise et la société civile que pour chacun des fidèles, de ce culte public rendu au Christ-Roi.

L'obligation d'offrir les hommages que Nous venons de dire à l'autorité souveraine de Notre Maître ne peut manquer de rappeler aux hommes les droits de l'Eglise. Instituée par le Christ sous la forme organique d'une société parfaite, en vertu de ce droit originel, elle ne peut abdiquer la pleine liberté et l'indépendance complète à l'égard du pouvoir civil. Elle ne peut dépendre d'une volonté étrangère dans l'accomplissement de sa mission divine d'enseigner, de gouverner et de conduire au bonheur éternel tous les membres du royaume du Christ.

Bien plus, l'Etat doit procurer une liberté semblable aux Ordres et aux Congrégations de religieux des deux sexes. Ce sont les auxiliaires les plus fermes des pasteurs de l'Eglise ; ceux qui travaillent le plus efficacement à étendre et à affermir le royaume du Christ, d'abord, en engageant la lutte par la profession des trois vœux de religion contre le monde et ses trois concupiscences ; ensuite, du fait d'avoir embrassé un état de vie plus parfait, en faisant resplendir aux yeux de tous, avec un éclat continu et chaque jour grandissant, cette sainteté dont le divin Fondateur a voulu faire une note distinctive de la véritable Eglise.

Les Etats, à leur tour, apprendront par la célébration annuelle de cette fête que les gouvernants et les magistrats ont l'obligation, aussi bien que les particuliers, de rendre au Christ un culte public et d'obéir à ses lois. Les chefs de la société civile se rappelleront, de leur côté, le dernier jugement, où le Christ accusera ceux qui l'ont expulsé de la vie publique, mais aussi ceux qui l'ont dédaigneusement mis de côté ou ignoré, et punira de pareils outrages par les châtiments les plus terribles ; car sa dignité royale exige que l'État tout entier se règle sur les commandements de Dieu et les principes chrétiens dans l'établissement des lois, dans l'administration de la justice, dans la formation intellectuelle et morale de la jeunesse, qui doit respecter la saine doctrine et la pureté des mœurs.

Quelle énergie encore, quelle vertu pourront puiser les fidèles dans la méditation de ces vérités pour modeler leurs esprits suivant les véritables principes de la vie chrétienne! Si tout pouvoir a été donné au Christ Seigneur dans le ciel et sur la terre ; si les hommes, rachetés par son sang très précieux, deviennent à un nouveau titre les sujets de son empire ; si enfin cette puissance embrasse la nature humaine tout entière, on doit évidemment conclure qu'aucune de nos facultés ne peut se soustraire à cette souveraineté.

Il faut donc qu'il règne sur nos intelligences : nous devons croire, avec une complète soumission, d'une adhésion ferme et constante, les vérités révélées et les enseignements du Christ. Il faut qu'il règne sur nos volontés : nous devons observer les lois et les commandements de Dieu.

Il faut qu'il règne sur nos cœurs : nous devons sacrifier nos affections naturelles et aimer Dieu par-dessus toutes choses et nous attacher à lui seul. Il faut qu'il règne sur nos corps et sur nos membres : nous devons les faire servir d'instruments ou, pour emprunter le langage de l'Apôtre saint Paul, d'armes de justice offertes à Dieu 41 pour entretenir la sainteté intérieure de nos âmes. Voilà des pensées qui, proposées à la réflexion des fidèles et considérées attentivement, les entraîneront aisément vers la perfection la plus élevée.

Plaise à Dieu, Vénérables Frères, que les hommes qui vivent hors de l'Eglise recherchent et acceptent pour leur salut le joug suave du Christ! Quant à nous tous, qui, par un dessein de la divine miséricorde, habitons sa maison, fasse le ciel que nous portions ce joug non pas à contrecœur, mais ardemment, amoureusement, saintement ! Ainsi nous récolterons les heureux fruits d'une vie conforme aux lois du royaume divin. Reconnus par le Christ pour de bons et fidèles serviteurs de son royaume terrestre, nous participerons ensuite, avec lui, à la félicité et à la gloire sans fin de son royaume céleste.

Agréez, Vénérables Frères, à l'approche de la fête de Noël, ce présage et ce vœu comme un témoignage de Notre paternelle affection ; et recevez la Bénédiction apostolique, gage des faveurs divines, que Nous vous accordons de grand cœur, à vous, Vénérables Frères, à votre clergé et à votre peuple.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 11 décembre de l'Année sainte 1925, la quatrième de Notre Pontificat.

Pie XI, pape

1
AAS XVII (1925) 593-610.

2
Pie XI, Lettre encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922, AAS, XIV (1922) 673-700, CH pp. 602-629.

3
S. PAUL, Ephés. III 19.

4
DANIEL, VII 13-14.

5
Nombres XXXIV 19.

6
Ps. II.

7
Ps. XLIV (XLV) 7.

8
Ps. LXXI (LXXII) 7-8.

9
ISAÏE, IX 6-7.

10
JÉRÉMIE, XXIII 5.

11
DANIEL XX 44.

12
DANIEL, VII 13-14.

13
ZACHARIE, IX 9.

14
S. LUC, I 32-33.

15
S. MATTHIEU, XXV 31-40.

16
S. JEAN, XVIII 37.

17
S. MATTHIEU, XXVIII 18.

18
Apocalypse I 5.

19
Apocalypse XIX 16.

20
S. PAUL, Hébr. I 1.

21
S. PAUL, I Cor. XV 25.

22
S. CYRILLE D'ALEXANDRIE, In Lucam X, PG LXXII 666.

23
S. PIERRE, I Epître I 18-19.

24
S. PAUL, I Cor. VI 20.

25
S. PAUL, I Cor. VI 15.

26
Concile de Trente sess. VI c. 21, Denzinger n. 831.

27
Cf. S. JEAN, XIV 15 ; XV 10.

28
S. JEAN, V 22.

29
Non eripit mortalia, qui regna dat coelestia, Office de la fête de l'Epiphanie, hymne Crudelis Herodes.

30
LÉON XIII, Lettre encyclique Annum sacrum, 25 mai 1899 AAS XXXI (1898-1899) 647.

31
Actes IV 12.

32
S. AUGUSTIN, Epist. CLIII ad Macedonium ch. III, PL XXXIII, 656.

33
PIE XI, Lettre encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922, AAS XIV (1922), 683, CH n. 936.

34
S. PAUL, I Cor. VII 25.

35
S. PAUL, Coloss. I 20.

36
S. MATTHIEU, XX 28.

37
S. MATTHIEU, XI 30.

38
LÉON XIII, Lettre encyclique Annum sacrum, 25 mai 1899, AAS XXXI (1898-1899) 647.

39
S. AUGUSTIN, Sermo XLVII de sanctis, PL XXXVIII, 295.

40
PIE XI, Lettre encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922, AAS XIV (1922) 673-700, CH pp. 602-629.

41
S. PAUL, Rom. VI 13.
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Message par Her Lun 30 Mai - 6:30

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CIVITAS - POUR UNE CITE CATHOLIQUE


Catéchisme des Droits Divins dans l'Ordre Social
Écrit par Père A. Philippe CSSR

Jésus-Christ, Maître et Roi !

Sommaire

Introduction

Première leçon - Le souverain domaine de Dieu sur toute société
Première question - Récitez les premiers articles du Symbole des Apôtres ?
Deuxième question - Comment s'exprime la Sainte Église sur ce point, dans le Credo de la Messe ?
Troisième question - Qu'entendez-vous par ces paroles : Créateur du Ciel et de la Terre, des choses visibles et invisibles ?
Quatrième question - Quelle différence mettez-vous entre les choses visibles et invisibles ?
Cinquième question - Énumérez quelques exemples des choses invisibles ?
Sixième question - La Société des hommes, n' est-elle pas une chose invisible ?
Septième question - La Société considérée dans ce qu'elle a de visible et dans ce qu'elle a d'invisible, est-elle une créature ?
Huitième question - Pourriez-vous donner quelques preuves de la condition créée de la Société ?

Deuxième leçon - Conséquences nécessaires de la condition de créature qui est essentielle à toute société
Première question - Quelle est la conséquence immédiate de la condition créée de toute Société ?
Deuxième question - Je ne comprends pas la dépendance d'un organisme social à l'égard de Dieu. L'organisme social n'est pas doué de conscience. A l'individu seul il appartient de comprendre son devoir moral et de l'accomplir.
Troisième question - N'y a-t-il pas d'autres conséquences de la condition de créature qui est le propre de toute Société ?
Quatrième question - Mais, par là, vous semblez dire que les Etats sont tenus à rendre à Dieu un culte.
Cinquième question - Comment les Etats peuvent-ils être astreints à rendre à Dieu un culte ? En fait, Dieu leur est inconnu.
Sixième question - De sorte que vous considérez comme inexcusables tous les hommes publics, qui, par raison politique et de prudence, n'osent pas affirmer le souverain domaine de Dieu sur toute créature et spécialement sur les organismes sociaux.
Septième question - Dans ces conditions toute politique est et doit être soumise à Dieu.
Huitième question - Mais vous semblez dire que l'État doit être totalement soumis à Dieu ; l'Église ne doit-elle pas l'être ?
Neuvième question - Ces données semblent établir qu'il y a obligation pour l'Église et l'État d'être d'accord dans le Gouvernement des hommes ?
Dixième question - Ces enseignements sont particulièrement graves ; il semble que, pour être conforme à la vérité et à la loi divine, aucune intelligence humaine ne pourrait jamais avoir la pensée consentie de l'indépendance d'un Etat, d'une Société ou simplement de la politique à l'égard de Dieu.

Troisième leçon - Le souverain domaine de Jésus-Christ sur toute société et toute nation
Première question - Voudriez-vous répéter le deuxième article du Credo ?
Deuxième question - Y a-t-il une relation spéciale entre la très Sainte Humanité de Jésus-Christ et l'Ordre Social établi dans le monde ?
Troisième question - Mais pourquoi parlez-vous spécialement de Jésus-Christ ? N'est-il pas Dieu ? Tout ce qui est dit de Dieu, ne lui est-il pas applicable ?
Quatrième question - Quelles sont les conditions spéciales faites à la Sainte Humanité de Jésus-Christ en raison de la dignité que Lui crée l'Union hypostatique ?
Cinquième question - Mais Jésus-Christ n'est-Il pas en même temps Rédempteur ?

Quatrième leçon - Conditions et sens précis de la royauté de Jésus-Christ
Première question - Quelle est la condition fondamentale de la Royauté Sociale de Jésus-Christ... ?
Deuxième question - Dieu nous a-t-il fait connaître sa Volonté à ce sujet ?
Troisième question - Pourriez-vous m'exposer les deux preuves apportées par le Pape ?
Quatrième question - Exposez le second fondement doctrinal de la Vérité enseignée par Pie XI.
Cinquième question - Jésus-Christ fit-il connaître les intentions de la Trinité au sujet de son pouvoir royal ?
Sixième question - Pouvez-vous déduire de là que Jésus-Christ exerce un pouvoir vrai sur tarte Société ?
Septième question - Pie XI parle aussi d'un pouvoir législatif, exécutif et judiciaire. Jésus-Christ serait-Il revêtu de ce triple pouvoir ?
Huitième question - Vous me parliez encore d'un autre raison qui justifie la Royauté Sociale de Jésus-Christ...?
Neuvième question - Le but de toute Société n'est-il pas établi par l'autorité ?

Cinquième leçon - Caractère spirituel de la royauté de Jésus-Christ
Première question - Vous parlez d'une caractéristique encore de la Royauté Sociale du Christ, voudriez-vous bien la déterminer ?
Deuxième question - Exposez ce caractère spirituel de la Royauté de Jésus-Christ.
Troisième question - Dans quelle mesure le Christ intervient-II spirituellement dans les organisations sociales ?
Quatrième question - Dans ces conditions Jésus-Christ est le Roi de toutes les Nations.
Cinquième question - Les hommages publics qui doivent être rendus â Jésus-Christ Dieu et Homme ne procèdent-ils pas du caractère spirituel dont est revêtu la Royauté de Jésus-Christ.

Sixième leçon - Puissance de l'Eglise dans l'ordre social établi par Dieu
Première question - Quelles sont les volontés du Christ, Roi des Sociétés à l'égard de l'Église ?
Deuxième question - Voudriez-vous expliquer quelque peu cette mission de l'Église ?
Troisième question - Dans ces conditions, l'Église serait aussi nécessaire que le Christ Lui-même ; or cela n'est pas admissible.
Quatrième question - Mais, dans ces conditions, il revient à l'Église le titre de Reine et au Pape le titre de Roi.
Cinquième question - Quelles sont les conséquences immédiates de ces vérités ?
Sixième question - Mais alors, l'Église a une mission à accomplir, non seulement auprès des âmes, mais encore auprès des Sociétés. Ne serait-ce pas là, un abus ?
Septième question - Dans ces conditions il faudrait donc, malgré tout, inculquer aux hommes la dépendance de toute Société à l'égard de Dieu, de son Christ et de la Mission de l'Église ?

Septième leçon - Erreur fondamentale qui règne aujourd'hui
Première question - Quel est, au sujet des matières que nous venons de traiter, l'erreur la plus pernicieuse et la plus néfaste ?
Deuxième question - Expliquez-vous. Qu'entendez-vous par ces droits accordés à l'erreur ?
Troisième question - Quel sens attribuez-vous à la Déclaration des Droits de l'homme si vous la considérez du point de vue social moderne ?t
Quatrième question - Sous quelle forme ces théories sont-elles présentées au public ?
Cinquième question - Quel est le sens précis de ces libertés ? Ne signifient-elles pas que l'homme doit jouir d'une liberté entière pour enseigner et pratiquer le bien?
Sixième question - Quel rapport y a-t-il entre ces théories des libertés modernes et l'erreur fondamentale que vous signaliez tout à l'heure ?
Septième question - Vous attribuez donc à « la Déclaration des Droits de l'homme » une influence prépondérante sur la mentalité moderne et sur les erreurs régnantes ?
Huitième question - Mais, « la Déclaration des Droits de l'homme » ne trace-t-elle pas une limite au dévergondage de l'action de l'homme ?
Neuvième question - Vous allez à l'encontre de toutes les idées admises et vous sapez à sa base le droit moderne.
Dixième question - Ne pourriez-vous pas me donner une notion exacte du Droit moderne ?
Onzième question - Y a-t-il une différence profonde entre le Droit Moderne et le Droit Catholique, basé sur les Droits Divins ?
Douzième question - N'y a-t-il pas un libéralisme qui, dans ces matières, établit une distinction parfaitement admissible ?
Treizième question - N'est-il pas préférable, malgré tout, d'en agir ainsi ?
Quatorzième question - Mais le Pape parle surtout des ravages causés par le laïcisme. Pourquoi dès lors traiter la question de libéralisme ?

Huitième leçon - Droits intangibles de la Vérité et du Bien
Première question - La Vérité et le Bien sont-ils seuls à avoir des droits ?
Deuxième question - Sur quelle base repose votre affirmation ?
Troisième question - Quelles sont ces données philosophiques ?
Quatrième question - Sur quelles données théologiques basez-vous votre affirmation ?
Cinquième question - Mais, dans ces conditions, il n'y aura de place que pour la Vérité ? N'y a-t-il pas la fameuse distinction entre la thèse et l'hypothèse.
Sixième question - Mais cette distinction n'est-elle pas approuvée par l'Église ?
Septième question - Ne pourriez-vous pas m'exposer la raison d'être de cette distinction et comment on y a recours ?
Huitième question - N'avez-vous pas dit qu'en recourant à cette distinction on avait fait beaucoup de mal?
Neuvième question - Permettez-moi de vous exposer une difficulté. Quand nous sommes dans l'état d'hypothèse, vous tolérez l'existence de l'erreur ; quand nous sommes dans l'état de thèse vous ne la tolérez plus ; nous sommes exposés à voir surgir partout, sous la protection du Souverain Domaine de Dieu et de la Royauté du Christ, un état de tyrannie.

Neuvième leçon - Le péché du libéralisme : péché de l'Europe et du Monde
Première question - Le libéralisme est-il un péché ?
Deuxième question - Expliquez-vous. Comment faut-il comprendre ce péché de l'esprit.
Troisième question - Comment les libertés modernes aboutissent-elles à cette conclusion fatale ?
Quatrième question - N'y a-t-il pas dans ce procédé du libéralisme une injustice à l'égard de l'homme ?
Cinquième question - Quelle attitude les principes libéraux créent-ils pratiquement dans les esprits ?
Sixième question - Les Principes Modernes exercent-ils une influence sur le salut des âmes ?
Septième question - N'y a-t-il pas dans les théories que vous venez d'énoncer une nouvelle condamnation de la distinction entre la thèse et l'hypothèse ?

Dixième leçon - Les châtiments infligés par Dieu aux pays et aux nations qui abandonnent le Seigneur
Première question - Dieu inflige-t-il des châtiments en ce monde aux Nations coupables ?
Deuxième question - Sur quelle base s'appuient les catholiques qui affirment que l'expiation s'accomplit par les Sociétés en ce monde ?
Troisième question - Qu'entendez-vous par ces châtiments conformes aux desseins éternels ?
Quatrième question - Vos remarques me semblent très justes. Ne pourriez-vous pas confirmer vos enseignements par des paroles et des doctrines formulées par les Autorités qui gouvernent l'Église ?
Cinquième question - Quels sont les châtiments dont Dieu frappe les Nations coupables ?
Sixième question - De cette façon vous acceptez que Dieu se sert des événements, des désorganisations et des désordres sociaux pour punir les pays ?

Onzième leçon - Remède aux maux actuels
Première question - Quels sont les remèdes aux grands maux qui désolent le monde entier et chaque pays en particulier ?
Deuxième question - Pour appliquer ces remèdes a-t-il des moyens efficaces ?
Troisième question - Comment Dieu entend-Il rendre ce moyen efficace ?
Quatrième question - Oui, ces paroles sont significatives mais encore faudrait-il en pénétrer le sens. Pourrions-nous dire qu'il manque quelque chose à la Passion de Jésus-Christ ?
Cinquième question - Vous semblez vouloir dire que certaines âmes s'unissent plus particulièrement à l’œuvre rédemptrice du Christ ?
Sixième question - Dans ces conditions, vous considereriez comme nécessaire à l’œuvre du Christ, l'intervention de sa créature, c'est-à-dire de l'âme fidèle ?
Septième question - Cette immolation avec le Christ suppose une grande intensité de vie spirituelle ?
Huitième question - De sorte que vous exigez autre chose que l'action pour atteindre votre but ?

Douzième leçon - De l'action
Première question - L'action est-elle nécessaire à la restauration de l'Ordre Social ?
Deuxième question - Y a-t-il d'autres moyens que la parole pour inculquer la vérité ?
Troisième question - A qui appartient-il de mettre en pratique ces moyens d'action ? Ou, en d'autres termes, qui est chargé de recourir à ces moyens d'action ?
Quatrième question - Cette mission ne revient-elle pas aussi aux laïcs ?
Cinquième question - Quel doit être le but immédiat de l'action ?
Sixième question - Dans ce cas, il faudrait engager une lutte à mort contre les théories modernes, sur la liberté et la législation, théories admises par certains théologiens eux-mêmes.
Septième question - Dans ces conditions, que faites-vous du travail des élections ?
Huitième question - Mais alors décidément, vous soumettez la politique à Dieu et à Jésus-Christ ?
Neuvième question - Mais on vous accusera de faire de la politique du haut de la Chaire Chrétienne ?

Treizième leçon - De l'organisation de la ligue apostolique
Première question - Existe-t-il un organisme dûment constitué, qui a, comme but, le retour à Dieu, de tout l'Ordre Social ?
Deuxième question - Quelles sont les conditions d'adhésion à la Ligue Apostolique ?
Troisième question - Y a-t-il d'autres conditions que celles-là ?
Quatrième question - Le Souverain Pontife a-t-il accordé des faveurs spirituelles spéciales aux membres adhérents de la Ligue ?
Quatorzième leçon - Récapitulation - la fête du Christ-Roi
Première question - Voudriez-vous, pour plus de facilité, récapituler les principales vérités enseignées dans votre catéchisme ?
Deuxième question -Quelles intentions ont guidé Pie XI dans l'institution de la Fête en l'honneur du Christ-Roi ?


Introduction

La Semaine Catholique, du début de 1926, organisée par la « Ligue Apostolique », nous a confié un désir : celui de posséder un Catéchisme exposant le fait et la nature de la Royauté de Jésus-Christ. C'est pour répondre à ce désir que paraissent les pages que nous livrons au public, sous le titre de Catéchisme des Droits Divins dans l'Ordre Social. - Jésus-Christ, Maître et Roi !

Nous disons : Catéchisme des Droits Divins dans l'Ordre Social. Sous prétexte de suivre les seules lumières de la conscience, on a pris l'habitude d'abandonner à la libre disposition de celle-ci l'accomplissement de tous les devoirs.

Les droits de la vérité, et spécialement ceux de la Vérité Suprême sont foulés aux pieds. Notre Catéchisme demande un grand acte de Foi : l'acte de Foi en Dieu et en Jésus-Christ, intervenant par l'autorité, comme ils interviennent par leur action créatrice, dans toute Société. Les Peuples doivent savoir que dans tous les rapports d'homme à homme, de Société à Société, de pays à pays, et dans tout ce qui constitue l'intime d'une nation, ils dépendent de Dieu et de Jésus-Christ. Sur ce point, comme sur celui de l'existence même de Dieu, il faut que chacun s'incline, en redisant de toute son âme : « Credo », je crois !

Dieu a béni notre travail : en moins de six mois, grâce à la propagande que se sont imposée nos zélateurs, nous avons pû écouler notre première édition et nous voici parvenus au tirage de notre vingtième mille.

Première leçon - Le souverain domaine de Dieu sur toute société

Première question - Récitez les premiers articles du Symbole des Apôtres ?

Réponse - Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du Ciel et de la terre, et en Jésus-Christ son Fils unique, Notre Seigneur.

Deuxième question - Comment s'exprime la Sainte Église sur ce point, dans le Credo de la Messe ?

Réponse - Je crois en un seul Dieu, Père tout-puissant, qui a créé le Ciel et la terre, les choses visibles et invisibles. Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils unique du Père.

Troisième question - Qu'entendez-vous par ces paroles : Créateur du Ciel et de la Terre, des choses visibles et invisibles ?

Réponse - J'entends par là que tout ce qui existe en dehors de Dieu, a été fait par Dieu, que toutes les choses visibles et invisibles ont été créées par Lui.

Quatrième question - Quelle différence mettez-vous entre les choses visibles et invisibles ?

Réponse - Il y a des choses qui tombent sous le sens de la vue, de l'ouïe ou sous les autres sens, que l'on peut palper en quelque sorte : ce sont les choses visibles. A côté de cela, il y a des choses qui existent réellement, dont on peut s'apercevoir, mais qui ne sont pas perceptibles aux sens.

Cinquième question - Énumérez quelques exemples des choses invisibles ?

Réponse - Par exemple, sont invisibles : les anges, l'âme humaine, la pensée humaine, le vouloir humain, la puissance et l'autorité humaines.

Sixième question - La Société des hommes, n' est-elle pas une chose invisible ?

Réponse - Elle n'est pas visible en ce sens qu'on ne peut pas la toucher du doigt, mais elle est parfaitement perceptible, en ce sens qu'on peut percevoir son existence. Ainsi l'on voit très bien et l'on se rend compte que telle nation est distincte d'une autre nation, que telle Société publique ou privée est distincte de toute autre Société.

Septième question - La Société considérée dans ce qu'elle a de visible et dans ce qu'elle a d'invisible, est-elle une créature ?

Réponse - Oui, et lorsque dans mon « Credo » je dis je crois en Dieu le Père tout-puissant, Créateur du Ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles, je professe solennellement que toute Société, tout aussi bien que l'homme, a été créée par Dieu, et, par conséquent, dépend de Lui, d'une dépendance absolue. Cette doctrine s'applique à toute Société, qu'il s'agisse d'une société naturelle, c'est-à-dire imposée par la nature de l'homme, ou d'une société libre, c'est-à-dire fondée par la volonté humaine.

Huitième question - Pourriez-vous donner quelques preuves de la condition créée de la Société ?

Réponse - Outre le témoignage de Dieu et du Saint Esprit dans les Écritures, outre le témoignage de la Sainte Église, nous pouvons apporter des preuves de raison. Toute Société est composée d'hommes. Tout homme est une créature. Dès lors, les rapports des hommes entre eux sont chose créée. Bien plus, toute Société, comme toute Nation, constitue une réalité vraiment existante. Cette réalité est un tout moral, qui existe véritablement en dehors de Dieu. Dès lors qu'elle n'est pas Dieu, elle a été créée par Dieu, dont elle ne peut pas ne pas dépendre d'une manière souveraine, comme toute créature dépend du Créateur.

Il est une autre vérité fondamentale. Non seulement l'homme dépend de Dieu parce qu'il est créature ; il dépend encore de Lui parce que Dieu est sa fin suprême et dernière. Il est de toute évidence que le but final de toute chose créée c'est Dieu. Plus particulièrement, Dieu est le but final, suprême et infini de toute créature intelligente. L'homme est fait pour aboutir à Dieu. Il doit comprendre qu'il est créé dans ce but et il doit vouloir l'atteindre. Or, Dieu a placé l'homme dans des conditions telles, qu'il ne peut pas ne pas vivre en Société. Donc, en tant qu'être social, l'homme doit avoir comme but final et suprême Dieu. Soutenir le contraire serait affirmer que l'homme trouve la fin de la Société dans la Société elle-même, ce qui constituerait une idolâtrie. Mais, les sociétés comme telles, ne passent pas à l'Eternité. II est manifeste qu'elles trouvent leur fin dernière dans le fait que l'intelligence et la volonté des individus vont à Dieu dans et par les sociétés.


Deuxième leçon - Conséquences nécessaires de la condition de créature qui est essentielle à toute société

Première question - Quelle est la conséquence immédiate de la condition créée de toute Société ?

Réponse - La première conséquence est la dépendance nécessaire, absolue, complète, de toute société et de tout ordre social établi, comme de tout ordre social possible, à l'égard de Dieu.

Deuxième question - Je ne comprends pas la dépendance d'un organisme social à l'égard de Dieu. L'organisme social n'est pas doué de conscience. A l'individu seul il appartient de comprendre son devoir moral et de l'accomplir.

Réponse - Dans les considérations que vous venez de faire il y a une regrettable confusion. D'abord la création et la dépendance qui en découle pour toute société, ne résultent pas du fait que l'homme est doué de conscience, mais du fait que l'homme a reçu de Dieu l'être et l'existence. Etre créé ne dépend pas de lui ; qu'il le veuille ou non il est créature. Ainsi en est-il de toute société. II ne dépend pas d'elle d'être ou de ne pas être créée ; la condition de créature appartient à son essence même. Qui plus est, toute société représente une collectivité intelligente. Cette collectivité a comme obligation première de comprendre ce qui lui est essentiel. Elle doit connaître les devoirs primordiaux attachés à sa condition d'être. Or, la première vérité dont dépendent toutes les autres, et qui dicte à la créature ses obligations, est celle du Souverain Domaine de Dieu sur toute créature et la dépendance absolue de toute créature vis-à-vis de Lui. Une collectivité qui, comme telle, ne serait pas convaincue de cette vérité, manquerait à la plus stricte de ses obligations ; elle s'égarerait infailliblement. II est donc strictement nécessaire que tout Etat, toute Nation, en un mot, toute Société, soit vis-à-vis de Dieu absolument soumise. Ainsi se trouve affirmée cette obligation d'Ordre Social, autant par la conscience collective, que par la conscience individuelle.

Troisième question - N'y a-t-il pas d'autres conséquences de la condition de créature qui est le propre de toute Société ?

Réponse - Une autre conséquence c'est que toute Société dépend de Dieu dans sa constitution intime. Nous voulons dire par là, que tout ce qui contribue à former une société doit être imprégné de Dieu. Nous nous expliquons. Dans toute société se trouvent l'union des volontés, des moyens adaptés, un but à atteindre. Dans chacun de ces éléments la Société dépend de Dieu, parce que créature. La conséquence strictement logique est tout indiquée. Quand une société se constitue, elle doit envisager son but sous l'angle de la fin suprême et dernière : Dieu. L'union des volontés doit être faite sous la dépendance pratique de Dieu. Les moyens adaptés doivent être conformes aux exigences de la Loi Eternelle. Ainsi, quand un Etat se constitue, il a comme premier devoir de mettre à la base de sa Charte fondamentale, de sa législation et du reste, la dépendance la plus absolue à l'égard de Dieu et sa conformité la plus entière à la Loi Eternelle. Affirmer le contraire serait établir le désordre et aboutir à l'idolâtrie.

Quatrième question - Mais, par là, vous semblez dire que les Etats sont tenus à rendre à Dieu un culte.

Réponse - Le raisonnement que nous avons tenu ci-dessus est applicable à toute collectivité composée d'êtres intelligents. Le premier devoir de tout Etat, de toute Nation et même de la Société des Nations, c'est d'être convaincus de leurs obligations primordiales. Les raisons sont fondamentales : Dieu est le Dieu des Sociétés, comme Il est le Dieu des individus. Mais comme le propre des Sociétés est d'être sociales : c'est en tant que sociales, qu'elles doivent à Dieu dépendance absolue, reconnaissance et profession de cette dépendance et culte.

Cinquième question - Comment les Etats peuvent-ils être astreints à rendre à Dieu un culte ? En fait, Dieu leur est inconnu.

Réponse - A cette question je réponds par les paroles de l'apôtre saint Paul. Au premier chapitre de l'Epître aux Romains, voici comme il parle : « La colère de Dieu éclate, du haut du Ciel, contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui, par leur injustice, retiennent la vérité captive ; car ce qui est connu de Dieu est manifeste pour eux : Dieu le leur a fait connaître. Car ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du Monde, rendues visibles à l'intelligence par le moyen de ses oeuvres. Ils sont donc inexcusables puisque, ayant connu Dieu, ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces. » (Rom. 1. 18, etc.)

L'Esprit Saint, par la bouche du Docteur des Nations, proclame que les païens plongés dans toutes les horreurs de l'impiété, sont inexcusables de n'avoir pas connu et glorifié Dieu. Il les accuse d'avoir renié la lumière ; il ne peut les excuser en rien. Tout aussi bien que les païens, dont parle saint Paul, les Etats modernes, quels qu'ils soient, sont inexcusables. On ne peut admettre que leur attitude soit conforme aux exigences de la raison. Aux gouvernants et aux dirigeants, comme à n'importe qui, Dieu se manifeste par ses aeuvres. S'il en est qui refusent d'exiger que soit rendu à Dieu par les Etats un culte social et officiel, pour les raisons que donne saint Paul, ils sont inexcusables. Du point de vue simplement rationnel, les Gouvernements, les Parlements, les Législateurs, etc., doivent pratiquer à l'égard de Dieu un culte dont ils ne peuvent se dispenser et dont ils ne peuvent dispenser aucun Etat, ni aucune Société.

De ces données, il faut conclure que même si un Etat pouvait s'excuser de ne pas se soumettre aux directives de l'Église, qu'il n'a pas connues, rien ne pourrait l'excuser de ne pas se vouer à Dieu et de ne pas se soumettre, aux préceptes divins de la Loi Éternelle.

Sixième question - De sorte que vous considérez comme inexcusables tous les hommes publics, qui, par raison politique et de prudence, n'osent pas affirmer le souverain domaine de Dieu sur toute créature et spécialement sur les organismes sociaux.

Réponse - Affirmativement. L'apôtre saint Paul va plus loin. Il déclare que la sévérité de Dieu se manifestera contre les peuples qui désobéissent à cette loi primordiale. Ceux qui ne veulent pas accepter Dieu comme Créateur, Chef et Souverain Dominateur de toute Société, vont à l'encontre de la loi naturelle et des lumières de leur raison. Nous ne pouvons accepter leurs théories ; nous devons les combattre avec la dernière énergie.

Septième question - Dans ces conditions toute politique est et doit être soumise à Dieu.

Réponse - Vous l'avez dit : toute politique doit être soumise à Dieu. Quel que soit le sens attribué au terme « politique », il faut reconnaître dans ce qu'il exprime une réalité dépendant de Dieu. Bien plus, c'est surtout ici qu'il faut appliquer la théorie de la fin dernière que nous avons exposée plus haut. Nous ne pouvons jamais perdre de vue que l'homme est sur la terre pour se préparer à l'éternelle béatitude. Toutes les institutions divines ou humaines ont comme but final : la gloire de Dieu et le salut des âmes. Dès lors, toutes les institutions sociales, toutes les actions et directives politiques doivent tenir compte de cette vérité fondamentale que l'homme n'est pas fait pour ce monde, mais pour l'Éternité. Les Constitutions des Peuples, leur législation, les dispositions juridiques, administratives ou autres doivent envisager d'abord et avant tout le but final de toute existence humaine. Toute politique comme le reste doit, en raison de ce but final, être conforme à la Loi Éternelle de Dieu, au Credo et au Décalogue.

Huitième question - Mais vous semblez dire que l'État doit être totalement soumis à Dieu ; l'Église ne doit-elle pas l'être ?

Réponse - Incontestablement. L'Église comme toute Société doit à Dieu obéissance et soumission complètes. Il y a dans le monde diverses et de très nombreuses sociétés. Deux sociétés dominent toutes les autres : l'Église et l'État. Si nous insistons sur la dépendance de l'État àl'égard de Dieu, c'est à cause des erreurs qui règnent àce sujet. L'Église doit à Dieu une soumission d'autant plus grande qu'elle est chargée de diriger les hommes vers leur éternelle destinée. Elle dépend de Dieu dans son existence, dans les moyens que Dieu met à sa disposition pour sanctifier les âmes ; elle dépend de Dieu par l'obligation où elle se trouve de montrer et aux particuliers et aux hommes publics, aux Sociétés privées et aux États, la voie à suivre pour aboutir au salut. Bref, toute société dépend de Dieu. L'État est une Société : il dépend de Dieu. L'Église est une Société : elle dépend de Dieu et sa dépendance offre un caractère plus intime.

Neuvième question - Ces données semblent établir qu'il y a obligation pour l'Église et l'État d'être d'accord dans le Gouvernement des hommes ?

Réponse - Affirmativement. Les Papes ont toujours enseigné qu'il doit y avoir entente parfaite entre l'Église et l'État. La raison en est bien simple : l'Église et l'État sont deux institutions établies par Dieu. L'Église a comme mission de conduire les hommes à leur béatitude finale. L'État a comme mission de procurer le bien matériel et temporel de ses sujets. Ce bien doit être procuré par l'État pour que ceux-ci puissent aboutir sans de trop grandes difficultés à leur fin dernière. Comme la fin dernière est le but suprême de l'homme, il est évident que tout doit lui être subordonné. Comme l'Église est chargée de la mission de conduire certainement les hommes à leur fin suprême, il appartient aux volontés de Dieu qu'on Lui obéisse. Son pouvoir, sans s'étendre aux choses d'ordre matériel, s'étend à la manière de faire usage des biens temporels et passagers en vue du but à atteindre. Pie IX, Léon XIII ont condamné d'une façon formelle la doctrine de la Séparation de l'Église et de l'État.

Dixième question - Ces enseignements sont particulièrement graves ; il semble que, pour être conforme à la vérité et à la loi divine, aucune intelligence humaine ne pourrait jamais avoir la pensée consentie de l'indépendance d'un Etat, d'une Société ou simplement de la politique à l'égard de Dieu.

Réponse - Vous l'avez dit, toute pensée consentie de ce genre, comporte une déclaration formelle d'indépendance de la créature contre le Créateur. C'est là une révolte de l'esprit contre Dieu et cette révolte constitue un péché exceptionnellement grave.


Troisième leçon - Le souverain domaine de Jésus-Christ sur toute société et toute nation

Première question - Voudriez-vous répéter le deuxième article du Credo ?

Réponse - Je crois en Jésus-Christ, Notre Seigneur.

Et au Credo de la Messe, il est dit : « Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, Dieu de Dieu, qui s'est incarné dans le sein de la Vierge Marie, et s'est fait homme pour nous. »

Deuxième question - Y a-t-il une relation spéciale entre la très Sainte Humanité de Jésus-Christ et l'Ordre Social établi dans le monde ?

Réponse - Indubitablement. L'homme est créé de façon à être fait pour la Société. De par sa nature et ses conditions d'existence il est appelé à vivre en Société. Jésus-Christ s'est fait Homme pour conduire l'homme à sa Béatitude Éternelle. Le Divin Rédempteur doit donc avoir une influence effective sur toutes les conditions au milieu desquelles il doit conduire l'homme à sa fin. Mais, l'homme étant fait pour, la Société, il faut qu'il tende à sa fin, en tant qu'être social, c'est-à-dire par le moyen de la Société pour laquelle il est fait. Celle-ci ne peut être une fin suprême, elle ne peut être qu'un moyen. Pour être un moyen, il faut qu'elle soit sanctifiée et sanctifiante. Cela ne s'obtient que par la Sainte Humanité du Christ et dans le Christ. Donc, il est évident qu'il doit exister une relation spéciale entre la Sainte Humanité du Christ et l'Ordre Social établi dans le monde.

Troisième question - Mais pourquoi parlez-vous spécialement de Jésus-Christ ? N'est-il pas Dieu ? Tout ce qui est dit de Dieu, ne lui est-il pas applicable ?

Réponse - Certainement. Tout ce qui est dit de Dieu est applicable au Verbe Éternel, fait homme pour nous. Jésus-Christ est Dieu ; donc toute Société dépend de Lui d'une dépendance souveraine et absolue. Toutefois, il faut nous souvenir qu'en Jésus-Christ il n'y a qu'une personne et deux natures : la Personne du Verbe, la Nature divine et la Nature humaine.

La Personne du Verbe a assumé et s'est unie hypostatiquement la nature humaine. De cette façon, la nature humaine du Christ ne subsiste que dans le Verbe ; elle revêt en Jésus-Christ des conditions tout à fait spéciales.

Quatrième question - Quelles sont les conditions spéciales faites à la Sainte Humanité de Jésus-Christ en raison de la dignité que Lui crée l'Union hypostatique ?

Réponse - Les actions du Christ sont théandriques. Cette conséquence résulte du fait que les actes sont attribués â la personne. Comme en Jésus-Christ il n'y a qu'une seule personne, non pas deux personnes, tous les actes de la nature humaine de Jésus-Christ sont imputés à la personne divine.

Cinquième question - Mais Jésus-Christ n'est-Il pas en même temps Rédempteur ?

Réponse - Jésus-Christ est Rédempteur. II a racheté le genre humain par sa nature humaine. C'est dans cette nature qu'Il est Médiateur entre la Trinité et l'homme. Pour combattre les pouvoirs spéciaux et la mission dont est divinement revêtu Jésus-Christ-Homme, il faut ne pas perdre de vue les conditions faites au Divin Maître par sa qualité d'Homme-Médiateur. Il est vraiment Homme ; Il est vraiment Dieu. En tant que Dieu, Il ne dépend de personne, II n'a rien à recevoir de personne et tout dépend de Lui. En tant qu’Homme, Il a tout à recevoir de Dieu, de même que toute créature, mais dans des conditions spéciales.


Quatrième leçon - Conditions et sens précis de la royauté de Jésus-Christ

Première question - Quelle est la condition fondamentale de la Royauté Sociale de Jésus-Christ... ?

Réponse - Cette condition consiste dans la volonté formelle de la Trinité Sainte, d'accorder à Jésus-ChristHomme un vrai et absolu pouvoir royal. Il ne s'agit pas des Droits du Verbe de Dieu qui sont infinis, mais des Droits et des Pouvoirs que Dieu donne à la Sainte Humanité assumée par le Verbe.

Deuxième question - Dieu nous a-t-il fait connaître sa Volonté à ce sujet ?

Réponse - Indubitablement. Dans l'Encyclique Quas Primas le Pape Pie XI apporte deux preuves indiquant la Volonté divine à ce sujet.

Troisième question - Pourriez-vous m'exposer les deux preuves apportées par le Pape ?

Réponse - Voici comment Pie XI expose la première preuve : « Le fondement sur lequel reposent cette dignité et cette puissance de Notre-Seigneur, saint Cyrille d'Alexandrie eé désigne exactement : « Il possède, en un mot, la puissance « sur toutes les créatures, non pour l'avoir prise par violence ou par un autre moyen, mais par essence et par « nature » ; son pouvoir dérive de l'admirable union que les théologiens appellent hypostatique. Par suite, le Christ ne doit pas seulement être adoré comme Dieu -par les anges et les hommes, mais encore les anges et les hommes doivent obéir avec soumission à la puissance de cet Homme ; ainsi, au seul titre de l'union hypostatique, le Christ a puissance sur toutes les créatures, bien que, durant sa vie terrestre, il n'ait pas voulu user de ce pouvoir royal »

Voici la pensée du Pape à ce sujet : l'union hypostatique de la nature humaine à la personne du Verbe ; confère à la nature humaine assumée en Jésus-Christ une dignité transcendante. Celle-ci doit comporter toute autre dignité dont puisse être revêtue une nature humaine. II ne serait pas admissible, ni acceptable qu'on pût placer à côté de la nature humaine, assumée par le Verbe, une dignité qui, en droit, puisse se réclamer d'une supériorité quelconque sur le Christ-Homme. Il ne serait pas admissible qu'un Prince, une Chambre législative puissent se déclarer effectivement, et juridiquement supérieurs à Celui que Dieu a revêtu de la prérogative transcendante de l'Union hypostatique. Tel est le premier et l'essentiel fondement du pouvoir royal attribué à Jésus-Christ.

Quatrième question - Exposez le second fondement doctrinal de la Vérité enseignée par Pie XI.

Réponse - Pie XI continue comme suit : « Mais quelle pensée plus agréable et plus douce que celle-ci : le Christ nous commande non seulement par droit de nature, mais par un droit acquis, le droit de Rédempteur ? Que les hommes oublieux, se rappellent tous, combien nous avons coûté à notre Sauveur : Vous n'avez pas été rachetés au prix de matières périssables, comme l'or et l'argent ; mais par le sang précieux du Christ offert comme un Agneau sans tache et sans défaut. Nous ne nous appartenons plus puisque le Christ donna pour nous une rançon précieuse ; nos corps eux-mêmes sont les membres du Christ. »

Et voici encore la pensée du Pape. Toute créature appartient à Dieu. L'homme était perdu par le péché. Il n'avait pas de quoi se racheter. Jésus-Christ, Verbe de Dieu fait Homme, prit sur Lui de payer cette dette par son Sang divin. En retour la Trinité Sainte Lui fit don du genre humain tout entier et de toute créature. II attribua spécialement à Jésus-Christ le privilège de faire un même corps et un même tout avec les hommes qui lui seraient unis parla grâce.

Cinquième question - Jésus-Christ fit-il connaître les intentions de la Trinité au sujet de son pouvoir royal ?

Réponse - Jésus-Christ, avec une majesté toute divine, devant le monde entier et devant tous les siècles, déclara : « Tout pouvoir m'a été donné au Ciel et sur la terre. » Remarquez que le pouvoir dont Il parle Lui a été donné ; donc il a obtenu ce pouvoir. Remarquez en second lieu que tout pouvoir lui a été donné, il n'existe donc plus. sur la terre d'autre pouvoir que celui du Christ. Le pouvoir Lui a été donné par la Trinité ; par conséquent, le pouvoir des Rois, des Princes, de toute autorité constituée est le Pouvoir du Christ. C'est ce qu'explique la parole de saint Paul : « Non est potestas nisi a Deo. » Voici la genèse du pouvoir. Tout pouvoir vient de Dieu et ne peut venir que de Lui. Tout pouvoir a été confié au Christ ; donc tout pouvoir passe par le Christ et vient du Christ.

Sixième question - Pouvez-vous déduire de là que Jésus-Christ exerce un pouvoir vrai sur tarte Société ?

Réponse - La réponse à cette question est nettement affirmative. D'abord, comme le dit Léon XIII, l'autorité appartient essentiellement en propre à toute société. Sans. autorité, pas de société. Toute Société est régie par l'autorité. Établissez un rapprochement entre ces vérités et vous aboutirez à la conclusion suivante : l'autorité qui se rencontre dans une société ou dans un pays est donnée par Jésus-Christ ; elle relève et dépend de Jésus-Christ. Donc cette autorité est nécessairement de telle nature qu'elle devra être soumise au Christ. Par le fait même, Jésus-Christ est le vrai Roi des Sociétés, dont l'autorité Lui appartient.

Septième question - Pie XI parle aussi d'un pouvoir législatif, exécutif et judiciaire. Jésus-Christ serait-Il revêtu de ce triple pouvoir ?

Réponse - Affirmativement. En effet, on ne comprendrait pas un pouvoir qui ne jouirait pas. de la prérogative de légiférer, de juger, d'absoudre et de condamner. Ce triple pouvoir est la conséquence nécessaire de l'autorité dont Dieu a revêtu Jésus-Christ.

Huitième question - Vous me parliez encore d'un autre raison qui justifie la Royauté Sociale de Jésus-Christ...?

Réponse - Dans la nature même de toute Société, et spécialement .dans sa finalité et son but, nous rencontrons une nouvelle preuve de la Royauté de Jésus-Christ sur tout l'Ordre Social.

Neuvième question - Le but de toute Société n'est-il pas établi par l'autorité ?

Réponse - Affirmativement. Reconnaître que l'autorité existe dans une société c'est affirmer que cette autorité doit amener la société â sa fin. Cette fin est déterminé par l'union des volontés qui tendent à la réaliser. Le but d'une société peut être envisagé sous son angle spécial et propre. Cet angle spécial ne peut jamais permettre, qu'on perde de vue la fin suprême et dernière. 4r, si l'autorité a comme mission de faire parvenir à son but la Société qu'elle régit, il est évident que l'autorité qui procède du Christ - et, redisons-le, toute autorité procède de Lui - doit avoir comme but suprême celui de la vie et de la mort de Jésus-Christ. Il est impossible que Jésus-Christ accepte de déléguer à qui que ce soit une autorité sur laquelle Il ne conserverait pas son autorité propre en vue du but final de sa Rédemption. Pareillement, il doit Lui être impossible de renoncer à la moindre parcelle d'autorité sur les moyens à employer par la Société pour atteindre son but, ou sur les volontés qui se sont unies en Société.



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CIVITAS - POUR UNE CITE CATHOLIQUE


Catéchisme des Droits Divins dans l'Ordre Social (Suite 1)
Écrit par Père A. Philippe CSSR



Cinquième leçon - Caractère spirituel de la royauté de Jésus-Christ

Première question - Vous parlez d'une caractéristique encore de la Royauté Sociale du Christ, voudriez-vous bien la déterminer ?

Réponse - Elle est déterminée par Pie XI en ces termes : « Toutefois, cette royauté est surtout spirituelle et concerne principalement les choses spirituelles ; les textes allégués de la Bible le montrent nettement et le Christ Notre-Seigneur le confirme par sa manière d'agir. A plusieurs reprises, comme les juifs et les apôtres eux-mêmes croient par erreur que le Messie revendiquera les libertés nationales et rétablira lé royaume d'Israël, jésus prend soin de combattre cette opinion et renverse cette espérance; sur le point d'être proclamé roi par la multitude en admiration qui l'entoure, Jésus s'enfuit et se cache pour rejeter ce nom et cet honneur ; devant le proconsul romain, il affirme que son royaume n'est pas de ce monde. D'après les descriptions que les Bvangiles donnent de ce royaume, les hommes se préparent à y entrer par la pénitence, ils n'y pénètrent que par la foi et par le baptême qui, tout erg, étant un rite extérieur, signifie pourtant et produit une régénération intérieure. Ce royaume s'oppose uniquement à celui de Satan, à la puissance des ténèbres, et il demande à ses sujets, non seulement de renoncer aux richesses pet aux biens terrestres, de manifester une grande douceur et d'avoir faim. et soif de justice, mais encore de renoncer àeux-mêmes et de porter leur croix.

« Puisque le Christ comme Rédempteur s'est acquis l'Église par son sang et comme Prêtre s'est offert et s'offre perpétuellement comme victime pour le péché, comment ne pas voir que sa dignité royale s'adapte et participe à la nature de ce double office ? Toutefois, ce serait une erreur honteuse de dénier au Christ-Homme la puissance sur les choses civiles quelles qu'elles soient ; il a, en effet, reçu du Père un droit si absolu sur les créatures que tout ;est soumis à son bon vouloir. Néanmoins, durant sa vie terrestre, il s'est complètement abstenu d'exercer cette autorité, et, comme autrefois il a dédaigné la possession et la direction des choses humaines, il les abandonna alors et les abandonne encore à leurs possesseurs. Vérïté magnifiquement exprimée par ces vers : « Non eripit mortalia qui regna dat coelestia. » II ne ravit pas des trônes sur terre, lui qui en donne au ciel. »

Deuxième question - Exposez ce caractère spirituel de la Royauté de Jésus-Christ.

Réponse - Rappelez-vous ce qui a été dit jusqu'à présent. En vertu de l'union hypostatique et de son action rédemptrice, Jésus-Christ possède toute autorité sur toute créature. L'homme doit aboutir à sa fin dernière par Jésus-Christ. Jésus-Christ est la Voie à suivre pour obtenir le salut, la Vérité destinée à éclairer tout homme venant en ce monde, la Vie qui a la mission de vivifier les âmes par la grâce.

En vertu de son pouvoir souverain, Jésus-Christ doit agir sur tout homme, de façon à être en toute réalité pour chacun : Voie, Vérité et Vie. En vertu de ce même pouvoir souverain qui Lui donne toute autorité sur toute Société et sur toute Autorité, Il devra nécessairement agir de manière que, d'une part, aucune autorité terrestre n'empêche et ne puisse empêcher Jésus-Christ d'être pour chacun Voie, Vérité et Vie ; et, d'autre part, que toute autorité, que toute société concourent effectivement à constituer Jésus-Christ pour chacun : Voie, Vérité et Vie.

Le caractère socialet spirituel de la Royauté du Christ, ressort avec une clarté parfaite des considérations que nous venons d'émettre. Jésus-Christ est Roi. Tout pouvoir Lui a été donné, même sur les choses temporelles. Ce pouvoir de droit peut s'exercer tout aussi bien dans l'ordre temporel que dans l'ordre spirituel. De fait, il se borne à une intervention spirituelle.

Troisième question - Dans quelle mesure le Christ intervient-II spirituellement dans les organisations sociales ?

Réponse - Il n'y a pas de limites à sa puissance d'intervention. En droit et en fait le Christ-Roi doit intervenir par Lui-même et par son Église, c'est-à-dire par son enseignement, dans les constitutions fondamentales des peuples et des pays, dans toutes les organisations sociales et jusque dans la Société des Nations. II doit en être ainsi, parce que c'est le seul moyen pour le Divin Roi d'accomplir la mission divino-terrestre qu'Il s'est imposée et que la Divine Trinité Lui a confiée.

Quatrième question - Dans ces conditions Jésus-Christ est le Roi de toutes les Nations.

Réponse - Il l'est effectivement. Selon la parole du prophète : Toutes les Nations Lui ont été données en héritage et son empire ou plus exactement sa propriété s'étend jusqu'aux confins du Monde.

Cinquième question - Les hommages publics qui doivent être rendus â Jésus-Christ Dieu et Homme ne procèdent-ils pas du caractère spirituel dont est revêtu la Royauté de Jésus-Christ.

Réponse - Effectivement, les hommages publics d'adoration et d'amour, de reconnaissance et de réparation, de prières et d'impétration sont dûs à Jésus-Christ, Dieu. Ils sont imposés à jésus-Homme et à tous les hommes par jésus-Roi. Jésus-Roi exerce une Royauté spirituelle parce qu'Il est Voie, Vérité et Vie. Il l'exerce encore parce qu'à Lui seul appartient le moyen d'adorer dignement et de rendre dignement tous ses devoirs à la Trinité Sainte. L'accomplissement de ces devoirs par l'homme est un des buts du pélerinage terrestre du Christ. Il appartient donc à sa Royauté d'imposer ces hommages spirituels à l'homme et à toute société : seul moyen pour l'un et pour l'autre d'atteindre leur fin dernière.



Sixième leçon - Puissance de l'Eglise dans l'ordre social établi par Dieu

Première question - Quelles sont les volontés du Christ, Roi des Sociétés à l'égard de l'Église ?

Réponse - Sa Volonté porte sur un double objet. D'abord, nous l'avons dit, l'Église doit à Dieu et à Jésus-Christ la soumission la plus complète. II ne lui est pas loisible d'ajouter une vérité à celles qui ont été enseignées par Jésus-Christ. Pareillement, il ne lui est pas loisible d'en retrancher une. Elle dépend de Dieu jusque dans les moindres détails, d'une dépendance absolue. Ensuite, de par la volonté de Jésus-Christ elle est chargée d'une mission à accomplir. C'est en vertu de son autorité sur toute autorité que Jésus-Christ lui confie cette mission. Celle-ci comporte nécessairement une participation à son autorité sur toute autorité.

Deuxième question - Voudriez-vous expliquer quelque peu cette mission de l'Église ?

Réponse - Voici la situation faite par Jésus-Christ à son Église. Il a dit à celle-ci : « Allez, enseignez tous les Peuples, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles. » Ces paroles expliquent les intentions de Jésus-Christ. Le Divin Maître veut que son Église soit dans le monde l'instrument du salut des âmes ; Il le veut, au point qu'à l'Église seule, à l'exclusion de tout autre organisme, il a confié le soin de conduire les âmes à leur. Béatitude finale. II veut certainement que son Église accomplisse dans le monde, pour le salut du monde, le rôle d'un organisme nécessaire.

Troisième question - Dans ces conditions, l'Église serait aussi nécessaire que le Christ Lui-même ; or cela n'est pas admissible.

Réponse - Il est parfaitement admissible que l'Eglise soit aussi nécessaire que le Christ, si le Christ veut qu'il en soit ainsi. Or, Jésus-Christ impose à son Église d'enseigner les Peuples et de conférer les sacrements. Pour mieux dire, Jésus-Christ impose que par l'intermédiaire de la Sainte Église, Il soit Lui-même, pour tout homme et pour toute société : Voie, Vérité et Vie.

Dans sa vie entière, l'homme a comme Roi Jésus-Christ; il a comme ordre précis et formel d'obéir à l'Église, dès que celle-ci parle au nom de Jésus, Voie, Vérité et Vie. Or, Jésus-Christ s'offre tel, non seulement à l'individu, mais à toute Société. Il faut que toute Société obéisse à l'Église comme au Christ Lui-même, dont l'Église a mission d'interpréter les pensées et les volontés, tant dans l'ordre social que dans l'ordre individuel.

Quatrième question - Mais, dans ces conditions, il revient à l'Église le titre de Reine et au Pape le titre de Roi.

Réponse - Incontestablement. L'Église n'a au-dessus d'Elle, ni à côté d'Elle, personne qui puisse l'éclairer, l'enseigner, la diriger, sinon Dieu, l'Esprit de Dieu et Jésus-Christ. Si Jésus-Christ est vraiment Roi, parce qu'Il exerce une autorité sur les individus, sur les Sociétés et sur toute Autorité, pareillement la Sainte Église, est Reine, parce qu'Elle doit enseigner aux hommes, chargés de l'autorité, leurs devoirs. Elle régit véritablement, donc Elle est Reine.

Au même titre et pour les mêmes raisons le Pape est vraiment Roi.

Cinquième question - Quelles sont les conséquences immédiates de ces vérités ?

Réponse - La première de toutes les conséquences c'est que Jésus-Christ et son Église ont l'obligation d'intervenir dans tout l'Orde Social. Dans toute obligation sociale, quelle qu'elle soit, ils ont comme mission divinement imposée, d'éclairer tes Peuples et les Sociétés sur leurs devoirs. C'est ce qu'enseigne le Saint-Siège, dans une lettre adressée par lui à l'Archevêque de Tours.

« Au milieu des bouleversements actuels, il importe de redire aux hommes que l'Église est, de par son institution divine, la seule arche de salut pour l'humanité. Établie par le Fils de Dieu sur Pierre et ses successeurs, elle est noir seulement la gardienne des vérités révélées, mais encore la sauvegarde nécessaire de la loi naturelle. Aussi est-il plus opportun que, jamais d'enseigner comme vous le faites, Monseigneur, que la vérité libératrice pour les individus comme pour les sociétés est la vérité surnaturelle dans toute sa plénitude et dans sa pureté, sans atténuation ni diminution et sans compromission, telle, en un mot, que Notre Seigneur Jésus-Christ est venu l'apporter au monde, telle qu'il en a confié la garde et l'enseignement à Pierre et à l'Église. » (Lettre du 16 mars 1917)

La seconde conséquence, conforme en tout à la première, c'est que Jésus-Christ et l'Église sont pour l'Ordre Social une nécessité. S'ils n'étaient pas nécessaires, Dieu ne les eut pas imposés au Monde comme moyen de salut. S'ils ont auprès des Peuples une mission obligatoire, tes Peuples ont une obligation réciproque de recourir, à eux.

Sixième question - Mais alors, l'Église a une mission à accomplir, non seulement auprès des âmes, mais encore auprès des Sociétés. Ne serait-ce pas là, un abus ?

Réponse - Oui, l'Église et le Pape ont à accomplir un rôle divinement imposé, non seulement auprès des âmes, mais encore auprès des Sociétés. D'abord, à l'Église seule, sur la terre est confié le dépôt, non seulement des vérités révélées, mais encore des vérités morales d'ordre naturel. Sans l'existence et la mise en pratique de cette loi morale, aucune Société ne peut subsister. A l'Église donc, il appartient d'enseigner les vérités primordiales, qui seules peuvent sauver le monde et chaque pays en particulier. A l'Eglise et à l'Eglise seule, il appartient d'interpréter avec autorité les lois de justice naturelle qui doivent présider aux rapports des Peuples entre eux. II est tout indiqué qu'il en soit ainsi. L'Eglise doit conduire les Peuples à leur fin dernière. Ceux-ci ne vivent normalement en ce monde que dans l'état de Société. A l'Église donc, il revient de les conduire à leur fin, par la Société dans laquelle Dieu veut quia vivent. C'est la vérité primordiale de la fin dernière voulue par Dieu et qui doit être voulue par l'homme qui éclaire taures ces grandes questions. Il n'est pas étonnant que :e mépris de cette vérité et de cette loi entraîne après lui 'es châtiments divins. N'est-ce pas un châtiment réel que l’impuissance dans laquelle se débattent les Gouvernements pour procurer la Paix aux Nations. Dieu, l'Église et le Pape sont mis de côté. On veut se passer d'eux. La conséquence de cet oubli criminel est fatale : on veut faire sans Dieu ; Dieu laisse faire sans Lui. On ne fait rien de bon.

Septième question - Dans ces conditions il faudrait donc, malgré tout, inculquer aux hommes la dépendance de toute Société à l'égard de Dieu, de son Christ et de la Mission de l'Église ?

Réponse - Indubitablement. On dit communément « Entre deux maux il faut choisir le moindre. » Or, il est certain que le mal résultant du silence de ceux qui ont la mission d'enseigner est tout â la fois plus grand et plus pernicieux que tout autre mal. Pour de pareilles circonstances Jésus-Christ à parlé clair et net : pour établir sa Vérité dans le monde, s'il faut passer par la souffrance et la persécution, il faut y passer. Mieux vaut le martyre que le sacrifice et le reniement des vérités nécessaires au salut.



Septième leçon - Erreur fondamentale qui règne aujourd'hui

Première question - Quel est, au sujet des matières que nous venons de traiter, l'erreur la plus pernicieuse et la plus néfaste ?

Réponse - Incontestablement, l'erreur à la fois la plus pernicieuse et la plus irréductible est celle en vertu de laquelle il n'y a, et il ne peut y avoir, ni pour l'individu, ni pour les Sociétés, de vérité imposée c'est-à-dire existante. Donc, en droit et en fait, il n'y a et il ne peut y avoir ni vérité, ni erreur. La conséquence strictement logique c'est qu'il n'y a ni bien, ni mal, ni droit, ni justice. Tons les droits sont accordés et au même titre à l'erreur et à la vérité, au bien et au mal.

Deuxième question - Expliquez-vous. Qu'entendez-vous par ces droits accordés à l'erreur ?

Réponse - II est assez aisé de s'expliquer sur ces points. Tous les organismes sociaux officiels et particulièrement les constitutions des Peuples ont adopté comme fondement pratique La Déclaration des Droits de l’Homme de 1789. Les droits du l'Homme sont absolus ; il est le maître. Tout, même la Vérité dépend de lui et est faite par lui.

Troisième question - Quel sens attribuez-vous à la Déclaration des Droits de l'homme si vous la considérez du point de vue social moderne ?t

Réponse - C'est extrêmement simple. Jadis, Dieu était le centre, le principe et le terme de tout dans l'organisation sociale et chez l'individu. A la base des constitutions des Peuples se trouvaient Dieu, Jésus-Christ, la mission de l’Eglise, selon les exigences des Droits divins. D'un coup, on a supprimé les droits de Dieu. De la sorte, partout où Dieu était Maître et régnait comme tel, Il est remplacé par l'homme, dont les pensées et les volontés prennent la place de la pensée de Dieu, de la Vérité divine, des volontés et de la loi de Dieu.

Quatrième question - Sous quelle forme ces théories sont-elles présentées au public ?

Réponse - Cet état de choses est consacré par la théorie des grandes libertés modernes qui servent de base aux constitutions de tous les pays. Il y a la liberté de conscience, la liberté d'enseignement, la liberté de la presse, la liberté d'association et la liberté des cultes. Ces libertés sont modérées par la loi. La loi est l'expression de la volonté générale.

Cinquième question - Quel est le sens précis de ces libertés ? Ne signifient-elles pas que l'homme doit jouir d'une liberté entière pour enseigner et pratiquer le bien?

Réponse - C'est un sens selon lequel on pourrait les entendre. Malheureusement, ce n'est pas le sens qui répond à la réalité. Le libéralisme moderne a compris et appliqué tout autrement ces grandes libertés. Celles-ci consistent dans le fait que chacun est libre, en droit, de vivre comme il l'entend et d'enseigner ce qu'il veut ; d'écrire et de publier selon ses caprices ; de s'associer dans un but, bon ou mauvais. Chacun enfin est libre de rendre un culte à qui il veut, à Dieu, à Jésus-Christ, à Mahomet et même à Satan, si cela lui plait.

Sixième question - Quel rapport y a-t-il entre ces théories des libertés modernes et l'erreur fondamentale que vous signaliez tout à l'heure ?

Réponse - Ces rapports sont tout indiqués. Pour les Sociétés et les Nations contemporaines et pour l'homme formés selon les Principes de 89, il n'existe plus de vérité ; il existe purement et simplement l'homme, c'est-à-dire la pensée et la volonté de l'homme. Chacun a le droit strict de concevoir et de nourrir les pensées qu'il veut et de les donner comme directives à sa vie. C'est la preuve manifeste que pour l'homme existe simplement comme réalité, dont il doit tenir compte, sa propre pensée connue et forgée par lui. En dehors de lui la vérité est non existante. Conséquemment à cette doctrine, chacun a le droit strict d'enseigner ce qu'il veut par la parole et par la plume. Toujours pour la même raison, la loi elle-même qui dirige les pays vaut dans la mesure, non pas où elle exprime la Vérité et la Volonté divine, mais dans la mesure où elle est l'expression de la volonté générale connue par l'élection et par le vote. Bref, le Droit moderne ne reconnaît et ne professe aucune vérité ; il s'incline uniquement devant la pensée humaine.

Septième question - Vous attribuez donc à « la Déclaration des Droits de l'homme » une influence prépondérante sur la mentalité moderne et sur les erreurs régnantes ?

Réponse - Indubitablement. Si en vertu d'un droit, l'homme peut penser ce qu'il veut, il peut du coup, en vertu du même droit - et ceci est particulièrement grave - vouloir ce qu'il veut et agir comme il l'entend, pour lui, il n'existe que lui-même et les droits de l'homme déifié, indépendant de toute autorité et de toute vérité. Cette doctrine autorise toutes les erreurs dans tous les ordres de choses. En philosophie, en théologie, en politique, dans les matières économiques et sociales, doivent prédominer et servir de guide, la pensée et les caprices de l'homme. Mais ce qui donne à cette doctrine son importance et son exceptionnelle gravité, c'est que tous les droits, dont se réclame la Déclaration de 89, sont dus à l'homme en droit strict, officiellement reconnus et professés. Toute pensée, toute parole, toute action qui sont basées sur ces droits sont nécessairement légitimes.

Huitième question - Mais, « la Déclaration des Droits de l'homme » ne trace-t-elle pas une limite au dévergondage de l'action de l'homme ?

Réponse - En effet, d'après les Principes de 89, les Droits de l'homme sont limités par les Droits de son semblable. Ainsi, mon droit de m'emparer du bien d'autrui est limité par le droit de mon semblable à la propriété. Mon droit de tuer est limité par le droit de mon semblable à la vie. Toutes ces limites obtiennent leur consécration et leur valeur dans la loi.

Mais, qui ne voit qu'elles sont illogiques. Si par principe, mes droits sont absolus, personne ne peut y opposer une limite quelle qu'elle soit. Malgré toutes les restrictions qui seront posées par la loi, toujours prédominera contre la loi, le dogme fondamental de la liberté sans frein et des droits sans restriction de l'homme. Qui ne voit la licence accordée à toute doctrine et à tout enseignement. Sous le couvert des Droits de l'homme, les erreurs les plus pernicieuses et les plus monstrueuses peuvent s'introduire dans tous les organismes sociaux et en droit se réclamer de la protection des autorités qui ont la mission de protéger non pas la Vérité mais la pensée de l'homme.

Neuvième question - Vous allez à l'encontre de toutes les idées admises et vous sapez à sa base le droit moderne.

Réponse - Effectivement, nous battons en prêche tous les principes dits modernes.

Dixième question - Ne pourriez-vous pas me donner une notion exacte du Droit moderne ?

Réponse - Je vous répondrai par la notion qu'en donne le Pape Léon XIII, dans sa superbe encyclique Immortale Dei : « Tous les hommes, dès lors qu'ils sont de même race et de même nature, sont semblables, et, par le fait, égaux entre eux dans la pratique de la vie. Chacun relève si bien de lui seul, qu'il n'est d'aucune façon soumis à l'autorité d'autrui ; il peut, en toute liberté, penser sur toutes choses ce qu'il veut, faire ce qui lui plaît ; personne n'a le droit de commander aux autres. Dans une société fondée sur ces principes, l'autorité publique n'est que la volonté du peuple, lequel, ne dépendant que de lui-même, est aussi le seul à se commander. Il choisit ses mandataires, mais de telle sorte qu'il leur délègue moins le droit que la fonction du pouvoir pour l'exercer en son nom.

La souveraineté de Dieu est passée sous silence, exactement comme si Dieu n'existait pas, ou ne s'occupait en rien de la Société du genre humain ; ou bien comme si les hommes, soit en particulier, soit en société, ne devaient rien à Dieu, ou qu'on pût imaginer une puissance quelconque, dont la cause, la force, l'autorité ne résidât pas tout entière en Dieu même. s De cette sorte, on le voit, l'Etat n'est autre chose que la multitude maîtresse et se gouvernant elle-même ; et dés lors que le peuple est censé la source de tout droit et de tout pouvoir, il s'ensuit que l'État ne se croit lié à aucune obligation envers Dieu, ne professe officiellement aucune religion, n'est pas tenu de rechercher quelle est la seule vraie entre toutes, ni d'en préférer une aux autres, ni d'en favoriser une principalement, mais qu'il, doit attribuer à toutes l'égalité en droit, à cette fin seulement de les empêcher de troubler l'ordre public.

Par conséquent, chacun sera libre de se faire juge de toute question religieuse, chacun sera libre d'embrasser la religion qu'il préfère ou de n'en suivre aucune, si aucune ne lui agrée. De là découlent nécessairement la liberté sans frein de toute conscience, la liberté absolue d'adorer ou de ne pas adorer Dieu, la licence sans bornes et de penser et de publier ses pensées. »

Bref, d'après Léon XIII, les principes du Droit moderne sont les suivants :

Tout pouvoir et toute autorité émanent de l'homme ; c'est la première conséquence de la Déclaration des Droits de l'Homme ;

Ce pouvoir se traduit par l'acceptation et la mise en pratique de la liberté la plus absolue. Si l'homme a tous les droits, il ne peut subir une contrainte ni une obligation ;

Comme le droit d'un homme peut s'opposer au droit d'un autre, le Droit moderne établit une restriction dans l'usage de la liberté absolue : mon droit est limité par le droit d'autrui. Quoique illogique, cette disposition est nécessaire pour éviter les conflits et les abus qui seraient inévitables. Dans toute société organisée il faut une législation. Cette législation prendra son mot d'ordre, non en Dieu ou en Jésus-Christ ou dans la Loi Eternelle, mais dans la volonté générale des hommes appartenant à telle Société. Les individus envoient aux Parlements leurs mandataires chargés d'exprimer leur volonté.

La Législation n'est autre chose que l'expression des volontés de la multitude. Elle est donc la résultante des droits de l'homme.

Insistons sur ce point capital : la volonté générale, ne devant tenir compte que d'elle-même, peut imposer des lois néfastes et contraires à tout droit. Cependant, ces lois deviennent le Droit, par le fait qu'elles sont la loi, c'est-à-dire l'expression de la volonté générale.

Onzième question - Y a-t-il une différence profonde entre le Droit Moderne et le Droit Catholique, basé sur les Droits Divins ?

Réponse - La différence est complète. Le Droit Moderne est basé sur l'homme. Le Droit Catholique est basé sur Dieu. Le Droit Catholique se place au point de vue de la fin suprême et dernière de l'homme. Le Droit Moderne se place au point de vue de l'homme, sa fin suprême à lui-même. Le Droit Catholique commence par tenir compte de la dépendance absolue de toute créature à l'égard de Dieu et spécialement de la dépendance, à son égard, de toute Société et de tous les Etats. Le Droit Moderne constitue l'union des volontés qui fonde la Société sur la volonté de chacun des associés, indépendamment de toute volonté divine. Le Droit Catholique, c'est l'établissement, en vertu du droit, du règne de Dieu dans l'individu et les Sociétés. Le Droit Moderne c'est la négation pratique de la Vérité Catholique et de toute Vérité divine. C'est l'établissement officiel, et consacré par le droit, du laïcisme, de l'athéisme et même de toute autre erreur. Bref, le Droit Catholique c'est le Droit, c'est l'autorité et la puissance qui résultent du Droit, mis au service de la Vérité, qui seule doit sauver les individus et les Peuples.

Le Droit Moderne c'est le droit, c'est l'autorité et la puissance du Droit, mis au service de l'homme pour ravaler juridiquement - donc légitimement - les intelligences et les volontés, les Sociétés et les Etats, au niveau de l'homme déifié, c'est-à-dire principe et fin de toutes choses. Comparez les Constitutions des Peuples qui procèdent des Principes modernes à celles qui procèdent des Principes catholiques et vous aurez une faible idée des désastres produits par le Droit Moderne

(Dans son Encyclique Libertas praestantissimum, Léon XIII expose la nature du libéralisme en ces termes : Oui, on peut distinguer plusieurs espèces de libéralisme ; car il y a pour la volonté plus d'une forme et plus d'un degré dans le refus de l'obéissance due à Dieu, ou à ceux qui participent à son autorité divine. '

S'insurger complètement contre l'empire suprême de Dieu et lui refuser absolument toute obéissance, soit dans la vie publique, soit dans la vie privée et domestique. C'est à la fois, sans nul doute, la plus grande dépravation de la liberté et la pire espèce de libéralisme. C'est sur elle que doivent tomber, sans restriction, tous les blâmes que nous avons formulés.

Immédiatement après vient le système de ceux qui, tout en concédant qu'on doit dépendre de Dieu, Auteur et Maître de l'univers, puisque toute la nature est réglée par sa Providence, osent répudier les règles de foi et de morale qui, dépassant l'ordre de la nature, nous viennent de l'autorité même de Dieu, ou prétendent, du moins, qu'il n'y a pas à en tenir compte surtout dans les affaires publiques de l'État. Quelle est la gravité de leur erreur et combien peu ils sont d'accord/avec eux-mêmes. Nous l'avons vu plus haut. C'est de cette doctrine que découle, comme de sa source et de son principe, cette pernicieuse erreur de la séparation de l'Église et de l'État, quand au contraire, il est manifeste que ces deux pouvoirs, quoique différents dans leur mission et leur dignité, doivent néanmoins s'entendre dans la concorde de leur action et l'échange de leurs bons offices.

A cette erreur, comme à un genre, se rattache une double opinion. Plusieurs, en effet, veulent entre l'Église et l'État une séparation radicale et totale ; ils estiment que, dans tout ce qui concerne le gouvernement de la société humaine, dans les institutions, les mœurs, les lois, les fonctions publiques, l'instruction de la jeunesse, on ne doit pas plus faire attention à l'Église que si elle n'existait pas ; tout au plus laissent-ils aux membres individuels de la société la faculté de vaquer en particulier, si cela leur plait, aux devoirs de la religion. Contre eux gardent toute leur force les arguments par lesquels nous avons réfuté l'opinion de la séparation de l'Eglise et de l'Etat ; avec cette aggravation qu'il est complètement absurde que l'Eglise soit, en même temps, respectée du citoyen et méprisée par l'État.

Les autres ne mettent pas en doute l'existence de l'Église, ce qui leur serait d'ailleurs impossible, mais ils lui enlèvent le caractère et les droits propres d'une société parfaite et veulent que son pouvoir, privé de toute autorité législative, judiciaire, coercitive, se borne à diriger par l'exhortation, la persuasion, ceux qui se soumettent à elle de leur plein gré et de leur propre volonté. C'est ainsi que le caractère de cette divine société est, dans cette théorie, complètement dénaturé, que son autorité, son magistère, en un mot, toute son action se trouve diminuée et restreinte, tandis que l'action et l'autorité du pouvoir civil, sont par eux, exagérés, jusqu'à vouloir que l'Église de Dieu, comme toute autre association libre, soit mise sous la dépendance et la domination de l'État.

Pour les convaincre d'erreur, les apologistes ont employé de puissants arguments que Nous n'avons pas négligés Nous-mêmes, particulièrement dans Notre Encyclique Immortale Dei ; et il en ressort que, par la volonté de Dieu, l'Église possède toutes les qualités et tous les droits qui caractérisent une société légitime supérieure et de tous points parfaite.

Beaucoup enfin n'approuvent point cette séparation de l'Église et de l'État ; mais ils estiment qu'il faut amener l'Église à céder aux circonstances, obtenir qu'elle se prête et s'accommode à ce que réclame la prudence du jour dans le gouvernement des sociétés.

Opinion honnête si l'on entend d'une certaine manière équitable d'agir, qui soit conforme à la vérité et à la justice, à savoir : que l'Église en vue d'un grand bien à espérer, se montre indulgente, et concède aux circonstances de temps ce qu'elle peut concéder sans violer la sainteté de sa mission. Mais il en va tout autrement des pratiques et des doctrines que l'affaissement des mœurs et les erreurs courantes ont introduites contre le droit. Aucune époque ne peut se passer de religion, de vérité, de justice : grandes et saintes choses que Dieu a mises sous la garde de l'Église, à qui il serait dès lors étrange de demander la dissimulation à l'égard de ce qui est faux ou injuste, ou la connivence avec ce qui peut nuire à la religion. (E. Libertas praestantissimum)

Douzième question - N'y a-t-il pas un libéralisme qui, dans ces matières, établit une distinction parfaitement admissible ?

Réponse - II y a différentes espèces de libéralisme. Ce n'est pas ici le lieu d'en parler longuement. Nous nous bornons à la substance de la doctrine, qui se manifeste sous deux aspects différents. Il y a d'abord le libéralisme fui attribue les droits à l'Erreur et au Mal, au même titre qu'à la Vérité et au Bien. C'est, nous l'avons dit, le principe de tous les dévergondages. Léon XIII, dans les paroles que nous rapportons, stigmatise à juste titre ce libéralisme comme hérétique et impie. Il y a le libéralisme plus mitigé. Celui-ci, par une étrange aberration, prend le titre de libéralisme catholique. Dans ses conséquences, il n'est pas moins pernicieux que l'autre. Sans affirmer que l'Erreur et le Mal ont des Droits, ce libéralisme n'affirme pas qu'ils n'en ont pas. II trouve, au contraire, conforme à l'esprit de tolérance et à la charité chrétienne, que l'on vive en face des erreurs modernes et de ceux qui les professent, comme si ces erreurs avaient des Droits. Il déclare que chacun a ses opinions et a le droit de les avoir, qu'il ne faut molester personne en raison de ses opinions et de ses idées. C'est mettre pratiquement sur le même pied l'Erreur et la Vérité, le Bien et le Mal. Les résultats de cet enseignement sont néfastes au plus haut point ; il y est professé qu'il faut traiter avec respect, non pas ceux qui professent telle doctrine, mais la doctrine elle-même que Dieu condamne.

Treizième question - N'est-il pas préférable, malgré tout, d'en agir ainsi ?

Réponse - Certainement non. II y a deux raisons de ne pas se conformer aux données du libéralisme dit catholique. La première, c'est que par ce libéralisme Dieu et Jésus-Christ sont privés de leur Gloire dans l'Ordre Social. Celui-ci doit être imprégné de Dieu et de son Christ. A cause de l'attitude du Libéralisme dit catholique, Dieu ne sera jamais connu, aimé et glorifié comme II doit l'être. La deuxième raison est le danger de se perdre que courent les âmes dans une Société formée selon les principes du Libéralisme dit catholique. Le Catholicisme est essentiellement envahissant et éducateur. S'il n'envahit pas, il n'éduque pas selon l'Esprit du Christ. Il forme des milieux dont l'atmosphère devient fatalement acatholique et même athée. De cette manière le libéralisme, dit catholique, contribue à la perte d'un nombre incalculable d'âmes.

Quatorzième question - Mais le Pape parle surtout des ravages causés par le laïcisme. Pourquoi dès lors traiter la question de libéralisme ?

Réponse - II est de toute évidence que le laïcisme a obtenu droit de cité dans l'ordre social en vertu des principes du libéralisme. Quel que soit le sens précis attribué au mot : « laïcisme » - il faut admettre que la doctrine qui s'offre au public sous cette dénomination met l'homme à la place de Dieu. L'Homme doit régner là où Dieu seul possède l'autorité. Or, toutes les théories de ce genre se rattachent à la déclaration des Droits de l'homme et à la liberté dont celui-ci doit jouir envers et contre tout, surtout envers et contre Dieu.

Le laïcisme procède en voie directe du libéralisme. Le libéralisme est son plus fort appui, il porte en lui sa justification de toute révolte contre l'Etre suprême.




Huitième leçon - Droits intangibles de la Vérité et du Bien

Première question - La Vérité et le Bien sont-ils seuls à avoir des droits ?

Réponse - Affirmativement.

Deuxième question - Sur quelle base repose votre affirmation ?

Réponse - Sur des données théologiques et philosophiques.

Troisième question - Quelles sont ces données philosophiques ?

Réponse - Les voici : Le néant n'a aucun droit puisqu'il n'existe pas. Il est impossible à ce qui n'existe pas d'avoir des droits. Attribuer des droits au néant est donc une injustice. Or, que fait-on quand on attribue des droits à l'erreur ? On attribue un droit au néant. Il suffit de se rendre compte de ce que sont la Vérité et l'Erreur pour le comprendre. La Vérité se trouve dans l'intelligence, dans la mesure où l'intelligence reproduit exactement une réalité existante. Quand l'intelligence produit intellectuellement en elle-même une chose qui n'est pas, alors il y a erreur. Or, que se passe-t-il en pareil cas ? J'ai dans mon esprit l'idée d'une chose comme si elle était. Je lui attribue le droit d'être dans mon esprit comme si elle était. En réalité elle n'est pas. Dès lors qu'elle n'est pas,'elle est une création de mon esprit propre, qui n'a aucun fondement. Comment puis-je donner comme base à ma vie, à mon action, une réalité qui n'est pas ? Que doit-il résulter d'une semblable aberration ? Ce qui résulte nécessairement dans tout édifice qu'on élève sans fondement. Je donne comme base à ma vie et à mon action mon idée qui ne répond à rien d'objectif et de réel, nécessairement tout l'édifice intellectuel et social que j'élève sur cette idée est destiné à crouler. A une action et à une vie il ne peut y avoir d'autre fondement qu'une réalité vraie. C'est pourquoi, seule la Vérité a, dans l'ordre individuel et social, le droit à l'existence. A aucun point de vue l'erreur ne peut revendiquer ce droit. Quand elle s'installe, dans une intelligence ou dans les masses, elle usurpe des droits qui ne lui reviennent pas, elle est injuste.

Quatrième question - Sur quelles données théologiques basez-vous votre affirmation ?

Réponse - Je la base sur la Révélation faite au monde par Jésus-Christ. Notre Seigneur est venu ici-bas pour sauver l'univers et chaque homme en particulier. Dans ce but, Il a révélé au monde la Vérité. Cette Vérité Lui appartient en vertu de son droit divin et aussi en vertu de son ouvre Rédemptrice. Si cette Vérité Lui appartient et si elle est donnée au monde par Lui, dans un sens et dans un but très précis, la ruiner, l'amoindrir est une injustice. C'est sacrifier le droit de Jésus-Christ.

Cinquième question - Mais, dans ces conditions, il n'y aura de place que pour la Vérité ? N'y a-t-il pas la fameuse distinction entre la thèse et l'hypothèse.

Réponse - Effectivement, il ne peut y avoir de place que pour la Vérité et le Bien. Quant à la distinction entre la thèse et l'hypothèse, il faut la bien comprendre. Ce qui est un fait, c'est que le recours à cette distinction a été cause de la perte de beaucoup d'âmes.

Sixième question - Mais cette distinction n'est-elle pas approuvée par l'Église ?

Réponse - Nullement. Elle est une subtilité inventée par certains théologiens. On s'en sert pour se former la conscience et comme on dit communément pour se tirer d'affaire.

Septième question - Ne pourriez-vous pas m'exposer la raison d'être de cette distinction et comment on y a recours ?

Réponse - Par thèse, on entend la situation faite à la Vérité et au Bien, selon tous leurs droits. Ainsi, dans l'état de thèse, la Trinité, Jésus-Christ et l'Église occupent dans les Pays et parmi les Nations la place qui, de droit, leur revient. Dans ce cas, pratiquement, nous vivons sous le Règne de Jésus-Christ et de son Église. A côté de cette situation de droit, il y a une situation de fait. De fait, Jésus-Christ n'exerce pas son empire, sur les sociétés ; de fait, la Vérité et le Bien ne jouissent pas des prérogatives qui de droit leur reviennent. Bien plus, le Monde et les Etats sont corrompus. Leur corruption est telle qu'il est impossible de songer pratiquement en ce moment à rendre à la Vérité et au Bien ce qui n'est qu'un droit strict. C'est l'état d'hypothèse, c'est-à-dire l'état dans lequel nous nous trouvons en face de la puissance et souvent de la puissance organisée des ennemis de Jésus-Christ et de l'Eglise. Que faire en pareil cas ? Personne ne peut trahir la Vérité et le Bien, personne ne peut renier Dieu ni l'Eglise, mais dans les conditions actuelles il faut tolérer certaines situations qu'on ne peut améliorer immédiatement. Toutefois, il est à remarquer que cette tolérance est une simple tolérance et non une approbation. Èn pareil cas, chacun doit conserver dans son âme la volonté arrêtée de rendre à la Vérité et au Bien leurs droits. En outre, il faut qu'on use de la liberté accordée à chacun pour faire le bien et spécialement pour diffuser partout les principes de Vérité et ainsi insensiblement en revenir à l'état de la thèse.

Huitième question - N'avez-vous pas dit qu'en recourant à cette distinction on avait fait beaucoup de mal?

Réponse - Effectivement, beaucoup de catholiques ont accepté cette distinction comme un moyen d'échapper à leurs devoirs d'apostolat. On déclare simplement : « nous sommes dans l'état d'hypothèse » et on ne fait rien pour en revenir à l'état de thèse. C'est un premier effet funeste produit par cette distinction. Il en est un autre qui dérive du précédent : cette distinction, en tranquillisant et en mettant au repos les consciences des militants, crée une atmosphère d'inaction et parfois de découragement au point de vue social. On s'habitue tellement à la respirer qu'on ne s'aperçoit pas du venin qu'elle comporte et qu'inconsciemment on absorbe. II n'y a pas à dire, il faut qu'on en revienne à la mise en pratique des paroles de Jésus-Christ : « Est, est ; non, non. » Ces paroles du Divin Maître ne peuvent être réalisées que dans une adhésion franche, loyale et complète aux seuls principes de Vérité qui doivent diriger l'Ordre Social vers Dieu. II faut répéter ici ce que nous avons dit ci-dessus. Dés que la distinction entre la thèse et l'hypothèse amoindrit pratiquement l'action envahissante et éducatrice de l'Eglise parmi les Peuples, elle lui fait manquer partiellement sa mission. Non seulement les âmes ne se sanctifient pas, elles s'engourdissent et finissent dans l'indifférence pratique.

Neuvième question - Permettez-moi de vous exposer une difficulté. Quand nous sommes dans l'état d'hypothèse, vous tolérez l'existence de l'erreur ; quand nous sommes dans l'état de thèse vous ne la tolérez plus ; nous sommes exposés à voir surgir partout, sous la protection du Souverain Domaine de Dieu et de la Royauté du Christ, un état de tyrannie.

Réponse - C'est une difficulté que nous opposent les incroyants. On semble nous dire : quand vous êtes les maîtres, vous êtes d'une exigence exorbitante et nous pouvons nous attendre à tout de votre part. Quand vous n'êtes pas les maîtres, il vous faut la liberté que vous refusez aux autres. Pour porter un jugement sain sur cette question, il faut se placer en face des réalités vraies. Ces réalités sont que l'homme est sur la terre pour sauver son âme, qu'il s'y trouve devant la redoutable alternative d'être, ou éternellement béatifié, ou éternellement damné. Il n'y a pas de milieu. Or, nous savons quelles sont les exigences divines. Pour être sauvé, l'homme doit mourir se trouvant en état de grâce. On ne peut être plus cruel à son endroit qu'en lui facilitant le moyen de se perdre. On ne peut lui témoigner une plus grande et plus réelle charité qu'en contribuant à lui procurer l'Éternelle Béatitude. Or, les Constitutions modernes des Peuples, en permettant et en consacrant toutes les perversions de l'esprit et du coeur donnent toute facilité aux âmes de se damner. Cela dit, voici en deux mots ma réponse à la difficulté proposée : 1° Incontestablement, si nous étions les maîtres, nous ferions l'impossible pour que pas une âme ne se damne ; 2° Nous nous souviendrions que, il y a une différence entre l'Ordre Social et l'Ordre Individuel. Dans l'ordre strictement individuel nous ne violenterions pas les consciences. Si malgré nous et malgré tout, quelqu'un veut se perdre, c'est au fond -son affaire. Par conséquent, si quelqu'un s'obstinait à refuser obéissance au Christ et à l'Église, nous le laisserions à sa conscience, pourvu qu'il ne cause pas de scandale. Nous disons : pourvu qu'il ne cause pas de scandale. Évidemment, nous ne pourrions tolérer que l'incroyance d'un individu nuise au bien général d'une Société ou d'un Pays ou même au bien particulier d'une âme. C'est pourquoi 3° Nous interdirions à toute erreur et à tout mal la possibilité de se propager. C'est le sens dans lequel nous supprimerions des Codes et des Constitutions des Pays les grandes libertés modernes.



Neuvième leçon - Le péché du libéralisme : péché de l'Europe et du Monde

Première question - Le libéralisme est-il un péché ?

Réponse - Incontestablement. II faut tenir compte des bonnes intentions, du défaut de lumières et de l'ambiance qui diminuent les responsabilités, mais à considérer les choses en elles-mêmes, le libéralisme est un péché de l'esprit.

Deuxième question - Expliquez-vous. Comment faut-il comprendre ce péché de l'esprit.

Réponse - Rappelez-vous ce qui a été dit, en réponse à la deuxième leçon, question dixième. Le péché que nous avons signalé à cet endroit, est un péché de l'esprit. Ce péché, qui est celui du Libéralisme, comporte à l'égard de Dieu une injustice et une suprême injure. En effet, dans la Déclaration des Droits de l'homme et dans les libertés qui en découlent, l'homme s'est substitué à Dieu.

Voici comment les, choses se sont passées. De par les principes et le droit modernes, seul l'homme doit et peut se trouver là où Dieu, précisément parce qu'il est Dieu, doit être. Créateur et Maître absolu, de par la nature même des choses, Il est le Dieu de la conscience individuelle, le Dieu 'de la Société, des Nations et de l'Univers. On le supprime et, en sa place, l'esprit humain établit l'homme et la pensée de l'homme, en tant que substitué à Dieu, c'est-à-dire déifié, maître absolu et arbitre de ses destinées personnelles, familiales et sociales, nationales, internationales et mondiales.

L'homme est, et s'est déclaré le maître. Si, dans sa sagesse, il juge opportun de se soumettre à ce que dans sa pensée il estime « Dieu », « le Christ », « l'Église », il ne sera pas molesté parce qu'il est maître de sa conscience. II en doit être tout autrement de l'introduction de ce Dieu et de son Église dans la Société et les États.

L'homme étant officiellement substitué à Dieu, quiconque veut rendre à Dieu sa place devient ennemi de l'homme qui est maître de l'Univers et de l'Ordre Social.

Dieu est nécessairement usurpateur. L'Église est usurpatrice. Tout effort de la part de l'Église pour accomplir sa mission dans l'Ordre Social est inévitablement une mainmise cléricale sur la Société. La laïcisation générale et universelle est une nécessité. L'individu est laïcisé. On ne veut connaître en lui qu'une grandeur humaine, faite des principes naturels d'humanité, de justice, de bonté, etc. Toute institution sociale doit être laïcisée : les États, les Constitutions des Peuples et leur législation, les Gouvernements, les Parlements, les Sénats, tout organisme officiel, toute institution publique et même les institutions privées, dès qu'elles entrent en rapport avec un organisme officiel, doivent porter le caractère de l'homme seul.

L'empreinte surnaturelle est effacée de partout. L'Ordre surnaturel doit être non-existant. L'Église, si elle survit en raison de volontés individuelles, sera, tout au plus, une société privée sans aucun droit public. Elle ne peut jouir au point de vue social, que des droits et privilèges que l'homme estime pouvoir lui accorder. Un gouvernement composé d'individualités catholiques pourra lui être favorable, mais cette faveur relèvera nécessairement de l'homme, qui, de droit, la refusera ou l'octroiera à son gré.

C'est l'injustice suprême, puisqu'on prive l'Etre Suprême de son droit absolu ; c'est l'injure souveraine puisque, après l'avoir dépouillé injustement, on le déclare usurpateur.

Troisième question - Comment les libertés modernes aboutissent-elles à cette conclusion fatale ?

Réponse - Nous l'avons dit, pour l'homme moderne fa seule vérité existante c'est la pensée de l'homme. Par le fait, toute Société et tout Etat, qui sont bâtis sur les Principes de 89 se sont établis dans l'impossibilité de reconnaître ou de professer aucune vérité ; de reconnaître ou de professer aucun culte. C'est la conséquence logique des grandes libertés modernes. Je m'explique : prenons comme exemple la liberté d'enseignement. Tel maître enseigne les propositions que voici : « Dieu existe » - « Jésus-Christ est Dieu » - « L'Église catholique est une oeuvre divine.» En vertu de ses principes, l'État doit te laisser faire. Tel autre maître enseigne les doctrines contradictoires des premières : « Dieu n'est pas. » - « Jésus-Christ n'a pas existé, ou n'est qu'un halluciné. » - « L'Église est une vaste conspiration » En vertu des mêmes principes, l'État doit laisser faire. C'est dire que l'État n'adhère à aucun de ces enseignements et doit n'en reconnaître aucun comme vrai.Il doit les protéger tous deux au même titre constitutionnel et au même degré.

La seule vérité pour lui, c'est que chacun est libre d'enseigner. Au point de vue strictement logique, l'État moderne est donc nécessairement athée et libre-penseur, parce que les Constitutions des États sont libres-penseuses, athées ou plus exactement a vraies, « sans vérité », c'est-à-dire pratiquement : contre la vérité, contre Dieu.

En effet, quand l'État moderne se trouve en face d'une vérité réellement existante, telle la vérité première : Dieu, - Quelle doit donc être son attitude sous peine de renier ses principes? Il faut qu'il ne sache pas que dans la proposition « Dieu est » se trouve la vérité. Il faut qu'il n'adhère pas à cette proposition. S'il y adhérait, il exprimerait sa connaissance de la vérité et sa volonté de lui être attaché. Il ne peut faire ni l'un, ni l'autre. Son attitude doit être semblable devant chacun de ces deux enseignements « Dieu est », « Dieu n'est pas ». Socialement, l'État moderne doit ne pas savoir s'il y a vérité. Il doit s'opposer à ce qu'un enseignement pénètre chez lui au titre de vérité. Cette introduction de la vérité serait une supériorité de celle-ci sur.l'Etat et la Constitution des pays. Ce qui ne peut être.

Les États et les Constitutions des Peuples doivent s'opposer à l'action de la Vérité afin qu'ils restent ce qu'ils sont, c'est-à-dire, a-vrais, athées, opposés à tout principe qui ne les laisse pas maîtres et arbitres de leurs destinée, et pratiquement contre Dieu, contre le Christ et contre l'Église.

Au contraire, toute pensée, en tant que pensée de l'homme, est de droit enseignable. Elle obtient le suffrage de l'Etat. Le motif est péremptoire. L'État ne connaît que l'homme. La pensée humaine et toute idée sont un produit de l'esprit humain. En les enseignant, rien de supérieur à l'homme n'est introduit dans la Soçiété.

Les pensées : « Dieu est », « L'Église catholique est divine » peuvent être enseignées de droit, non parce qu'elles sont l'expression de la vérité objective, mais parce que des sujets de l'État estiment ces pensées bonnes et d'utilité privée ou publique. Les pensées : « Dieu n'est pas », « l'Église catholique est une fourberie » peuvent être enseignées au même titre.

Ainsi en doit-il être logiquement de l'enseignement du vol, du meurtre, de l'immoralité et de l'assassinat. Une législation en contradiction avec les principes de l'État, condamne et exécute le malheureux qui en vient aux voies de fait, mais n'interdit pas un enseignement qui conduit à ces voies. Bref, l'État enseigne, par ses sujets, la pensée de ses sujets. II en doit être ainsi, parce qu'il ne connaît que l'homme et ce qui est de l'homme (Voir : A Dieu et à son Christ la Société et les Nations).

Voilà comment les Principes et le Droit Modernes aboutissent fatalement à une injustice souveraine à l'égard de Dieu et à une injure suprême à son adresse.

Voici en quels termes s'exprime Léon XIII dans sa lettre à l'Archevêque de Bogota : « Lorsqu'il s'agit de la façon de se comporter vis-à-vis de la chose publique, les catholiques sont sollicités par des intérêts contraires et s'exaspèrent en de violentes discordes qui proviennent le plus souvent de divergences dans l'interprétation de la doctrine catholique au sujet du libéralisme. ...Le Souverain Pontife enseigne que le principe et le fondement du libéralisme est le rejet de la loi divine. Ce que veulent en philosophie les partisans du naturalisme ou du rationalisme, les fauteurs du libéralisme le veulent dans l'ordre moral et civil, puisqu'ils introduisent dans les meurs et la pratique de la vie, les principes posés par le naturalisme. Or, le point de départ de tout rationalisme, c'est la souveraineté de la raison humaine qui, refusant l'obéissance due à la raison divine et éternelle et prétendant ne relever que d'elle-même, se considère elle-même et elle seule, comme étant le principe suprême, la source et le juge de la vérité. Telle est la prétention de ceux que nous avons appelés sectateurs du libéralisme ; selon eux, il n'y a aucune puissance divine à laquelle on soit tenu d'obéie dans la pratique de la vie, mais chacun est à soi-même sa propre loi; De là procède cette morale que l'on appelle indépendante et qui, sous l'apparence de la liberté, détournant la volonté de l'observation des divins préceptes, accorde à l'homme une licence illimitée. Tel est le premier et le plus pernicieux degré- du libéralisme ; tandis- que, d'une part, il rejette, bien plus, détruit complètement toute autorité et toute loi divine soit naturelle, soit surnaturelle ; d'autre part, il affirme que la constitution de la Société dépend de la volonté de chacun et que le pouvoir souverain découle de la multitude comme de sa source première. »

Quatrième question - N'y a-t-il pas dans ce procédé du libéralisme une injustice à l'égard de l'homme ?

Réponse - Pour être complet dans ma réponse, il me faudrait développer le dogme de la Rédemption, montrer à nouveau les droits de Jésus-Christ sur toute intelligence et sûr toute volonté et manifester comment, en usurpant les droits divins incontestables, le libéralisme commet un péché à l'égard de Jésus-Christ. Mais cette injustice existe et se manifeste d'une autre manière. Jésus-Christ ayant par sa Rédemption racheté l'homme et acquis des droits incontestables sur l'homme, ces droits dans le Christ deviennent les droits de l'homme. Je m'explique : une chose est nécessaire à mon salut et à ma sanctification ; par exemple, il est nécessaire à ma sanctification que Jésus-Christ soit théoriquement et pratiquement proclamé Roi de l'Univers et Roi des âmes. J'ai le droit, parce que Jésus-Christ me l'a acquis, que la Société soit placée sous sa direction. J'ai le droit en Jésus-Christ et par Jésus-Christ que la Société soit chrétienne et catholique, que les Etats soient catholiques. Comme l'a dit Louis Veuillot dans une phrase célèbre : « Les peuples ont droit à Jésus-Christ. » Ce droit est d'autant plus digne de respect qu'il n'appartient pas à l'homme, sinon dans la mesure où Jésus-Christ lui-même le lui a donné.

Cinquième question - Quelle attitude les principes libéraux créent-ils pratiquement dans les esprits ?

Réponse - La résultante directe du libéralisme est l'anarchie ou la tyrannie. Que l'anarchie résulte du libéralisme comme une conséquence dérive de son principe, c'est évident. Redisons-le pour la centième fois : d'après les Constitutions modernes, chacun a le droit de penser comme il veut, de vivre comme il pense. Or, si la pensée sert de ligne de conduite à chacun, sans le frein de la vérité objective, il est manifeste que nous allons au dévergondage le plus complet de l'esprit et de l'action. En outre, l'aboutissant fatal du libéralisme est la tyrannie. Nous l'avons fait ressortir plus d'une fois : pour mettre un frein à toutes les débauches de l'esprit, du coeur et de la passion, on a eu recours à la volonté générale et on s'est vu obligé de créer des lois. Seule la loi fait le droit, mais si la loi représente la volonté générale du peuple et si ce peuple est dirigé par une volonté mauvaise, athée, impie, immorale, que pourrons-nous attendre sinon la tyrannie. On gouverne au nom du Peuple ; et au nom de ce même Peuple on imposera. les injustices les plus criantes et souvent les plus fantasques. Telles sont les conséquences du libéralisme. L'anarchie et le soviétisme descendent de lui en ligne directe. Le libéralisme sape à sa base tout ordre dans n'importe quelle Société.

Sixième question - Les Principes Modernes exercent-ils une influence sur le salut des âmes ?

Réponse - II est une conséquence du libéralisme exprimée par Léon XIII en ces termes : « Il est incalculable le nombre d'âmes qui se perdent à cause des conditions faites aux Peuples par les principes du Droit Moderne ». Examinez, par exemple, le mal produit par la seule liberté de la presse. Combien d'âmes sont corrompues par la lecture des mauvais journaux, les productions immorales et impies qui foisonnent dans tous les pays. Combien d'âmes sont perdues à jamais à cause de la protection dont s'entourent, de droit, toutes les productions littéraires, scientifiques et autres. Combien d'âmes qui sont damnées en ce moment, ne le seraient pas si cette maudite liberté de la presse n'existait pas. II en est de même de la liberté d'enseignement. Qu'est-ce qui permet aux fauteurs de désordres d'enseigner leurs doctrines et de corrompre les esprits, sinon cette liberté absolue qui leur est bénévolement accordée.

Septième question - N'y a-t-il pas dans les théories que vous venez d'énoncer une nouvelle condamnation de la distinction entre la thèse et l'hypothèse ?

Réponse - Précisément. Pour se rendre compte du mal causé par le soi-disant libéralisme catholique, il faut se placer au point de vue que nous venons d'exposer. En tranquillisant et en endormant les consciences, il n'empêche pas le mal d'être, mais il empêche le bien de se produire.



Dixième leçon - Les châtiments infligés par Dieu aux pays et aux nations qui abandonnent le Seigneur

Première question - Dieu inflige-t-il des châtiments en ce monde aux Nations coupables ?

Réponse - Il est assez malaisé de répondre d'une façon claire et complète à cette question. Parmi les catholiques, teintés de libéralisme, on n'accepte pas la théorie du châtiment infligé aux pays coupables.

Deuxième question - Sur quelle base s'appuient les catholiques qui affirment que l'expiation s'accomplit par les Sociétés en ce monde ?

Réponse - La théorie sur laquelle on se base est la suivante : les individus qui ont commis des fautes peuvent les expier en ce monde. S'ils ne les expient pas ici-bas, ils les expieront dans l'éternité. Les individus seront donc châtiés, en proportion des péchés qu'ils auront commis, soit dans le Purgatoire, en y réparant, soit en enfer, en y subissant les tourments éternels. Les Sociétés, comme telles, n'entrent pas dans l'éternité. Si elles se sont rendues coupables, elles ne peuvent être châtiées qu'en ce monde. Or,leur péché est un péché contre la justice qui demande une réparation. Dès lors, les pays qui ont abandonné le Seigneur doivent expier et réparer ici-bas et il appartient à la Sagesse de Dieu d'infliger aux Peuples des châtiments conformes à ses desseins éternels.

Troisième question - Qu'entendez-vous par ces châtiments conformes aux desseins éternels ?

Réponse - Par là, j'entends que les pays et les peuples et toute Société doivent à Dieu, en stricte justice, s'ils sont coupables, une réparation et une expiation. La mesure de cette expiation, surtout quand celle-ci doit s'accomplir par la voie des châtiments divins, est laissée à la sagesse et aux décrets divins. Dieu n'est pas obligé d'infliger un châtiment social, parce que ce châtiment a été mérité. Très souvent, on peut dire même toujours, Dieu se conduit à l'égard des Peuples, selon les desseins de sa miséricorde et de son amour, guidés par son désir de sauver les âmes. Dans un châtiment social, préparé, voulu et accompli par Lui, nous trouvons toujours la volonté salvifique de Dieu. Par le châtiment social, Dieu veut atteindre les âmes et les ramener à Lui. C'est pourquoi il n'est pas aisé de sonder les desseins éternels dans le châtiment dont . Dieu frappe les pays. Ce que nous devons considérer, c'est que Dieu peut châtier, qu'Il châtie effectivement, et que pour éviter ses châtiments, il faut que l'Ordre Social tout entier se soumette à Lui.

Quatrième question - Vos remarques me semblent très justes. Ne pourriez-vous pas confirmer vos enseignements par des paroles et des doctrines formulées par les Autorités qui gouvernent l'Église ?

Réponse - Les Papes et les Évêques ont parlé très clairement et se sont prononcés sans hésitation. Dans sa première encyclique le Pape Pie XI écrit : « Bien avant que la guerre mit l'Europe en feu, la cause principale de si grands malheurs agissait déjà avec une force croissante par la faute des particuliers comme des nations, cause que l'horreur même de la guerre n'aurait pas manqué d'écarter et de supprimer, si tous avaient saisi la portée de ces formidables événements. C'est pour s'être misérablement séparés de Dieu et de Jésus-Christ que de leur bonheur d'autrefois les hommes sont tombés dans cet abîme de maux; c'est pour la même raison que sont frappés d'une stérilité à peu près complète, tous les programmes qu'ils échafaudent en vue de réparer les pertes et de sauver ce qui teste de tant de ruines. Dieu et Jésus-Christ ayant été exclus de la législation et des affaires publiques, les lois ont perdu la garantie de sanctions réelles et efficaces... »

Dans son allocution consistoriale du 24 décembre 1917 Benoît XV déclare solennellement : « Comme le dérèglement des sens précipita un jour des cités célèbres dans uni mer de feu, ainsi de nos jours l'impiété de la vie publique, !athéisme érigé en système de prétendue civilisation ont précipité le monde dans une mer de sang... »

Le même Pape dans la même allocution affirme que : « les calamités présentes ne prendront point fin tant que le genre humain ne sera pas retourné à Dieu. »

Léon XIII et Pie X, ne parlent pas autrement. Parmi les Évêques le Cardinal Mercier a fait entendre sa voix dans une lettre pastorale restée célèbre : la leçon des événements. Il y est dit : « Les crimes publics seront tôt ou tard punis... » et dans la même pastorale : « La violation du jour du Seigneur, les abus du mariage offensent Dieu assurément, mes Frères, et justifient son courroux. Mais il n'en faut point douter, le principal crime que le monde expie en ce moment, c'est l'apostasie officielle des Etats et de l'opinion publique. »

...Et encore : « Aujourd'hui les hommes investis de la mission de gouverner les peuples sont ou se montrent, à bien peu d'exceptions près, officiellement indifférents à Dieu et à son Christ. Je n'incrimine pas les personnalités respectables qui, pour ne pas provoquer un mal plus ,grave se soumettent loyalement à la situation amoindrie qui leur est faite ; c'est cette situation même que j'envisage et au nom de l'évangile, à la lumière des encycliques des quatre derniers Papes, Grégoire XVI, Pie IX, Léon Xlll, Pie X ; je n'hésite pas à déclarer que cette indifférence religieuse qui met sur le même pied la religion d'origine divine et les religions d'invention humaine, pour les envelopper toutes dans le même scepticisme, est le blasphème qui, plus encore que les fautes des individus et des familles, appelle sur la Société le châtiment de Dieu. »

Cinquième question - Quels sont les châtiments dont Dieu frappe les Nations coupables ?

Réponse - Toutes les calamités qui peuvent amener les Peuples à la réflexion servent à l'accomplissement des desseins de Dieu. La guerre, les maladies, les catastrophes de tout genre et par dessus tout les calamités d'ordre intellectuel et moral peuvent les atteindre et les amener à résipiscence.

Notre Seigneur Jésus-Christ nous parle de tous ces fléaux, II parle surtout du grand malheur de l'aveuglement. S'adressant aux juifs : « Ce peuple ne comprendra pas, dit-Il, parce qu'il ne peut comprendre, et il ne peut comprendre parce qu'il veut ne pas comprendre. »

C'est dans le sens d'un châtiment social, qu'il faut entendre ces paroles. Rien n'est affreux comme d'être soi-même la cause de son malheur par suite d'incompréhension.

Les juifs - et Jésus-Christ leur en fait le reproche - ne comprennent pas qu'Il est le Messie, Fils de Dieu. Or, il n'y a pour la Nation juive qu'un moyen de salut : la reconnaissance et la profession de la Messianité et de la Divinité de Jésus-Christ. Cependant, le peuple juif s'obstine dans une volonté arrêtée de ne pas comprendre qu'il en est ainsi et Dieu lui parle de la sorte : « O peuple qui êtes mon Peuple, il n'y a pour vous qu'un moyen de Salut : Jésus-Christ. Acceptez-le et vous êtes sauvé. » Et le Peuple répond : « Je ne veux pas comprendre qu'il puisse en être ainsi. » Et Dieu de répliquer : « Puisque vous voulez ne pas comprendre : j'accepte votre volonté, vous ne comprendrez pas. C'est là le châtiment que je vous inflige. » Ainsi en est-il de la Société Catholique de nos jours. Pour sauver l'Ordre Social et les Peuples, ceux-ci doivent commencer par comprendre que Jésus-Christ seul est leur Salut. Or, ils ne veulent pas comprendre qu'il en est ainsi. Dieu se conforme à leur volonté obstinée. Ils ne comprennent pas, ils ne voient pas et ils ne peuvent plus voir en Jésus-Christ, seul, leur Salut : c'est leur châtiment.

A ce point de vue général, s'en ajoutent bien d'autres, d'ordre plus spécial. On ne comprend pas qu'il faille supprimer dans l'Ordre Social les principes du Droit Moderne, tes grandes libertés modernes. On ne comprend pas qu'il faille refuser à chacun sa liberté d'opinion. On ne comprend pas qu'il faille, malgré tout, s'opposer à l'invasion des principes pervers et qu'il faille favoriser la seule vérité catholique. On ne comprend pas une foule de choses. Tout cela porte le caractère et la marque du châtiment qui frappe les Pays et les conduit à leur perte.

Léon XIII écrit en 1881 : « P


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Message par Her Lun 30 Mai - 6:33

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CIVITAS - POUR UNE CITE CATHOLIQUE


Catéchisme des Droits Divins dans l'Ordre Social (Suite 2)
Écrit par Père A. Philippe CSSR



Onzième leçon - Remède aux maux actuels

Première question - Quels sont les remèdes aux grands maux qui désolent le monde entier et chaque pays en particulier ?

Réponse - A cette question Léon XIII répond d'une façon péremptoire. Voici en quels termes il s'explique : « Tel est le secret du problème : quand un être organique dépérit et se corrompt, c'est qu'il a cessé d'être sous Faction des causes qui lui avaient donné sa forme et sa constitution. Pour le refaire sain et florissant, pas de doute qu'il ne faille le soumettre de nouveau à l'action vivifiante .de ces mêmes causes. Or, la Société actuelle, dans la folle tentative qu'elle a faite pour échapper à son Dieu, a rejeté l'ordre surnaturel et la révélation divine ; elle est soustraite .ainsi à la salutaire efficacité du Christianisme, qui est manifestement la garantie la plus solide de l'ordre, le bien le plus fort de la fraternité et l'inépuisable source. des vertus privées et publiques... »

« De cet abandon est né le trouble qui la travaille actuellement. C'est donc dans le giron du Christianisme que cette société dévoyée doit rentrer, si son bien-être, son repos et son salut lui tiennent au coeur. »

Ailleurs, le même Pape dit encore : « Retourner aux principes chrétiens et y conformer en tout la vie, les moeurs et les institutions des Peuples, est une nécessité qui de jour en jour devient plus évidente. Du mépris où ces règles sont tombées, sont résultés de si grands maux, que seul l'homme déraisonnable ne saurait considérer, sans une douloureuse anxiété, les épreuves du présent, ni envisager sans crainte les perspectives de l'avenir. »

Deuxième question - Pour appliquer ces remèdes a-t-il des moyens efficaces ?

Réponse - Jésus-Christ en venant sur la terre et. Dieu .en lui confiant sa mission, ont eu en vue le salut des Peuples et cela dans tous les siècles. Le Divin Maître l'a dit : « Je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles. » Or, qu'était le monde à la naissance de Jésus-Christ ? Toutes les Nations et tous les Peuples, sauf le Peuple juif, étaient livrés à l'erreur, à l'impiété, à l'immoralité du paganisme. En un mot, le genre humain était livré au péché et par lui était perdu. L'homme qui devait à Dieu adoration, amour, réparation et reconnaissance, action de grâce et prière; ne pouvait plus s'attendre qu'à subir les coups de la justice divine. Que fait Jésus-Christ ? Il veut constituer l'homme capable de rendre dignement à Dieu ses devoirs. Cette capacité et cette puissance, seul parmi les créatures,. Jésus-Homme la possède en Lui. Il prend en Lui la totalité du péché du genre humain qu'il répare et Il donne à l'homme sa capacité d'adorer dignement, de réparer. dignement, de rendre grâce et de prier dignement. Dieu frappe jésus. La justice est satisfaite et le Monde est sauvé. Les Peuples se prosternent devant le Crucifix. Avec Constantin, la Croix monte sur les Trônes et Jésus-Christ, Roi des Peuples, préside aux destinées des Nations. Par son Immolation et son Sacrifice Jésus-Christ a sauvé le Monde. Qui pourra arracher l'Univers aux grands maux actuels ? Seul, Jésus-Christ, par l'application des mérites de sa Passion et de sa Mort, aux Nations comme aux individus.

Troisième question - Comment Dieu entend-Il rendre ce moyen efficace ?

Réponse - C'est ici qu'il faut entendre et mettre en pratique les paroles de l'apôtre saint Paul : « Adimpleo ea quae desunt Passionum Christi incarne mea, pro corpore suo quod est Ecclesia. » (« J'accomplis ce qui manque à la Passion de Jésus-Christ, dans ma chair, en faveur de son Corps mystique qui est l'Eglise. ») Les paroles du Grand Apôtre sont significatives.

Quatrième question - Oui, ces paroles sont significatives mais encore faudrait-il en pénétrer le sens. Pourrions-nous dire qu'il manque quelque chose à la Passion de Jésus-Christ ?

Réponse - Ce serait là une déplorable erreur. Jésus-Christ a satisfait pleinement pour tous les hommes passés, présents et futurs. Il ne s'est pas contenté de prendre sur Lui les péchés individuels des hommes, II ne s'est pas contenté de se charger du grand péché social qui consiste dans l'injustice et l'injure faites à Dieu, que nous avons exposées. Il a pris vraiment sur Lui le péché de l'humanité, la totalité de son péché. Selon la doctrine de l'Apôtre saint Paul, Dieu a constitué Jésus, péché. « Eum qui non noverat peccatum, pro nobis peccatum fecit » Dieu l'a réellement constitué péché à la place de l'humanité coupable. Il l'a frappé parce qu'Il a vu en Lui le péché assumé par Lui. Par son Immolation et son Sacrifice Jésus-Christ a achevé l'oeuvre Rédemptrice, mais à son action Il veut unir l'action des âmes qui avec Lui veulent racheter le monde. C'est ainsi-que s'explique la parole du grand Apôtre.

Cinquième question - Vous semblez vouloir dire que certaines âmes s'unissent plus particulièrement à l’œuvre rédemptrice du Christ ?

Réponse - C'est l'Apôtre saint Paul qui dévoile ce mystère. Il nous dit qu'il accomplit pour l'Eglise une oeuvre qui est en rapport avec la Passion de Jésus-Christ. Or, la Passion de Jésus-Christ a converti l'Univers. Si Jésus-Christ me demande de faire siennes mes souffrances, ou qui plus est, s'Il m'inspire de prendre sur moi, en partie, le péché de l'humanité, qu'Il a pris totalement sur Lui, puis-je refuser d'accepter ce fardeau et de contribuer par là au salut des Nations.

Sixième question - Dans ces conditions, vous considereriez comme nécessaire à l’œuvre du Christ, l'intervention de sa créature, c'est-à-dire de l'âme fidèle ?

Réponse - N'exagérons pas les choses. Je constate qu'il y a une doctrine prêchée par l'Apôtre sous l'inspiration du Saint-Esprit. Cette doctrine me dit : « Par amour pour Dieu et pour les hommes, Jésus-Christ s'est constitué péché à la place de l'humanité. Dieu au lieu de frapper les hommes frappa Jésus-Christ. » L'Apôtre saint Paul intervient ; il déclare que Jésus-Christ demande d'avoir des associés dans son oeuvre Rédemptrice, c'est-à-dire des âmes qui, par amour pour Dieu, pour Jésus-Christ et pour les hommes, acceptent d'être péché avec Jésus-Christ, se soumettent comme Jésus-Christ et avec Jésus-Christ aux souffrances de sa Passion. La Passion de Jésus-Christ passe en quelque façon par eux, pour être appliquée au monde coupable.

Septième question - Cette immolation avec le Christ suppose une grande intensité de vie spirituelle ?

Réponse - Il est évident que pour réparer une faute commise par l'homme coupable, il faut se présenter devant Dieu comme une âme qui Lui est unie par la grâce et l'amour divin. Comme et avec Jésus-Christ souffrant et mourant, elle doit s'unir étroitement aux trois Personnes divines. C'est pourquoi, les âmes qui veulent pratiquer la corédemption doivent s'appliquer, dans une mesure, à la pratique de la vie spirituelle et surnaturelle. Elles doivent vivre d'union divine et d'immolation.

Huitième question - De sorte que vous exigez autre chose que l'action pour atteindre votre but ?

Réponse - Evidemment. L'action est de toute nécessité, mais l’œuvre de l'âme qui s'unit à Dieu et s'immole en Jésus-Christ est tout aussi nécessaire. Nous allons en parler.



Douzième leçon - De l'action

Première question - L'action est-elle nécessaire à la restauration de l'Ordre Social ?

Réponse - Incontestablement. Nous devons appliquer ici les paroles de Jésus-Christ à ses apôtres : « Allez par le monde entier ; enseignez tous les Peuples. » Jésus-Christ ne dit pas : Restez sur place, faites pénitence. II dit : « Allez ; enseignez. » Donc, agissez par la parole et par tous les moyens qui peuvent faire pénétrer dans les âmes la vérité.

Deuxième question - Y a-t-il d'autres moyens que la parole pour inculquer la vérité ?

Réponse - Évidemment. D'ailleurs, nous constatons que les ennemis du Christ recourent à d'autres procédés. Tout leur est bon, pourvu qu'ils aboutissent. Pour s'emparer de la classe ouvrière, ils ont recouru à des oeuvres adaptées : les coopératives, les syndicats, la création de conseils d'usines, les rayons et les cellules communistes, et autres oeuvres de tout genre, les journaux, les conférences, les cours, les affiches, les papillons, les tracts, etc., etc.

Troisième question - A qui appartient-il de mettre en pratique ces moyens d'action ? Ou, en d'autres termes, qui est chargé de recourir à ces moyens d'action ?

Réponse - Évidemment, d'abord et avant tout, les Autorités ecclésiastiques. Depuis Pie VI, les Papes se sont évertués à inculquer au Clergé et au peuple les seuls principes de Salut Social. Ils n'ont pas été entendus. Parmi les Évêques, ils sont plutôt rares ceux qui ont appliqué dans leur diocèse des principes qui, de par leur nature, s'adressent au monde entier. C'est ce qui explique, que, s'attachant à des besoins d'ordre local, ils n'ont pas contribué, dans la mesure où on aurait pu l'attendre d'eux, à développer et à appliquer les directives lancées dans le monde entier par les Souverains Pontifes. A plus forte raison, le simple Clergé n'a-t-il pas pu se livrer à une action vivante et efficace pour instaurer le Christ dans toute Société et dans tous les pays. Évidemment, au Pape, aux Évêques, au Clergé, revient la mission d'instruire et d'enseigner.

Quatrième question - Cette mission ne revient-elle pas aussi aux laïcs ?

Réponse - II est évident que les laïcs sont appelés, par un urgent besoin de charité, à éclairer leur prochain et à faire le bien, tant dans l'Ordre Social qu'individuel. Léon XIII l'a déclaré en ces termes : « La coopération privée a été jugée par les Pères du Concile du Vatican tellement opportune et féconde, qu'ils n'ont pas hésité à la réclamer. « Tous les fidèles, disent-ils, surtout ceux qui président et qui enseignent, nous les supplions, par les entrailles de Jésus-Christ, et nous leur ordonnons, en vertu de l'autorité de ce même Dieu Sauveur, d'unir leur zèle et leurs efforts pour éloigner ces horreurs et les éliminer de la Sainte Église » (Const. Dei Filius, sub. fine). Que chacun donc se souvienne qu'il peut et qu'il doit répandre la foi catholique par l'autorité de l'exemple, et la prêcher par la profession publique et constante des obligations qu'elle impose. Ainsi, dans les devoirs qui nous liant à Dieu et à l'Église, une grande place revient au zèle avec lequel chacun doit travailler, dans la mesure du possible, à propager la foi chrétienne et à repousser les erreurs. » (Sapientiae Christianae)

Pie XI aussi s'adresse au dévouement des laïcs. Dans l'Encyclique Ubi Arcano Dei, le Pape, après avoir fait appel à toutes les Oeuvres, écrit aux Évêques : « Rappelez, par ailleurs, à l'attention des fidèles, que c'est en travaillant, dans les oeuvres d'apostolat privé et public, sous votre direction et celle de votre clergé, à développer la connaissance de Jésus-Christ et à faire régner son amour, qu'ils mériteront le titre magnifique de race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple racheté ; c'est en s'unissant très étroitement à nous et au Christ pour étendre et fortifier par leur zèle industrieux et actif le règne du Christ, qu'ils travailleront avec plus d'efficacité à rétablir la paix générale entre les hommes. »

Les Papes ne peuvent exposer plus clairement la doctrine, ni affirmer plus énergiquement leur volonté.

Pour une oeuvre, qui les touche d'aussi près que la restauration de l'Ordre Social dans le Christ, il est tout indiqué que les laïcs se constituent le bras droit des Évêques. Jadis, pour accomplir sa mission, l'Église avait le secours du bras séculier, c'est-à-dire de l'Autorité civile et de l'État. L'Autorité civile s'est retirée d'elle ; il faut, en attendant que les États soient rendus à Jésus-Christ, que les laïcs catholiques aident la Sainte Église, leur Mère, et spécialement contribuent à lui rendre à Elle, à Jésus-Christ et à Dieu, la place qui leur revient dans le monde.

Cinquième question - Quel doit être le but immédiat de l'action ?

Réponse - Le but immédiat de l'action doit être la réforme des esprits. D'après la mentalité actuelle, il n'y a, et il ne peut y avoir ni vérité, ni erreur. Dans des esprits infectés à ce point, il faudra nécessairement introduire les notions fondamentales de l'existence réelle de la Vérité, de ses droits ainsi que celles de l'injustice de l'erreur.

Sixième question - Dans ce cas, il faudrait engager une lutte à mort contre les théories modernes, sur la liberté et la législation, théories admises par certains théologiens eux-mêmes.

Réponse - Effectivement, nous l'avons déjà fait remarquer, certains catholiques, qui, par courtoisie, qui, par ignorance, marchent en plein à la lumière des principes modernes. Pour sauver la foi catholique, ils établissent que, pratiquement, chaque opinion a droit à l'existence. C'est leur façon de faire de l'apologétique ; ils semblent dire aux incroyants : « Nous respectons votre foi, respectez la nôtre. »

Ces catholiques oublient, outre les condamnations de raison exposées ci-dessus, les condamnations d'autorité portées par les Souverains Pontifes contre les principes modernes.

Dans sa lettre à l'Évêque de Troyes, Pie VII blâme formellement l'introduction des libertés modernes dans la Constitution française. C'est en ces termes pleins d'angoisse qu'il exprime sa douleur : « Un nouveau sujet de peine, dont notre coeur est encore plus vilement affligé et qui, nous l'avouons, nous cause un tourment, un accablement et une angoisse extrêmes, c'est le vingt-deuxième article de la Constitution. Non seulemént on y permet la liberté des cultes et de conscience, pour nous servir des termes mêmes de l'article, mais on promet appui et protection à cette liberté, et, en outre, aux ministres de ce qu'on appelle les cultes. Il n'est certes pas besoin de longs discours, nous adressant à un évêque tel que vous, pour vous faire reconnaître clairement de quelle mortelle blessure la religion catholique en France se trouve frappée par cet article. Par cela même qu'on établit la liberté de tous les cultes sans distinction, on confond la vérité avec l'erreur, et on met au rang des sectes hérétiques et même de la perfidie judaïque, l'Épouse sainte et immaculée du Christ, l'Église hors de laquelle il ne peut y avoir de salut. En outre, en promettant faveur et appui aux sectes des hérétiques et à leurs ministres, on tolère et on favosire non seulement leurs personnes, mais encore leurs erreurs. C'est implicitement la désastreuse et à jamais déplorable hérésie que Saint Augustin mentionne en ces termes : « Elle affirme que tous les hérétiques sont dans la bonne voie et disent vrai. Absurdité si monstrueuse que je ne puis croire qu'une secte la professe réellement. » Notre étonnement n'a pas été moindre quand nous avons lu le 23° article de la Constitution qui maintient et permet la liberté de la presse, liberté qui menace la foi et les moeurs des plus grands périls et d'une ruine certaine. Si quelqu'un pouvait en douter, l'expérience des temps passés suffirait seule pour le lui apprendre. C'est un fait pleinement constaté : cette liberté de la presse a été l'instrument principal qui a, premièrement, dépravé les moeurs des peuples, puis corrompu et renversé leur foi, enfin soulevé les séditions, les troubles, les révoltes. Ces malheureux résultats seraient encore actuellement à craindre, vu la méchanceté si grande des hommes, si, ce qu'à Dieu ne plaise, on accordait à chacun la liberté d'imprimer tout ce qu'il lui plairait. »

De son côté Grégoire XVI écrit : « De cette source empoisonnée de l'indifférentisme, découle cette maxime fausse et absurde, ou plutôt ce délire : qu'on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience ; erreur des plus contagieuses, à laquelle aplanit la voie, cette liberté absolue et sans frein des opinions qui, pour la ruine de l'Église et de l'État, va se répandant de toutes parts, et que certains hommes, par un excès d'impudence, ne craignent pas de représenter comme avantageuse à la religion. Eh ! « quelle mort plus funeste pour les âmes que la liberté de l'erreur ! » disait saint Augustin. En voyant liter ainsi aux hommes tout frein capable de les retenir dans les sentiers de la vérité, entraînés qu'ils sont déjà à leur perte par un naturel enclin au mai, c'est en vérité que nous disons qu'il est ouvert ce puits de l’abîme, d'où saint jean vit monter une fumée qui obscurcissait le soleil, et des sauterelles sortir pour la dévastation de la terre.

De là, en effet, le peu de stabilité des esprits ; de là, la corruption toujours croissante des jeunes gens ; de là, dans le peuple, le mépris des droits sacrés, des choses et des lois les plus saintes ; de là, en un mot, le fléau le plus funeste qui puisse ravager les Etats, car l'expérience nous l'atteste et l'antiquité la plus reculée nous l'apprend : pour amener la destruction des États les plus riches, les plus puissants, tes plus glorieux, les plus florissants, il n'a fallu que cette liberté sans frein des opinions, cette licence des discours publics, cette ardeur pour les innovations.

A cela se rattache la liberté de la presse, liberté la plus funeste, liberté exécrable, pour laquelle on n'aura jamais assez d'horreur et que certains hommes osent, avec tant de bruit et tant d'audace demander et étendre partout. Nous frémissons, Vénérables Frères, en considérant de quels monstres de doctrine, ou plutôt de quels prodiges d'erreurs, nous sommes accablés ; erreurs disséminées au loin et de tous côtés par une multitude immense de livres, de brochures et d'autres écrits, petits il est vrai en volume, mais énormes en perversité, d'où sort la malédiction qui couvre la face de la terre et fait couler nos larmes. Il est cependant, ô douleur ,des hommes emportés par un tel excès d'impudence, qu'ils ne craignent pas de soutenir opiniâtrement que le déluge d'erreurs, qui découlent de là, est assez abondamment compensé par la publication de quelques livres imprimés pour défendre, au milieu de cet amas d'iniquités, la vérité et la religion. Mais, c'est un crime assurément, et un crime réprouvé par toute espèce de droit, de commettre de dessein prémédité, un mal certain et très grand, dans l'espérance que, peut-être, il en résultera quelque bien ; et quel homme sensé osera jamais dire qu'il est permis de répandre des poisons, de les vendre publiquement, de les colporter, bien plus, de les prendre avec avidité, sous prétexte qu'il existe quelque remède qui a parfois arraché à la mort ceux qui s'en sont servis ? »

Les enseignements de Pie IX sont assez connus pour que nous n'y insistions pas. Qu'il nous suffise de rappeler les propositions condamnées par le Syllabus :

Prop. 77. - « A notre époque, il n'est plus utile que la religion catholique soit considérée comme runique religion de l'État, à l'exclusion de tous les autres cultes. » (Alloc. Nemo vestrum, du 26 juillet 1855.) ,

Prop. 78. - « Aussi c'est avec raison que, dans quelques pays catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s'y rendent, y jouissent de l'exercice public de leurs cultes particuliers. » (Alloc. Acerbissimum, du 27 septembre 1852.)

Prop. 79. - « Il est faux que la liberté civile de tous les cultes et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions jettent plus facilement les peuples dans la corruption des mœurs et de l'esprit et propagent la peste de l'Indifférentisme. » (Alloc. Nunquam fore, du 15 décembre 1856.)

Léon XIII n'est pas moins formel dans son enseignement : « La liberté, cet élément de perfection pour l'homme, doit s'appliquer à ce qui est vrai et à ce qui est bon. Or, l'essence du bien et de la vérité ne peut changer au gré de l'homme, mais elle demeure toujours la même, et non moins que la nature des choses elle est immuable. Si l'intelligence adhère à des opinions fausses si la volonté choisit le mal et s'y attache, ni l'une ni l'autre n'atteint sa perfection, toutes deux déchoient de leur dignité native et se corrompent. Il n'est donc pas permis de mettre au jour et d'exposer aux yeux des hommes ce qui est contraire à la vertu et à la vérité, et bien moins encore de placer cette licence sous la tutelle et la protection des lois. Il n'y a qu'une voie pour arriver au ciel, vers lequel nous tendons tous : c'est une bonne voie. L'Etat s'écarte donc des règles et des prescriptions de la nature, s'il favorise à ce point la licence des opinions et des actions coupables, que l'on puisse impunément détourner les esprits de la vérité et les âmes de la vertu. Quant à l'Eglise, que Dieu lui-même a établie, l'exclure de la vie publique, des lois, de l'éducation de la jeunesse, de la vérité domestique, c'est une grande et pernicieuse erreur.

Une société sans religion ne saurait être réglée ; et déjà, plus peut-être qu'il ne faudrait, l'on voit ce que vaut en soi et dans ses conséquences cette soi-dissant morale civile. »

Dans son Encyclique Libertas, Léon XIII condamne comme suit les mêmes libertés : « D'autres vont un peu moins loin, mais sans être plus conséquents avec eux-mêmes ; selon eux, les lois divines doivent régler la vie et la conduite des particuliers, mais non celle des Etats ; il est permis, dans les choses publiques, de s'écarter des ordres de Dieu et de légiférer sans en tenir aucun compte ; d'où naît cette conséquence pernicieuse de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Mais l'absurdité de ces opinions se comprend sans peine. II faut, la nature même le crie, il faut que la société donne aux citoyens les moyens et les facilités de passer leur vie selon l'honnêteté, c'est-à-dire selon les lois de Dieu, puisque Dieu est le principe de toute honnêteté et de toute justice ; il répugnerait donc absolument que l'Etat pût se désintéresser de ces mêmes lois ou même aller contre elles en quoi que ce soit.

De plus, ceux qui gouvernent les peuples doivent certainement à la chose publique de lui procurer, par la sagesse de leurs lois, non seulement les avantages et les biens du dehors, mais aussi et surtout les biens de l'âme. Or, pour accroître ces biens, on ne saurait rien imaginer de plus efficace que ces lois dont Dieu est l'auteur ; et c'est pour cela que ceux qui veulent, dans le gouvernement des Etats ne tenir aucun compte des lois divines, détournent vraiment la puissance politique de son institution et de l'ordre prescrit par la nature. Mais une remarque plus importante, et que nous avons nous-même rappelée plus d'une fois ailleurs, c'est que le pouvoir civil et le pouvoir sacré, bien que n'ayant pas le même but et ne marchant pas par les mêmes chemins, doivent pourtant, dans l'accomplissement de leurs fonctions, se rencontrer quelquefois l'un et l'autre. Tous deux, en effet, exercent plus d'une fois leur autorité sur les mêmes objets, quoique à des points de vue différents. Le conflit, dans cette occurrence, serait absurde et répugnerait ouvertement à l'infinie sagesse des conseils divins il faut donc nécessairement qu'il y ait un moyen, un procédé, pour faire disparaître les causes de contestations et de luttes et établir l'accord dans la pratique. Et cet accord, ce n'est pas sans raison qu'on l'a comparé à l'union qui existe entre l'âme et le corps, et cela au plus grand avantage des deux conjoints, car la séparation est particulièrement funeste au corps, puisqu'elle le prive de la vie.

Mais pour mieux mettre en lumière ces vérités, il est bon que nous considérions séparément les diverses sortes de libertés que l'on donne comme des conquêtes de notre époque. Et d'abord, à propos des individus, examinons cette liberté si contraire à la vertu de religion, la liberté des cultes, comme on l'appelle, liberté qui repose sur ce principe qu'il est loisible à chacun de professer telle religion qui lui plait, ou même de n'en professer aucune. Mais, tout au contraire, c'est bien là, sans nul doute, parmi tous les devoirs de l'homme, le plus grand et le plus saint, celui qui ordonne à l'homme de rendre à Dieu un culte de piété et de religion. Et ce devoir n'est qu'une conséquence de ce fait, que nous sommes perpétuellement sous la dépendance de Dieu, gouvernés par la volonté et la Providence de Dieu, et que, sortis de Lui, nous devons retourner à Lui.

II faut ajouter qu'aucune vertu digne de ce nom ne peut exister sans la religion, car la vertu morale est celle dont les actes ont pour objet tout ce qui nous conduit à Dieu, considéré comme notre suprême et souverain bien ; et c'est pour cela que la religion, qui r accomplit les actes ayant. pour fin directe et immédiate l'honneur divin a (S. Th., 2' 21°, qu. LXXXI, a. 6), est la reine à la fois et la règle de toutes les vertus. Et si l'on demande, parmi toutes ces religions opposées qui ont cours, laquelle il. faut suivre à l'exclusion des autres, la raison et la nature s'unissent pour nous répondre : celle que Dieu a prescrite et qu'il est aisé de distinguer, grâce à certains signes extérieurs par lesquels la divine Providence a voulu la rendre reconnaissable, car dans une chose de cette importance, l'erreur entrainerait des conséquences trop désastreuses. C'est pourquoi offrir à l'homme la liberté dont nous parlons, c'est lui donner le pouvoir de dénaturer impunément le plus saint des devoirs, de le déserter, abandonnant le bien immuable, pour se tourner vers le mal : ce qui, nous l'avons dit, n'est plus la liberté, mais une dépravation de la liberté, et une servitude de l'âme dans l'abjection du péché.

Envisagée au point de vue social, cette même liberté veut que l'État ne rende aucun culte à Dieu, ou n'autorise aucun culte social ; que nulle religion ne soit préférée à l'autre ; que toutes soient considérées comme ayant les mêmes droits, sans même avoir égard au peuple, lors même que ce peuple fait profession de catholicisme. Mais, pour qu'il en fût ainsi, il faudrait que vraiment la communauté civile n'eût aucun devoir envers Dieu, ou, qu'en ayant, elle pût impunément s'en affranchir ; ce qui est également et manifestement faux. On ne saurait mettre en doute, en effet, que la réunion des hommes en société ne soit l'oeuvre de la volonté de Dieu, et cela, qu'on considère la société dans ses membres, dans sa forme qui est l'autorité, dans sa cause, ou dans le nombre et l'importance des avantages qu'elle procure à l'homme. C'est Dieu qui a fait l'homme pour la société et qui l'a uni à ses semblables, afin que les besoins de sa nature, auxquels ses efforts solitaires 'ne pourraient donner satisfaction, puissent la trouver dans l'association. C'est pourquoi la société civile, en tant que société, doit nécessairement connaitre Dieu comme son principe et son auteur, et, par conséquent, rendre à sa puissance et à son autorité l'hommage de son culte. Non, de par la justice ; non, de par la raison, l'État ne peut être athée, ou, ce qui reviendrait à l'athéisme, être animé à l'égard de toutes les religions, comme on dit, des mêmes dispositions, et leur accorder indistinctement les mêmes droits. »

Septième question - Dans ces conditions, que faites-vous du travail des élections ?

Réponse - Dans bien des cas, les élections servent au bien. Ainsi, pour donner à l'Église un Chef, on procède par voie d'élection. Dans une foule de circonstances on recourt au même procédé. Mais une difficulté s'offre ici. Elle résulte précisément du fait que les élections, qui doivent donner au pays, aux provinces, aux communes, des Législateurs et des Dirigeants, peuvent placer à leur tête des hommes iniques qui, par leur action deviendront des malfaiteurs publics et des corrupteurs des âmes. Nous avons établi assez clairement la nécessité de mettre à la tête et à la base de tout l'Ordre Social Dieu et Jésus-Christ. Or, la volonté d'un pays de se donner à Dieu, se manifeste par sa législation. Pour être conforme aux intentions divines, tout pays doit, par les élections, signifier sa volonté ferme de vivre pour le Christ et de Le servir.

Huitième question - Mais alors décidément, vous soumettez la politique à Dieu et à Jésus-Christ ?

Réponse - Nous l'avons démontré clairement : toute politique doit être soumise à Dieu et à Jésus-Christ, de qui elle dépend souverainement. Toute politique a le devoir de se placer au point de vue du but suprême de la vie et de tous les actes privés et publics : Dieu.

Neuvième question - Mais on vous accusera de faire de la politique du haut de la Chaire Chrétienne ?

Réponse - Les accusations portées contre la vérité et contre la mission que la vérité doit accomplir nous importent fort peu. Sans cloute, il faut certaines mesures de prudence ; mais il ne faut pas, comme nous l'avons déjà établi, que la prudence se transforme en approbation de l'erreur et en vraie trahison de la vérité. C'est précisément, parce qu'on a voulu ménager ceux qui refusent d'accepter la dépendance entière de la politique à l'égard de Dieu, que nous en sommes arrivés à la situation que nous déplorons aujourd'hui. Jamais on n'aurait dû s'abstenir de prêcher du haut des Chaires Chrétiennes et de dire partout que toute politique se doit d'abord à Dieu et à Jésus-Christ. Le silence des prédicateurs est toujours désiré par ceux qui y trouvent leur avantage. C'est le moyen d'inculquer aux dirigeants et même aux dirigés des principes qui égarent. Il est donc opportun que les propagandistes et les adhérents de la Ligue Apostolique se pénètrent de la nécessité de faire comprendre, au public, son erreurs en cette matière et la nécessité de faire pénétrer partout et en toute occasion les doctrines de vérité. Donc, au lieu de reculer, dans la crainte de froisser certaines convictions de commande, il faut trouver dans celles-ci un stimulant pour la lutte.




Treizième leçon - De l'organisation de la ligue apostolique

Première question - Existe-t-il un organisme dûment constitué, qui a, comme but, le retour à Dieu, de tout l'Ordre Social ?

Réponse - Effectivement. Le Souverain Pontife Benoît XV a béni, loin et hautement approuvé la Ligue Apostolique, pour le retour des Nations et des Peuples et de l'Ordre Social tout entier, à Dieu et à son Christ, par la Sainte Église. Le Pape lui-même a conféré à la Ligue le titre de « Ligue Apostolique » dont elle s'honore. Il est allé plus loin ; il a exprimé son désir que tous les catholiques dignes de ce nom adhérassent à la Ligue Apostolique.

Deuxième question - Quelles sont les conditions d'adhésion à la Ligue Apostolique ?

Réponse - Il y a deux conditions minima : la première, c'est l'adoption et la profession des vérités qui servent de base à l'oeuvre et qui doivent réformer l'état des esprits dans le monde. Ces vérités sont : que l'erreur et le mal, n'ont aucun droit, ni dans l'Ordre Social, ni dans l'Ordre individuel ; qu'à la Vérité et au Bien seuls, reviennent tous les droits ; que, par conséquent, il faut supprimer comme directives de la Constitution des Peuples et de la Législation, des droits, qui, en réalité ne sont pas et qui brillent à la tête des Nations comme étant les Droits de l'homme ; qu'il faut remplacer ceux-ci par les Droits de Dieu, de Jésus-Christ et de son Église ; que toute Société dépend de Dieu, d'une dépendance souveraine et absolue, et qu'elle doit lui être soumise.

La deuxième, c'est que les membres adhérents offrent, chaque jour, une partie de leurs prières et de leurs sacrifices en vue d'obtenir le Retour des Nations et de toute Société à Jésus-Christ ; ou récitent chaque jour un Pater, un Ave et un Gloria à cette intention.

Telles sont les conditions minima.

Troisième question - Y a-t-il d'autres conditions que celles-là ?

Réponse - Il y a des âmes qui sont sollicitées plus particulièrement par les attraits de la grâce et qui consacrent leur vie, d'une façon plus spéciale, au but de la Ligue Apostolique. Elles veulent vivre plus unies à la Très Sainte Trinité ; elles veulent, selon la parole de l'Apôtre saint Paul, « réaliser en elles ce qui manque à la Passion de Jésus-Christ ». Dans ce but, elles se groupent et vivent suivant des règlements particuliers. (Pour tous renseignements, s'adresser au Directeur de la Ligue Apostolique.)

Quatrième question - Le Souverain Pontife a-t-il accordé des faveurs spirituelles spéciales aux membres adhérents de la Ligue ?

Réponse - Le Pape a accordé de très nombreuses indulgences aux membres de la Ligue Apostolique. Ce sont les suivantes :

Une indulgence de sept ans et de sept quarantaines chaque fois qu'ils font un acte prescrit par les Statuts, ou chaque fois qu'eux-mêmes, sous l'impulsion de la grâce, s'imposent une prière spéciale, ou un acte de mortification, ou un acte d'Apostolat pour obtenir le retour de la société à Jésus-Christ.

Une indulgence plénière, aux conditions ordinaires : 1° le jour de leur inscription dans la Ligue ou l'un des huits jours suivants à leur choix ; 2° pareillement aux principales fêtes qui rappellent que Jésus-Christ est le Roi immortel des Peuples et des siècles : la Noël, l'Épiphanie, les Pâques, l'Ascension, la Pentecôte, la Fête-Dieu, la Fête du Sacré-cœur, la Fête de l'Immaculée-Conception et des Saints-Apôtres Pierre et Paul ; 3° pareillement un jour de chaque mois, à leur choix, que dans leur intention, ils consacreront tout entier et plus spécialement au bien de la Sainte Église, en appliquant à ce but toutes leurs prières et oeuvres.

Pour les Prêtres, la faculté de donner la Bénédiction Apostolique deux fois par an, à l'occasion des réunions plus solennelles des membres de la Ligue.

Nous insistons spécialement sur la grande faveur de l'indulgence de sept ans et sept quarantaines que tout membre de la Ligue peut gagner « toties quoties ». Il est si aisé d'offrir à Dieu une peine, un travail, pour obtenir le retour de toutes les Nations à Dieu. Une élévation du coeur est si vite produite, à la même intention. Quelle somme d'indulgences n'acquièrent pas, en peu de temps, les amis des âmes du Purgatoire, qui prient aux intentions de la Ligue, et veulent faire bénéficier les âmes qu'ils chérissent, des indulgences que l'Église leur accorde.




Quatorzième leçon - Récapitulation - la fête du Christ-Roi

Première question - Voudriez-vous, pour plus de facilité, récapituler les principales vérités enseignées dans votre catéchisme ?

Réponse - Bien volontiers. Voici :

Dieu est I'Etre Suprême, souverainement indépendant. Tout ce qui existe en dehors de Lui a été créé par Lui et dépend de Lui d'une dépendance souveraine et absolue. Seul, il a autorité et pouvoir complet sur toute chose. Non seulement tout dépend de Lui, mais tout doit retourner à Lui comme à sa fin dernière unique. En deux mots, toutes les Sociétés, les Nations et les États se doivent à Dieu comme à leur Créateur et à leur Fin Suprême.

Jésus-Christ, l'Homme-Dieu ; a reçu de la part de Dieu dans son Humanité tout pouvoir au ciel et sur la terre. Il a autorité et puissance sur toute autorité. Il est revêtu d'un vrai pouvoir royal. L'Église et le Pape participent à ce pouvoir.

II est évident que par ces théories toutes les constitutions des Peuples et leur Législation ont à leur base et à leur tête : Dieu, Jésus-Christ et la Mission de l'Église.

Par la Déclaration des Droits de l'homme, on a supprimé des Constitutions, de la Législation : Dieu et tout ce qui est divin ; on l'a remplacé par l'homme déifié.

La conséquence de cette substitution est l'abolition de tout Droit Divin et la profession des seuls droits humains. C'est le triomphe du laïcisme, de l'athéisme et de toutes les erreurs qui sont la résultante logique de la Déclaration des Droits de l'homme.

Donc, en droit, l'homme est souverainement indépendant. IL doit jouir de toutes les libertés : Liberté de conscience, liberté d'enseignement, liberté de la presse, liberté d'association, liberté des cultes. Par une étrange contradiction il a le pouvoir de créer des lois et de les imposer par la force.

Si nous ne voulons pas subir un jour les châtiments divins et passer par toutes les catastrophes, il faut nécessairement que nous en venions à abolir des Constitutions des Peuples, le Droit, dit moderne, et les grandes libertés que nous avons mentionnées. Dans ce but, il faut que nous fassions usage des libertés qui nous sont accordées, pour supprimer ces libertés mêmes dans le sens moderne du mot et pour accomplir tout le bien possible. II faut user de la liberté d'enseignement pour enseigner librement Jésus-Christ ; il faut se servir de la presse pour faire connaître la Vérité divine qui sauve ; il faut recourir à la liberté d'association pour se grouper dans le but de procurer le bien des âmes ; il faut professer ostensiblement le culte du vrai Dieu. II faut profiter de tous ces prétendus droits pour faire comprendre au public et aux âmes que seuls la vérité et le bien ont des droits ; que l'erreur et le malon'eu ont pas.

C'est ainsi que tout rentrera dans l'ordre et la paix, parce que tout Sera soumis à Dieu et à son Christ par la Sainte Église. Les Nations seront unies par les liens de la justice et de la charité dans le Christ et sous la direction surnaturelle du Pape. Les peuples seront constitués en une vraie Ligue Apostolique des Nations ; le Monde sera sauvé.

Deuxième question -Quelles intentions ont guidé Pie XI dans l'institution de la Fête en l'honneur du Christ-Roi ?

Réponse - Le Souverain Pontife a voulu commémorer, en une fête spéciale en l'honneur de la Royauté de Jésus-Christ; le souvenir de tous les bienfaits apportés par l'Homme-Dieu au genre humain et spécialement du bienfait de l'Ordre Social, qui est la condition de la paix intérieure et extérieure des peuples.

Il suffit d'entendre la voix du Souverain Pontife exposant lui-même sa pensée. Tout commentaire ne pourrait que diminuer la force et la clarté de la parole pontificale. Voici les termes de Pie XI instituant la Fête que le Monde entier est invité à célébrer : « On ne saurait trop désirer que la société chrétienne bénéficie largement d'avantages si précieux et qu'elle les conserve à demeure ; il faut donc faire connaître le plus possible la doctrine de la dignité royale de notre Sauveur. Or, aucun moyen ne semble mieux assurer ce résultat que l'institution d'une fête propre et spéciale en l'honneur du Christ-Roi. »

Car, pour pénétrer le peuple des vérités de la foi et l'élever ainsi aux joies de la vie intérieure, les solennités annuelles des fêtes liturgiques sont bien plus efficaces que tous les documents, même les plus graves, du magistère ecclésiastique. Ceux-ci n'atteignent, habituellement, que le petit nombre et les plus cultivés, celles-là touchent et instruisent l'universalité des fidèles ; les uns, si l'on peut dire, ne parlent qu'une fois ; les autres le font chaque année et à perpétuité ; et, si les derniers s'adressent surtout à l'intelligence, les premières étendent leur influence salutaire au coeur et à l'intelligence, donc à l'homme tout entier.

Composé d'un corps et d'une âme, l'homme a besoin des manifestations solennelles des jours de fête pour être saisi et impressionné ; la variété et la splendeur des cérémonies liturgiques l'imprègnent abondamment des enseignements divins ; il les transforme en sève et en sang, et les fait servir au progrès de sa vie spirituelle.

Du reste, l'histoire nous apprend que ces solennités liturgiques furent introduites, au cours des siècles, les unes après les autres, pour répondre à des nécessités ou des avantages spirituels du peuple chrétien que l'on constatait. II fallait, par exemple, raffermir les courages en face d'un commun péril, prémunir les esprits contre les piéges de l'hérésie, exciter et enflammer les cœurs à célébrer avec une piété plus ardente quelque mystère de notre foi ou quelque bienfait de la bonté divine.

C'est ainsi que, dès les premiers temps de l'ère chrétienne, alors qu'ils étaient en butte aux plus cruelles persécutions, les chrétiens inaugurèrent l'usage de commémorer les Martyrs par des rites sacrés afin, selon le témoignage de saint Augustin, que « les solennités des Martyrs » fussent « des exhortations au martyre ».

Les honneurs liturgiques qu'on décerna plus tard aux Confesseurs, .aux Vierges et aux. Veuves saints contribuèrent merveilleusement à stimuler chez les chrétiens le zèle pour la vertu, indispensable même en temps de paix.

Les fêtes instituées en l'honneur de la Bienheureuse Vierge eurent encore plus de fruit : non seulement le peuple chrétien entoura d'un culte plus assidu la Mère de Dieu, sa Protectrice la plus secourable, mais il conçut un amour plus filial pour la mère que le Rédempteur lui avait laissée par une sorte de testament.

Au nombre des bienfaits dont l'Église est redevable au culte public et légitime de la Mère de Dieu et des Saints du Ciel, le moindre n'est pas la victoire constante qu'elle a remportée en repoussant loin d'elle. la peste de l'hérésie et de l'erreur. Admirons, ici encore, les desseins de la Providence divine, qui, selon son habitude, tire le bien du mal. Elle a permis, de temps à autre, que la foi et la piété populaire fléchissent, que de fausses doctrines dressent des embûches de la vérité catholique ; mais toujours avec le dessein que, pour finir, la vérité resplendisse d'un nouvel éclat, que, tirés de leur torpeur, les fidèles s'efforcent d'atteindre à plus de perfection et de sainteté.

Les solennités récemment introduites dans le calendrier liturgique ont eu la même origine et ont porté les mêmes fruits. Telle la fête du Corpus Christi, établie quand se relâchèrent le respect et la dévotion envers la Très Saint Sacrement ; célébrée avec une pompe magnifique, se prolongeant pendant huit jours de prières -collectives, la nouvelle fête devait ramener les peuples à l'adoration publique du Seigneur. Telle encore la fête du Sacré Coeur de jésus, instituée à l'époque où, abattus et découragés par les tristes doctrines et le sombre rigorisme du jansénisme, les fidèles sentaient leurs coeurs complètement glacés et en bannissaient avec scrupule tout sentiment d'amour désintéressé de Dieu ou de confiance dans le Rédempteur.

C'est à Notre tour de pourvoir aux nécessités des temps présents, d'apporter un remède efficace à la peste qui a corrompu la société humaine. Nous le faisons en prescrivant à l'univers catholique le culte du Christ-Roi. La peste de notre époque, c'est le laïcisme, ainsi qu'on l'appelle, avec ses erreurs et ses entreprises criminelles.

Comme vous le savez, Vénérables Frères, ce fléau n'est pas arrivé à sa maturité en un jour ; depuis longtemps, il couvait au sein des Etats. On commença, en effet, par nier la souveraineté du Christ sur toutes les nations ; on refusa à l'Église le droit - conséquence du droit même du Christ - d'enseigner le genre humain, de porter des lois, de gouverner les peuples, en vue de leur béatitude éternelle. Puis, peu à peu, on assimila la religion du Christ aux fausses religions et, sans la moindre honte, on la plaça au même niveau. On la soumit ensuite à l'autorité civile et on la livra pour ainsi dire au bon plaisir des princes et des gouvernants. Certains allèrent jusqu'à vouloir substituer à la religion divine une religion naturelle ou un simple sentiment de religiosité. Il se trouva même des États qui crurent pouvoir se passer de Dieu et firent consister leur religion dans l'irréligion et l'oubli conscient et volontaire de Dieu.

Les fruits très amers qu'a portés, si souvent et d'une manière si persistante, cette apostasie des individus et des États désertant le Christ, Nous les avons déplorés dans l'encyclique Ubi arcano. Nous les déplorons de nouveau aujourd'hui. Fruits de cette apostasie, les germes de haine, semés de tous côtés ; les jalousies et les rivalités entre peuples, qui entretiennent les querelles internationales et retardent, actuellement encore, l'avènement d'une paix de réconciliation ; les ambitions effrénées, qui se couvrent bien souvent du masque de l'intérêt public et de l'amour de la patrie, avec leurs tristes conséquences: les discordes civiles, un égoïsme aveugle et démesuré, sans autre visée et sans autre étalon que les avantages personnels et les profits privés. Fruits encore de cette apostasie, la paix domestique bouleversée par l'oubli des devoirs et l'insouciance de la conscience ; l'union et la stabilité des familles chancelantes ; toute la société, enfin, ébranlée et menacée de ruine.

La fête, désormais annuelle, du Christ-Roi Nous donne le plus vif espoir de hâter le retour si désirable de l'humanité à son très affectueux Sauveur. Ce serait assurément le devoir des catholiques de préparer et d'accélérer ce retour par une action diligente ; mais beaucoup d'entre eux, à ce qu'il semble, ne possèdent pas dans la société le rang où l'autorité qui siéraient aux apologistes de la vérité. Peut-être faut-il attribuer ce désavantage à l'indolence ou à la timidité des bons ; ils s'abstiennent de résister ou ne le font que mollement ; les adversaires de l'Église en retirent fatalement un surcroît de prétentions et d'audace. Mais du jour où l'ensemble des fidèles comprendront qu'il leur faut combattre, vaillamment et sans relâche, sous les étendards du Christ-Roi, le feu de l'apostolat enflammera les coeurs, tous travailleront à réconcilier avec leur Seigneur les âmes qui l'ignorent ou qui l'ont abandonné, tous s'efforceront de maintenir inviolés ses droits.

Mais il y a plus. Une fête célébrée chaque année chez tous les peuples en l'honneur du Christ-Roi sera souverainement efficace pour incriminer et réparer en quelque manière cette apostasie publique, si désastreuse pour la société, qu'à engendrée le laïcisme. Dans les conférences internationales et dans les Parlements, on couvre d'un lourd silence le nom très suave de notre Rédempteur ; plus cette conduite est indigne et plus haut doivent monter nos acclamations, plus doit être propagée la déclaration des droits que confèrent au Christ sa dignité et son autorité royales.

En conséquence, en vertu de Notre autorité apostolique, Nous instituons la fête de Notre-Seigneur Jésus-Christ-Roi. Nous ordonnons qu'elle soit célébrée dans le monde entier, chaque année, le dernier dimanche d'octobre, c'est-à-dire celui qui précède immédiatement la solennité de la Toussaint. Nous prescrivons également que chaque année, en ce même jour, on renouvelle la consécration du genre humain au Sacré Coeur de jésus, consécration dont Notre prédécesseur Pie X, de sainte mémoire, avait déjà ordonné 7e renouvellement annuel. Toutefois, pour cette année, Nous voulons que cette renovation soit faite le 31 de ce mois. En ce jour, Nous célébrerons la messe pontificale en l'honneur du Christ-Roi et nous ferons prononcer en Notre présence cette consécration. Nous ne croyons pas pouvoir mieux et plus heureusement terminer l'Année Sainte ni témoigner plus éloquemment au Christ, « Roi immortel des siècles », Notre reconnaissance - comme celle de tout l'univers catholique, dont Nous Nous faisons aussi l'interprète - pour les bienfaits accordés en cette période de grâce à Nous-même, à l'Église et à toute la catholicité.

Il est inutile, Vénérables Frères, de vous expliquer longuement les motifs, d'une fête distincte du Christ-Roi, alors que d'autres solennités font ressortir et glorifient, dans une certaine mesure, sa dignité royale. II suffit pourtant d'observer que, si toutes les fêtes de Notre-Seigneur ont le Christ, suivant l'expression consacrée par les théologiens, comme objet matériel, cependant leur objet formel n'est d'aucune façon la puissance et l'appellation loyales du Christ.

En fixant la fête un dimanche, Nous avons voulu que le clergé ne fût pas seul à rendre ses hommages au Divin Roi par la célébration du Saint Sacrifice et la psalmodie de l'Office, mais que le peuple, dégagé de ses occupations habituelles et animé d'une joie sainte, pût donner un témoignage éclatant de son obéissance au Christ comme à son Maître et à son Souverain. Enfin, plus que tout autre, le dernier dimanche d'octobre Nous a paru désigné. pour cette solennité : il clôt à peu près le cycle de l'année liturgique ; de la sorte, les mystères de la vie de Jésus-Christ commémorés au cours antérieur de l'année trouveront dans la solennité du Christ-Roi comme leur achèvement et leur couronnement, et, avant de célébrer la gloire de tous les Saints, la liturgie proclamera et exaltera la gloire de Celui qui triomphe en tous les Saints et tous les élus.

Il est de votre devoir, Vénérables Frères, comme de votre ressort, de faire précéder la fête annuelle par une série d'instructions données, en des jours déterminés, dans chaque paroisse. Le peuple sera instruit et exactement renseigné sur la nature, la signification et l'importance de cette fête ; les fidèles règleront dès lors et organiseront leur vie de manière à la rendre digne de sujets loyalement et amoureusement soumis à la souveraineté du Divin Rois »

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Message par Her Lun 6 Juin - 12:42

http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2011/06/benoît-xvi-aux-responsables-civils-et-religieux-la-conscience-lieu-de-lécoute-de-la-vérité-et-du-bie.html

04 juin 2011

Benoît XVI aux responsables civils et religieux : la conscience, lieu de l’écoute de la vérité et du bien

Extrait de ce discours qui fera date :

"je voudrais introduire ici le thème central de ma brève réflexion : celui de la conscience. Il est transversal par rapport aux différents domaines qui y sont engagés et il est fondamental pour une société libre et juste, aussi bien au niveau national que supranational. Je pense naturellement à l’Europe, dont la Croatie fait partie depuis toujours au point de vue historique et culturel, tandis qu’elle est sur le point d’y entrer au plan politique et institutionnel. Eh bien, les grandes conquêtes de l’époque moderne, c’est-à-dire la reconnaissance et la garantie de la liberté de conscience, des droits humains, de la liberté de la science et donc d’une société libre, sont à confirmer et à développer en maintenant cependant la rationalité et la liberté ouvertes à leur fondement transcendant, pour éviter que ces conquêtes s’auto-annulent, comme nous devons malheureusement le constater en de nombreux cas. La qualité de la vie sociale et civile, la qualité de la démocratie dépendent en bonne partie de ce point « critique » qu’est la conscience, de la façon dont on l’entend et de tout ce qui est investi pour sa formation. Si la conscience, selon la pensée moderne prédominante, est réduite au domaine du subjectif, où sont reléguées la religion et la morale, la crise de l’Occident n’a pas de remède et l’Europe est destinée à la régression. Si au contraire la conscience est redécouverte comme lieu de l’écoute de la vérité et du bien, lieu de la responsabilité devant Dieu et devant les frères en humanité – qui est la force contre toute dictature – alors il y a de l’espérance pour l’avenir.

Je suis reconnaissant au Professeur Zurak d’avoir rappelé les racines chrétiennes de nombreuses institutions culturelles et scientifiques de ce pays, comme du reste c’est le cas pour tout le continent européen. Rappeler ces origines est nécessaire, même pour la vérité historique, et il est important de savoir lire en profondeur ces racines, pour qu’elles puissent aussi animer l’aujourd’hui.

C’est-à-dire qu’il est décisif de saisir le dynamisme qu’il y a – par exemple – dans l’événement de la naissance d’une université, ou d’un mouvement artistique, ou d’un hôpital. Il faut comprendre le pourquoi et le comment cela est arrivé, pour valoriser dans l’aujourd’hui ce dynamisme, qui est une réalité spirituelle qui devient culturelle et donc sociale. À la base de tout, il y a des hommes et des femmes, il y a des personnes, des consciences, mues par la force de la vérité et du bien. Quelques-uns ont été cités, parmi les fils illustres de cette terre.

Je voudrais m’arrêter sur le Père Ruđer Josip Bošković, Jésuite, qui naquit à Dubrovnik il y a trois cents ans, le 18 mai 1711. Il personnifie très bien l’heureuse union entre la foi et la science, qui se stimulent mutuellement pour une recherche à la fois ouverte, diversifiée et capable de synthèse. Son œuvre majeure, la Theoria philosophiae naturalis, publiée à Vienne et ensuite à Venise au milieu du dix-huitième siècle, porte un sous-titre très significatif : redacta ad unicam legem virium in natura existentium, c’est-à-dire « selon l’unique loi des forces qui existent dans la nature ». Chez Bošković il y a l’analyse, il y a l’étude des multiples branches du savoir, mais il y a aussi la passion pour l’unité. Et cela est typique de la culture catholique. Pour cette raison la fondation d’une Université catholique en Croatie est un signe d’espérance. Je souhaite qu’elle contribue à faire l’unité entre les divers domaines de la culture contemporaine, les valeurs et l’identité de votre peuple, donnant une continuité au fécond apport ecclésial à l’histoire de la noble Nation croate. Revenant au Père Bošković, les experts disent que sa théorie de la « continuité », valable aussi bien dans les sciences naturelles que dans la géométrie, s’accorde excellemment avec certaines des grandes découvertes de la physique contemporaine. Que dire ? Rendons hommage à l’illustre Croate, mais aussi à l’authentique Jésuite ; rendons hommage au passionné de la vérité qui sait bien combien elle le dépasse, mais qui sait aussi, à la lumière de la vérité, engager à fond les ressources de la raison que Dieu lui-même lui a données.

Au-delà de l’hommage, cependant, il faut mettre à profit la méthode, l’ouverture d’esprit de ces grands hommes. Revenons donc à la conscience comme clé de voûte pour l’élaboration culturelle et pour la construction du bien commun. C’est dans la formation des consciences que l’Église offre à la société sa contribution la plus personnelle et la plus précieuse. Une contribution qui commence dans la famille et qui trouve un important renforcement dans la paroisse, où les enfants et les adolescents, et ensuite les jeunes apprennent à approfondir les Saintes Écritures, qui sont le « grand code » de la culture européenne ; et en même temps ils apprennent le sens de la communauté fondée sur le don, non sur l’intérêt économique ou sur l’idéologie, mais sur l’amour, qui est « la force dynamique essentielle du vrai développement de chaque personne et de l’humanité tout entière » (Caritas in veritate, n. 1). Cette logique de la gratuité, apprise dans l’enfance et dans l’adolescence, se vit ensuite dans tous les domaines, dans le jeu et dans le sport, dans les relations interpersonnelles, dans l’art, dans le service volontaire des pauvres et de ceux qui souffrent. Une fois assimilée, elle peut se décliner dans les domaines plus complexes de la politique et de l’économie, participant à la construction d’une cité (polis) qui soit accueillante et hospitalière, et en même temps qui ne soit pas vide, ni faussement neutre, mais riche de contenus humains, à la forte consistance éthique. C’est ici que les fidèles laïcs (christifideles laici) sont appelés à user généreusement de leur formation, guidés par les principes de la Doctrine sociale de l’Église, pour une authentique laïcité, pour la justice sociale, pour la défense de la vie et de la famille, pour la liberté religieuse et la liberté d’éducation.

Chers amis, votre présence et la tradition culturelle croate m’ont suggéré ces brèves réflexions. Je vous les laisse en signe de mon estime et surtout de la volonté de l’Église de marcher au milieu de ce peuple à la lumière de l’Évangile. Je vous remercie de votre attention et de tout cœur je vous bénis tous ainsi que vos proches et vos activités".

Posté le 4 juin 2011 à 23h57 par Lahire
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